L’adtech Criteo, toujours 3e éditeur de logiciels français, va réaliser la moitié de son activité sans cookies

Société française de ciblage publicitaire sur Internet, fondée en 2005 (à Paris) et cotée depuis dix ans au Nasdaq (à New-York), Criteo accélère dans le « retail media » (publicité « personnalisée » au plus près des consommateurs), mettant fin aux cookies. L’adtech parisienne pourrait être la cible d’un acquéreur.

(Privacy International, ayant porté plainte en 2018 contre l’adtech, indique que la Cnil a auditionné le 16 mars Criteo qui risque une amende de 60 millions d’euros)

Le « retail media » est la nouvelle planche de salut de Criteo, le spécialiste français de la publicité ciblée et boostée à l’intelligence artificielle. En exploitant les quantités de données transactionnelles et commerciales (1) des internautes, que les marques et annonceurs veulent attirer avec des promotions et fidéliser, Criteo s’affranchit de plus en plus des cookies (2). Et ce, depuis que Google et Apple ont décidé de bannir ces mouchards pour préserver la vie privée de leurs utilisateurs. Il s’agit pour l’adtech parisienne devenue internationale de passer du seul re-ciblage publicitaire (retargeting) – nécessitant le dépôt controversé de cookies dans le navigateur du visiteur de sites web ou d’applications mobiles – à des solutions non-reciblées autour de sa plateforme Commerce Media. « Au cours de l’exercice 2022, nos solutions non-retargeting représentaient déjà près de 37 % de l’ensemble de nos activités (…), dont 47 % au quatrième trimestre de 2022. Nous investissons dans la croissance de ces solutions nonreciblées et nous nous attendons à ce qu’elles représentent près de 50 % de l’ensemble de nos activités en 2023, y compris l’intégration d’Iponweb », indique la société cotée à la Bourse de New-York depuis 2013, dans son rapport financier 2022 publié le 24 février dernier.

Le « retail media » sans cookies fait recette
Iponweb est une adtech russo-britannique rivale rachetée en août 2022 pour 250 millions de dollars à son fondateur russe Boris Mouzykantskii, devenu architecte en chef de Criteo. Dernière acquisition en date que l’adtech française a annoncée le 7 mars : l’australien Brandcrush, lui aussi spécialiste du retail media. Sorte de marketing-direct en ligne, le retail media consiste à faire de la publicité en ligne personnalisée – voire de l’ultra-personnalisation – au plus près de l’acte d’achat des consommateurs sur les sites ou applis de e-commerce ou en magasins connectés, chez le détaillant ou à proximité. Ce nouveau canal publicitaire en pleine croissance permet aux marques, commerçants et sites web (de e-commerce et de média) de stimuler les ventes de produits, de services ou d’applications auprès du client ciblé – appelé « shopper » – en fonction de ses intérêts, de ses goûts et de ses emplettes. Les plateformes de e-commerce, les boutiques en lignes et les hypermarchés (comme E.Leclerc, Auchan, Boulanger ou Fnac Darty, clients de Criteo en France) deviennent ainsi des « médias commerciaux », qui, grâce à des adtech comme l’icône de la French Tech, peuvent monétiser leur inventaire publicitaire et Continuer la lecture

10 ans du Digital News Report : le shopping en plus

En fait. Le 10 janvier, le Reuters Institute (for the Study of Journalism), de l’Université d’Oxford, a publié son rapport annuel « Digital News Report » – qui a 10 ans – sur les tendances et prévisions du journalisme, des médias et de la technologie pour 2022. L’information et le e-commerce vont se mélanger.

En clair. « Attendez-vous à trouver des actualités mélangées avec plus de shopping en ligne cette année, alors que Instagram, TikTok, et Snap s’appuient sur le commerce électronique », prévient le Digital News Report annuel, qui est publié depuis maintenant dix ans (2012-2022), avec toujours comme auteur principal Nic Newman. Il est chercheur associé au Reuters Institute for the Study of Journalism (RISJ), partie intégrante de l’Université d’Oxford (1). Ce centre de recherche journalistique se présente aussi comme un think tank, financé par la fondation de l’agence de presse mondiale Reuters (2), concurrente de l’Agence France-Presse (AFP), ainsi que par des médias tels que la BBC, Facebook, Google ou encore le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung. Le rapport 2022 du RISJ souligne pour la première fois que « le Social Shopping décolle » et les médias s’engouffrent dans la brèche.
« Qu’il s’agisse de vêtements de sport ou de maquillage, les consommateurs naviguent, découvrent et achètent de plus en plus de produits sur les plateformes de médias sociaux (…). Certains éditeurs cherchent à encaisser [eux aussi], constate le Digital News Report. La grande question est de savoir si cela fonctionnera pour les éditeurs d’actualités. (…) Le commerce électronique est plus adapté aux marques de style de vie [lifestyle], et les informations de dernière minute [breaking news] sont largement banalisées [commoditised]». Vendre sur les réseaux sociaux du contenu journalistique, comme l’on y vend des vêtements ou de l’électroménager, attire de plus en plus d’éditeurs. Articles, podcasts, courtes vidéos ou newsletters électroniques : les « lecteurs » sont invités à acheter pour s’informer tout en faisant leur shopping.
Les recettes issues du « e-commerce » sont d’ailleurs citées par 30 % des éditeurs comme une source de revenu importante pour 2022. Mais le rapport RISJ ne précise pas s’il s’agit d’activités diversifiées de « shopping » (comme au New York Times), d’annonces immobilières ou classées, voire de billetterie en ligne (à l’instar du Figaro), ou bien de vente de contenus éditoriaux en mode « Social Shopping ». Sans doute le « mélange de modèles » dont parle Nic Newman (3). Reste que l’abonnement demeure la principale source de leurs revenus (pour 79 % des éditeurs), suivie de l’affichage publicitaire (73 %), du native advertising (4) et des événements (40 %). @

Le président chinois Xi Jinping se mue en « Grand Timonier » de l’économie numérique de son pays

Alors qu’il est depuis près de dix ans président de la République populaire de Chine, Xi Jinping n’a jamais été aussi centralisateur et exigeant sur la manière de réguler le capitalisme dans l’Empire du Milieu. Tout en accentuant la censure de l’Internet, le secrétaire du parti communiste chinois met au pas la finance de ses géants du numérique.

Le président de la Chine, Xi Jinping (photo), et son homologue des Etats-Unis, Joe Biden, lequel a pris l’initiative de cet appel, se sont longuement parlé au téléphone le 9 septembre au soir. Les dirigeants des deux plus grandes puissances économies mondiales, dont le dernier coup de fil remontait à sept mois auparavant (février 2021), ont eu une « discussion stratégique » pour tenter d’apaiser les relations sino-américaines qui s’étaient tendues sous l’administration Trump. Durant leur entretien de près d’une heure et demie, ils sont convenus d’éviter que la concurrence exacerbée entre leur deux pays ne dégénère en conflit.
Cet échange franc au sommet – où économie, tarifs douaniers punitifs, restrictions à l’exportation (1), affaire « Huawei », climat et coronavirus ont été parmi les sujets abordés – semble tourner la page de la guerre économique engagée par Donald Trump. En apparence seulement, car l’administration Biden a fait siennes les accusations lancées – sans preuve – par l’ancien locataire de la Maison-Blanche à l’encontre du géant technologique chinois Huawei toujours accusé de cyber espionnage via notamment ses infrastructures 5G dont il est le numéro un mondial (2). Face aux coups de boutoir de Washington (3), la firme de Shenzhen a perdu la première place mondiale des fabricants de smartphone qu’il avait arrachée un temps à Samsung début 2020 et après avoir délogé Apple de la seconde début 2018 (4).

Digital Services Act et Digital Markets Act : projets règlements européens sous influences

La proposition de règlement pour un « marché unique des services numériques » (DSA) et la proposition de règlement sur les « marchés contestables et équitables dans le secteur numérique » (DMA) sont sur les rails législatives. Chacun des rapporteurs est très courtisé par les lobbies.

La commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs (Imco) du Parlement européen s’est réunie le 21 juin dernier pour examiner les projets de rapports de respectivement Christel Schaldemose (photo de gauche), rapporteur du projet de règlement DSA (Digital Services Act), et de Andreas Schwab (photo de droite), rapporteur du projet de règlement DMA (Digital Markets Act). Dans les deux cas, le délai pour le dépôt des amendements avait été fixé au 1er juillet.

Les GAFAM se retrouvent aux Etats-Unis dans l’oeil du cyclone antitrust, avec risque de démantèlement

Le vent tourne. A deux mois de la prise de fonction de la juriste Lina Khan au poste de présidente de la FTC, l’autorité de la concurrence américaine, un paquet de six projets de loi « anti-monopole » des Big Tech a été adopté le 24 juin 2021 par la commission des Affaires judiciaires de la Chambre des représentants des Etats-Unis.

La commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, en rêve ; la future présidente de l’autorité de la concurrence américaine, Lina Khan (photo), va peut-être le faire : mettre au pas les GAFAM, si ce n’est les démanteler, pour mettre un terme aux abus de position dominante et aux pratiques monopolistiques de ces Big Tech nées aux Etats-Unis et déployées dans la plupart des régions du monde, au point d’asphyxier toute concurrence sérieuse voire de tuer dans l’oeuf toute innovation provenant de start-up gênantes. « Protéger les consommateurs américains », tel est le leitmotiv de la Federal Trade Commission (FTC) que va présider à partir du mois de septembre l’Américaine Lina Khan, née en Europe (à Londres) de parents pakistanais il y a un peu plus de 32 ans. Cette brillante juriste, que le président américain Joe Biden a nommée à la tête de l’autorité fédérale de la concurrence et de l’anti-monopole, s’est forgée une réputation « anti-GAFAM » très redoutée des Big Tech. Son premier fait d’arme est un article paru en 2017 dans le Yale Law Journal de l’université américaine Yale et intitulé « Paradoxe anti-monopole d’Amazon« . Le ton est donné. La politique concurrentielle américaine a permis à des mastodontes comme la firme de Jeff Bezos d’écraser les prix et la concurrence, sur fond d’emplois précaires et d’optimisation fiscale.