Différence entre les blocages de TeamAlexandriz (2021) et de Z-Library (2022) : le rôle de l’Arcom

Prise le 25 août 2022 par le tribunal judiciaire de Paris, la décision de blocage des adresses Internet de Z-Library – vaste bibliothèque en ligne – est applaudie par les maisons d’édition en France. Mais le piratage d’ebooks, avec ses sites miroirs désormais listés par l’Arcom, est sans frontières.

Orange, Bouygues Telecom, SFR et Free sont obligés rendre inaccessible sur l’Hexagone la bibliothèque en ligne Z-Library, condamnée pour contrefaçon de livres numériques. Edition Multimédi@ a constaté que le blocage sur les « box » de ces fournisseurs d’accès à Internet (FAI) était effectif : « Désolé, impossible d’accéder à cette page », nous a confirmé le navigateur en voulant par exemple aller sur « fr.z-lib.org » ou sur « http://z-lib.org ». Le jugement du 25 août 2022, que nous nous sommes procurés (1), liste 209 noms de domaine de Z-Library à rendre inaccessibles « pendant une durée de 18 mois ». Sont ainsi neutralisés autant de sites dits « miroirs » permettant jusqu’alors d’entrer dans cette bibliothèque parallèle géante, qui est une des multiples déclinaisons de Library Genesis d’origine russe.

Listes noires des sites et des miroirs
Le Syndicat national de l’édition (SNE) et une douzaine de maisons d’édition (Actes Sud, Albin Michel, Cairn, Editis, Hachette Livre, Humensis, Lefebvre-Sarrut, LexisNexis, Madrigall, Maison des Langues, Odile Jacob, et les Presses de Science Po) avaient attaqué le 29 juin 2022 le site web Zlibrary devant le tribunal judiciaire de Paris, dans le cadre d’une procédure accélérée au fond. Vingt-cinq jours après le rendu de la décision de blocage (le temps que la signification du jugement aux FAI soit faite aux interressés), le SNE s’est notamment félicité des « nouvelles prérogatives confiées à l’Arcom en matière d’extension du blocage à tout lien redirigeant vers une réplique de site bloqué ».
Et pour cause, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (née de la fusion entre le CSA et l’Hadopi) se retrouve aux avant-postes de la lutte contre le piratage en ligne. Et ce, depuis la promulgation il y a presqu’un an de la loi du 25 octobre 2021 « relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique » (2). C’est cette loi « Anti-piratage » qui a porté sur les fonts baptismaux législatifs l’Arcom – présidée par Roch-Olivier Maistre (photo) jusqu’en janvier 2025 – en lui attribuant de nouveaux pouvoirs de régulation, notamment en la chargeant de constituer « une liste » – surnommée, hors texte de loi, « liste noire » – des « services porta[n]t atteinte, de manière grave et répétée, aux droits d’auteur ou aux droits voisins ». En outre, l’Arcom a le pouvoir supplémentaire de « lutte contre les sites miroirs ». Ainsi, la loi « anti-piratage » a rajouté une disposition « sites miroirs » dans le code de la propriété intellectuelle (CPI) qui permet à « un titulaire de droits partie à la décision judiciaire » – par exemple l’un des douze maisons d’édition dans l’affaire « ZLibrary » – de saisir l’Arcom pour lui demander de mettre à jour la décision de blocage avec les nouvelles adresses Internet des sites miroirs. En l’occurrence, le blocage à effectuer par les FAI devra suivre l’évolution de la liste noire qui dépassera sûrement les 209 noms de domaine initialement identifiées. Pour l’heure, dans l’affaire « Z-Library », la décision de justice a été rendue le 25 août 2022 : il ne reste plus qu’à un ayant droit concerné de saisir l’Arcom en s’appuyant sur l’article L. 331-27 du CPI. Que dit-il ? « Lorsqu’une décision judiciaire passée en force de chose jugée a ordonné toute mesure propre à empêcher l’accès à un service de communication au public en ligne en application de l’article L. 336-2 [du CPI, nous y reviendrons, ndlr], l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique [Arcom], saisie par un titulaire de droits partie à la décision judiciaire, peut demander à toute personne visée par cette décision (…) d’empêcher l’accès à tout service de communication au public en ligne reprenant en totalité ou de manière substantielle le contenu du service mentionné par ladite décision ». Bref, toute nouvelle apparition d’un site miroir lié de près ou de loin à la plateforme pirate condamnée devra faire aussi l’objet d’un blocage de la part non seulement des quatre principaux opérateurs télécoms français mais aussi des moteurs de recherche ou des annuaires de référencement (si le juge le décide).
Pour ce faire, c’est l’Arcom qui communiquera « précisément » à tous ces acteurs « les données d’identification du service en cause » à bloquer et à déréférencer. La loi « anti-piratage » prévoit même que l’Arcom passe des accords avec« les ayants droit et toute personne susceptible de contribuer à remédier aux atteintes aux droits d’auteur et droits voisins en ligne » pour déterminer notamment les conditions d’« information réciproque » sur l’existence de tout site miroir.

Saisines « L. 336-2 » et « L. 331-27 »
L’Arcom peut en outre – « en cas de difficulté » – demander aux services de communication au public en ligne de se justifier. En lisant la fin de l’article L. 331-27 du CPI, l’on comprend implicitement que l’Arcom peut saisir, « en référé ou sur requête », l’autorité judiciaire pour « ordonner toute mesure destinée à faire cesser l’accès à ces services ». Cette saisine-là peut se faire « sans préjudice de la saisine prévue à l’article L. 336-2. ». Il y a donc deux types de saisine des tribunaux pour faire bloquer et déréférencer des sites web pirates d’œuvres ou d’objets protégés par le droit d’auteur : la saisine « L. 336-2 » par des titulaires de droits, leurs ayants droit, des organismes de gestion collective, des organismes de défense professionnelle, ou même par le CNC – le Centre national du cinéma et de l’image animée (3) ; la saisine « L. 331-27 » par l’Arcom (bien que cela ne soit pas clairement spécifié dans le texte de loi) lorsqu’elle-même est saisie par un titulaire de droits concerné par la décision judiciaire rendue à l’issue de la première saisine. Cette justice à deux détentes (liste noire initiale des sites web à neutraliser, liste noire mise à jour avec les sites miroirs) tend vers le black-out – total ? – de la plateforme incriminée. Prochains : Pirate Library Mirror, Bookys, … « Ce succès collectif vient conclure l’expérimentation inédite de cette procédure pour le livre, et ouvre la voie à de nouvelles actions – des éditeurs et du SNE – de blocage et de déréférencement, rapides et systématiques, contre des sites web proposant des contenus illicites violant le droit d’auteur », a prévenu le syndicat présidé par Vincent Montagne (PDG du groupe franco-belge Média-Participations).
Autant lors de la précédente affaire « Team Alexandriz », dont les responsables ont été condamnés au pénal en mai 2021 au bout de dix ans de procédure judiciaire (4), les sites miroirs passaient sous les radars, autant depuis la loi « Anti-piratage » d’octobre 2021 permet aux ayants droit et à l’Arcom d’agir devant la justice contre la résurgence de sites miroir dans une même affaire de type « Z-Library ». « Se présentant “comme une bibliothèque gratuite depuis 2009”, mais proposant un modèle payant d’accès aux œuvres contrefaites, le site Z-Library accessible via de multiples adresses, proposait un accès à plus de 8 millions de livres – tous secteurs éditoriaux confondus – et 80 millions d’articles piratés », précise le SNE qui compte 700 éditeurs français adhérents. Le site Z-Library (ex-BookFinder ou BookFi, alias B.ok.cc), affichait, lui, avant d’être blacklisté, un catalogue de 11,1 millions de livres et plus de 84,8 millions d’articles. Quelques jours avant d’être bloqué par Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free, cette « plus grandes bibliothèques en ligne dans le monde » lançait une « campagne de collecte » jusqu’au 1er octobre 2022 en guise d’« appel de fonds à tous ceux qui veulent contribuer encore plus au soutien et au développement de notre projet » (5). Certains internautes avisés peuvent contourner le blocage-filtrage par nom de domaine mis en place par les FAI (les DNS étant retirés de leurs répertoires d’adresses IP) et les principaux moteurs de recherche (déréférencement).
La précédente affaire « Team Alexandriz » avait été enclenchée il y a dix ans, avec là aussi la plainte du SNE, déposée en novembre 2012 avec six grands éditeurs français – Hachette, Editis, Gallimard, Albin Michel, La Martinière et Actes Sud. Le site qui se revendiquait comme le « n°1 sur les ebooks FR » avait cessé de fonctionner dès fin août 2013 mais la procédure judiciaire a continué pour s’éterniser près de dix ans (6), jusqu’à la condamnation pour contrefaçon de neuf des douze prévenus avec « circonstance aggravante de bande organisée ». Entre mai 2010 et juin 2013, était-il précisé, ce fut plus de 23.942 livres qui avaient été piratés, qu’il s’agisse de livres numériques sur lesquels les mesures de protection avaient été retirées ou de livres imprimés illégalement numérisés et corrigés (7). Certains responsables de Team Alexandriz ont écopé de peines d’emprisonnement avec sursis et le tribunal a condamné les neuf à « 10.000 euros de dommages et intérêts pour chaque éditeur et pour le SNE, en réparation du préjudice subi ». C’est relativement peu au regard de la peine maximale qu’ils encouraient : trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende, selon l’article L335-4 du CPI (8).
Avec la loi « Anti-piratage » et le renfort de l’Arcom dans les actions judiciaires en « procédure accélérée », le SNE et les maisons d’éditions disposent désormais d’un double-levier procédural à leur disposition. A qui le tour : à Pirate Library Mirror ? Ce site web déclare : « Nous violons délibérément la loi sur le droit d’auteur dans la plupart des pays. (…) Miroir – Nous sommes strictement un miroir des bibliothèques existantes. (…) La première bibliothèque que nous avons reflétée est Z-Library. C’est une bibliothèque populaire (et illégale). Ils ont pris la collection Library Genesis et l’ont rendue facilement consultable » (9). Ou bien à Bookys ? Ce site web le reconnaît : « En rendant le téléchargement gratuit, Bookys enfreint les règles de protection des droits d’auteurs » (10).
Reste que la portée de ces condamnations au pénal pour contrefaçon a ses limites puisque celles-ci ne s’appliquent qu’en France. Alors que les sites et de leurs sites miroirs présumés pirates sont sans frontières. Le règlement européen sur les services numériques – le DSA (Digital Services Act) – est sur le point d’entrer en vigueur. Il prévoit lui aussi le blocage mais sur décision d’un juge. Ce ne seront ni les FAI, ni les plateformes numériques, ni les régulateurs qui peuvent bloquer d’eux-mêmes les contenus piratés.

Frontières : vers un blocage européen
L’affaire « Z-Library » apparaît comme un marqueur dans l’histoire de la lutte contre le piratage de contenus protégés. Du moins en France, en attendant des actions au niveau européen lorsque le DSA sera pleinement applicable. Si les livres numériques sont concernés par cette décision de blocage du 25 août 2022, à laquelle l’Arcom contribue devant la justice avec la mise à jour de sa liste des sites miroirs et d’éventuels nouveaux recours, le nouvel arsenal judicaire est à la disposition de toutes les industries culturelles : livre mais aussi musique, cinéma, retransmissions sportifs, ou encore jeux vidéo. @

Charles de Laubier

Et si les réseaux sociaux étaient régulés par l’intelligence collective de la seule société civile

« Nous sommes les réseaux sociaux » est un essai de Serge Abiteboul, un des sept membres du collège de l’Arcep, et de Jean Cattan, secrétaire général du Conseil national du numérique (CNNum). Ils prônent « une véritable régulation-supervision » des réseaux sociaux « opérée par la société ».

Paru le 7 septembre 2022 aux éditions Odile Jacob, le livre de Serge Abiteboul (photo de gauche) et de Jean Cattan (photo de droite) – intitulé « Nous sommes les réseaux sociaux » – propose un nouveau modèle de régulation des Facebook, Twitter et autres TikTok. « Entre la censure excessive et le laisser-faire, une autre voie est possible, plus démocratique, plus participative », assurent-ils. Au bout de 250 pages (1), ils lancent un appel : « Une véritable régulation supervision opérée par la société nous paraît souhaitable. Une telle initiative permettrait d’animer un débat citoyen pour choisir la modération que nous souhaitons ».

Les risques d’un Etat « modérateur »
« Oui à une régulation fondée sur un débat citoyen, une régulation par la société », prônent Serge Abiteboul et Jean Cattan, respectivement membre du collège de l’Arcep et secrétaire général du Conseil national du numérique (CNNum). Cette régulation-supervision par la société gagnerait ainsi «sa légitimité à imposer aux réseaux sociaux une modération raisonnable qui donnerait à tous les moyens de s’exprimer dans le respect de chacun ». Et de prendre en exemple Wikipedia : l’encyclopédie en ligne montre qu’« il est possible d’exercer collectivement une forme d’intelligence de modération qui fonctionne », en tirant parti des « dynamiques collectives vertueuses ». Jimmy Wales, le fondateur de Wikipedia (2), a d’ailleurs lancé en 2019 un réseau social qu’il décrit comme « non-toxique » : WT.Social (3). L’intelligence collective des internautes en guise de régulation des réseaux sociaux serait elle la solution ? L’autorégulation par les plateformes elles-mêmes montre ses limites ; la censure stricte des contenus porte atteinte à la liberté d’expression et à la liberté d’informer ; la modération rigoriste freine l’émergence de nouvelles idées. Par conséquent, une régulation-supervision par la société semble la bonne voie : « Nous sommes les réseaux sociaux », titrent justement les auteurs de cet essai.
Mais cette régulation-supervision doit-elle se faire par l’intelligence collective de la société civile elle-même et, donc, sans l’intervention d’une autorité de régulation relevant d’un Etat, ou bien faudrait-il que cette régulation-supervision soit encadrée par les pouvoirs publics (gouvernement, régulateur, législateur, justice, …) ? Serge Abiteboul et Jean Cattan rejettent d’emblée – et c’est heureux – la voie d’une régulation tout-étatique : « Une régulation-supervision qui consacrerait un tête-à-tête entre l’Etat et le réseau social ne serait pas (…) à l’abris d’un rejet de la société ». Ils prônent donc « une véritable contribution (…) de la société à la modération [qui] serait non seulement gage d’une plus grande acceptabilité mais surtout d’une plus grande qualité ». Pour autant, les deux auteurs écartent implicitement la voie – pourtant possible – d’une régulation-supervision par la seule société civile, à la manière de Wikipedia dont ils parlent – et où ce sont les 103,9 millions d’individus contributeurs et les 3.762 administrateurs, au 20 septembre 2022 (4), qui ont voix au chapitre et non les régulateurs ni les gouvernements.
Au lieu de cela, le membre de l’Arcep et le secrétaire général du CNNum retiennent plutôt une approche à la manière de la « Mission Facebook ». A savoir : « Que les réseaux sociaux entrent dans un dialogue politique informé avec toutes les parties prenantes [gouvernement, législateur, justice, entreprises, société civile, …], collectivement ». Cette idée d’une « corégulation entre les plateformes et les autorités publiques » avait été évoquée par Mark Zuckerberg, PDG cofondateur de Facebook, et Emmanuel Macron, le président de la France, lors de leur rencontre en 2018 (5). Le rapport de la « Mission Facebook », remis par Macron à Zuckerberg le 17 mai 2019 à l’Elysée (6), a inspiré l’Europe sur certains points du DSA (Digital Services Act) : comme la « supervision » des moyens mis en œuvre par les plus grandes plateformes numériques – celles présentant un « risque systémique » – pour modérer les contenus nocifs. Mais le DSA, lui, n’associe pas directement la société civile et les internautes.

Europe : l’acte manqué du DSA
La « régulation-supervision » reste entre les mains de la Commission européenne (sur les très grandes plateformes), le nouveau Comité européen des services numériques (sur les services intermédiaires) et les régulateurs nationaux (en fonction du pays d’origine). La société civile, elle, reste absente de cette régulation-supervision des réseaux sociaux. « Un tel cadre [associant la société civile] pourrait enrichir le DSA [et] s’appliquer aussi au DMA [Digital Markets Act, ndlr], permettant ainsi à toute la société de participer à l’élaboration des objectifs de régulations », concluent les auteurs. En France, le Conseil d’Etat vient de recommander d’« armer la puissance publique dans son rôle de régulateur » (7) des réseaux sociaux… @

Charles de Laubier

DSA et DMA : deux épées de Damoclès sur les Gafam

En fait. Le 5 juillet, le Parlement européen a procédé au vote final des deux textes législatifs européens sur respectivement les services numériques (DSA) adopté par 539 voix pour (54 contre/30 abstentions) et les marchés numériques (DMA) adopté par 588 voix pour (11 contre/31 abstentions). Ce que risquent les Gafam.

En clair. Maintenant que le Parlement européen, réuni à Strasbourg, a adopté par deux votes finaux le 5 juillet 2022 les deux piliers de la nouvelle régulation d’Internet et de l’économie numérique, il reste encore l’approbation officielle du Conseil de l’Union européenne (UE) qui interviendra courant juillet pour le DMA (Digital Markets Act) et en septembre pour le DSA (Digital Services Act). Pour autant, ces deux textes législatifs n’entreront pleinement en application que bien plus tard : le DSA quinze mois après son entrée en vigueur ou à partir du 1er janvier 2024, la date la plus tardive étant retenue (1) ; le DMA six mois après son entrée en vigueur (2). Ce point de départ de « l’entrée en vigueur » correspond au vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’UE (JOUE).
« Toutefois », précisent les deux règlements, des articles sont applicables dès cette entrée en vigueur : pour le DSA les rapports de transparence incombant aux fournisseurs de plateformes en ligne, et des dispositions concernant les très grandes plateformes en ligne aux « risques systémiques » ; pour le DMA les obligations incombant aux contrôleurs d’accès (gatekeepers) et celles concernant l’interopérabilité des services de messageries sur Internet (3). Les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, les plateformes de e-commerce et les places de marché sont les premiers concernés par ce nouvel arsenal. De par les sanctions qu’ils prévoient en cas d’infraction, ces textes européens – uniques au monde – constituent deux épées de Damoclès au-dessus des têtes des géants du numérique, américains (Gafam) ou asiatique (Alibaba, TikTok et autres Huawei). Si un gatekeeper enfreint le DMA, il encourt une amende pouvant atteindre 10 % de son chiffre d’affaires mondial annuel, voire 20 % en cas de récidive.
Si un « fournisseur de services intermédiaire » se retrouve en infraction avec les obligations du DSA, il peut se voir infliger une amende représentant jusqu’à 6 % de son chiffre d’affaires mondial annuel. Et il risque une sanction pécuniaire jusqu’à 1% de ses revenus ou de son chiffre d’affaires mondial en cas de « fourniture d’informations inexactes, incomplètes ou dénaturées », d’absence de réponse ou encore de « manque-ment à l’obligation de se soumettre à une inspection ». Boîtes noires, algorithmes, intelligence artificielle et autres ciblages publicitaires sont tenus à la transparence. @

Mineurs, réseaux sociaux et sites pornos : contrôle de l’âge et risques sur la vie privée

Alors qu’une procédure de l’Arcom s’éternisent devant la justice contre cinq sites web pornographiques (Pornhub, Ttukif, xHamster, Xnxx, et Xvideos), le contrôle de l’âge – pour interdire aux mineurs l’accès à ces contenus pour adultes ou l’inscription sur les réseaux sociaux – pose problème.

Cela fait un an que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a publié – le 9 juin 2021 – huit recommandations pour « renforcer la protection des mineurs en ligne » (1), dont une – la septième – s’intitule « Vérifier l’âge de l’enfant et l’accord des parents dans le respect de sa vie privée ». Car la question du contrôle de l’âge est complexe et difficile à mettre en œuvre au regard de la protection de la vie privée et du principe de l’anonymat. Or, 44 % des 11-18 ans déclarent avoir déjà menti sur leur âge pour utiliser les réseaux sociaux (2). Et quelle proportion des mineurs ont déclaré être majeurs sur les sites web à caractère pornographique ?

Vérifier l’âge : pas de procédé fiable (PEReN)
Vérifier l’âge de l’internaute reste encore à ce jour un problème car les solutions de contrôle sont soit facilement contournables (déclaration qui peut être mensongère, vérification par e-mail inefficace, …), soit portant atteinte à la protection des données et à la vie privée (reconnaissance faciale jugée disproportionnée, utilisation des données recueillies à des fins commerciales ou publicitaires, …). A ce jour, les réseaux sociaux – le plus souvent interdits aux moins de 13 ans (voire moins de 16 ans dans certains autres pays européens comme l’Allemagne), et les sites web pornographiques interdits aux moins de 18 ans – ne savent pas vraiment comment procéder pour être irréprochables dans le contrôle de l’âge de leurs utilisateurs.
A Bercy, le Pôle d’expertise de la régulation numérique (PEReN) – rattaché à la Direction générale des entreprises (DGE) et placé sous l’autorité conjointe des ministres chargés de l’Economie, de la Culture et du Numérique (3) – a publié le 20 mai dernier une étude à ce sujet. « Détection des mineurs en ligne : peut-on concilier efficacité, commodité et anonymat ? », s’interroge cette entité interministérielle. Son constat : « Aujourd’hui, pratiquement aucun service en ligne n’utilise de procédé fiable permettant de vérifier l’âge. Malgré leur multiplicité, peu de méthodes sont à la fois faciles à mettre en œuvre, peu contraignantes et respectueuses de la vie privée des utilisateurs, performantes et robustes face à des tentatives de fraude ». Le PEReN, qui est dirigé par Nicolas Deffieux (photo), fait aussi office de task force au service notamment de l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), au moment où celle-ci – du temps du CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) – a mis en demeure le 13 décembre 2021 cinq sites web pornographiques et les a enjoints de se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions du code pénal. Faute d’avoir obtempéré dans les temps (ultimatum de quinze jours), les cinq plateformes incriminées – Pornhub, Ttukif, xHamster, Xnxx, et Xvideos – se retrouvent devant la justice, à l’initiative de l’Arcom, dans le cadre d’une procédure « accélérée » qui s’éternise (4).
Selon NextInpact, la présidente du tribunal judiciaire de Paris a considéré le 24 mai dernier comme « caduque » l’assignation adressée par l’Arcom aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) afin qu’ils bloquent les cinq sites pornos. Raison de cette annulation : l’Arcom n’a informé le tribunal de cette assignation que le jour même de l’audience, au lieu de la veille au plus tard (5). L’Arcom doit donc réassigner les FAI, ce qui reporte l’audience de quelques semaines. Toujours selon NextInpact, les avocats des sites pornos réclament le dépôt d’une question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel et d’une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
Tandis que le Conseil d’Etat, lui, a été saisi de l’annulation du décret d’application du 7 octobre 2021 portant sur les «modalités de mise œuvre des mesures visant à protéger les mineurs contre l’accès à des sites diffusant un contenu pornographique » (6). Ce décret menace les FAI contrevenants à des sanctions pénales de « trois ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende lorsque ce message [à caractère violent, incitant au terrorisme, pornographique] est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur » (7). Surtout que « les infractions (…) sont constituées y compris si l’accès d’un mineur aux messages (…) résulte d’une simple déclaration de celui-ci indiquant qu’il est âgé d’au moins dix-huit ans » (8). Cette dernière disposition introduite dans le code pénal découle de la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales.

Vie privée : ne pas enfreindre le RGPD
Il y a donc péril judiciaire dans le porno. D’autant qu’une deuxième procédure, distincte de celle de l’Arcom, suit son cours en référé déposé devant le tribunal judiciaire par deux autres associations – La Voix de l’enfant et e-Enfance – sur la base de la loi « Confiance dans l’économie numérique » (loi LCEN de 2004). Son visés les mêmes sites pornos que dans la première affaire, mais avec MrSexe, IciPorno, YouPorn et RedTube (soit neuf au total). Or, à ce jour, l’absence de procédés fiables pour contrôler l’âge des internautes sans porter atteinte à la vie privée – et en respectant au niveau européen le règlement général sur la protection des données (RGPD) – rend la situation compliquée pour les réseaux sociaux et les sites pornos. « Les procédés techniques visant à vérifier la majorité d’âge ne sauraient conduire au traitement de données biométriques au sens de l’article 9 du RGPD, compte tenu de la nature particulière de ces données et du fait que le recueil du consentement de la personne concernée ne pourrait être considéré comme libre s’il conditionne l’accès au contenu demandé », avait mis en garde la Cnil dans son avis du 3 juin 2021 sur le projet de décret « Protéger les mineurs » (devenu le décret du 7 octobre 2021).

Double anonymat préconisé par la Cnil
Dans sa délibération parue au J.O. le 12 octobre de la même année (9), la Cnil écarte aussi le recours à la carte d’identité : « Serait considérée comme contraire aux règles relatives à la protection des données la collecte de justificatifs d’identité officiels, compte tenu des enjeux spécifiques attachés à ces documents et du risque d’usurpation d’identité lié à leur divulgation et détournement ».
Quoi qu’il en soit, l’article 8 du RGPD interdit l’utilisation de données personnelles des enfants âgés de moins de 13 à 16 ans, selon les Etats membres. La France, elle, a retenu l’âge de 15 ans. Ainsi, en-dessous de cet âge légal, la loi « Informatique et Libertés » impose – conformément au RGPD – le recueil du consentement conjoint de l’enfant et du titulaire de l’autorité parentale (10). Si la préoccupation première était de ne pas exposer les mineurs de 13 à 16 ans à de la publicité ciblée sur les réseaux sociaux, lesquels sont censés avoir mis en place des procédés de vérification de l’âge (11), cette obligation concerne désormais les sites web à caractère pornographique.
A noter que les jeux d’argent et de hasard en ligne (comme les paris sur Internet) sont également soumis au contrôle préalable de l’âge. Au niveau européen, la Commission européenne soutient l’initiative euConsent qui vise à mettre en place des systèmes de vérification de l’âge et de consentement parental qui soient interopérables, sécurisés et ouverts à l’échelle paneuropéenne – conformes à la certification eIDAS (12). Dans le consortium euConsent se côtoient Facebook, Google, les associations européennes respectivement des opérateurs télécoms historiques Etno et des fournisseurs d’accès à Internet EuroIspa, ou encore des organisations de protection de l’enfance. Le futur Digital Services Act (DSA), législation sur les services numériques, va introduire à son tour une interdiction de la publicité ciblée pour les mineurs.
Le contrôle de l’âge va se renforcer sur Internet, mais les méthodes de vérifications laissent à désirer. Le PEReN a classé dans son étude les solutions selon le mode de preuve employé (voir aussi tableau ci-dessous) :
• Le contrôle de l’âge, à l’aide d’un document portant l’identité et la date de naissance de la personne, à l’aide d’un document dont toutes les parties identifiantes auraient été supprimées avant tout traitement, ou enfin par les parents (contrôle parental) ;
• L’estimation algorithmique de l’âge sur la base du contenu publié ou utilisé par l’utilisateur sur le site ou bien à partir de données biométriques (voix, images, vidéos, …) ;
• Le déclaratif se basant uniquement sur les déclarations des internautes.
Le PEReN estime « primordial que la vérification de l’âge ne soit pas directement opérée par la plateforme ou le service en ligne afin de réduire le risque de croisement ou de réutilisation des données collectées lors de la vérification ». Il préconise alors « un mécanisme de tiers, voire de double tiers, [qui] peut être mis en place pour la transmission du résultat de la vérification précisément afin de minimiser ce risque ». Ainsi, ce mécanisme de doubletiers constitue une mise en œuvre possible du double anonymat recommandé par la Cnil, laquelle – en partenariat avec un laboratoire de l’Ecole polytechnique et le PEReN – a développé un prototype de ce mécanisme de vérification de l’âge par double anonymat pour en démontrer la faisabilité technique. D’après le PEReN « cette preuve de concept [devait] être rendue disponible fin mai ».
Contacté par Edition Multimédi@, son directeur général Nicolas Deffieux nous indique que la Cnil est maître des horloges. Le prototype est en effet entre les mains de Vincent Toubiana, qui y dirige le laboratoire d’innovation numérique (Linc). « Notre calendrier a été décalé et je n’ai actuellement aucune date de publication prévue », nous précise ce dernier. @

Charles de Laubier

DSA & DMA : compromis numérique en vue entre les Etats membres, à défaut de consensus

Les deux propositions de règlement, l’un pour un « marché unique des services numériques » (DSA) et l’autre sur les « marchés contestables et équitables dans le secteur numérique » (DMA), entrent dans leur dernière ligne droite législative. La Commission européenne en a été l’initiatrice il y a un an.

L’issue des tractations et des lobbyings autour des deux propositions de règlement DSA (Digital Services Act) et DMA (Digital Markets Act) va maintenant se jouer entre l’actuelle présidence slovène de l’Union européenne (jusqu’au 31 décembre) et la prochaine présidence française (du 1er janvier au 30 juin 2022). Une réunion des Etats membres des Vingt-sept est prévue le 25 novembre – « Rue de la Loi », dans les locaux de la Commission européenne à Bruxe l le s – s o u s le thème de « Compétitivité » dans le marché intérieur et l’industrie.

Pays d’origine ou de destination ?
Si la présidence du Conseil de l’Union européenne (UE) est tournante, au rythme semestriel, la présidence de la Commission européenne – actuellement Ursula von der Leyen et son bras armé digital Margrethe Vestager (photo) – poursuit son mandat de cinq ans jusqu’à fin 2024 (renouvelable une fois). L’exécutif européen entend bien être doté d’ici-là de pouvoirs pour veiller à la bonne application des deux propositions de règlement – DSA et DMA – qu’elle avait présentées le 15 décembre 2020, il y a près d’un an. Dans le projet de compromis du DSA daté du 18 novembre, que Edition Multimédi@ s’est procuré (1), il est prévu que « la Commission [européenne] dispose des pouvoirs de supervision et d’application des obligations applicables aux très grandes plateformes en ligne ou aux très grands moteurs de recherche en ligne ». Ce projet de texte sur le « marché unique des services numériques » sera soumis, comme celui sur les « marchés contestables et équitables dans le secteur numérique », aux gouvernements des Etats membres qui se réunissent donc le 25 novembre pour tenter d’adopter une position commune sur la régulation de l’Internet. Sont aussi prévues, à l’ordre du jour (2), des délibérations législatives sur le projet de compromis du DMA, daté lui du 5 novembre et que nous sommes également procurés (3).
L’un des points de divergence entre les Etats européens portait sur le principe du pays d’origine, qui, dans la proposition initiale de la Commission européenne, donne compétence transfrontalière au pays où l’entreprise numérique est établie, contrairement au principe du pays de destination. Des pays, dont la France, ont milité contre ce principe du pays d’origine, préféré par des pays comme l’Irlande ou le Luxembourg où de nombreuses Big Tech ont leur siège social européen. Par exemple, Google/ YouTube, Facebook, Microsoft et Apple ont leur quartier général européen respectif en Irlande (à la fiscalité super attractive de 12,5 %) – les trois premiers à Dublin et le dernier à Cork. Mais une dizaine de pays de l’UE emmenés par l’Irlande justement ont fait barrage à la France en estimant que le principe du pays de destination avancée par celle-ci présentait des risques de fragmentation du marché unique numérique et risquait de devenir une usine à gaz administrative pour les plateformes digitales concernées.
« Nous défendons l’idée que la Commission [européenne] puisse jouer un rôle plus important dans la régulation directe », avait déclaré le président de la République française, Emmanuel Macron, le 22 octobre dernier à l’issue du sommet européen (4). Par la suite, de façon à limiter le principe du pays d’origine (à défaut d’avoir eu gain de cause sur le principe du pays de destination), la France a proposé que l’exécutif européen ait « une autorité exclusive » sur les très grandes plateformes en ligne transfrontalière – ce que l’on désigne à Bruxelles par le sigle VLOP (Very Large Online Platforms), pour ne pas dire GAFAM. L’idée de la présidence slovène – à laquelle adhère la France et d’autres Etats membres soucieux d’éviter les blocages et les impasses (5) – est de donner les pleins pouvoirs à la Commission européenne – et notamment à son actuelle vice-présidente Margrethe Vestager – pour ne pas laisser faire des pays comme l’Irlande si le principe du pays d’origine était appliqué dans la mise en œuvre des futurs règlements DSA et DMA.

Compromis de la présidence slovène
C’est le 26 octobre dernier que le gouvernement français a formalisé sa proposition à travers des amendements portant sur le pouvoir de régulation de la Commission européenne sur le marché unique numérique. Finalement, la France s’est ralliée au compromis de la présidence slovène : maintenir le principe du pays d’origine, renoncer à la compétence exclusive de la Commission européenne sur les VLOP, mais en revanche « il faudrait au moins trois Etats membres pour demander à l’autorité dirigeante d’un autre pays d’ouvrir une enquête » à l’encontre d’une plateforme numérique. Et dans le cas où un Etat membre (via son autorité de la concurrence ou celle de la protection des données par exemple) serait en désaccord avec au moins un autre pays européen, ou à l’inverse ne prenait aucune mesure, la Commission européenne serait en droit de reprendre la main sur l’affaire. « Les conclusions préliminaires de l’enquête seraient ensuite communiquées au conseil d’administration des “coordonnateurs des services numériques” [ou Digital Services Coordinators (DSC), ndlr], qui rendra son avis à la Commission européenne qui en tiendra compte dans sa décision finale ». Après cette procédure d’enquête, l’exécutif européen devra faire part – dans un délai de deux mois – de sa décision contraignante pour l’autorité nationale concernée.

Pouvoirs de la Commission européenne
La Commission européenne pourrait devenir un super régulateur vis-à-vis des GAFAM, en ayant à trancher sur des différends portant sur les contenus circulant sur les grandes plateformes transfrontalières (contenus illicites, fausses informations, œuvres piratées, violations de la vie privée, etc.). La modération des échanges sur les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter, TikTok ou Snapchat pourrait par exemple être délicate pour l’exécutif européen, chargé de s’assurer que les contenus illicites et les cyberhaines sont bannis, car cela pourrait heurter dans certains cas les sensibilités nationales et porter atteinte à la liberté d’expression. Egalement délicats à réguler, les « deepfake » seront, eux, dans le viseur du futur règlement Artificial Intelligence Act (lire p. 4). Quant à la lutte contre les fake news, la désinformation et aux rumeurs non fondées, elle ne s’appuiera pas directement sur le règlement DSA mais sur le code de bonnes pratiques lancé en 2018 par la Commission européenne avec Google, Facebook, Twitter, Microsoft, Mozilla et TikTok, ainsi qu’avec des entreprises du secteur de la publicité. Ce « Code européen de bonnes pratiques contre la désinformation » a été revisité en mai dernier (6) après qu’il ait été jugé insuffisant par une autre vise-présidente de la Commission européenne, Véra Jourová, (chargée, elle, des valeurs et de la transparence), et par la Cour des comptes européenne dans un rapport publié en juin dernier (7). Ce dispositive d’auto-régulation est en train d’être durci avec les plateformes et acteurs concernés afin qu’une nouvelle version renforcée soit opérationnelle début 2022. Du côté des industries culturelles cette fois, les attentes sont élevées et les actions de lobbying aussi (8). Pour elles – musique, audiovisuel, presse, livre, photo, télévision, sports, jeux vidéo, etc. –, le projet de règlement DSA est déjà « une occasion manquée et un pas en arrière ». Plus d’une vingtaine d’organisations culturelles les représentant l’ont fait savoir directement à la présidence slovène, à la rapporteure du DSA au Parlement européen, Christel Schaldemose (9), ainsi qu’aux Etats membres, dans une « lettre ouverte » datée du 26 octobre dernier (10). « Si les propositions, dans leur forme actuelle, étaient approuvées, le DSA affaiblirait le régime actuel de responsabilité [des plateformes numériques ou hébergeur, ndlr] et aurait un effet néfaste sur les normes et les bonnes pratiques existantes en matière de traitement des contenus et activités illégaux, y compris les violations en ligne du droit d’auteur et des droits voisins », mettent en garde les industries culturelles. Parmi les signataires de cette missive, il y a par exemple l’IFPI pour les producteurs de musique enregistrée (dont fait partie le Snep en France), la FEP pour les éditeurs de livre (dont est membre le SNE en France), Eurocinema pour les producteurs cinématographiques et audiovisuels (dont font partie l’UPC, le SPI ou l’ARP en France), ou encore la Gesac pour les sociétés d’auteurs et de compositeurs (donc la Sacem). En revanche, la presse n’est curieusement pas représentée. Dans leur « signal d’alarme », les industries culturelles s’en prennent à la « sphère de sécurité » (safe harbour) aménagée pour les moteurs de recherche qui bénéficient, selon elles, d’« une immunité large et injustifiée » – alors qu’ils sont tenus par ailleurs de supprimer promptement et efficacement les contenus illicites. « Nous sommes également très préoccupés par les propositions prévoyant que les services intermédiaires puissent continuer à bénéficier des privilèges du safe harbour », ajoutent les signataires. Ils fustigent aussi « l’introduction de délais spécifiques (même supérieurs) pour la suppression de contenu illicites [qui] affaiblirait considérablement l’obligation actuelle de prendre des mesures “expéditives” ». « Pas assez », disent les industries culturelles Les industries culturelles préconisent au contraire « le “retrait rapide” autrement dit “le plus rapidement possible” pour tout le contenu [illicites ou piratés, ndlr], et même “immédiatement” pendant la diffusion en direct [de retransmission d’événements sportifs par exemple, ndlr] et pour le contenu qui a une sensibilité particulière au temps ». Dernier grief : la vingtaine d’organisations culturelles demandent à ce « que le champ d’application des obligations soit étendu pour assurer la traçabilité des utilisateurs professionnels (Know Your Business Customer) afin de s’attaquer au grave problème des opérateurs illégaux agissant à l’échelle commerciale et se cachant derrière de fausses identités ». A suivre. @

Charles de Laubier