Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a son nouveau président : ce qui attend Gaëtan Bruel

Un décret présidentiel du 5 février a officialisé la nomination d’un expert culturel, Gaëtan Bruel, à la présidence du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Il prend ses fonctions ce 17 février, pour trois ans, au moment où l’avenir du grand argentier du cinéma et de l’audiovisuel français est en jeu.

Le normalien de 37 ans Gaëtan Bruel (photo) prend ce lundi 17 février ses fonctions pour trois ans de président du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), après avoir été officialisé par décret présidentiel signé le 5 février. Soit… le même jour où le projet de loi de finances 2025 a été adopté par l’Assemblée nationale, dans la foulée du rejet de la motion de censure déposée par La France insoumise (LFI) contre le gouvernement Bayrou (1). Celui-ci avait engagé deux jours auparavant sa responsabilité en dégainant le « 49-3 » pour l’adoption de ce budget de l’année en cours, sur la base du texte que les sénateurs et députés ont approuvé le 31 janvier 2025 en commission mixte paritaire. Or ce texte controversé adopté à l’arrachée concerne aussi le CNC, dont le pactole financier intéresse depuis des années l’Etat (en l’occurrence Bercy), surtout en ces périodes de déficit budgétaire de la France en quête de rentrées d’argent. Justement, le CNC est la poule aux œufs d’or de « l’exception culturelle française » avec environ 770 millions d’euros de recettes annuelles – provenant de différentes taxes – et destinées à son « fonds de soutiens » pour le cinéma, l’audiovisuel et même le multimédia et le jeu vidéo. Ce pécule, que ne cesse de lorgner le ministère de l’Economie et des Finances, est reparti à la hausse après la crise sanitaire covid-19.

Déficit public : l’Etat prend 500 M € au CNC
Le budget 2025 table pour le CNC sur un « rendement prévisionnel total » de 768,5 millions d’euros cette année, auxquels s’ajouteront d’autres « cotisations (normale et supplémentaire) des entreprises cinématographiques », dont le montant est « non chiffrable » à ce stade. Or que prévoit la loi de finances 2025 telle qu’il a été promulguée au Journal Officiel du 15 février ? « Un prélèvement de 500 millions d’euros sur le fonds de roulement du Centre national du cinéma et de l’image animée […] », est décidé (2). Cette ponction exceptionnelle dans le trop plein de trésorerie du grand argentier du 7e Art français est faite par l’Etat au nom de l’effort demandé aux administrations publiques – ainsi qu’à la société civile, à commencer par les personnes les plus fortunées et les grandes entreprises les plus profitables – pour ramener le déficit public de la France à 5,4 % en 2025 (après avoir renoncé aux 5 %), contre… 6,1 % en 2024. Tandis que la croissance cette année a été revue à la baisse, à 0,9 % du PIB. Eviter que le pays Continuer la lecture

Le 3e Sommet sur l’IA se tient en février à Paris sous l’égide du président de la République, Emmanuel Macron

L’intelligence artificielle préoccupe de plus en plus les Etats du monde entier, alors que Trump a lancé Stargate et la Chine DeepSeek. Après le 55e Forum mondial de l’économie en janvier à Davos, où il a été question d’IA, le 3e Sommet de l’IA – organisé par l’Elysée les 10 et 11 février à Paris – cherche la réplique.

N’appelez pas cette troisième édition « AI Safety Summit » (Sommet sur la sécurité de l’IA) comme ce fut le cas pour la première édition qui s’était tenue au Royaume-Uni en 2023 (1), ni même « AI Paris Summit » sur le modèle de la seconde édition qui avait eu lieu en Corée du Sud en 2024, à Séoul, sous le nom de « AI Seoul Summit » (2).
La France organise cette année ce troisième rendez-vous international sous un nom encore différent : cette fois, il s’agit du « Sommet pour l’action sur l’IA », les 10 et 11 février 2025 au Grand Palais à Paris (3). « Ce nom a été choisi car nous voyons l’IA comme une technologie, avec des opportunités et des risques – l’action c’est pour agir pour les opportunités et contre les risques, et engager des actions concrètes sur ces sujets », indique à Edition Multimédi@ la présidence de la République, Emmanuel Macron (photo) étant à l’initiative de cet événement. La nouvelle appellation est aussi moins anxiogène que celle retenue en 2023 par son ancien homologue britannique Rishi Sunak, à qui revient la paternité de ce sommet international dédié à l’intelligence artificielle lorsqu’il était Premier ministre de Sa Majesté. Si pour les deux premières éditions, la Grande-Bretagne a été respectivement organisatrice et coorganisatrice, cette troisième édition est pilotée par l’Elysée, avec l’Inde qui copréside.

Davos, Stargate, DeepSeek : l’IA dans tous ses « Etats »
Mais ce Sommet pour l’action sur l’IA a été devancé par trois événements de portée internationale touchant à l’intelligence artificielle : le premier en Suisse avec le Forum de Davos, le second aux Etats-Unis avec le projet Stargate et le troisième avec l’offensive de l’IA générative chinoise DeepSeek. Le traditionnel Forum économique mondial ou World Economic Forum (WEF) – qui se tient depuis 54 ans dans la station de ski huppée de Davos en Suisse – lui a donné une place de choix lors de sa 55e édition qui s’est déroulée du 20 au 24 janvier dernier sous le thème cette année « Collaboration pour l’ère de l’intelligence ». (suite)

Autant dire que le cru 2025 du « Davos » était placé sous le signe de l’IA, comme l’ont démontré les nombreuses sessions, débats et rapports traitant de cet enjeu mondial on ne peut plus hype. « Grâce aux progrès rapides de l’IA, de l’informatique quantique et de la blockchain, l’ère intelligente transforme tout, partout, en même temps. Parallèlement à l’évolution rapide de l’IA, le monde est témoin des progrès en biotechnologie, en informatique de pointe, en robotique et au-delà. L’interdépendance de ces technologies présente d’immenses opportunités et des défis complexes. », a souligné le Forum économique mondial.

« Etats-Unis, capitale mondiale de l’IA » (Trump)
Les usines deviennent intelligentes ; les chaînes d’approvisionnement deviennent intelligentes ; le transport et la logistique deviennent intelligents ; le secteur de la santé devient intelligent. La mondialisation de l’économie voit également le commerce international s’approprier l’IA, comme le développe le rapport intitulé « TradeTech » (4) publié par le Forum de Davos. Aucun domaine n’échappe à la déferlante IA, pas même les Etats et les gouvernements qui deviennent eux aussi intelligent. « D’ici 2034, la GovTech – la technologie gouvernementale – devrait libérer 9.800 milliards de dollars en valeur publique à l’échelle mondiale, transformant ainsi la façon dont les gouvernements fonctionnent et se connectent aux gens », rapporte Kelly Ommundsen (photo ci-contre), cheffe de l’inclusion numérique et membre du comité exécutif du World Economic Forum, en faisant référence au rapport publié lui aussi par le Forum de Davos et réalisé en collaboration avec le Centre mondial de technologie gouvernementale à Berlin et Capgemini (5).
Matt Garman, directeur général d’Amazon Web Services (AWS) était parmi les 3.000 dirigeants venus de plus de 130 pays, dont 300 gouvernementaux (60 chefs d’Etat compris), présents dans cette petite station de ski huppée helvétique : « La technologie évolue à un rythme incroyable, s’est-il étonné. Je ne sais pas si nous l’avons vue progresser aussi rapidement qu’elle l’a fait. Et je pense que l’un des défis de cela est qu’il est difficile pour tout le monde de suivre ». Le Forum de Davos a montré que de nombreuses organisations ont expérimenté l’IA à travers des projets pilotes et de preuves de concept (6). Mais la mise à l’échelle de ces efforts pour obtenir un impact durable et transformateur demeure un défi important. Les dépenses mondiales liées à l’IA dans les industries devraient atteindre environ 630 milliards de dollars d’ici 2028, dont 200 milliards de dollars pour les IA génératives (GenAI), à raison d’une croissance annuelle de 29 %, tandis que le chiffre d’affaires réalisé grâce à l’IA sera proche de 1.000 milliards de dollars cette année-là. C’est ce qui ressort du rapport « L’IA en action : au-delà de l’expérimentation pour transformer l’industrie » (7), réalisé en collaboration avec Accenture pour le WEF et l’AI Governance Alliance, organisation à but non lucratif basée à Genève. Selon une enquête de ce rapport, 65% des entreprises et administrations déclarent aujourd’hui utiliser une « GenAI » dans au moins une fonction. Mais c’est surtout l’avènement des intelligences artificielles générales (AGI), ayant la polyvalence de raisonner, d’apprendre et d’innover dans n’importe quelle tâche, qui a soulevé de sérieuses interrogations à Davos : « L’AGI sera-t-elle une force pour le progrès ou une menace pour le tissu même de l’humanité ? » (8).
Lors de son intervention en visioconférence le 23 janvier au Forum économique mondial, à peine trois jours après son investiture en tant que 47e président américain, Donald Trump a déclaré au monde entier qu’il comptait faire des Etats-Unis « la capitale mondiale de l’intelligence artificielle », en précisant à son auditoire hypnotisé : « Il y a deux jours [le 21 janvier, ndlr], Oracle, SoftBank et OpenAI ont annoncé un investissement de 500 milliards de dollars dans l’infrastructure de l’IA » (9). Le nouveau locataire de la Maison-Blanche faisait ainsi référence à son projet Stargate, comprenez « porte des étoiles ». Bien que Donald Trump n’ait pas mentionné Nvidia, le géant américain des puces pour l’IA, celui-ci fait bien partie de ce plan d’investissement en infrastructures et centres de calcul sur le sol américain « pour porter la prochaine génération d’IA ». « Dans le cadre de Stargate, Oracle, Nvidia et OpenAI collaboreront étroitement […]. Cette initiative s’appuie également sur le partenariat OpenAI existant avec Microsoft », est-il indiqué (10). Les Emirats arabes unis, via leur fonds d’investissement MGX, sont aussi appelés à prêter main forte à Stargate. Coupant l’herbe sous le pied d’Emmanuel Macron avant son Sommet de l’IA, le projet Stargate lancé par l’administration « Trump II » (11) veut contrer la Chine, dont la V3 de l’IA générative low cost DeepSeek (12) est venue bousculer la coûteuse suprématie étatsunienne et son icône Nvidia qui a lourdement trébuché en Bourse.
Washington compte aussi garder une longueur d’avance sur Bruxelles. L’Europe n’a plus qu’à adopter un plan d’industrialisation de puces IA si elle ne veut pas être disqualifiée. Avec son Sommet de l’IA, la France espère être à la hauteur des enjeux avec ses « 750 start-up dans l’IA » (13), dont sa licorne Mistral AI destinée à être « un des géants européens de l’IA ».

A Paris, une fondation de l’IA à 2,5 Mds €
Anne Bouverot, envoyée spéciale du président de la République pour l’IA, a indiqué – dans La Tribune Dimanche du 26 janvier – que sera créée « une fondation consacrée à l’IA », possiblement basée à Paris et financée à hauteur de « 2,5 milliards d’euros sur cinq ans, dont 500 millions dès cette année ». Ce sommet diplomatique impulsé par Emmanuel Macron procèdera aussi à la signature par les pays participants d’« une déclaration commune sur la nécessité d’une gouvernance mondiale » de l’IA. @

Charles de Laubier

Artistes et auteurs interpellent le Sommet de l’IA

En fait. Le 21 janvier, six organisations d’artistes et d’auteurs – Sacem, Scam, Adami, Spedidam, ADAGP et SGDL – ont demandé à leurs quelque 363.700 membres de signer une « tribune collective » pour interpeller les chefs d’Etat et dirigeants qui se réuniront les 10 et 11 février au Sommet de l’IA à Paris.

En clair. Selon les informations de Edition Multimédi@, six organisations d’artistes, d’auteurs, de compositeurs, de créateurs ou encore d’éditeurs ont écrit le 21 janvier à leurs membres respectifs, soit à environ 363.700 au total, pour leur demander de signer une « tribune collective » afin de « faire entendre [leur] voix » lors du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle (IA) qui se tiendra les 10 et 11 février à Paris à l’initiative de l’Elysée.
« Il est de notre devoir de nous mobiliser pour défendre les droits des créateurs et veiller à ce que les politiques publiques, ainsi que les grandes entreprises d’IA, respectent et valorisent nos contributions », justifie Patrick Sigwalt, président du conseil d’administration de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem). Ses membres ainsi que ceux de la Société civile des auteurs multimédias (Scam), de l’Administration des droits des artistes et musiciens interprètes (Adami), de la Société de gestion des droits des artistes interprètes (Spedidam), de la Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADAGP) et de la Société des gens de lettres (SGDL) avaient jusqu’à ce 3 février pour signer cet « appel commun ». Il s’agit d’interpeller les (suite)

centaines de chefs d’Etat et de gouvernement, d’universitaires ou encore de dirigeants d’entreprises qui seront présents à ce 3e Sommet sur l’IA pour, écrit Patrick Sigwalt (1), « demander des mesures claires pour préserver nos droits face à l’IA ».
Orchestré par Emmanuel Macron (lire en Une), ce sommet diplomatique sur l’IA sera donc interpellé sur le copyright et l’opt-out (2), notamment le week-end du 8 et 9 février consacré à la culture et l’IA justement (3). Ensemble, auteurs et artistes souhaitent que « [ce sommet] se penche sur la question centrale du droit d’auteur et des droits voisins », tout en précisant que « [leur] démarche ne s’inscrit pas dans une opposition inévitablement stérile entre les acteurs de l’IA et ceux de la culture ». Cette tribune va rappeler que « l’utilisation sans [leur] consentement de [leur] talent et de [leur] travail pour l’entraînement de l’IA générative représente une atteinte inacceptable au respect de [leurs] œuvres et de [leur] travail artistique ». Ils pointeront également l’absence de « contrepartie financière » en l’absence d’autorisation et un « risque de substitution » induit par les contenus générés par l’IA. @

Mesure d’audience : plus de transparence en Europe

En fait. Le 28 janvier, l’association Audience Measurement Coalition (AMC) a été lancée officiellement. Ses 18 membres actuels ont élu comme président Yannick Carriou, PDG de Médiamétrie. Installée à Bruxelles, l’AMC vise à assurer transparence et comparabilité des mesures d’audience entre télévisions et plateformes.

En clair. Alors que le règlement européen sur la liberté des médias (1) – appelé European Media Freedom Act (EMFA) – va entrer pleinement en application le 8 août 2025, une association professionnelle baptisée Audience Measurement Coalition (AMC), autrement dit une coalition sur la mesure de l’audience, a été fondée le 28 janvier par Médiamétrie (France), l’Arma (Roumanie) et MMS (Suède), ainsi que par les sociétés d’études de marché Nielsen, Kantar Media et GfK. A ces membres cofondateurs se sont jointes une douzaine d’organisations, dont Comscore et Ipsos (2). Le règlement européen EMFA a vocation à « établi[r] des règles communes pour le bon fonctionnement du marché intérieur des services de médias ». Et ce, sous le contrôle d’un « comité européen pour les services de médias », ou en anglais European Board for Media Services (EBMS), lequel se met en place dès ce mois de février (3). Pour autant, le but de l’association AMC – enregistrée à Paris mais ayant ses bureaux à Bruxelles – n’est pas d’unifier toutes les mesures d’audience dans les Vingt-sept. « Il n’y a pas de vocation à l’homogénéité européenne, ce qui n’est d’ailleurs pas une demande du marché. En revanche, nous défendons tous les principes de transparence, de comparabilité et d’équité des mesures dans chacun des pays », explique à Edition Multimédi@ Yannick Carriou, président de l’AMC et PDG de Médiamétrie. Et de nous préciser : « Il y a des initiatives (suite)

cross-média dans plusieurs pays mais elles ne sont pas unifiées et supportées par tous les acteurs d’un même marché ». La France fait exception, notamment avec le comité cross-média que Médiamétrie a dévoilé le 17 janvier pour une mesure d’audience vidéo « de référence », reconnue à la fois par les chaînes, les plateformes, les annonceurs et les agences média.
« C’est bien l’originalité du modèle français », se félicite Yannick Carriou, qui a déjà réuni dans ce comité cross-média une vingtaine d’acteurs, parmi lesquels : Netflix, Amazon Prime Video, YouTube et Disney+ pour le collège « plateformes vidéo », TF1, M6, BFM/RMC, France Télévisions, Canal+, NRJ ou encore Le Figaro pour le collège « télé et vidéo », l’UDM (4), l’Udecam (5) et six publicitaires (WPP, Omnicom, Publicis, Interpublic, Dentsu et Havas) pour le collège « annonceurs et agences ». Il reste encore à convaincre Meta Platforms (Facebook, Instagram), malgré son refus, et TikTok (ByteDance), en cours de discussion, à les rejoindre. Premiers résultats, au printemps. @

La chronologie des médias reste inchangée pour trois ans, de quoi satisfaire les salles de Richard Patry

La ministre de la Culture, Rachida Dati, a décidé de soumettre à signature l’actuelle chronologie des médias datant de janvier 2022, qui est échue depuis le 9 février, afin de la reconduire pour trois ans. Ce qui ne manquera pas de satisfaire Richard Patry, grand défenseur des salles de cinéma, tout juste élu pour 2025 président du Blic.

(Depuis la parution de cet article, l’accord inchangé a été signé par quelques organisations le 6 février, et l’arrêté le rendant obligatoire à toute la filière « cinéma et audiovisuel » publié au Journal Officiel le 9 février 2025)

La chronologie des médias, qui régit les « fenêtres de diffusion » des nouveaux films en France après le monopole des salles de cinéma sur les quatre premiers mois de leur sortie, voit l’un de ses plus ardents défenseurs, Richard Patry (photo), élu à la présidence du Bureau de liaison des industries cinématographiques (Blic). Fondé dans les années 1970, ce lobby de la filière française du cinéma français réunit plusieurs organisations professionnelles représentant les salles de cinéma, la production, l’édition de films, l’édition vidéo, l’édition numérique et les industries techniques.

Pas de VOD, TVOD et DVD à 3 mois après la salle
Autant dire que le Blic est au cœur de l’industrie du cinéma français. Richard Patry est aussi depuis douze ans président de l’incontournable Fédération nationale des cinémas français (FNCF), dont Noe Cinémas (1) – sa propre exploitation de salles – est membre comme les plus de 2.000 établissements qui exploitent en France 6.322 écrans. Ce Haut-normand de 60 ans n’a de cesse de défendre bec et ongles la chronologie des médias, laquelle n’a pas évolué sur l’exclusivité de diffusion dont bénéficient les salles obscures durant quatre mois pour les nouveaux films qui sortent dans l’Hexagone. Ainsi, les quelque 1,1 million de fauteuils que totalisent toutes les salles de cinéma du pays détiennent un avantage concurrentiel historique sur les autres « fenêtres ». Et cela n’est pas prêt de changer pour les trois prochaines années, puisque l’accord de janvier 2022 sur la chronologie des médias (2) sera soumis sans changement à signature. Ainsi en a décidé la ministre de la Culture, Rachida Dati.
La salle de cinéma donne toujours le la : les nouveaux films en VOD à l’acte ou à la location ainsi que sur DVD ne sont disponibles qu’au bout du cinquième mois après leur sortie en salle (3) ; les chaînes de télévision payantes comme Canal+ peuvent (suite)

les diffuser à partir du dixième mois après leur sortie en salle (4) voire à partir du septième mois (5) en cas d’accord avec les organisations du cinéma français ; les services de SVOD (par abonnement) comme Netflix, Amazon Prime Video ou Disney+ n’ont droit aux nouveaux films qu’à partir du dix-huitième mois (6) voire à partir du seizième mois (7) en cas, là aussi, d’accord avec le cinéma français ; les chaînes gratuites de télévision, elles, sont reléguées au vingt-troisième mois (8) toujours après la sortie du film en salle, voire au vingtième mois (9) si le film n’est pas acquis par une télé payante en « seconde fenêtre » ni par un service de SVOD ; enfin, un service de médias audiovisuel à la demande (SMAd) gratuit doit attendre le trente-septième mois (10) après la salle. Trois ans !
Ardent défenseur des salles obscures depuis 35 ans qu’il est impliqué dans la FNCF, notamment en ayant été chargé des dossiers « Nouvelles technologies », Richard Patry a donc été élu pour l’année 2025, et « à l’unanimité », président du Blic, dont il était déjà membre du bureau. « Il s’attachera notamment au renouvellement de la chronologie des médias », indique le Blic le 17 janvier (11). Le président à double casquette n’aura donc pas à tenir compte du souhait du Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN) – l’une des cinq organisations professionnelles membres du Blic (12) – qui voulait ramener à trois mois, au lieu de quatre, l’exclusivité dont bénéficie les salles obscures. Cet avancement à trois mois (13) après la salle est demandée depuis plus de deux ans par le SEVN et le Syndicat des éditeurs de vidéo à la demande (Sévad). Les acteurs de la TVOD (Transactional Video on Demand), tels que les services vidéo payants des chaînes (TF1, M6, FranceTV, …) ou d’éditeurs comme UniversCiné qui a racheté Filmo, veulent, eux aussi, une « fenêtre premium » à trois mois.
Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), où se tenaient les négociations interprofessionnelles sur la chronologie des médias, devait mettre en place en 2024 un « atelier-groupe de travail » pour parvenir à un accord sur l’avancement de la VOD à trois mois (après la salle). « Malheureusement, le CNC n’a pas respecté ses engagements et aucun groupe de travail n’a été mis en place. Nous maintenons toujours notre demande », indique à Edition Multimédi@ Yves Elalouf (photo ci-dessus), président du SEVN et vice-président France & Benelux de Warner Bros. Entertainment.

La SVOD (Disney+, Netflix, …) veut concurrencer Canal+
Au sein du Blic, la Fédération nationale des éditeurs de Films (FNEF) était pourtant ouverte à ces discussions, tout comme l’Union des producteurs de cinéma (UPC) et le Syndicat des producteurs indépendants (SPI). Ces deux derniers sont membres, eux, de l’autre bureau du cinéma français, le Bloc, où l’on retrouve aussi le Dire (Distributeurs indépendants réunis européens) favorable à l’avancement à trois mois de la VOD. Concernant la SVOD, les fenêtres de diffusion bougent grâce à certains accords avec les organisations du cinéma français : Disney a annoncé le 29 janvier un accord à neuf mois avec le Blic, le Bloc et L’ARP (14) ; Netflix pourrait passer à douze mois au lieu de quinze actuellement, précisant à Edition Multimédi@ que « le décret “SMAd” de 2021 [(15)] le permet ». @

Charles de Laubier