Créée il y a près de deux ans et épaulée par la Sacem et le CFC, la Société des droits voisins de la presse (DVP) – présidée par Jean-Marie Cavada – négocie difficilement avec une dizaine de plateformes numériques, dont Google, Meta, Microsoft, Twitter, LinkedIn ou Onclusive (ex-Kantar Media).
(Cet article a été publié dans EM@ n°304 du 24 juillet. Le 2 août, après d’autres médias, l’AFP a saisi la justice contre Twitter, rebaptisé X, pour refus de négocier)
Depuis sa création fin octobre 2021, il y a près de deux ans, la société de gestion collective des droits voisins de la presse DVP (dont la dénomination est Société des droits voisins de la presse) reste assez discrète sur l’état d’avancement de ses négociations avec une dizaine de grandes plateformes numériques. Il s’agit de tenter de trouver des accords de rémunération de la presse lorsque des articles en ligne sont exploités par ces plateformes. A ce jour, la Société DVP représente – au titre des droits voisins de la presse – 238 éditeurs et 46 agences de presse, soit plus de 624 publications de presse.
4 ans après la loi du 24 juillet 2019…
La Société DVP, présidée par Jean-Marie Cavada (photo), a en fait confié les négociations à deux organismes reconnus : la Sacem (1) pour les plateforme numériques dites B2C (orientées consommateurs) telles que Google, Meta, Microsoft, LinkedIn ou encore Twitter ; le CFC (2) pour les plateformes numériques dites B2B (orientées vers les entreprises et professionnels) telles que les prestataires de veille média comme Onclusive (ex-Kantar Media), Cision (ex- L’Argus de la presse) ou encore des crawlers (spécialistes scannant le Web pour leurs clients). La Sacem assure en outre la gestion de la société DVP, dont la directrice générale gérante est Caroline Bonin, la directrice juridique de la Sacem. Les négociations pour obtenir « une juste rémunération », et d’en obtenir le paiement, ont commencé à partir du printemps 2022, mais rien n’a filtré jusqu’à maintenant – les négociations avant tout accord d’autorisation étant soumises à une stricte règle de confidentialité.
« Une dizaine de négociations sont ainsi en cours, à des stades variés, notamment en raison de discussions juridiques complexes sur l’éligibilité au droit voisin de la presse de certaines publications, que les redevables du droit voisin contestent pour diminuer le montant de la rémunération à acquitter et que DVP défend, en application de la loi et dans l’esprit de la gestion collective », a signalé le 31 mai dernier la Société DVP à ses éditeurs membres (parmi lesquels Edition Multimédi@). Certaines négociations ont fait l’objet de plusieurs projets de contrats et offres financières, mais aucune n’a abouti à ce stade malgré des réunions hebdomadaires avec les plus importants acteurs du Net. Le conseil d’administration de la Société DVP – composé de 16 membres (dont 12 éditeurs de presse et 3 agences de presse) et présidé par Jean-Marie Cavada – oeuvre pour obtenir « la meilleure rémunération possible pour tous ses membres et pour toutes les exploitations depuis l’entrée en vigueur de la loi reconnaissant le droit voisin de la presse [du 24 juillet 2019, ndlr], dans le respect des critères posés par cette loi, que les redevables du droit voisin contestent encore ». La loi française « Droit voisin de la presse » du 24 juillet 2019 modifiant le code de la propriété intellectuelle (3), pourtant conforté par l’Autorité de la concurrence (ADLC) qui a prononcé le 9 avril 2020 des injonctions à l’encontre des géants du Net (dont Google) rechignant à négocier, doit encore être appliquée – quatre ans après sa promulgation ! Le 21 juin 2022, l’ADLC a adopté une décision mettant fin à la procédure initiée contre Google et acceptant ses engagements modifiés. Mais des négociations traînent toujours, y compris avec d’autres GAFAM. « Alors que les éditeurs attendent avec impatience la mise en oeuvre de la loi de juillet 2019, le conseil d’administration de DVP est déterminé à signer au plus tôt des accords de licence tout en s’assurant que les fondements du droit voisin soient respectés afin d’en assurer la pérennité », a assuré fin mai la société de gestion collective. Il y a selon elle « urgence économique ».
Un travail de définition des règles de répartition entre les membres a déjà commencé, afin de leur verser rapidement les redevances qui leur revient, dès que le premier contrat sera signé avec la première plateforme. Mais la Société DVP ne cache pas « les difficultés de négociation avec certains grands acteurs du numérique » et pourrait profiter de la date anniversaire de la loi «Droits voisins de la presse » – le 24 juillet donc – pour communiquer et « alerter largement les pouvoirs publics quant à la difficulté de concrétiser l’existence de ce droit ».
Pas encore de redevances, mais des adhésions
Les comptes de l’exercice 2022 de la Société DVP (4) affichent, dans ce contexte de négociations et de bras de fer, des recettes uniquement constituées des frais d’admission versés par les nouveaux membres, pour un total de 76.918 euros. Les dépenses, elles, s’élèvent à 48.330 euros (sites web, vote électronique, commissaire au compte, dépôt de la marque). Ce premier bilan (5) et le budget prévisionnel 2023 (6) expliquent l’absence de DVP dans le rapport annuel 2023 de la commission de contrôle des organismes de gestion des droits d’auteur et des droits voisins (CCOGDA), publié le 26 juin dernier par la Cour des comptes (7). @
Charles de Laubier