Le métavers n’est pas dans un vide juridique, mais la régulation devra sortir de ses frontières

Les métavers vont-ils « disrupter » les lois et les règlements ? Ces mondes virtuels doivent déjà se soumettre au droit commun existant (civil, commercial, consommation, économie numérique). Mais les textes juridiques devront évoluer et la régulation reposer sur un solide consensus international.

Par Anne-Marie Pecoraro*, avocate associée, UGGC Avocats

Dans un futur proche, avec le Web3 et ses métavers, les problématiques juridiques seront dictées par le caractère a priori incontrôlable de l’énormité des partages : la prolifération des modes d’échanges et la nature internationale exigeront des régulations complexes et efficaces, dont on espère qu’elles prendront moins de temps à émerger que celles issues du Web 2.0. Depuis la fin des années 1990, les éditeurs de jeux vidéo ont compris que les utilisateurs s’engageraient dans de nouvelles formes d’interactions mettant en jeu leur identité virtuelle et de nouveaux espaces de partage.

Le rôle pionnier des jeux vidéo
Les internautes ont ainsi acquis la possibilité de jouer et d’interagir en temps réel et de manière immersive, par les jeux de rôle en ligne dits «massivement multijoueur » (1). De nouveaux modèles commerciaux se développent, notamment avec la création des monnaies et d’une économie interne au jeu, ouvrant la possibilité de faire des achats utiles au jeu et à leur communauté. Le métavers n’est pas scénarisé comme un jeu vidéo mais remet en scène certaines caractéristiques des jeux vidéo en 3D et en temps réel, tout autant que des réseaux sociaux. Les utilisateurs reproduisent les comportements du monde réel dans le monde virtuel, y compris sociaux et politiques, mais malheureusement aussi potentiellement violents, agressifs ou illégaux.
Philip Rosedale, fondateur de la société américaine Linden Lab ayant créé Second Life dans les années 2000, donnait sa vision en 2006 de ce métavers fondateur, toujours actif en ligne aujourd’hui : « Nous ne le voyons pas comme un jeu. Nous le voyons comme une plateforme qui, sous de nombreux aspects, est meilleure que le monde réel » (2). Au sein du monde virtuel Second Life, les marques avaient tenté une percée avant de se retirer pour la plupart, mais laissant un exemple d’interaction entre avatars et des espaces de socialisation pour écouter la musique, faire du shopping ou produire des objets (3). En parallèle, la réalité virtuelle était déjà préexistante grâce aux outils spécifiquement dédiés à la mise en place de cette expérience, notamment les gants, les systèmes audio, etc. Successivement, les industriels ont introduit une réalité virtuelle plus intense, grâce à des lunettes synchronisées et une baguette pour bouger les objets virtuels. Potentiellement, cette expérience est encore plus « réelle » grâce aux casques de réalité virtuelle réalisés par Oculus, HTC, Valve ou le français Lynx Mixed Reality, donnant aux utilisateurs la possibilité de se déplacer librement dans la pièce. C’est en 1990 que Thomas Caudell et David Mizell, chercheurs chez Boeing, introduisent le terme « réalité augmentée » (4) afin d’indiquer l’association du monde réel au monde virtuel, et l’introduction des éléments virtuels dans le monde réel, superposés, outil important dans les nouveaux environnements d’apprentissage.
Sur le plan pédagogique, la start-up Co-Idea soutenu par l’Inria (5) est spécialisée dans les technologies éducatives dites edtech et travaille sur l’idée de diffuser une forme de pédagogie active cohérente avec la révolution numérique actuelle. Un exemple d’application pédagogique et ludique de la réalité augmentée est le partenariat entre Ubisoft et le Château de Versailles qui ont lancé l’application mobile « The Lapins Crétins @ Versailles » (6). Cette application permet aux enfants de visiter le jardin, d’avoir des informations sur l’espace réel et jouer avec les lapins qui apparaissent sur l’application d’un smartphone. Ce projet s’inscrit notamment dans la politique de développement numérique de l’art. Ainsi, on le voit (c’est le cas de le dire) : de la réalité augmentée aux métavers, il n’y a qu’un pas mais le chemin de la régulation sera long.
Métavers, aujourd’hui et demain, partout ?
Le (ou les) métavers – metaverse en anglais – représente(nt) la dernière évolution fruit des caractéristiques d’Internet, des réseaux sociaux, du Web3, né avec le projet d’une possible décentralisation à tout niveau : des contrats, des transactions, des droits de propriété, des données personnelles, etc. La structure décentralisée permet de déployer les services rapidement sans avoir besoin d’une autorité centralisée, grâce aux principes de base de la blockchain. L’application de la blockchain aux métavers n’est pas obligatoire mais évolutive, récurrente et fondatrice. Il existerait 120 plateformes métavers, dont 53 « off-chain » soit non basées sur la blockchain, 67 basées sur la blockchain (7).

Blockchain et smart contract : disruptif
A cela s’ajoute le fait que la technologie blockchain peut aussi connecter le métavers au monde réel afin de sécuriser les échanges et le stockage des biens et données dans le métavers. Blockchain et smart contracts participent substantiellement à ce « tournant disruptif ». En effet ces « contrats intelligents » ont des caractéristiques communes avec les contrats électroniques tels que les lois les régissent, parfois ils les complètent, mais aussi ils obéissent à leur fonctionnement propre. La blockchain rend possibles les smart contracts et les jetons non-fongibles dits NFT (8), mais les lois en vigueur ne peuvent pas complètement les régir car ils entrainent et impliquent certaines caractéristiques totalement nouvelles qui ne sont pas encore appréhendées. Or ce sont ces blockchain et smart contracts qui, par hypothèse, ouvrent la possibilité de la décentralisation. En résumé, blockchain et smart contracts – consubstantiels au métavers – participent à la disruption en ouvrant des possibilités technologiques, factuelles et juridiques, dont certaines ne sont pas encore légalement appréhendées.

Le métavers n’est pas hors-la-loi
La décentralisation est une des modalités majeures rendue possible. Possible mais pas incontournable, car l’expérience a montré à quel point les marchés prônant décentralisation et dérégulation avaient tendance à réopérer rapidement de nouvelles formes de concentrations.
Souvent les utilisateurs voudraient pouvoir utiliser les biens en passant d’un métavers à l’autre : l’interopérabilité des métavers reste un objectif à étudier. La faculté d’emmener les actifs et avatars d’un endroit à l’autre des métavers, quel que soit l’exploitant, est un enjeu similaire à celui de la portabilité des données entre réseaux sociaux.
Réguler avec modération des services émergents
Le métavers a été défini, dans un rapport remis au gouvernement français fin octobre 2022, comme « un service en ligne donnant accès à des simulations d’espace 3D temps réel, partagées et persistantes, dans lesquelles on peut vivre ensemble des expériences immersives » (9). Le métavers représente également une évolution économique importante ; nous assistons au passage du e-commerce au v-commerce ; les métavers permettent des transactions dans l’économie réelle. L’économie numérique en général et l’économie virtuelle en particulier sont en forte expansion grâce aux métavers et à l’usage de monnaie virtuelles (cryptomonnaies), ainsi que des smart contracts et des NFT.
Les défis juridiques actuels des places de marchés et plateformes comme Horizon Worlds de Meta, OpenSea d’Ozone Networks ou encore la frahttps://www.editionmultimedia.fr/wp-content/uploads/2022/10/Rapport-du-gouvernement-Mission-exploratoire-sur-les-metavers-24-10-22.pdfnçaise The Sandbox, sont notamment: la souveraineté numérique, la (cyber)sécurité, les droits de l’homme et des citoyennes et citoyens, la liberté d’expression, la protection des mineurs et de la vie privée, la préservation d’infrastructures ouvertes et de communs numériques, le respect des règles de concurrence et de la propriété intellectuelle, la conformité au droit du travail, la maîtrise de l’impact environnemental, la protection des données personnelles, la protection contre les risques sociotechniques, la bonne connaissance des liens existantes entre le métavers, la blockchain et les cryptoactifs, le déploiement partagé à travers le monde des opportunités technologiques. Il est essentiel qu’aucune entreprise ne gère seule le métavers : il s’agira d’un « Internet incarné », a déclaré le cofondateur de Facebook Mark Zuckerberg, exploité par de nombreux acteurs différents de manière décentralisée. Aujourd’hui, l’essentiel de ces thèmes sont couverts tant par le droit national que par le droit international, public comme privé. Les nouveautés du métavers ne doivent pas conduire à une fausse conception du régime juridique qui lui est applicable, car il existe. D’une part, le droit commun civil, commercial et de la consommation trouvent naturellement à s’appliquer à la métavers, et ils sont contraignants. Les métavers devront par exemple rédiger des CGV (10) exhaustives. Le droit de la consommation et des contrats s’appliquera (11). Mais l’anticipation est risquée, et quand le système juridique sera confronté à une nouveauté disruptive ou à une difficulté d’exécution, des mises à jour deviendront nécessaires.
D’autres bases plus spécifiques existent : la loi « pour la confiance dans l’économie numérique » du 21 juin 2004 (dite LCEN) en constitue notamment un fondement primordial. En matière de propriété intellectuelle, une plainte en contrefaçon a déjà pu être déposée à New York par la maison Hermès à l’encontre du créateur de NFT « MetaBirkins ». D’autre part, de nouvelles réglementations sont déjà attendues. C’est notamment le cas des réglementations européennes sur les marchés et services numériques (DSA-DMA) qui entreront en vigueur en 2023 et 2024.
Or, le métavers, comme la blockchain ou les smart contracts, sont par nature disruptifs et ont un potentiel de déclinaisons à l’infini, ce qui rend ardue la légifération à leur égard. Comment donner un cadre légal pertinent et stable à un système dont nous commençons seulement à effleurer la surface ? Le rapport de la mission exploratoire sur les métavers précité propose par exemple de consacrer un nouveau droit fondamental : le droit au respect de l’intégrité psychique. Une plateforme qui remplirait les conditions du Digital Markets Act (DMA) lui serait potentiellement soumise, mais ni ce seul principe ni ses modalités d’applications ne présentent de réponse suffisante et assez protectrice. Des précisions et adaptations aux lois seront nécessaires, tant pour le DMA et le Digital Services Act (DSA) que pour la protection des données personnelles à travers le monde, ainsi que notamment pour les règles de modération.

Questions juridiques, non métaphysiques
La place du juge, en tant qu’interprétateur de la loi, suffira-t-elle à répondre à ces questions, et faudra-t-il compléter par de nouvelles règles, voire un régime sui generis ? Le cas échéant, l’implémentation de plusieurs réglementations au niveau local pourra-t-elle être viable au regard du caractère inhéremment international des métavers ? D’évidence, le futur juridique de l’ère des métavers devra reposer sur un solide consensus international. Si le métavers n’est pas dans un vide juridique, il doit cependant être régulé pour le bien commun et partagé. @

* Anne-Marie Pecoraro est avocate spécialisée en droit de la propriété intellectuelle,
des médias et des technologies numériques, UGGC Avocats.

Grâce au digital, la musique monétise plus sa sync

En fait. Le 26 octobre, Samsung a lancé avec TikTok un nouveau format musical baptisé StemDrop, qui permet aux utilisateurs du réseau social de s’approprier de courts extraits de 60 secondes pour leurs créations. Cet accord s’inscrit dans le sillage de la croissance de la « synchronisation numérique ».

En clair. Annoncé le 19 octobre, le nouveau format international StemDrop est opérationnel depuis le 26 octobre pour tous les utilisateurs disposant d’un compte TikTok dans huit pays européens, dont la France (1), ainsi qu’aux Etats-Unis. Ce sont des centaines de millions de tiktokeurs qui pourront « s’approprier » des extraits musicaux originaux de 60 secondes disponibles sur le réseau social du chinois ByteDance.
Cette initiative sans précédent, dont l’ambition est de « révolutionner la collaboration musicale, démocratiser la production de musique et offrir à tous les créateurs une plateforme inédite pour exposer leur talent au monde entier », se fait sous la houlette de la première major mondiale Universal Music et de la société de production britannique Syco Entertainment (fondée par Simon Cowell). « StemDrop offre aux créateurs de musique [artistes en herbe, émergents ou confirmés, ndlr] une occasion incroyable de collaborer avec les meilleurs auteur-compositeur du monde, à commencer par Max Martin, lauréat de cinq Grammy Awards », expliquent Samsung et TikTok (2). Les tiktokeurs auront accès aux « stems » (3), comprenez les éléments composant la chanson : batterie, basse, chant, etc. Le mixeur musical StemDrop permet alors à chaque créateur de produire sa propre version du morceau. Pour l’analyste Mark Mulligan, cet accord international préfigure ce vers quoi l’industrie musicale doit aller pour plus monétiser ses extraits musicaux sur les réseaux sociaux comme TikTok, Snap ou Intagram. Car cela relève du droit de « synchronisation numérique », en référence à la synchronisation traditionnelle – ou « sync » – qui désigne la licence pour utiliser un morceau de musique dans un film, une émission de télévision, une publicité, un jeu vidéo, un site web ou encore une bande-annonce. En 2021, d’après l’IFPI, les revenus de la sync dans le monde ont bondi de 22 % à 549 millions de dollars.
Avec la montée en puissance des médias sociaux musicaux dont TikTok et des plateformes vidéo comme YouTube (sans parler de la SVOD), Mark Mulligan estime que « l’industrie de la musique a besoin d’un nouveau format (…), qui ouvrira idéalement la voie à la monétisation métavers également ». Selon lui, un format de musique de 15 à 30 secondes pourrait être une solution (4), « mais ce serait probablement trop statique ». De nouveaux droits musicaux restent à inventer. @

Sacem: des NFT via Polygon et Musicstart via Tezos

En fait. Le 14 octobre, s’est achevée le 13e MaMA Festival & Convention qui s’est tenu durant trois jours à Paris. La Sacem y était présente, notamment pour y présenter son tout premier « drop » – dans le jargon du Web3, un lancement sur le marché de jetons non-fongibles, ou NFT. On peut en obtenir jusqu’au 24 octobre.

En clair. Sacem Lab se veut le fer de lance de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) dans le Web3 dans toutes ses dimensions (blockchain, NFT, métavers, …). En prévision de la remise le 13 décembre prochain de ses Grands Prix 2022 à la Maison de la radio et de la musique, la société de gestion de collective des droits d’auteurs a, le 12 octobre, mis « en vente sa première collection gratuite de NFT » auprès du public dans le monde entier pour qu’il tente de remporter « des lots exceptionnels ». Plus de 2.800 NFT ont ainsi été obtenus en 24 heures. L’obtention de son NFT est possible jusqu’au 24 octobre (1).
Pour cette première, la veille institution (171 ans) s’appuie sur la blockchain Polygon et a ouvert son serveur de messagerie sur Discord. Le jeu-concours-loterie se poursuivra à partir du 25 novembre, date à laquelle le détenteur d’un NFT pourra se connecter jusqu’au 12 décembre à son portefeuille électronique – soit via son propre wallet, soit via son custodial géré par l’application Paper (2). Le NFT changera alors d’apparence : or, silver, bronze ou classique, selon « les cadeaux qui lui sont associés » (3). Chaque NFT ainsi offert appartient à son détenteur (dans la limite de la licence accordée) et peut être revendu –10 % de royalties étant alors prélevés sur le montant de la revente – sur les places de marché comme OpenSea. « La technologie des NFT est aujourd’hui utilisée dans le milieu de la musique pour vendre des certificats liés à des œuvres d’art numériques, des titres, des albums, des artworks ou encore des places de concert », explique la Sacem. Cette opération dans le Web3 permet à la société de gestion collective de dompter « un nouveau monde, qui ressemble encore à un Far West » : dixit Cécile Rap-Veber (« CRV »), directrice généralegérante de la Sacem, dans le « Mag » aux sociétaires paru en juin. La cellule innovation Sacem Lab, elle, a été fondée début 2022 par son actuelle directrice, Adeline Beving (après dix ans passés à Radio France). L’incubateur belge Wallifornia MusicTech l’a aidée au printemps à « imaginer l’avenir de la Sacem dans le métavers ». Par ailleurs, Urights, filiale présidée par CRV (4), a lancé en juillet la version bêta de Musicstart (hébergé par Amazon) qui permet à tout artiste (5) de « déposer » une œuvre (texte de chanson, partition, master, …) en obtenant la preuve de son antériorité via la blockchain Tezos. @

Différence entre les blocages de TeamAlexandriz (2021) et de Z-Library (2022) : le rôle de l’Arcom

Prise le 25 août 2022 par le tribunal judiciaire de Paris, la décision de blocage des adresses Internet de Z-Library – vaste bibliothèque en ligne – est applaudie par les maisons d’édition en France. Mais le piratage d’ebooks, avec ses sites miroirs désormais listés par l’Arcom, est sans frontières.

Orange, Bouygues Telecom, SFR et Free sont obligés rendre inaccessible sur l’Hexagone la bibliothèque en ligne Z-Library, condamnée pour contrefaçon de livres numériques. Edition Multimédi@ a constaté que le blocage sur les « box » de ces fournisseurs d’accès à Internet (FAI) était effectif : « Désolé, impossible d’accéder à cette page », nous a confirmé le navigateur en voulant par exemple aller sur « fr.z-lib.org » ou sur « http://z-lib.org ». Le jugement du 25 août 2022, que nous nous sommes procurés (1), liste 209 noms de domaine de Z-Library à rendre inaccessibles « pendant une durée de 18 mois ». Sont ainsi neutralisés autant de sites dits « miroirs » permettant jusqu’alors d’entrer dans cette bibliothèque parallèle géante, qui est une des multiples déclinaisons de Library Genesis d’origine russe.

Listes noires des sites et des miroirs
Le Syndicat national de l’édition (SNE) et une douzaine de maisons d’édition (Actes Sud, Albin Michel, Cairn, Editis, Hachette Livre, Humensis, Lefebvre-Sarrut, LexisNexis, Madrigall, Maison des Langues, Odile Jacob, et les Presses de Science Po) avaient attaqué le 29 juin 2022 le site web Zlibrary devant le tribunal judiciaire de Paris, dans le cadre d’une procédure accélérée au fond. Vingt-cinq jours après le rendu de la décision de blocage (le temps que la signification du jugement aux FAI soit faite aux interressés), le SNE s’est notamment félicité des « nouvelles prérogatives confiées à l’Arcom en matière d’extension du blocage à tout lien redirigeant vers une réplique de site bloqué ».
Et pour cause, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (née de la fusion entre le CSA et l’Hadopi) se retrouve aux avant-postes de la lutte contre le piratage en ligne. Et ce, depuis la promulgation il y a presqu’un an de la loi du 25 octobre 2021 « relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique » (2). C’est cette loi « Anti-piratage » qui a porté sur les fonts baptismaux législatifs l’Arcom – présidée par Roch-Olivier Maistre (photo) jusqu’en janvier 2025 – en lui attribuant de nouveaux pouvoirs de régulation, notamment en la chargeant de constituer « une liste » – surnommée, hors texte de loi, « liste noire » – des « services porta[n]t atteinte, de manière grave et répétée, aux droits d’auteur ou aux droits voisins ». En outre, l’Arcom a le pouvoir supplémentaire de « lutte contre les sites miroirs ». Ainsi, la loi « anti-piratage » a rajouté une disposition « sites miroirs » dans le code de la propriété intellectuelle (CPI) qui permet à « un titulaire de droits partie à la décision judiciaire » – par exemple l’un des douze maisons d’édition dans l’affaire « ZLibrary » – de saisir l’Arcom pour lui demander de mettre à jour la décision de blocage avec les nouvelles adresses Internet des sites miroirs. En l’occurrence, le blocage à effectuer par les FAI devra suivre l’évolution de la liste noire qui dépassera sûrement les 209 noms de domaine initialement identifiées. Pour l’heure, dans l’affaire « Z-Library », la décision de justice a été rendue le 25 août 2022 : il ne reste plus qu’à un ayant droit concerné de saisir l’Arcom en s’appuyant sur l’article L. 331-27 du CPI. Que dit-il ? « Lorsqu’une décision judiciaire passée en force de chose jugée a ordonné toute mesure propre à empêcher l’accès à un service de communication au public en ligne en application de l’article L. 336-2 [du CPI, nous y reviendrons, ndlr], l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique [Arcom], saisie par un titulaire de droits partie à la décision judiciaire, peut demander à toute personne visée par cette décision (…) d’empêcher l’accès à tout service de communication au public en ligne reprenant en totalité ou de manière substantielle le contenu du service mentionné par ladite décision ». Bref, toute nouvelle apparition d’un site miroir lié de près ou de loin à la plateforme pirate condamnée devra faire aussi l’objet d’un blocage de la part non seulement des quatre principaux opérateurs télécoms français mais aussi des moteurs de recherche ou des annuaires de référencement (si le juge le décide).
Pour ce faire, c’est l’Arcom qui communiquera « précisément » à tous ces acteurs « les données d’identification du service en cause » à bloquer et à déréférencer. La loi « anti-piratage » prévoit même que l’Arcom passe des accords avec« les ayants droit et toute personne susceptible de contribuer à remédier aux atteintes aux droits d’auteur et droits voisins en ligne » pour déterminer notamment les conditions d’« information réciproque » sur l’existence de tout site miroir.

Saisines « L. 336-2 » et « L. 331-27 »
L’Arcom peut en outre – « en cas de difficulté » – demander aux services de communication au public en ligne de se justifier. En lisant la fin de l’article L. 331-27 du CPI, l’on comprend implicitement que l’Arcom peut saisir, « en référé ou sur requête », l’autorité judiciaire pour « ordonner toute mesure destinée à faire cesser l’accès à ces services ». Cette saisine-là peut se faire « sans préjudice de la saisine prévue à l’article L. 336-2. ». Il y a donc deux types de saisine des tribunaux pour faire bloquer et déréférencer des sites web pirates d’œuvres ou d’objets protégés par le droit d’auteur : la saisine « L. 336-2 » par des titulaires de droits, leurs ayants droit, des organismes de gestion collective, des organismes de défense professionnelle, ou même par le CNC – le Centre national du cinéma et de l’image animée (3) ; la saisine « L. 331-27 » par l’Arcom (bien que cela ne soit pas clairement spécifié dans le texte de loi) lorsqu’elle-même est saisie par un titulaire de droits concerné par la décision judiciaire rendue à l’issue de la première saisine. Cette justice à deux détentes (liste noire initiale des sites web à neutraliser, liste noire mise à jour avec les sites miroirs) tend vers le black-out – total ? – de la plateforme incriminée. Prochains : Pirate Library Mirror, Bookys, … « Ce succès collectif vient conclure l’expérimentation inédite de cette procédure pour le livre, et ouvre la voie à de nouvelles actions – des éditeurs et du SNE – de blocage et de déréférencement, rapides et systématiques, contre des sites web proposant des contenus illicites violant le droit d’auteur », a prévenu le syndicat présidé par Vincent Montagne (PDG du groupe franco-belge Média-Participations).
Autant lors de la précédente affaire « Team Alexandriz », dont les responsables ont été condamnés au pénal en mai 2021 au bout de dix ans de procédure judiciaire (4), les sites miroirs passaient sous les radars, autant depuis la loi « Anti-piratage » d’octobre 2021 permet aux ayants droit et à l’Arcom d’agir devant la justice contre la résurgence de sites miroir dans une même affaire de type « Z-Library ». « Se présentant “comme une bibliothèque gratuite depuis 2009”, mais proposant un modèle payant d’accès aux œuvres contrefaites, le site Z-Library accessible via de multiples adresses, proposait un accès à plus de 8 millions de livres – tous secteurs éditoriaux confondus – et 80 millions d’articles piratés », précise le SNE qui compte 700 éditeurs français adhérents. Le site Z-Library (ex-BookFinder ou BookFi, alias B.ok.cc), affichait, lui, avant d’être blacklisté, un catalogue de 11,1 millions de livres et plus de 84,8 millions d’articles. Quelques jours avant d’être bloqué par Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free, cette « plus grandes bibliothèques en ligne dans le monde » lançait une « campagne de collecte » jusqu’au 1er octobre 2022 en guise d’« appel de fonds à tous ceux qui veulent contribuer encore plus au soutien et au développement de notre projet » (5). Certains internautes avisés peuvent contourner le blocage-filtrage par nom de domaine mis en place par les FAI (les DNS étant retirés de leurs répertoires d’adresses IP) et les principaux moteurs de recherche (déréférencement).
La précédente affaire « Team Alexandriz » avait été enclenchée il y a dix ans, avec là aussi la plainte du SNE, déposée en novembre 2012 avec six grands éditeurs français – Hachette, Editis, Gallimard, Albin Michel, La Martinière et Actes Sud. Le site qui se revendiquait comme le « n°1 sur les ebooks FR » avait cessé de fonctionner dès fin août 2013 mais la procédure judiciaire a continué pour s’éterniser près de dix ans (6), jusqu’à la condamnation pour contrefaçon de neuf des douze prévenus avec « circonstance aggravante de bande organisée ». Entre mai 2010 et juin 2013, était-il précisé, ce fut plus de 23.942 livres qui avaient été piratés, qu’il s’agisse de livres numériques sur lesquels les mesures de protection avaient été retirées ou de livres imprimés illégalement numérisés et corrigés (7). Certains responsables de Team Alexandriz ont écopé de peines d’emprisonnement avec sursis et le tribunal a condamné les neuf à « 10.000 euros de dommages et intérêts pour chaque éditeur et pour le SNE, en réparation du préjudice subi ». C’est relativement peu au regard de la peine maximale qu’ils encouraient : trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende, selon l’article L335-4 du CPI (8).
Avec la loi « Anti-piratage » et le renfort de l’Arcom dans les actions judiciaires en « procédure accélérée », le SNE et les maisons d’éditions disposent désormais d’un double-levier procédural à leur disposition. A qui le tour : à Pirate Library Mirror ? Ce site web déclare : « Nous violons délibérément la loi sur le droit d’auteur dans la plupart des pays. (…) Miroir – Nous sommes strictement un miroir des bibliothèques existantes. (…) La première bibliothèque que nous avons reflétée est Z-Library. C’est une bibliothèque populaire (et illégale). Ils ont pris la collection Library Genesis et l’ont rendue facilement consultable » (9). Ou bien à Bookys ? Ce site web le reconnaît : « En rendant le téléchargement gratuit, Bookys enfreint les règles de protection des droits d’auteurs » (10).
Reste que la portée de ces condamnations au pénal pour contrefaçon a ses limites puisque celles-ci ne s’appliquent qu’en France. Alors que les sites et de leurs sites miroirs présumés pirates sont sans frontières. Le règlement européen sur les services numériques – le DSA (Digital Services Act) – est sur le point d’entrer en vigueur. Il prévoit lui aussi le blocage mais sur décision d’un juge. Ce ne seront ni les FAI, ni les plateformes numériques, ni les régulateurs qui peuvent bloquer d’eux-mêmes les contenus piratés.

Frontières : vers un blocage européen
L’affaire « Z-Library » apparaît comme un marqueur dans l’histoire de la lutte contre le piratage de contenus protégés. Du moins en France, en attendant des actions au niveau européen lorsque le DSA sera pleinement applicable. Si les livres numériques sont concernés par cette décision de blocage du 25 août 2022, à laquelle l’Arcom contribue devant la justice avec la mise à jour de sa liste des sites miroirs et d’éventuels nouveaux recours, le nouvel arsenal judicaire est à la disposition de toutes les industries culturelles : livre mais aussi musique, cinéma, retransmissions sportifs, ou encore jeux vidéo. @

Charles de Laubier

Le streaming mondial accroît la valorisation des catalogues musicaux qui attisent les convoitises

C’est la course mondiale aux catalogues de titres musicaux que le streaming revalorise, attirant moult candidats à leur rachat (fonds d’investissement, majors, éditeur/publishing, …). Certains se vendent plusieurs millions de dollars, surtout quand les artistes sont devenus mythiques.

La montée en charge du streaming musical donne un coup de fouet à l’industrie de la musique. Au-delà des plateformes numériques telles que Spotify, Deezer, Apple Music ou Qobuz qui font les affaires des majors de la musique enregistrée et des producteurs indépendants, les catalogues des artistes prennent encore plus de valeur. Et lorsque les musiciens et/ou le groupe ont une notoriété internationale, voire mythique, la valorisation de leurs catalogues peut atteindre des sommes records : le catalogue des Pink Floyd pourrait être cédé au moins 500 millions de dollars, a révélé l’agence Bloomberg le 23 juin dernier (1).

« Money », chantaient les Pink Floyd…
Les Pink Floyd veulent ainsi céder leur catalogue au plus offrant et ce ne sont pas les candidats au rachat qui manquent : près de 50 ans après leur titre emblématique « Money », le groupe de rock britannique espère en obtenir plus d’un demi-milliard de dollars. Parmi les acquéreurs potentiels, il y a Sony Music, Warner Music ou encore BMG Rights Management (BMG) avec le soutien du fonds d’investissement newyorkais KKR. Le groupe de « The Wall » ou de « Wish You Were Here », cofondé en 1965 (2), a vendu au total plus de 250 millions de disques dans le monde tous titres confondus, dont 75 millions rien qu’aux Etats-Unis. Cette formation mythique de l’underground londonien, et considérée comme l’un des premiers groupes de musique psychédélique du Royaume- Uni, dispose d’un catalogue qui vaut aujourd’hui une montagne d’or. Le streaming lui redonne même un coup de jeune, surtout si le catalogue mis en vente comprend non seulement les droits d’enregistrement pour leur diffusion en streaming, sur CD ou vinyles, mais aussi les droits d’auteur, de composition ou de synchronisation (3). Les fonds de catalogue ont réémergé avec le streaming, à la faveur de la mode du « vintage » – notamment au profit des années 70 et 80.
Les Pink Floyd pourraient faire mieux que le chanteur-guitariste américain Bruce Springsteen qui a réussi en décembre 2021 à vendre à Sony Music ses droits musicaux pour 500 millions de dollars. Son catalogue ainsi cédé comprend les enregistrements (les «masters ») et les droits d’édition musicale (les « publishing rights »). A 72 ans, le rocker aux plus de 150 millions de disques vendus dans le monde retrouve une seconde jeunesse grâce aux streams de sa musique en ligne qui lui permettent de toucher une nouvelle génération avec ses anciens succès tels que « Born to Run » ou « Born in the USA ». La cession de son catalogue, dont plus de 300 chansons d’une vingtaine d’albums, reste un record pour un musicien seul. Le chanteur-composition américain Bob Dylan (alias Robert Zimmerman, 81 ans), autre icône mondiale immortalisée avec « Blowin’ in the Wind » ou « Mr. Tambourine Man », a lui aussi monnayé son catalogue un demi-milliard de dollars, en cédant d’abord en décembre 2020 à Universal Music ses droits d’auteur portant sur 600 chansons pour 300 millions de dollars, puis en janvier 2022 ses droits d’enregistrement à Sony Music pour 200 millions de dollars. Même les plus réticents à commercialiser leur musique, tels que Neil Young (76 ans), ont cédé aux sirènes de la monétisation de leur catalogue. L’Américano-Canadien, rendu célèbre par ses albums « After the Gold Rush » ou « Harvest » et par le groupe Crosby, Stills, Nash & Young, a finalement vendu la moitié de ses droits d’édition musicale au fonds d’investissement britannique Hipgnosis pour une somme estimée jusqu’à 150 millions de dollars pour plus d’un millier de titres de sa composition.
Hipgnosis Songs Fund (HSM) fut cofondé en 2018 par Merck Mercuriadis (photo de gauche), l’ancien manager d’Elton John ou de Beyoncé entre autres. Elle se présente comme « première société d’investissement britannique offrant aux investisseurs une exposition pure-play aux chansons et aux droits de propriété intellectuelle musicale associés », dont l’objectif est de « construire un portefeuille diversifié, d’acquérir des catalogues qui sont construits autour de succès avérés de chansons d’importance culturelle par certains des plus talentueux et importants auteurs-compositeurs dans le monde », peut-on lire sur son site web (4).

Hipgnosis Songs Fund (HSM) a la cote
Hipgnosis, qui détient aussi les catalogues de George Benson, Mariah Carey, Fleetwood Mac ou encore Justin Bieber, revendique à ce jour 146 catalogues, 65.413 chansons, 14.381 « Top 10 » des chansons dans les charts mondiaux, 3.854 « numéro un » des chansons dans les charts mondiaux, 156 chansons gagnantes des Grammy, ainsi que 56 des 233 chansons du « Billions Club » de Spotify, la première plateforme mondiale de streaming musical. Riche d’un actif de plus de 2,2 milliards de dollars, l’entreprise HSM à fort potentiel – enregistrée sur l’île anglo-normande Guernesey (Manche) mais fiscalement établie au Royaume-Uni depuis avril 2021 en tant que « investment trust » (fonds de placement) – est cotée à la Bourse de Londres depuis juillet 2018 et fait partie depuis mars 2020 de l’indice FTSE 250. Le chanteur américain Justin Timberlake, aux 88 millions de disques vendus, a quant à lui cédé en mai 2022 pour quelque 100 millions de dollars son catalogue de 200 chansons à Hipgnosis Song Capital, société commune créée en octobre 2021 par la société Hipgnosis Song Management, ex-The Family Music (conseil en investissement de Hipgnosis Songs Fund) et le fonds d’investissement américain Blackstone. Les catalogues attirent le private equity Justin Timberlake, chanteur à succès âgé de 41 ans et connu pour «Cry Me a River», «SexyBack» ou «What Goes Around… Comes Around », n’a cependant pas cédé dans ce deal les droits d’auteurs de ses prochaines musiques. Valorisé 350 millions de dollars, Timberlake est considéré comme l’un des solistes les « bankable » de sa génération. HSM ne s’y est pas trompé et vise d’autres catalogues en or. Dans Hipgnosis Song Capital, Blackstone a injecté une « somme initiale » d’environ 1milliard de dollars pour acquérir des droits musicaux et gérer des catalogues.
Lors de l’annonce du partenariat Hipgnosis-Blackstone, Merck Mercuriadis le patron de HSM a indiqué ses ambitions : « Hipgnosis Song Management a clairement établi les chansons comme étant une catégorie d’actifs. Ce nouveau partenariat avec Blackstone nous apportera la solidité financière nécessaire pour investir dans des chansons à grand succès, ainsi que pour développer notre équipe de gestion de chansons et apporter davantage de sophistication à HSM ». Blackstone, qui se présente comme « le plus grand gestionnaire d’actifs alternatifs au monde » (5), a acquis une participation dans HSM et soutient l’expansion de ses infrastructures et de ses fonctions commerciales, afin d’accroître encore la valeur des droits qu’elle acquiert, en collaborant étroitement avec les auteurscompositeurs, les artistes et les producteurs.
Autre géant du « private equity » à l’affût de catalogues musicaux : l’américain Apollo Global Management (6), qui, en octobre 2021, a annoncé la mise en place d’une société d’investissement dotée d’un fonds d’environ 1 milliard de dollars et baptisée HarbourView Equity Partners, cofondée avec l’ancienne banquière de Morgan Stanley, Sherrese Clarke Soares (photo de droite). Après vingt ans dans la finance, celle-ci a fondé en 2019 la société d’investissement Tempo Music Investments soutenue par Providence Equity Partners et la major Warner Music, afin de disposer d’un fonds de plus de 1 milliard de dollars, pour « investir dans des catalogues de chansons » et « crée[r] du contenu exclusif de premier ordre » (7). Parmi ses premières acquisitions de droits d’auteur : les primés aux Grammy, Jeff Bhasker et Shane McAnally, et Ben Rector. Ce fonds basé à Newark, dans le New Jersey (avec des bureaux à New York et à Los Angeles), entend saisir les opportunités d’investissement dans les secteurs du divertissement et des médias, notamment pour « optimiser et améliorer l’héritage de la propriété intellectuelle haut de gamme ». En clair : « Acquérir des droits d’auteur musicaux liés à la musique enregistrée et à l’édition musicale » (8). Le 14 juin dernier, HarbourView a annoncé avoir acquis le catalogue du duo de RnB et hiphop américain Andre Harris et Vidal Davis, connu sous leur nom de scène et d’enregistrement Dre & Vidal. En janvier, c’était le chanteur portoricain de pop-latino, Luis Fonsi (mondialement célèbre grâce à son « Despacito » en duo avec Daddy Yankee, sorti chez Universal Music et repris par Justin Bieber), qui a vendu son catalogue à HarbourView. L’investisseur newyorkais KKR, déjà cité plus haut avec BMG pour s’emparer de la « discographie » Pink Floyd, a finalisé en début d’année l’acquisition du catalogue du label indépendant Kobalt Music Group pour 1,1 milliard de dollars, comprenant les droits du chanteur canadien The Weeknd (9) et de la chanteuse pop néo-zélandaise Lorde, et une prise de participation dans l’entreprise. Cette opération a pu se faire via le consortium Chord Music emmené par KKR justement et le partenaire Stephen Hendel’s family office (du nom d’un ancien de Goldman Sachs). Kobalt avait par ailleurs cédé à Hipgnosis en 2020 ses catalogues de George Benson, Justin Bieber, Mariah Carey ou encore The B-52’s pour 320 millions de dollars.
Preuve, une nouvelle fois, que le capital-investissement croit au potentiel des catalogues de musique. A noter que l’homme d’affaires américain Todd Boehly, cofondateur et PDG de la société d’investissement Eldridge Industries (10), est aussi sur les rangs pour acquérir des catalogues de chansons. Il s’était lui aussi intéressé à Kobalt. Les Big-Three du « disque » – que sont les majors Universal Music (dont le dernier catalogue acquis fin juin est celui du guitariste Frank Zappa), Sony Music et Warner Music – restent pour l’instant les champions des catalogues, mais ils sont de plus en plus concurrencés dans l’acquisition des actifs de propriété intellectuelle.

La concurrence du music rights management
En janvier dernier, Warner Music s’est emparé – via Warner Chappell Music – des droits de la totalité du répertoire (25 albums) du Britannique David Bowie (décédé en 2016) pour 250 millions de dollars. En octobre 2021, BMG a annoncé, lui, avoir acquis – sans divulguer le montant – les droits musicaux de Tina Turner (82 ans), légendaire chanteuse américaine aux 100 millions de disques vendus (« The Best », « Private Dancer », « What’s Love Got To Do With It », …). Warner Music reste sa maison de production. D’autres nouveaux entrants sur ce marché des catalogues revitalisés par le streaming se bousculent tels que Round Hill Music, spécialiste du « music rights management », Concord Music ou Primary Wave Music, pour ne citer qu’eux. @

Charles de Laubier