Le Space Act veut « européaniser » le droit spatial à l’heure des très grandes constellations

Alors que les deux seules gigaconstellations, dont la commercialisation débutera en Europe début 2026, sont américaines (Kuiper d’Amazon avec 3.200 satellites et Starlink de SpaceX avec 6.750), le Parlement européen a commencé à examiner la législation spatiale pour l’UE – le « Space Act ».

Par Mathilde Dubois, collaboratrice, Marta Lahuerta Escolano, associée, Jones Day

Le projet de législation spatiale pour l’Union européenne (UE), le « Space Act » présenté le 25 juin 2025 par la Commission européenne, affiche clairement son ambition de doter l’Europe – avant 2030 – d’un cadre normatif unifié régissant les activités spatiales civiles et commerciales. Attendu depuis plusieurs années, ce texte s’inscrit dans un contexte de profonde mutation du secteur spatial, marqué par l’essor d’acteurs privés, la multiplication des lancements, la congestion des orbites et la montée en puissance de nouvelles nations spatiales hors Europe.

Défragmenter le cadre spatial européen
A travers cette initiative législative, actuellement examinée par les commissions du Parlement européen (1) en vue de l’adoption du règlement en 2026 ou 2027, l’UE s’apprête à franchir un tournant majeur dans la construction de son autonomie stratégique et juridique dans le domaine spatial. Jusqu’à présent, la régulation des activités spatiales au sein des Vingt-sept relevait principalement de la compétence de chaque Etat membre. D’après le registre des Nations Unies listant les législations spatiales des Etats (2), treize législations nationales étaient en vigueur dans l’UE à la fin de l’année 2024. En France, le cadre national repose sur la loi « Opérations spatiales » (3) de 2008. En Italie, la loi « Economie spatiale » (4) est entrée en vigueur le 25 juin 2025 – soit le même jour que la présentation du Space Act. Quelques pays comme l’Espagne ou l’Estonie ont également annoncé préparer des dispositifs législatifs régissant les activités spatiales (5).
Les dispositifs nationaux européens s’adossent aux traités spatiaux des Nations Unies (6). Parmi eux, le Traité de l’Espace (7), entré en vigueur le 10 octobre 1967, ou encore la Convention sur l’immatriculation des objets lancés dans l’espace extra-atmosphérique, entrée en vigueur le 15 septembre 1976. Au niveau de l’UE, (suite)

Bruxelles songe à harmoniser aussi les influenceurs

En fait. Le 24 octobre se termine la consultation publique de la Commission européenne sur la future législation sur l’équité numérique – le Digital Fairness Act (DFA). Parmi les pratiques préjudiciables pour les consommateurs, il y a « le marketing trompeur par des influenceurs des médias sociaux ».

En clair. Sous la houlette du commissaire chargé de la démocratie, de la justice, de l’état de droit et de la protection des consommateurs, l’Irlandais Michael McGrath, la Commission européenne envisage d’intégrer les influenceurs dans sa future proposition législative Digital Fairness Act (DFA). Lucie Rousselle, membre de son cabinet, indique à Edition Multimédi@ que la proposition de DFA sera présentée en 2026 après une étude d’impact issue de la consultation.
Parmi les remèdes sur lesquels Bruxelles questionne les personnes intéressées par la protection des consommateurs en ligne, dans ce qui est censé être le « marché unique numérique », il y a ceux destinés à « lutter contre des pratiques commerciales trompeuses d’influenceurs sur les médias sociaux ». Ce futur règlement DFA s’inscrira dans le cadre du nouvel « Agenda du consommateur » pour la période 2025-2030, dont l’adoption est prévue pour le 29 octobre prochain (1). Ce « Consumer Agenda » comprendra (suite)

Cloud & AI Development Act : le futur règlement de la Commission européenne veut changer la donne

Pour que l’Union européenne devienne un « continent de l’IA », dans le cadre des objectifs de son Digital Decade à l’horizon 2030, le futur règlement sur « le développement de l’informatique en nuage et de l’IA » devra éviter de renforcer la position dominante du triumvirat Amazon-Microsoft-Google.

Alors qu’un triumvirat de l’informatique en nuage est en train de se renforcer dans l’Union européenne, constitué par les trois Big Tech américaines Amazon avec Amazon Web Services (AWS), Microsoft avec Microsoft Azur et Google avec Google Cloud, la Commission européenne s’apprête à proposer d’ici la fin de l’année 2025 un projet de règlement sur « le développement de l’informatique en nuage et de l’IA ». Ce Cloud & AI Development Act sera ensuite débattu au Parlement européen début 2026. Pour une entrée en application en 2027 ?

Triopole américain renforcé dans l’UE
Le temps long réglementaire est loin d’être celui du temps ultra-rapide des technologies. Lorsque le Cloud & AI Development Act (« CAIDA ») entrera en vigueur, d’ici deux ans, la position dominante des trois Big Tech américaines Amazon, Microsoft et Google dans le cloud aura sans aucun doute encore augmentée pour atteindre une part de marché – dans les infrastructures de cloud en Europe – plus importante qu’elle ne l’est déjà actuellement. Le triumvirat tend à devenir un triopole, qui échappe à toute régulation susceptible de favoriser la concurrence dans les Vingt-sept.
Pour l’heure, Amazon, Microsoft et Google viennent d’atteindre les 70 % de parts de marché dans les infrastructures de cloud dans l’Union européenne (UE). Tandis que la part de marché de leurs concurrents d’origine européenne – SAP, Deutsche Telekom, OVHcloud, Telecom Italia, ou encore Orange – se réduit à peau de chagrin, à savoir 15 % environ de part de marché en Europe, contre près de 30 % en 2017, d’après Synergy Research Group (voir graphique ci-dessous). « Pendant que les fournisseurs de cloud américains continuent d’investir des dizaines de milliards d’euros chaque trimestre dans des programmes d’investissement européens, cela représente une pente impossible à gravir pour toutes les entreprises qui souhaitent sérieusement contester leur leadership sur le marché », estime John Dinsdale (photo), analyste en chef de ce cabinet d’étude américain basé à Reno, dans le Nevada, aux Etats-Unis. Et cet ancien analyste en chef de chez Gartner d’ajouter : (suite)

Entre l’AI Act, le RGPD, le droit d’auteur et la protection des bases de données, l’articulation est cornélienne

Les fournisseurs de système d’IA et les entreprises utilisatrices de ces solutions – exploitant quantités de données, personnelles comprises – doivent se conformer à plusieurs réglementations européennes : de l’AI Act au RGPD, en passant les directives « Copyright » et « Bases de données ».

Par Arnaud Touati, avocat associé, et Mathilde Enouf, juriste, Hashtag Avocats

L’AI Act – règlement européen sur l’intelligence artificielle (1) – représente un changement significatif dans la régulation technologique au sein des Vingt-sept. Il ne substitue pas aux régimes existants, mais les enrichit, engendrant une superposition complexe avec le règlement général sur la protection des données (RGPD) et la législation sur le droit d’auteur. Cela nécessite des entreprises de mettre en place une gouvernance juridique intégrée, impliquant juristes, techniciens et responsables de la conformité.

Pas d’IA contre les droits fondamentaux
L’incertitude jurisprudentielle, l’accroissement des obligations et le danger financier associé aux sanctions exigent une vigilance accrue. Cependant, cette contrainte peut se transformer en atout concurrentiel : les entreprises qui réussissent à prévoir et à incorporer la conformité progressive gagneront la confiance de leurs utilisateurs et de leurs partenaires. La capacité des acteurs à convertir ces obligations en normes de qualité et de confiance déterminera l’avenir de l’intelligence artificielle (IA) en Europe. La régulation, plutôt que d’être un simple obstacle, pourrait se transformer en un outil stratégique de souveraineté numérique et de développement durable de l’IA.
Première législation mondiale dédiée à cette innovation technologique, l’AI Act est entré en vigueur le 1er août 2024, mais ses obligations sont mises en œuvre progressivement. Les mesures prohibées ont commencé à s’appliquer en février 2025 ; les normes relatives aux modèles d’IA à usage général ont commencé à s’appliquer en août 2025 (2) ; les règles concernant les systèmes à haut risque seront mises en œuvre en août 2026. Cette mise en application progressive a pour but de donner aux entreprises le temps nécessaire pour s’adapter, tout en se concentrant d’abord sur les risques considérés comme les plus critiques. A l’inverse du RGPD, qui a mis en place en 2018 un cadre uniforme immédiatement applicable à tous les traitements de données, l’AI Act opère (suite)

Le Tribunal de l’UE valide le DPF : répit fragile pour les transferts transatlantiques de données

« Safe Harbor », « Privacy Shield », « Data Privacy Framework », … Les cadres transatlantiques UE-US de protection des données des Européens se suivent et… se ressemblent. L’actuel DPF a obtenu de la part du Tribunal de l’UE un sursis, mais un recours devant la CJUE est possible et risqué.

Par Anne-Marie Pecoraro*, avocate associée, UGGC Avocats

Le Tribunal de l’Union européenne (TUE) a rendu, le 3 septembre 2025, une décision (1) qui marque un tournant dans la saga des transferts de données transatlantiques. Saisi par le député français Philippe Latombe, le TUE a confirmé la validité du Data Privacy Framework (DPF), l’accord adopté par la Commission européenne en juillet 2023 pour encadrer les flux de données personnelles vers les Etats-Unis.

Une histoire de rendez-vous manqués
Derrière ce sigle technique « DPF » se cache un enjeu colossal : le fonctionnement quotidien de milliers d’entreprises européennes, la protection des données de centaines de millions de citoyens et, plus largement, l’équilibre fragile entre sécurité nationale américaine et droits fondamentaux européens. L’histoire du DPF, censé fixer un cadre transatlantique de protection des données, s’inscrit dans une série d’accords avortés.
En 2015, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) invalidait le Safe Harbor dans le cadre de l’affaire dite « Schrems I » (2) en raison de la surveillance de masse pratiquée par les Etats-Unis (3). Cinq ans plus tard, avec cette fois l’affaire « Schrems II » (4), c’était au tour du Privacy Shield de tomber, la CJUE jugeant que les recours offerts aux citoyens européens étaient illusoires face à la puissance des agences de renseignement américaines (5).
A chaque fois, le scénario fut identique : la Commission européenne tentait de bâtir un pont numérique avec Washington, immédiatement « dynamité » par la CJUE au nom de la protection des citoyens de l’Union européenne. De là naît une interrogation récurrente : peut-on réellement concilier le droit américain de la sécurité nationale et les exigences européennes en matière de vie privée ?
En juillet 2023, malgré de nombreuses frictions avec le droit de l’UE (6), la Commission européenne adoptait la décision (7) instaurant le DPF. A ses yeux, les Etats-Unis avaient corrigé les failles mises en lumière par Schrems II, notamment grâce au décret présidentiel pris par Joe Biden en 2022 – Executive Order n°14086 sur « le renforcement des garanties relatives aux activités de renseignement sur les transmissions des Etats-Unis » (8) – instaurant de nouveaux garde-fous et créant la Data Protection Review Court (DPRC). Mais très vite, la contestation s’est organisée. Philippe Latombe a saisi le Tribunal de l’UE pour (suite)