La 5e appli de streaming musical la plus téléchargée sur l’App Store est inconnue : Musi. Durant l’été, elle va atteindre au bout de plus de dix ans d’existence les 70 millions de téléchargements. Gratuite et financée par la publicité (ou sans contre une fois 5,99 dollars), elle profite de YouTube.
Contactée par Edition Multimédi@ sur la légalité ou pas de Musi, la filiale française de YouTube nous a indiqué que « les équipes en interne examinent l’application pour savoir s’il s’agit d’un abus ou non ». Est-ce le calme avant la tempête pour cette start-up canadienne qui, à trop embrasser YouTube, aurait mal étreint le droit d’auteur ? Selon une source de l’industrie musicale, une importante maison de disque – sans que l’on sache s’il s’agit d’une major (Universal Music, Sony Music ou Warner Music) – va porter plainte devant un tribunal.
Discographie construite avec YouTube
C’est ce qu’a rapporté le magazine américain Wired, qui cite également une porte-parole de la plateforme de vidéoclips Vevo – diffusés sur YouTube – décidé à « prendre les mesures appropriées » (1). Musi Inc. pourra toujours se défendre en affirmant ne pas héberger de vidéoclips, puisque c’est YouTube qui le fait. Et l’appli Musi ne permet pas de téléchargement de musiques. « Music streaming without limits » est son slogan. Cette application musicale en streaming n’existerait pas sans YouTube. « Musi est une application iOS qui vous permet de diffuser et d’organiser une bibliothèque de musique à partir de YouTube », explique Aaron Wojnowski, le cocréateur de Musi, sur son compte LinkedIn (2). Y a-t-il un accord entre Musi Inc. et la plateforme vidéo de Google ? « All notices of copyright infringement claims should be sent to support@feelthemusi.com », indique la start-up canadienne dans ses conditions générales d’utilisation. L’appli Musi subira-t-elle le même sort que Aurous qui avait dû fermer en 2015 à la suite d’un procès intenté par la puissante RIAA (3) représentant notamment les trois majors ?
Si Musi agite l’industrie musicale, à la manière d’un David contre Goliath, c’est que l’appli rencontre un large succès. Si Spotify et YouTube Music restent les deux applications de streaming les plus téléchargées sur l’App Store d’Apple, l’appli Musi s’est hissée au bout de près de douze ans en cinquième position des plus téléchargées. Elle devance même Amazon Music, Pandora ou Deezer, d’après le charts de l’App Store (4). Par défaut gratuite et financée par la publicité, elle dispose de l’option sans publicités moyennant le paiement – une bonne fois pour toute – de 5,99 dollars. Sur Android, les téléchargements sont peu nombreux, d’après Sensor Tower (5). Musi a été créée fin 2012 par deux amis canadiens, Aaron Wojnowski et Christian Lunny, originaires de la ville de Winnipeg, dans la province du Manitoba (Canada). « Lancé à la fin de 2012, Musi a maintenant grandi pour servir des centaines de milliers d’utilisateurs actifs quotidiens partout dans le monde. Musi permet de mettre en bookmark et d’organiser vos vidéos musicales préférées, de créer des playlists, de les partager avec vos amis, et plus » (6), explique Aaron Wojnowski qui se présente sur son compte LinkedIn comme le fondateur de la société éditrice, Musi Inc. Il y a travaillé de décembre 2012 à janvier 2024. Depuis, silence radio. Contacté par Edition Multimédi@, cet ingénieur développeur designer – spécialiste de l’iOS – ne nous a pas répondu. La société ne donne plus signe de vie, alors que son application de vidéoclips continue de cartonner sur l’App Store. Le cap des 70 millions de téléchargements cumulés depuis son lancement devrait être franchi cet été.
Le modèle économique de Musi s’appuie essentiellement sur le financement par la publicité. C’est même la numéro une mondiale des applications mobiles les plus rentables en termes de recettes, d’après le classement de Pixalate (7). Ce que les adolescents apprécient dans Musi, c’est l’absence d’interruption de la musique écoutée pour passer de la pub, contrairement à Spotify ou Deezer. L’éditeur de Musi enfreintil les règles d’utilisation de l’API (8) YouTube en mettant ses publicités à la place de celle de la plateforme vidéo de Google ? Les utilisateurs, eux, peuvent payer dans l’application (in-app) la modique somme de 5,99 dollars, et une bonne fois pour toute, pour activer l’option « Remove Ads » et ainsi profiter de l’application sans publicités. Son site web « Feel the Musi » – le nom de domaine Feelthemusi.com étant détenu par Aaron Wojnowski (9) – reste une simple vitrine (10) et son compte Instagam ne donnent pas plus d’informations à ses plus de 360.000 fellowers (11).
Entre stream ripping et copie privée
Ce n’est pas la première fois que YouTube sert de catalogue pour des applications musicales. La captation du flux de la plateforme vidéo de Google ou d’autres sites de streaming – pratique connue sous les termes de stream ripping – est depuis longtemps dans le collimateur des ayants droits (12). Il y a plus de dix ans, l’éditeur du logiciel TubeMaster++ a été condamné pour contrefaçon pour avoir notamment siphonné Deezer (13). Pour certains, le stream ripping à l’aide d’un « YouTube-mp3 » relèverait du droit de copie privée (14). La justice connaît la musique. @
Charles de Laubier