Copie privée : les micro-ordinateurs vont-ils être taxés avant ou après l’élection présidentielle ?

Le conseiller d’Etat Thomas Andrieu, nommé en novembre 2021 président de la commission « pour la rémunération de la copie privée », débute son mandat avec un dossier très sensible politiquement : taxer les ordinateurs portables et de bureau pour les enregistrements d’œuvres qui y sont faits.

Avoir le droit d’enregistrer sur le disque dur interne d’un micro-ordinateur des copies numériques d’œuvres multimédias – que cela soit de la musique, des films, des jeux vidéo, des livres numériques ou encore des images – fera-t-il l’objet en 2022 d’une taxe lors de l’achat d’un nouvel équipement (PC portable, PC de bureau ou disque dur interne vendu séparément) ? Cette année devrait être décisive, puisque la commission « pour la rémunération de la copie privée » – rattachée au ministère de la Culture (1) – est censée analyser les résultats inédits d’une étude d’usage que l’institut de sondage CSA a finalisée et remise en octobre 2021.

Dossier sensible pour Thomas Andrieu
Le problème est que cette commission « copie privée » a beau avoir un nouveau président depuis le 6 novembre dernier (2), en la personne de Thomas Andrieu (photo), conseiller d’Etat, elle ne peut reprendre ses travaux tant que ses autres membres ne sont pas nommés eux aussi. « Nous réunirons la commission une fois que l’arrêté de sa nouvelle composition – pas encore signé à ma connaissance [au 27 janvier, ndlr] – sera publié au Journal Officiel », indiquait il à Edition Multimédi@. Les mandats sont d’une durée de trois ans : celui du précédent président, Jean Musitelli, s’est achevé fin septembre, tandis que ceux des vingt-quatre membres (représentant les fabricants et importateurs de supports, les consommateurs et ayants droit) se sont arrêtés fin novembre (3). « Cette désignation relève de la compétence des ministères en charge de la Culture, de l’Economie et de la Consommation. Elle est indispensable pour que la commission [copie privée] puisse poursuivre ses travaux, et notamment procéder à l’analyse des résultats des études d’usages des pratiques de copie privée sur les microordinateurs », s’est impatientée la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), le 18 janvier à l’occasion de son bilan annuel (4). Elle est membre de Copie France, l’unique organisme français mandaté pour collecter la redevance pour la copie privée (5) et occupant pas moins de dix sièges au sein de la commission « copie privé ». Celle-ci fixe les barèmes des taxes sur les appareils high-tech dotés d’un support de stockage numérique (smartphones, tablettes, disques de sauvegarde externe, clés USB, box, etc.). Cette « redevance pour rémunération de la copie privée », présentée comme une contrepartie au droit des utilisateurs d’enregistrer des œuvres et de les partager dans un cercle restreint (entendez « familial »), s’applique au nouveaux appareils vendus (montant pouvant atteindre plusieurs dizaines d’euros en fonction de la capacité de stockage). Prochains sur la liste : les micro-ordinateurs. Cela fait près de trois ans que la commission « copie privée » prépare le terrain à cette taxation des ordinateurs personnels (portables ou fixes) et des disques durs internes vendus « nus » : c’est-à-dire pouvant être installés à l’intérieur d’un PC, d’un Mac, d’une box ou d’un boîtier NAS (6).
Mais, fraîchement nommé par Roselyne Bachelot (ministre de la Culture) et Bruno Le Maire (ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance), Thomas Andrieu (45 ans) se retrouve avec ce dossier sensible politiquement. Car, contrairement à l’Allemagne, à l’Italie et aux Pays-Bas qui assujettissent depuis quelques années les micro-ordinateurs de leurs compatriotes, la France, elle, n’a encore jamais franchi le pas. Aucun des gouvernements français qui se sont succédés ne se sont risqués à étendre cette redevance « copie privée » aux ordinateurs des Français. Non seulement cela serait malvenu au moment où l’on incite les foyers à s’équiper d’un ordinateur personnel – voire familial – pour faire les démarches administratives en ligne, télétravailler en période de crise sanitaire ou encore permettre aux enfants de suivre l’école en distanciel. De plus, alors que l’élection présidentielle est programmée pour les 10 et 24 avril prochains et que les législatives suivront les 12 juin et 19 juin, une telle taxe ne serait pas vraiment perçue comme populaire auprès de l’électorat… Pas sûr non plus que l’actuel chef d’Etat Emmanuel Macron – donné partant pour un second mandat et ancien ministre de l’Economie, de l’Industrie et… du Numérique (2014-2016) – donne son aval à une mesure qui grèverait le pouvoir d’achat des Français. Sans parler de la lutte contre la fracture numérique…

« Préjudice » pour les ayants droit ?
Une fois les vingt-quatre membres de la la commission « copie privée » désignés, Thomas Andrieu fixera une séance plénière pour tirer les conclusions des résultats de l’étude d’usage CSA (achevée depuis six mois). Selon NextInpact, 1.017 possesseurs de ces appareils ont été interrogés et, sans surprise, la copie d’œuvres sur ces supports est avérée (7). Pour les ayants droit, il y a donc « préjudice ». L’arbitre sera sans doute à l’Elysée. @

Charles de Laubier

La taxe « copie privée » a rapporté aux industries culturelles plus de 4 milliards d’euros en 20 ans

C’est une manne dont les ayants droit de la musique, de l’audiovisuel, de l’écrit (presse-édition) et de la photo (image fixe) ne peuvent plus se passer. De 2002 (taxe sur les CD/DVD) jusqu’à 2020 (taxation de presque tous les appareils de stockage), la « rémunération pour copie privée » fait recette.

La « rémunération pour copie privée », qui est une taxe prélevée sur le prix de ventes des supports et appareils de stockage numérique (smartphone, tablettes, box, clés USB, disques durs externes, cartes mémoires, disques optiques, …), est appliquée pour « compenser le préjudice subi par les auteurs, artistes, éditeurs et producteurs du manque à gagner résultant de l’utilisation de leurs oeuvres ». Cette taxe « copie privée » est la contrepartie du droit de copie privée, permettant à chacun d’enregistrer des musiques, des films, des livres ou des photos pour un usage privé, dans le cadre du cercle restreint familial (1).

Appliquer en 2020 une taxe « copie privée » sur les ordinateurs personnels est-il politiquement correct ?

La Cour des comptes a publié le 9 juin le rapport 2019 sur le contrôle des sociétés de gestion des droits d’auteur, qui suggère d’étendre la taxe « copie privée » aux disques durs internes d’ordinateurs. La commission « Musitelli » prépare le terrain avec Copie France. Mais il faudra l’aval du gouvernement.

La commission « copie privée », chargée par le code de la propriété intellectuelle (article L.311-5) de fixer les redevances perçues au titre de « la rémunération pour copie privée » lors de la vente au grand public de supports de stockage numérique, souhaite maintenant taxer les disques durs internes des ordinateurs personnels. Cette commission, présidée par Jean Musitelli (photo de gauche), vient d’engager les discussions avec ses membres – ayants droit de la culture et industriels de la high-tech.

Convertisseurs de flux audio et vidéo : la pratique du stream ripping (copie privée) est menacée

Selon nos informations, la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) a lancé des actions judiciaires contre trois sites web de stream ripping. Mais ce brasarmé de défense des droits d’auteur des majors de la musique – que sont Universal Music, Sony Music et Warner Music réunis au sein du Snep (1) – ne souhaite pas communiquer sur ces actions en cours « tant qu’elles ne font pas l’objet de décisions de justice » (dixit Marc Guez, DG de la SCPP, à EM@).

YouTube-MP3, MP3Fiber, Flvto, 2conv
Le stream ripping consiste télécharger et sauvegarder un flux audio ou vidéo diffusé en streaming. Cette copie privée est a priori légale pour l’utilisateur…, jusqu’à preuve du contraire. Les sites web et/ou les éditeurs de logiciels permettant cette conversion à l’aide d’outils de type YouTube-MP3 sont dans le collimateur de l’industrie musicale depuis dix ans maintenant. « Les sites de stream ripping transgressent de façon éhontée
les droits des artistes et des producteurs de musique », avait même déclaré il y a un an Frances Moore (photo), la directrice générale de l’IFPI (2), la fédération internationale de l’industrie phonographique. Dernière cible
en date : MP3Fiber. Ce convertisseur en ligne basé au Canada affiche désormais sur son site web (3) le message suivant en rouge : « En raison d’une plainte de la RIAA, nous avons interrompu toutes conversions. Désolé pour la gêne occasionnée ».
En effet, la Recording Industry Association of America – l’équivalent du
« Snep » en France mais à l’échelle des Etats-Unis – a obtenu des administrateurs du site web l’arrêt de ce service. MP3Fiber proposait de convertir en stream ripping des vidéos capturées sur YouTube en fichier sonore MP3 – du nom du format de compression audio créé il y a 25 ans – ainsi que de télécharger les vidéos ellesmêmes à partir non seulement de YouTube mais aussi de SoundCloud, Dailymotion, Facebook, Vimeo, VKontakte ou encore Metacafe. Selon le site d’information Torrentfreak dans son édition du 21 août, la RIAA a obtenu de la société Domains by Proxy (DBP) – pourtant spécialisée dans la confidentialité des propriétaires de noms de domaines… – les coordonnées des administrateurs de MP3Fiber et en l’absence de toute injonction de la part d’un juge (4). Directement contactés par la RIAA, les responsables de MP3Fiber ont répondu au « Snep » américain qu’ils pensaient être dans la légalité étant donné leur présence au Canada, pays où les producteurs de musique sont rémunérés au titre de la copie privée par une taxe sur les supports vierges (blank media levy). La RIAA a rejeté cette défense en faisant remarquer que MP3Fiber était aussi accessible des Etats-Unis. L’organisation américaine des majors de la musique (Universal Music, Warner Music et Sony Music) a aussi fait pression sur MP3Fiber pour qu’il cesse de lui-même son activité s’il voulait éviter de subir le même sort judiciaire que YouTube-MP3 condamné en 2017 ou que deux actions en cours devant la justice contre deux autres sites basés en Russie, Flvto.biz et 2conv.com. Pour éviter un procès, les administrateurs du site de ripping incriminé ont décidé de suspendre leur service. « Ce site web a été en réalité géré comme un passe-temps. Nous avons dépensé plus d’argent sur des serveurs que nous ne l’avions jamais fait ; aussi, nous n’avons pas voulu entrer dans une quelconque bataille juridique. Nous avons à peu près cédé à leurs demandes sans penser à autre chose », ont-ils confié à Torrentfreak.
Il faut dire que les actions contre les sites de « YouTuberipping » se sont multipliés ces derniers mois et pourraient s’intensifier cette année. Outre les sites russes Flvto.biz et 2conv.com, qui sont aussi accessibles par Fly2mp3.org et qui disposaient aussi de serveurs en Allemagne, d’autres ont dû fermer à l’instar de Pickvideo.net, Video-download.co et EasyLoad.co.
La RIAA et la British Phonographic Industry (BPI) sont les « Snep » les plus actives dans le monde pour combattre le YouTube-ripping. Le site leader de cette pratique, YouTube-mp3.org, a été contraint de fermer en Allemagne l’an dernier à la suite d’une action en justice des maisons de disques américaines et britanniques.

Commission « copie privée » : Musitelli commence son second mandat avec de nouveaux barèmes

Le conseiller d’Etat Jean Musitelli est – par arrêté du 6 août 2018 – renouvelé pour trois ans comme président de la commission « L.311-5 » chargée de fixer les taxes « copie privée » applicables aux supports de stockage numérique. Son second mandat commence avec de nouveaux barèmes.

Le second mandat de trois ans que s’apprête à entamer Jean Musitelli (photo) en tant que président de la commission « copie privée » commencera officiellement
le 18 septembre, comme le prévoit l’arrêté daté du 6 août 2018 paru au Journal Officiel le 12 août dernier. Cette commission « Musitelli » – ainsi surnommée comme il y eut la commission « d’Albis » jusqu’en octobre 2009, puis « Hadas-Lebel » jusqu’en août 2015, du nom de ses présidents successifs – multiplie plus
que jamais les nouveaux barèmes de redevances perçues au titre de « la rémunération pour copie privée ».