Un an après avoir lancé ChatGPT, aux airs de « Google-killer », OpenAI prépare un « smartphone-killer »

La start-up californienne OpenAI, cofondée par son actuel DG Sam Altman et devenue licorne valorisée presque 100 milliards de dollars, défraie la chronique depuis le lancement de ChatGPT il y a un an. Après avoir déstabilisé Google, elle veut lancer un petit terminal « smartphone-killer » boosté à l’IA.

(Vendredi 17 novembre 2023 au soir, heure de Paris, soit peu après le bouclage du n°310 de Edition Multimédi@ faisant sa Une sur OpenAI et Sam Altman, nous apprenions le limogeage surprise de ce dernier par son conseil d’administration. Vingt-quatre heure après, OpenAI revenait sur sa décision… Après avoir hésité à rejoindre Microsoft prêt à l’embaucher, Sam Altman a finalement trouvé le 22 novembre un accord avec OpenAI – avec le soutien du bailleur de fonds Microsoft – pour finalement y retourner !)

Google et Apple pourraient bien être les prochaines victimes collatérales d’OpenAI. Car la licorne à l’origine de l’IA générative ChatGPT, lancée il y a un an presque jour pour jour, accélère son offensive technologique. D’une part, elle a organisé le 6 novembre sa toute première conférence des développeurs, OpenAI DevDay, où ont notamment été lancés un « GPT-4 Turbo » et des interfaces de programmation (API) pour créer des agents conversationnels personnalisés intégrables dans des applications ou pour développer son propre « ChatGPT » autonome sans codage. En mettant le turbo, OpenAI veut faire une super-IA tout-en-un capable de générer par elle-même aussi bien du texte et des images, mais aussi de l’audio et de la vidéo. Le 9 novembre, un programme open source baptisé « OpenAI Data Partnerships » a même été lancé pour exploiter tous azimuts des données publiques et privées afin de former encore plus largement les IA génératives. Ce qui positionne la future plateforme IA intégrée d’OpenAI comme un potentiel « Google-killer ». D’autre part, son PDG cofondateur Sam Altman (photo) avait confirmé dès fin septembre être en « discussions avancées » avec l’ancien designer de l’iPhone chez Apple, l’Américano-britannique Jony Ive, et le PDG fondateur du conglomérat Softbank, le Japonais Masayoshi Son, autour d’un projet de lancement d’un terminal à intelligence artificielle susceptible de remplacer à terme les smartphones (1).

Un trio de rêve : OpenAI-Softbank-LoveFrom
Parallèlement, mais sans lien a priori avec ce projet d’appareil, Sam Altman a dit le 13 novembre au Financial Time qu’il demandait à Microsoft des fonds supplémentaires, en plus des 10 milliards de dollars déjà accordés sur plusieurs années par ce dernier, afin de rendre l’IA encore plus intelligente – vers le futur ChatGPT-5 et au-delà (2). Il faudra en tout cas attendre de nombreux mois avant que ne voit le jour le terminal IA grand public rêvé par OpenAI, LoveFrom (société de design créée en 2019 par Jony Ive qui a recruté d’anciens collègues d’Apple comme Marc Newson) et Softbank, dont la filiale britannique ARM pourrait produire les puces. Mais les trois entrepreneurs ont sûrement dû suspendre leur brainstorming, le temps de suivre le lancement d’un petit terminal boosté à l’IA conversationnelle et sans écran (à épingler ou à magnétiser sur un vêtement ou un sac), baptisé Ai Pin. Présenté le 9 novembre et en précommande depuis le 16 novembre aux Etats-Unis, sa disponibilité est prévue début 2024 – sans encore de date pour l’Europe. Son concepteur : la start-up californienne Humane, cofondée en 2017 par Continuer la lecture

Après ChatGPT, les robots conversationnels se bousculent sur le marché de l’IA générative

Les chatbots conversationnels se bousculent au portillon, dans le sillage de ChatGPT. La concurrence s’organise sur marché mondial qui annonce des chamboulements colossaux dans les moteurs de recherche sur Internet, encore dominés par Google. Plus pour longtemps.

Après ChatGPT que la start-up américaine OpenAI – dirigée par son cofondateur Sam Altman (photo) – a lancé le 30 novembre 2022 (1) avec un succès médiatique sans précédent, Bard tente de se lancer à sa poursuite après avoir été annoncé le 6 février dernier par Google mais réservé encore quelques semaines à un nombre limité de happy few testeurs (2). Le lendemain, Microsoft – qui a investi des milliards de dollars dans OpenAI – a annoncé la mise en test dans son moteur de recherche Bing (3) du modèle de traitement du langage naturel utilisé par ChatGPT (Generative Pre-trained Transformer). Et ce n’est pas fini.

La bataille des IA génératrices fait rage
Le 24 février, c’est au tour de Meta de lancer son LLaMA – à des fins de tests également (4). Trois jours après, il est question que Elon Musk – lequel a été un des cofondateurs d’OpenAI – se lance lui aussi dans la course à l’IA générative (5). Au même moment, à savoir le 27 février, Snap y va aussi de son robot conversationnel (chatbot) qui répond au nom de « My AI », également disponible à titre expérimental (6). Toutes ces initiatives ne sont que la face émergée de l’intelligence artificielle conjuguée aux traitements de langage naturel et à l’exploitation de mégabases de données, lorsque que l’IA générative n’est pas aussi connectée au Web (7). Il existe bien d’autres IA créatrices, telles que : Dall.E 2, développée par OpenAI, pour créer des images et des œuvres d’art originales et réalistes à partir d’une description textuelle ; Stable Diffusion, développée par Stability AI, en tant que modèle d’apprentissage automatique (deep learning), permettant de générer des images numériques réalistes à partir de descriptions en langage naturel ; Midjourney, développée par le laboratoire de recherche éponyme, aussi une IA générative conçue pour générer des images à partir de texte ; Cedille, un modèle de génération de texte francophone développé par la société suisse Coteries (8).
Pour conforter son avance, OpenAI a lancé le 1er mars une interface de programmation (API) pour faciliter partout l’intégration de ChatGPT et de Whisper (voix à texte). Textes, photos, vidéos, musiques, … Les IA génératrices s’immiscent dans tous les domaines et cela ne date pas d’hier. Par exemple, la nouvelle musique « des Beatles » baptisée « Daddy’s Car » avait fait sensation en septembre 2016 sur YouTube (9). Or, en réalité, ce titre a été composé par l’équipe « Musique et IA » du laboratoire Sony CSL (10). Il a été créé dans le style des Beatles par le scientifique François Pachet et le musicien Benoît Carré akaSkygge (« ombre » en danois) à l’aide de Flow Machines, une IA « mélomane » (11). Avec elle, ils ont créé en 2018 un album intitulé « Hello World ». François Pachet est aujourd’hui directeur chez Spotify en charge du « développement de la prochaine génération d’outils de composition musicale assistée par IA ».
L’industrie musicale va être bousculée, tout comme l’industrie de l’édition (livre et presse). Le cinéma n’y échappera pas non plus (scénarios et séries). Toutes les industries culturelles et créatives seront impactées, avec les questions de droit d’auteur et de propriété intellectuelle que cela soulève. Par exemple, l’agence photo américaine Getty Images (également banque d’images) a annoncé le 17 janvier porter plainte contre Stability AI (l’éditeur de Stable Diffusion) pour lui avoir « illégalement copié et traité des millions d’images protégées par le droit d’auteur et les métadonnées associées » (12). Plus récemment, le 21 février, le Copyright Office américain a conclu que les images de la bande dessinée « Zarya of the Dawn » créées par l’IA Midjourney, ne peuvent pas être protégées par le droit d’auteur (13). Quant aux « deepfake », ces vidéos hyperréalistes truquées à l’IA, elles commencent pour certaines à poser problème (14). La Chine vient de les interdire (15). La justice commence à faire bouger les lignes (16) et l’Union européenne s’apprête à promulguer son règlement « Artificial Intelligence Act » (17) pour réguler les systèmes d’IA « à haut risque ». Cela irait dans le sens de Brad Smith, président de Microsoft, pour qui « une réglementation efficace en matière d’IA devrait être axée sur les applications les plus à risque ».

Aussi pour des entreprises plus « intelligentes »
Il y a encore peu d’études sur cette vague innovante de création automatique de contenus. Le marché mondial de l’IA générative pourrait être multiplié par dix d’ici la décennie en cours, pour dépasser en 2030 les 100 milliards de dollars. « D’ici 2025, nous nous attendons à ce que plus de 30 % – contre zéro aujourd’hui – de nouveaux médicaments et de nouveaux matériaux soient systématiquement découverts à l’aide de techniques d’IA génératives. Et ce n’est là qu’un des nombreux cas d’utilisation par l’industrie », prévoit Brian Burke, vice-président de la recherche en innovation technologique au sein du cabinet d’études Gartner. @

Charles de Laubier

Interview exclusive avec le robot ChatGPT d’OpenAI

En fait. Le 14 décembre, ChatGPT, l’intelligence artificielle créée par la start-up OpenAI, a répondu à EM@. Les questions portaient sur ChatGPT lui-même, en tant que robot conversationnel, capable de générer du texte intelligible en fonction de ce qu’on lui dit. Faute d’être connecté au Web, il est limité.

En clair. Edition Multimédi@ a débuté l’interview avec ChatGPT en lui demandant qui il est. Le chatbot (agent conversationnel) répond : « Je suis assistant, un grand modèle linguistique formé par OpenAI. Je suis une intelligence artificielle conçue pour aider à répondre aux questions et à fournir de l’information sur un large éventail de sujets. Je n’ai pas de forme physique et j’existe uniquement comme programme informatique ». A-t-il des concurrents dans le monde ? « En tant que grand modèle linguistique, répond ChatGPT, je n’ai pas de concurrents directs au sens traditionnel. Cependant, il y a d’autres assistants en IA et d’autres modèles linguistiques qui me ressemblent à certains égards [comme] Siri d’Apple, Alexa d’Amazon, et Assistant de Google […], mais ils peuvent différer dans leurs capacités ».
Connaît-il aussi par exemple son homologue suisse Cedille (1) développé par la société Coterie, comme lui s’appuyant sur le modèle de langage GPT-3 d’OpenAI, mais francophone ? « Je suis désolé, mais je ne suis pas en mesure de naviguer sur Internet ou d’accéder à de l’information en dehors de mes données de formation. Par conséquent, je n’ai aucune information sur Cedille ou la société suisse Coteries. Mes connaissances se limitent à ce sur quoi j’ai été formé par OpenAI ». Aussi, nous avons demandé à ChatGPT s’il aura bientôt accès au Web à l’instar d’Assistant de Google, d’Alexa d’Amazon ou de Siri d’Apple ? « Je n’ai pas la capacité d’accéder à Internet ou d’interagir avec lui d’aucune façon […] Il s’agit d’une différence fondamentale entre moi-même et les autres assistants en intelligence artificielle, comme Google Assistant, qui sont conçus pour accéder à Internet et fournir des informations à partir d’un large éventail de sources. […] Je ne suis pas en mesure d’exécuter les mêmes fonctions qu’un moteur de recherche, comme Google ». Mais lui, ChatGPT, voudrait-il être connecté à Internet ? « Je n’ai pas la capacité de prendre des décisions ou des mesures de mon propre chef »… Est-il capable d’écrire livres (2), articles de presse, poèmes, partitions de musique, scénarios de films et discours ? « Je n’ai pas la capacité d’écrire des livres, des articles de presse, des poèmes, des partitions de musique, des scénarios de films ou des discours par moi-même [ni] de créer du contenu original ». Un chatbot (3) limité et déconnecté mais modeste (4). @

Avatars conversationnels, les chatbots s’imposent dans nos vies connectées sans garde-fous

Depuis un an, l’Assurance Maladie laisse un chatbot répondre aux millions de visiteurs de son site web Ameli.fr. De plus en plus d’entreprises ont recours à ces robots conversationnels pour assurer leurs relations clients. Du marketing au divertissement, ils remplacent l’humain. Selon quelles règles ?

Les chatbots s’en donnent à cœur-joie. A part la Californie qui leur a consacré une loi en 2018 pour les encadrer et assurer une transparence vis-à-vis des utilisateurs et des consommateurs (1), aucun autre pays – ni même l’Europe pourtant soucieuse du droit des consommateurs et du respect des données personnelles – n’a encore établi de cadre pour réguler ces agents conversationnels aux allures d’êtres humains, qu’il s’agisse d’avatars de l’écrit ou du vocal s’exprimant en langage naturel.

Un avis du CNPEN en vue pour la rentrée
Cependant, la Commission européenne a lancé, dans le cadre de son groupe d’experts de haut niveau sur l’intelligence artificielle (AI HLEG (2)), une réflexion sur les chatbots en vue d’établir des règles éthiques quant à leur utilisation et d’instaurer des garde-fous contre des pratiques abusives (conversations illégales, déloyales, trompeuses, voire manipulatrices). Objectif pour Bruxelles : assurer la protection des consommateurs et des données personnelles, ainsi que la vie privée. « Pensez-vous qu’en Europe, il faudrait adopter un cadre législatif comparable à celui de l’Etat de Californie ? », demande en France le Comité national pilote d’éthique du numérique (CNPEN), dans une consultation publique sur « les enjeux éthiques liés aux chatbots» lancée il y a un an (3). Selon nos informations, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), dont dépend le CNPEN (4), rendra un avis sur les chatbots « au début du prochain semestre », avec son analyse à la suite de cet appel à contribution qui s’est achevé à l’automne dernier. Son avis sera accompagné de recommandations dans l’utilisation éthique des agents conversationnels et à l’attention de leurs concepteurs et développeurs. « Cet aspect naturel du dialogue est susceptible d’influer sur l’être humain : c’est le problème fondamental de l’éthique des chatbots », prévient le CNPEN.
Il s’agit notamment d’éviter la manipulation – ou nudge – que pourrait pratiquer un dialogueur virtuel en amenant – sans contrainte et par des biais cognitifs – un utilisateur connecté à changer d’avis, à modifier son comportement, voire à faire quelque chose contraire à ses convictions. Et ce, parfois de façon insidieusement. « Tous les nudges sont-ils permis ? Comment peut-on distinguer les bons des mauvais nudges? », s’interroge le CNPEN, sachant qu’un nudge peut être un moyen soit d’influence des individus à des fins mercantiles ou politiques, soit au contraire de surveiller notre santé et d’améliorer notre bien-être. Bien d’autres questions se posent sur l’éthique des chatbots, telles que leur rôle en cas de conflit, de mensonge, de désinformation, de fausses nouvelles (fake news) ou encore d’appel à la délation. Sans parler des « deadbots » qui peuvent faire parler ou écrire virtuellement des personnes décédées (Microsoft y travaille), soit pour faire vivre la mémoire des disparus, soit pour usurper leur identité. « De tels usages porteraient-ils atteinte au principe de respect de la dignité de la personne humaine ? », questionne encore le CNPEN. Ces robots-logiciels en ligne et interactifs n’ont pas réponse à tout, mais ces « dialogueurs » (5) sont de plus en plus présents dans l’e-commerce, l’e-administration, voire l’e-divertissement. Google a présenté le 18 mai dernier son chatbot LaMDA (6). De son côté, Facebook veut racheter pour 1 milliard de dollars la start-up américaine Kustomer, laquelle avait racheté en mai 2020, la start-up newyorkaise Reply.ai qui lui a justement apporté ce savoir-faire conversationnel. La Commission européenne a fait savoir le 12 mai dernier qu’elle ouvrait une enquête sur le rachat de cette société spécialisée dans la gestion de la relation client et de la publicité en ligne, ou Customer Relationship Management (CRM) et Software as a Service (SaaS). CRM et chatbots sont devenus indissociables, Messenger et WhatsApp pouvant soutenir la conversation. Dix Etats membres de l’Union européenne – dont la France – ont demandé à Bruxelles d’examiner cette opération au regard du droit de la concurrence. Ce droit de regard de ces pays a été rendu possible par le fait que Facebook a tout de même dû soumettre son projet à l’autorité de la concurrence en Autriche. En conséquence, « Facebook doit donc nous notifier la transaction, qu’il ne peut mettre en œuvre sans notre autorisation », indique la Commission européenne.

« AmeliBot » de l’Assurance Maladie
En France, où la Cnil a émis en février sur les chatbots des « conseils pour respecter les droits des personnes » (7), l’Assurance Maladie a par exemple lancé il y a un an « AmeliBot » en s’appuyant sur la plateforme conversationnelle DigitalCX du néerlandais CX Company, laquelle a été rachetée en mai 2020 par son compatriote CM.com. L’expérience est concluante puisque le chatbot de cette branche de la Sécurité sociale a pu accélérer le traitement de plus de 40 millions de demandes en moyenne par mois. @

Charles de Laubier