Le démantèlement des Big Tech comme Google n’est plus tabou, ni aux Etats-Unis ni en Europe

L’étau de la régulation antitrust américaine se resserre sur Google, filiale d’Alphabet. Le département de la Justice (DoJ) n’exclut aucun remède en faveur de la concurrence, y compris l’arme absolue du démantèlement (breakup). En Europe, cette menace ultime est aussi sur la table.

Le numéro un mondial des moteurs de recherche, Google, sera-t-il le premier Gafam à être démantelé aux Etats-Unis ? La filiale du groupe Alphabet, présidé depuis près de cinq ans par Sundar Pichai (photo), est la cible de deux procès antitrust historiques aux Etats- Unis. Le premier procès, qui s’est ouvert en septembre 2023, s’est soldé le 5 août 2024 par un jugement qui condamne Google pour abus de position dominante sur le marché des moteurs de recherche où il est en situation de quasimonopole. La firme de Mountain View a fait appel de cette décision. Le second procès, qui s’est ouvert le 9 septembre 2024, concerne cette fois ses outils de monétisation publicitaires. Dans ces deux affaires, la menace ultime de l’antitrust américaine est le démantèlement, ou breakup, de Google. Le Département de la Justice (DoJ) y songe sérieusement, d’après une information de l’agence Bloomberg publiée le 13 août dernier.

Vendre Android, AdWords et/ou Chrome ?
Pour casser le monopole illégal de Google constitué par son moteur de recherche au détriment de la concurrence, cette option ultime n’est pas exclue. Elle pourrait consister par exemple à obliger Google à céder son système d’exploitation Android et/ou son activité publicitaire AdWords devenue Google Ads, voire aussi de se délester de son navigateur web Chrome. Si ce n’est pas le démantèlement pur et simple, les autres remèdes pourraient être de forcer Google à partager ses données avec ses concurrents et à faire en sorte que ses comportements monopolistiques ne se reproduisent pas dans l’intelligence artificielle (IA). Dans son verdict du 5 août, le juge a d’ailleurs pointé le fait que Google a payé 26,3 milliards de dollars en 2021 pour maintenir la domination de son moteur de recherche en devenant – par ses accords anticoncurrentiels signés avec Apple et des fabricants de smartphones sous Android comme Samsung, d’une part, et des navigateurs web tels que Firefox de Mozilla d’autres part – le search engine par défaut au niveau mondial. Rien qu’aux Etats-Unis, Google Continuer la lecture

L’application Musi s’est hissée dans le « Top 5 » des applis de streaming musical… grâce à YouTube

La 5e appli de streaming musical la plus téléchargée sur l’App Store est inconnue : Musi. Durant l’été, elle va atteindre au bout de plus de dix ans d’existence les 70 millions de téléchargements. Gratuite et financée par la publicité (ou sans contre une fois 5,99 dollars), elle profite de YouTube.

Contactée par Edition Multimédi@ sur la légalité ou pas de Musi, la filiale française de YouTube nous a indiqué que « les équipes en interne examinent l’application pour savoir s’il s’agit d’un abus ou non ». Est-ce le calme avant la tempête pour cette start-up canadienne qui, à trop embrasser YouTube, aurait mal étreint le droit d’auteur ? Selon une source de l’industrie musicale, une importante maison de disque – sans que l’on sache s’il s’agit d’une major (Universal Music, Sony Music ou Warner Music) – va porter plainte devant un tribunal.

Discographie construite avec YouTube
C’est ce qu’a rapporté le magazine américain Wired, qui cite également une porte-parole de la plateforme de vidéoclips Vevo – diffusés sur YouTube – décidé à « prendre les mesures appropriées » (1). Musi Inc. pourra toujours se défendre en affirmant ne pas héberger de vidéoclips, puisque c’est YouTube qui le fait. Et l’appli Musi ne permet pas de téléchargement de musiques. « Music streaming without limits » est son slogan. Cette application musicale en streaming n’existerait pas sans YouTube. « Musi est une application iOS qui vous permet de diffuser et d’organiser une bibliothèque de musique à partir de YouTube », explique Aaron Wojnowski, le cocréateur de Musi, sur son compte LinkedIn (2). Y a-t-il un accord entre Musi Inc. et la plateforme vidéo de Google ? « All notices of copyright infringement claims should be sent to support@feelthemusi.com », indique la start-up canadienne dans ses conditions générales d’utilisation. L’appli Musi subira-t-elle le même sort que Aurous qui avait dû fermer en 2015 à la suite d’un procès intenté par la puissante RIAA (3) représentant notamment les trois majors ?
Si Musi agite l’industrie musicale, à la manière d’un David contre Goliath, c’est que l’appli rencontre un large succès. Si Spotify et YouTube Music restent les deux applications de streaming les plus téléchargées sur l’App Store d’Apple, l’appli Musi s’est hissée au bout de près de douze ans en cinquième position des plus téléchargées. Elle devance même Amazon Music, Pandora ou Deezer, d’après le charts de l’App Store (4). Par défaut gratuite et financée par la publicité, elle dispose de l’option sans publicités moyennant le paiement – une bonne fois pour toute – de 5,99 dollars. Sur Android, les téléchargements sont peu nombreux, d’après Sensor Tower (5). Musi a été créée fin 2012 par deux amis canadiens, Aaron Wojnowski et Christian Lunny, originaires de la ville de Winnipeg, dans la province du Manitoba (Canada). « Lancé à la fin de 2012, Musi a maintenant grandi pour servir des centaines de milliers d’utilisateurs actifs quotidiens partout dans le monde. Musi permet de mettre en bookmark et d’organiser vos vidéos musicales préférées, de créer des playlists, de les partager avec vos amis, et plus » (6), explique Aaron Wojnowski qui se présente sur son compte LinkedIn comme le fondateur de la société éditrice, Musi Inc. Il y a travaillé de décembre 2012 à janvier 2024. Depuis, silence radio. Contacté par Edition Multimédi@, cet ingénieur développeur designer – spécialiste de l’iOS – ne nous a pas répondu. La société ne donne plus signe de vie, alors que son application de vidéoclips continue de cartonner sur l’App Store. Le cap des 70 millions de téléchargements cumulés depuis son lancement devrait être franchi cet été.
Le modèle économique de Musi s’appuie essentiellement sur le financement par la publicité. C’est même la numéro une mondiale des applications mobiles les plus rentables en termes de recettes, d’après le classement de Pixalate (7). Ce que les adolescents apprécient dans Musi, c’est l’absence d’interruption de la musique écoutée pour passer de la pub, contrairement à Spotify ou Deezer. L’éditeur de Musi enfreintil les règles d’utilisation de l’API (8) YouTube en mettant ses publicités à la place de celle de la plateforme vidéo de Google ? Les utilisateurs, eux, peuvent payer dans l’application (in-app) la modique somme de 5,99 dollars, et une bonne fois pour toute, pour activer l’option « Remove Ads » et ainsi profiter de l’application sans publicités. Son site web « Feel the Musi » – le nom de domaine Feelthemusi.com étant détenu par Aaron Wojnowski (9) – reste une simple vitrine (10) et son compte Instagam ne donnent pas plus d’informations à ses plus de 360.000 fellowers (11).

Entre stream ripping et copie privée
Ce n’est pas la première fois que YouTube sert de catalogue pour des applications musicales. La captation du flux de la plateforme vidéo de Google ou d’autres sites de streaming – pratique connue sous les termes de stream ripping – est depuis longtemps dans le collimateur des ayants droits (12). Il y a plus de dix ans, l’éditeur du logiciel TubeMaster++ a été condamné pour contrefaçon pour avoir notamment siphonné Deezer (13). Pour certains, le stream ripping à l’aide d’un « YouTube-mp3 » relèverait du droit de copie privée (14). La justice connaît la musique. @

Charles de Laubier

Le géant Apple se retrouve pris dans la nasse du Digital Markets Act (DMA) : la fin du walled garden

Edition Multimédi@ revient sur l’avis préliminaire que la Commission européenne a notifié le 24 juin à Apple, affirmant que l’App Store viole le règlement européen sur les marchés numériques (DMA). Les enquêtes de Bruxelles visant la Pomme sonnent le glas du « jardin clos » du fabricant d’iPhone.

Le Digital Markets Act (DMA) auquel doit se plier la firme de Cupertino dans l’Union européenne préfigure la fin – du moins dans les Vingt-sept – de son « jardin clos » savamment entretenu depuis seize ans maintenant (soit depuis l’ouverture de l’App Store en juillet 2008). Ce qui se passe en Europe vis-à-vis d’Apple est historique. Et il aura fallu la pugnacité de Margrethe Vestager (photo de gauche), vice-présidente exécutive de la Commission européenne en charge de la politique de concurrence, pour parvenir à enlever les vers du fruit d’ici le 25 mars 2025.

Un « avis préliminaire » non divulgué
« Nous constatons, à titre préliminaire, qu’Apple ne permet pas pleinement d’orienter les consommateurs. C’est pourtant essentiel pour faire en sorte que les développeurs d’applications soient moins dépendants des boutiques d’applications des contrôleurs d’accès et que les consommateurs aient connaissance de meilleures offres », a indiqué Margrethe Vestager.
La Commission européenne indique à Edition Multimédi@ que « l’avis préliminaire est confidentiel et ne peut pas être partagé », même expurgé des informations relevant du secret des affaires. Selon cet avis, la marque à la pomme – qui fait partie des sept contrôleurs d’accès identifiés par la Commission européenne (outre Apple, il y a Alphabet, Amazon, ByteDance, Meta, Microsoft et Booking) – enfreint le Digital Markets Act (DMA) qui est devenu obligatoire pour ces gatekeepers depuis le 7 mars 2024 (1).
En cas d’infraction, la Commission européenne menace d’infliger à Apple une amende pouvant allant jusqu’à 10 % de son chiffre d’affaires mondial total (lequel était de 383 milliards de dollars en 2023). Ces amendes peuvent aller jusqu’à 20 % en cas d’infractions répétées. Le géant californien, dirigé par Tim Cook (photo de droite) depuis août 2011, a aussitôt réagi le 24 juin dernier à la procédure engagée à son encontre : « Nous avons apporté [au cours des derniers mois] un certain nombre de modifications pour se conformer au DMA en réponse aux commentaires des développeurs et de la Commission européenne. Nous sommes convaincus que notre plan est conforme à la loi et estimons que plus de 99 % des développeurs paieraient le même montant ou moins en frais à Apple en vertu des nouvelles conditions commerciales que nous avons créées. Tous les développeurs qui font des affaires dans l’Union européenne sur l’App Store ont la possibilité d’utiliser les capacités que nous avons introduites, y compris la possibilité de diriger les utilisateurs d’applications vers le Web pour effectuer des achats à un taux très compétitif. Comme nous l’avons fait régulièrement, nous continuerons d’écouter la Commission européenne et de collaborer avec elle », a assuré Apple dans sa déclaration transmise à des journalistes. Mais au-delà de sa réponse médiatique affirmant qu’il n’y a pas d’infractions au DMA, la firme de Cupertino va exercer ses droits de la défense en répondant point par point par écrit aux « constatations préliminaires » dressées par la Commission européenne, estimant qu’il y a violation du DMA.
Que reproche au juste Bruxelles à la Pomme ? Trois pratiques commerciales d’Apple sont mises en cause dans ses relations avec les développeurs d’applications, y compris concernant les règles d’orientation dans l’App Store :
• Aucune condition commerciale d’Apple ne permet aux développeurs et aux éditeurs d’applications ou de services d’orienter librement leurs clients. Par exemple, les développeurs ou les éditeurs ne peuvent pas fournir d’informations sur les prix dans l’application ou communiquer par tout autre moyen avec leurs clients pour promouvoir des offres disponibles sur d’autres canaux de distribution.
• Dans la plupart des conditions commerciales à la disposition des développeurs et des éditeurs d’applications ou de services, Apple ne permet d’orienter les utilisateurs qu’au moyens de liens externes (link-outs) : les développeurs ou les éditeurs d’applications peuvent inclure dans leur application un lien qui redirige le client vers une page web sur laquelle il peut conclure un contrat. Mais…

Plateforme du gatekeeper ou autres canaux …
Ce processus d’orientation au moyen d’un lien externe est soumis à plusieurs restrictions qui sont imposées par Apple et empêchent les développeurs d’applications de communiquer, de promouvoir des offres et de conclure des contrats par le canal de distribution de leur choix.
• Alors qu’Apple peut recevoir des commissions pour faciliter, via l’App Store, l’acquisition initiale d’un nouveau client par les développeurs ou les éditeurs, les frais facturés par Apple vont au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour une telle rémunération. Par exemple, Apple facture aux développeurs ou aux éditeurs des frais pour chaque achat de biens ou de services numériques effectué par un utilisateur dans les sept jours suivant l’utilisation du lien à partir de l’application. Pour la Commission européenne, ces trois pratiques commerciales sont illégales au regard du DMA qui oblige les contrôleur d’accès à « permet[tre] aux entreprises utilisatrices de communiquer et de promouvoir leurs offres gratuitement, y compris à des conditions différentes, auprès des utilisateurs finaux acquis grâce à son service de plateforme essentiel ou via d’autres canaux, et de conclure des contrats avec ces utilisateurs finaux, en utilisant ou non à cette fin les services de plateforme essentiels du contrôleur d’accès » (2).

Apple a moins de 8 mois pour répondre
Autrement dit, le groupe Apple enfreint le DMA en ce qu’il n’autorise pas les développeurs ou les éditeurs d’applications ou de services à orienter gratuitement leurs consommateurs vers des offres en dehors de l’App Store. Comme la Commission européenne a prévenu – lorsqu’elle a ouvert son enquête le 24 mars 2024 à l’encontre non seulement d’Apple mais aussi d’Alphabet/Google/YouTube et de Meta/Facebook /Instagram (3) – qu’elle avait l’intention de clore les procédures « dans un délai de 12 mois » à partir de cette date-là. Le verdict tombera avant le 25 mars 2025. Alors que l’avis préliminaire du 24 juin 2024 se focalise sur ce que peuvent faire ou pas les développeurs ou éditeurs d’applications ou de services dans le « jardin clos » de la Pomme, l’enquête ouverte il y a plus de trois mois portait aussi sur la mise en conformité d’Apple avec les obligations liées au choix de l’utilisateur.
A savoir : permettre aux utilisateurs finaux de désinstaller facilement toute application logicielle sur iOS ; permettre aux utilisateurs de modifier facilement les paramètres par défaut sur iOS ; et inciter les utilisateurs à sélectionner effectivement et facilement sur leurs iPhone un autre service par défaut, tel qu’un navigateur ou un moteur de recherche. « La Commission européenne craint que les mesures d’Apple, y compris la conception de l’écran de sélection du navigateur web, puissent empêcher les utilisateurs d’exercer réellement leur choix de services au sein de l’écosystème Apple, en violation […] du règlement sur les marchés numériques ». Le DMA oblige en effet le gatekeeper à « autorise[r] et permet[tre] techniquement la désinstallation facile par les utilisateurs finaux de toute application logicielle dans son système d’exploitation, sans préjudice de la possibilité pour ce contrôleur d’accès de restreindre cette désinstallation si elle concerne une application logicielle essentielle au fonctionnement du système d’exploitation ou de l’appareil et qui ne peut techniquement pas être proposée séparément par des tiers » (4). Apple est tenu d’autoriser et permettre techniquement la modification facile par les utilisateurs finaux des paramètres par défaut de son système d’exploitation iOS, son assistant virtuel Siri et de son navigateur Internet Safari, qui dirigent ou orientent les utilisateurs finaux vers des produits et des services proposés par la Pomme.
La question du « par défaut » devient essentielle pour la concurrence : au moment de leur première utilisation de son moteur de recherche en ligne, de son assistant virtuel ou de son navigateur web, Apple doit obligatoirement inviter les utilisateurs finaux à choisir « dans une liste des principaux fournisseurs de services disponibles » le moteur de recherche en ligne, l’assistant virtuel ou le navigateur Internet vers lequel le système d’exploitation du contrôleur d’accès dirige ou oriente les utilisateurs « par défaut », et le moteur de recherche en ligne vers lequel l’assistant virtuel et le navigateur Internet du contrôleur d’accès dirige ou oriente les utilisateurs « par défaut ».
Le jardin clos, que Edition Multimédi@ avait surnommé en 2010 l’«”iPrison” dorée » (5), c’est fini. Du moins dans l’Union européenne. A trop vouloir verrouiller son walled garden et à abuser de sa position dominante, la Pomme – dont le siège européen « Apple Operations International », dirigé par Cathy Kearney (photo ci-contre), est basé à Cork en Irlande – a déjà dû payer une amende salée de 1,8 milliard d’euros infligée en mars 2024 à la suite d’une enquête engagée en juin 2020 sur une plainte de Spotify (6). Ce fut la première enquête.

Fin du walled garden d’Apple en Europe
La seconde en cours sur les pratiques commerciales de l’App Store pourrait déboucher sur une sanction financière bien plus élevée. Et une troisième enquête a parallèlement été lancée le 24 juin, portant cette fois sur les nouvelles conditions contractuelles et commissions « CTF » (7) imposées depuis mai dernier par Apple aux développeurs. En outre, toujours vis-à-vis du DMA, l’iPadOS a été considéré le 29 avril 2024 par la Commission européenne comme étant bien un gatekeeper (8), comme le sont déjà depuis le 5 septembre 2023 l’iOS des iPhone, le navigateur Safari et la boutique en ligne App Store. Aux Etats-Unis cette fois, où Epic Games conteste l’« app tax » de 30 % d’Apple (9), le DoJ poursuit son enquête. @

Charles de Laubier

Qui est Voodoo, la licorne désormais propriétaire de BeReal racheté 500 millions de d’euros

La licorne française Voodoo, éditeur de jeux mobiles, entame sa seconde décennie d’existence sur les chapeaux de roue en s’emparant du réseau social BeReal (40 millions d’utilisateurs) pour un demi-milliard d’euros. Cette diversification lui permet de trouver des relais de croissance nécessaires.

L’annonce du rachat de BeReal a été faite le 11 juin dernier par Alexandre Yazdi (photo), PDG cofondateur de la société française Voodoo, connue pour ses jeux sur smartphone tels que « Helix Jump » (800 millions de téléchargements depuis sa création), « Paper.io » (280 millions), « Aquapark.io » (271 millions), « Crowd City » (237 millions) « Color Road » (101 millions) et bien d’autres titres parmi un catalogue de plus de 200 jeux mobiles (1), totalisant ensemble à ce jour plus de 7 milliards de téléchargements et 150 millions de « joueurs occasionnels » (appelés aussi en anglais casual games, voire hypercasual games).

Second souffle au-delà du casual gaming
Ces jeux pour smartphone ont vocation à s’adresser au grand public et leurs utilisateurs recherchent avant tout une prise en main facile et rapide du jeu sans forcément y passer des heures, contrairement aux gamers sur des jeux vidéo. Le marché du casual gaming (voire de l’hypercasual gaming) est en pleine expansion : des labyrinthes, des circuits de billes virtuelles, des jeux de cartes, des puzzles de type Tetris, … Ils sont souvent minimalistes, aux graphismes attrayants et sans fin, ce qui les rend souvent addictifs. Les deux ans de pandémie de covid-19 et le télétravail ont donné un coup de fouet à ces mini-jeux gratuits financés par de la publicité et par des achats dans l’applications (in-app). Les grands éditeurs de ces petits jeux pour mobile s’appellent Zynga – acquéreur en 2020 de Rollic et propriété depuis 2022 de Take-Two interactive (2) –, Kwalee ou encore Ketchapp, tous des rivaux de Voodoo.

Les tablettes n’ont pas réussi à s’imposer face aux smartphones et leur usage est resté secondaire

Les tablettes sont-elles vouées à disparaître ? La question peut paraître osée, mais pas tant que cela. L’usage écrasant des smartphones depuis des années a relégué les ardoises au second plan. La presse mondiale en espérait beaucoup, mais ce fut la déception. Leurs ventes sont souvent en baisse.

Apple, Samsung, Huawei, Lenovo et Xiaomi constituent le « Top 5 » mondial des fabricants de tablettes. Mais leurs ventes sur ce segment de marché font pâle figure par rapport aux ventes de leurs smartphones. Prenons le numéro un mondial des ardoises tactiles, Apple avec son iPad – qui est entré depuis le 3 avril dernier dans sa quinzième année depuis sa première génération. La marque à la pomme en a vendu au cours de son dernier exercice annuel (clos le 30 septembre 2023) pour 28,3 milliards de dollars, en baisse de – 3 % sur un an. Alors que les iPhone, eux, lui ont rapporté sur la même période 200,5 milliards de dollars.

Apple pourrait passer en second
Les tablettes de la firme de Cupertino ne pèsent que 7,3 % de son chiffre d’affaires global annuel. Sur les six premiers mois de l’exercice en cours (c’est-à-dire au 30 mars 2024), les iPad (5,5 milliards de dollars contre 45,9 milliards de dollars pour les iPhone) ne représentent là encore que 6,1 % du chiffre d’affaires total sur ce premier semestre. Le recul des ventes de des tablettes de la Pomme sur ces six premiers mois de l’année fiscale en cours est de – 17 %.
Reste à savoir pour le PDG d’Apple, Tim Cook, si sa keynote du 7 mai dernier consacrée aux nouveautés iPad (1), relancera les ventes de ses ardoises. Si les annonces du successeur de Steve Jobs se sont faites sans accros de l’Apple Park circulaire, il n’en a pas été de même pour la publicité pour l’iPad Pro diffusée le jour même (2). Montrant une énorme presse hydraulique broyant lentement guitare, métronome, sculpture, livre, tourne disque, trompette, appareil photo, mannequin en bois d’artiste, sur fond de tubes de couleurs explosant au fur et à mesure comme du sang qui gicle, pour laisser apparaître la fine tablette, cette publicité a suscité une vague d’indignation à travers le monde. Certains y ont vu une dystopie froide portant atteinte à la création humaine ; d’autres se sont offusqués de cette uniformisation du monde réduite à l’écran. « Nous avons raté la cible avec cette vidéo, et nous sommes désolés », s’est excusé Apple le 9 mai par la voix de son vice-président marketing communication, Tor Myhren, dans une déclaration à l’hebdomadaire américain Ad Age (3). L’avenir dira si cette publicité ratée accentuera le déclin des iPad, malgré les nouveaux modèles dont certains plus grands, plus puissants, mieux éclairés, mieux sonorisés, etc. (4).