Le sud-coréen Samsung se réorganise pour rester le numéro un mondial des smartphones, devant Apple

Pour ne pas se faire rattraper par l’américain Apple ni par le chinois Xiaomi sur le marché mondial des smartphones, où il est premier, le groupe Samsung Electronics – filiale high-tech du chaebol sud-coréen – met les bouchées doubles : nouveaux modèles « S22 » plus puissants et nouvelle réorganisation.

Le Mobile World Congress (MWC) est de retour à Barcelone, du 28 février au 3 mars. Après deux années impactées par la pandémie, notamment par l’annulation de l’édition de 2020 (1), la grand-messe internationale de l’écosystème mobile (2) a bien lieu physiquement cette année dans la capitale de la région espagnole de Catalogne.
Parmi 1.500 exposants, le sud-coréen Samsung Electronics occupe une superficie équivalente à huit stands. Il n’en fallait pas moins pour le toujours numéro un mondial des smartphones, qui, selon le cabinet d’étude Omdia, en a vendus pas moins de 271,5 millions d’unités en 2021. En revanche, son rival américain Apple est physiquement aux abonnés absents comme le montre la liste des exposants du MWC (3). La marque à la pomme est le numéro deux mondial avec ses iPhone, lesquels se sont vendus l’an dernier à 236,2 millions d’exemplaires. Si le chinois Huawei – après les bâtons dans les roues que lui ont mis les Etats-Unis durant dix ans (4) – n’est plus en mesure, avec ses 35 millions de smartphones vendus en 2021, de disputer à Apple la seconde place mondiale, son compatriote Xiaomi, avec ses 190,2 millions d’unités vendues (5), est en bonne voie pour croquer la pomme. Apple et Xiaomi rêvent chacun de détrôner Samsung de son piédestal.

Nouvelle gamme et nouvelle gouvernance
Mais Samsung Electronics entend bien garder sa couronne et tenir à distance ses deux challengers. Lors de sa 53e assemblée générale annuelle le 16 mars prochain, sous la présidence de Jae-Wan Bahk (photo de gauche) qui va partir à la retraite, le géant sud-coréen entérinera sa réorganisation et de profonds changements dans son management de direction, afin d’être plus que jamais en ordre de bataille pour se maintenir sur le trône. Sans attendre l’ouverture du grand raout barcelonais, le fabricant des Galaxy a annoncé dès le 9 février trois nouveaux modèles de la gamme (S22, S22+ et S22 Ultra) où la photo, la vidéo, l’intelligence artificielle, le micro-processeur de 4 nanomètres et la 5G sont mis en avant. Depuis ce jour-là, les appareils sont en pré-commandes. Une nouvelle tablette est aussi mise sur le marché (Tab S8 Ultra), tandis que deux autres ont été mises à jour (Tab S8 et S8).

Jong-Hee Han devient l’homme fort
Le dimanche 27 février, soit la veille de l’ouverture du MWC à Barcelone, Samsung organise un show « Galaxy » pour montrer sa « nouvelle ère d’appareils mobiles connectés » pour le travail et l’apprentissage (6), tout en vantant l’utilité du stylet (S Pen) et son innovation des smartphones pliables (Z Fold et Z Flip). Certains médias spéculaient aussi sur le lancement tant attendu en milieu de gamme du Galaxy A53 (et d’autres nouveautés « A »). Samsung entend encore marquer les esprits avec de nouvelles innovations, comme il l’avait fait il y a plus de dix ans en lançant le Galaxy Note qui fut le premier « phablet » doté d’un grand écran 5,3 pouces et du stylet. Les modèles Note 20 and Note 20 Ultra sortis en août 2020 furent les derniers de la série best-seller, la firme de Séoul misant sur les smartphones pliables. Les fans de Note avaient exprimé leur déception.
La série « S » (S21, S22, …) prend le relais avec… l’emblématique S Pen sur le côté, également utilisable sur les tablettes Tab de la marque. Victime de son succès, le fabricant sud-coréen a cependant confirmé des retards dans le calendrier de livraison des nouveaux Galaxy S22. Par exemple, le smartphone le plus haut de gamme n’a pas pu être disponible le 25 février et pourrait accumuler du retard jusqu’au 15 mai pour certains modèles, sinon fin mars au plus tôt au lieu du 11 mars initialement prévu. « L’intérêt pour la série Galaxy S22 est à un niveau record avec un volume de pré-commande dépassant nos attentes », a-t-il été expliqué à PC Mag (7). Les problèmes qui perdurent encore dans l’approvisionnement en composants pèse aussi sur la production de la « Galaxy ». Malgré ces obstacles – rançon de la gloire pour le numéro un mondial –, Samsung s’attend à une demande forte en 2022, notamment sur ses modèles premium.
La filiale high-tech du chaebol de Séoul entérinera le 16 mars prochain, à l’occasion de son assemblée générale annuel, sa réorganisation annoncée en décembre dernier. Une nouvelle division a été créée, appelée Device eXperience (DX) et dirigée par Jong-Hee Han (photo de droite), promu vice-président. Après avoir dirigé la division téléviseurs de Samsung Electronics, ce dernier – qui aura 60 ans le 15 mars – se retrouve propulsé à la tête de la DX pesant 138 milliards de dollars de chiffre d’affaires (cumul 2021) et comprenant l’activité mobile et réseaux (IM (8)) et les appareils électroniques grand public (CE (9)), y compris les écrans de télévision dont il avait la charge (10). Cette nouvelle division englobe également les équipements numériques, de santé et appareils médicaux, dont les wearables (bracelets et montres connectées). Le but de cette fusion interne est de renforcer les synergies et d’accélérer le développement de produits, afin de ne pas se faire rattraper ni par Apple ni par Xiaomi. Parallèlement, la division Device Solutions (DS) – incluant les micro-processeurs et les mémoires pour un total de chiffre d’affaires 2021 de 104,6 milliards de dollars – change de patron en la personne de Kye-Hyun Kyung. Tandis que « Tae-Moon Roh, président et responsable de Mobile eXperience (MX), et Jung-Bae Lee, président et responsable de l’activité Mémoire – soit les cœurs de métiers respectifs des divisions DX et DS – se joindront également au conseil d’administrateur. En outre, (…) le groupe recommande (…) la nomination du nouveau directeur financier Hark-Kyu Park au poste de directeur général », détaille le document remis aux actionnaires pour la prochain AG du 16 mars (11). Jong-Hee Han devient, lui, l’homme fort de Samsung Electronics, succédant ainsi à Kim Ki-Nam (alias Kinam Kim) qui était depuis 2018 viceprésident et CEO de la division DS.
Cette réorganisation tourne aussi définitivement la page de l’ère « Lee Jae-Yong » (alias Jay Y. Lee), le petit-fils du fondateur du chaebol Samsung, qui fut propulsé à la tête de sa célèbre filiale électronique il y a près de dix ans, en décembre 2012 (12), avant de devoir en démissionner après avoir été condamné et emprisonné en 2017 pour corruption et détournement de fonds (13). L’héritier du groupe « trois étoiles » – c’est la signification en coréen de « Samsung » – a succédé à son père Lee Kun-Hee, décédé en octobre 2020, à la tête du chaebol et l’est encore malgré sa nouvelle condamnation prononcée en janvier 2021. Après qu’il ait été réincarcéré, le gouvernement sud-coréen lui a accordé une libération conditionnelle controversée. Samsung Electronics a totalisé l’an dernier un chiffre d’affaires global de 233,8 milliards de dollars (+ 18 % sur un an), dont 35 % réalisés en Amérique, 18 % en Europe, 16,3 % en Chine, 15,7 % en Corée et 15 % en Asie et Afrique. Ainsi, l’Europe a contribué à elle seule pour 42 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2021. Tandis que la rentabilité du groupe sud-coréen affiche un bénéfice net de 33,3 milliards de dollars, soit un bond de 51 % malgré la pandémie de coronavirus et la pénurie de composants.

Aussi n°1 mondial des semi-conducteurs
Mais Samsung Electronics a un autre atout : le groupe hightech fabrique aussi des semi-conducteurs et, selon le cabinet d’étude Counterpoint (14), il s’est même offert en 2021 la première place mondiale en y délogeant l’américain Intel grâce à la dynamique de ses ventes de circuits logiques et de mémoires (Dram et Nand flash). Alors que la pénurie de composants commence à se résorber, le marché des semiconducteurs a un bel avenir devant lui avec le déploiement de la 5G, l’engouement pour la réalité virtuelle et les métavers, le calcul haute performance ou encore la voiture connectée et autonome. @

Charles de Laubier

Le président chinois Xi Jinping se mue en « Grand Timonier » de l’économie numérique de son pays

Alors qu’il est depuis près de dix ans président de la République populaire de Chine, Xi Jinping n’a jamais été aussi centralisateur et exigeant sur la manière de réguler le capitalisme dans l’Empire du Milieu. Tout en accentuant la censure de l’Internet, le secrétaire du parti communiste chinois met au pas la finance de ses géants du numérique.

Le président de la Chine, Xi Jinping (photo), et son homologue des Etats-Unis, Joe Biden, lequel a pris l’initiative de cet appel, se sont longuement parlé au téléphone le 9 septembre au soir. Les dirigeants des deux plus grandes puissances économies mondiales, dont le dernier coup de fil remontait à sept mois auparavant (février 2021), ont eu une « discussion stratégique » pour tenter d’apaiser les relations sino-américaines qui s’étaient tendues sous l’administration Trump. Durant leur entretien de près d’une heure et demie, ils sont convenus d’éviter que la concurrence exacerbée entre leur deux pays ne dégénère en conflit.
Cet échange franc au sommet – où économie, tarifs douaniers punitifs, restrictions à l’exportation (1), affaire « Huawei », climat et coronavirus ont été parmi les sujets abordés – semble tourner la page de la guerre économique engagée par Donald Trump. En apparence seulement, car l’administration Biden a fait siennes les accusations lancées – sans preuve – par l’ancien locataire de la Maison-Blanche à l’encontre du géant technologique chinois Huawei toujours accusé de cyber espionnage via notamment ses infrastructures 5G dont il est le numéro un mondial (2). Face aux coups de boutoir de Washington (3), la firme de Shenzhen a perdu la première place mondiale des fabricants de smartphone qu’il avait arrachée un temps à Samsung début 2020 et après avoir délogé Apple de la seconde début 2018 (4).

Œil pour œil, dent pour dent : Apple pourrait être la première victime collatérale du « Huawei bashing »

La marque à la pomme risque d’être la première grande firme américaine – un des GAFA qui plus est – à payer très cher l’ostracisme que les Etats-Unis font subir au géant chinois Huawei. Si la loi du talion est gravée dans la Bible, elle semble aussi être une règle non-écrite de la Constitution chinoise. Représailles en vue.

« Tu donneras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, meurtrissure pour meurtrissure, plaie pour plaie », dit la Bible (1), qui n’est finalement pas si pacifique qu’on le dit. La Chine va faire sienne cette loi du talion en prenant des mesures de rétorsion à l’encontre d’entreprises américaines, au premier rang desquelles Apple.
D’après le Global Times, quotidien proche du Parti communiste chinois au pouvoir, Pékin est prêt à prendre « des contre-mesures » ciblant des entreprises américaines. Dans un article publié le 15 mai dernier, complété par deux autres, Apple est cité en premier, suivi de Qualcomm, Cisco et Boeing (2). « La Chine prendra des contremesures, comme inclure certaines entreprises américaines dans sa liste d’‘’entités non fiables’’, imposer des restrictions aux entreprises américaines comme Qualcomm, Cisco et Apple, ou mener des enquêtes à leur sujet, et suspendre les achats d’avions de Boeing ». Le ministère chinois du Commerce – le Mofcom (3) – a confirmé en mai la préparation de cette liste noire où Apple figurera en bonne place. L’Empire du Milieu est donc prêt à rendre coup sur coup, alors que son fleuron technologique Huawei – numéro deux mondial des smartphones en 2019 devant… Apple (4) – fait l’objet depuis près de dix ans maintenant d’une discrimination de la part de l’administration Trump, allant jusqu’à son bannissement des infrastructures 5G aux Etats-Unis il y a un an.

Xiaomi fête ses 10 ans d’existence en devenant 3e fabricant mondial de smartphones, devant Huawei !

Le « X » de BATX – désignant les géants chinois du Net, rivaux des GAFA – se sentait pousser des ailes, jusqu’aux turbulences planétaires du coronavirus. Xiaomi, cofondé le 6 avril 2010 par Jun Lei, a profité ces derniers mois des déboires de son compatriote Huawei. Au point de lui disputer sa place de numéro trois mondial des smartphones.

Xiaomi devant Huawei… C’est le site web chinois Sina qui l’a révélé le 19 mars dernier, chiffres inédits du cabinet d’études américain Strategy Analytics à l’appui. Ils montrent que Xiaomi est devenu, pour la première fois, le numéro trois mondial des ventes de smartphones sur le mois février. Son compatriote chinois Huawei, victime d’ostracisme de la part des Etats-Unis et d’autres pays « alignés » sur des prétextes de « sécurité nationale », s’est vu relégué à la quatrième place – après que la firme de Shenzhen ait caracolé sur l’année 2019 en deuxième position mondiale, derrière Samsung et… devant Apple. Ainsi, sous l’effet conjugué de la campagne anti-Huawei et de la pandémie du covid-19, Xiaomi a pu gagner une place en vendant sur le seul mois de février 6 millions de ses smartphones (reculant tout de même de 40 % en volume par rapport au mois précédent), contre seulement 5,5 millions pour Huawei (chutant, lui, de 55 % sur la même période). Devant Xiaomi, et toujours d’un mois à l’autre, Apple a fait 36 % de ventes en moins à 10,2 millions d’iPhone en février et Samsung 9 % en résistant le mieux en tant que numéro un mondial incontesté des smartphones (voir ici le tableau).