Fermé et accusé de monopole, Apple consolide son walled garden aux commissions abusives

Apple a délogé Samsung en 2023 de la première place mondiale des fabricants de smartphones. De quoi conforter la marque à la pomme dans son modèle économique verrouillé et contesté. En plus des taxes de 30 % (ou 15 %), une nouvelle à 27 % (ou 12 %) va se retrouver devant la justice. Aux Etats-Unis, bientôt en Europe ?

« La dernière fois qu’une entreprise qui n’était pas Samsung s’est retrouvée au sommet du marché mondial des smartphones, c’était en 2010 [avec Nokia en tête à l’époque, ndlr]. Et pour 2023, il y a maintenant Apple », a indiqué le cabinet d’études international IDC. « Le succès et la résilience continus d’Apple sont en grande partie imputables à la tendance croissante des smartphones haut de gamme, qui représentent maintenant plus de 20 % du marché mondial, alimentée par des offres de remplacement agressives et des plans de financement sans intérêts d’emprunt », souligne Nabila Popal, directrice de recherche chez IDC. Ainsi, le « malheur » de Samsung fait le « bonheur » d’Apple qui a crû sur un marché mondial des smartphones pourtant en déclin de – 3,2 % en 2023 par rapport à l’année précédente. Il s’agit même, constate IDC, du volume annuel le plus bas en une décennie, avec 1,17 milliard d’unités vendues l’an dernier.

N°1 mondial des smartphones pour la toute première fois
« Apple est le seul acteur dans le “Top 3” à afficher une croissance positive chaque année, […] malgré les défis réglementaires croissants et la concurrence renouvelée de Huawei en Chine, son plus grand marché », ajoute Nabila Popal. Cela dit, pas sûr que la firme de Cupertino (Californie) – pour la toute première fois numéro un mondial des smartphones depuis le lancement de l’iPhone en 2007 – se maintienne longtemps en haut du podium mondial, en raison de l’offensive du fabricant sud-coréen avec la commercialisation, depuis le 31 janvier, de ses nouveaux Galaxy S24 boostés à l’IA (S24, S24 + et S24 Ultra) annoncés des Etats-Unis le 17 janvier dernier. Le monde iOS fermé et verrouillé d’Apple – que Edition Multimédi@ avait surnommé en 2010 l’ « ”iPrison” dorée » – devra aussi composer avec l’ex-numéro deux mondial des smartphones, le chinois Huawei, lequel regagne du terrain malgré son ostracisation par l’administration américaine. Sans oublier l’avancée de quatre autres chinois : Continuer la lecture

Le paiement sur facture opérateur est de plus en plus une alternative aux GAFAM… qui le proposent

Les opérateurs télécoms en France sont à la fois en concurrence avec les géants du Net et leurs moyens de paiements en ligne, mais aussi partenaires avec certains (Google, Apple, Microsoft, …) qui proposent aussi le paiement sur facture opérateur. Le streaming booste ce marché.

« Apple, Blizzard, Google Play, Microsoft Store et Sony Playstation offrent l’option “facture opérateur” comme un moyen de paiement à part entière aux côtés de la carte bancaire, du porte-monnaie électronique ou du prélèvement. Cette solution de paiement connaît un succès toujours croissant du fait de son caractère pratique et sécurisant », s’est félicitée le 15 juin l’Association française pour le développement des services et usages multimédias multi-opérateurs (AF2M).

Streaming et Store : moitié des dépenses
Ainsi, des géants du Net contribuent à la croissance du marché français du paiement sur facture opérateur qui peut être « une alternative à des solutions proposées par les GAFA » ainsi qu’à des acteurs historiques du e-paiement. « Le paiement sur facture opérateur permet de régler ses achats sans communiquer ses coordonnées bancaires ou créer de moyen de paiement en ligne tel que PayPal », souligne l’AF2M (1). De grandes plateformes de streaming et de grands éditeurs ajoutent ainsi la possibilité complémentaire pour leurs utilisateurs d’être facturés directement par leur opérateur télécoms. Pour cela, ils recourent aux solutions dites de Direct Carrier Billing (DBC) ou de « Store OTT » proposés par ces derniers. La progression de ce segment de marché, appelé « Stores et DCB » par l’AF2M et porté par le streaming, est telle qu’il pèse en 2022 quasiment la moitié du total des dépenses effectuées par les utilisateurs facturés par les opérateurs télécoms : 49 %, soit 285,6 millions d’euros l’an dernier (voir le tableau ci-contre). Sur cinq ans, le « Stores et DCB » a même fait un bond de 220 %, l’AF2M précisant qu’« avant 2017, le montant global dépensé par les utilisateurs des solutions de paiement Store/streaming était intégré à la solution de paiement Internet+ ». Cela explique en partie qu’« Internet+ Mobile » et « Internet+Box » aient baissé significativement en 2018 et 2019. Depuis, « Internet+ Mobile », porté par les smarphones, a repris de l’embonpoint pour représenter 26,8 % des dépenses sur facture opérateur en 2022 (156,4 millions d’euros, + 8,4 %). En revanche, « Internet+Box » ne s’est pas redressé et ne pèse que 4,3 % du total l’an dernier (25,1 millions d’euros, – 10,6 %). Quant au SMS+, il fait de la résistance en étant le troisième mode de paiement sur facture opérateur : en hausse de 3,5 % sur un an, 79,7 millions d’euros. « Les solutions SMS+ permettent de participer à des jeuxconcours ou de voter par SMS, ce segment ayant été porté par la Coupe du monde de football 2022, qui a généré un fort engouement pour les votes et les pronostics », relève l’AF2M.
Au-delà de ces SMS+, il y a aussi les « autres usages SMS » (collecte de dons, achat de tickets de transport, ou règlement de tickets de stationnement/ parking) qui ont fait un bond de 78 % sur un an, à 35,6 millions d’euros. « Avec l’élan de générosité suscité par la guerre en Ukraine, les dons par SMS ont connu une forte croissance », indique l’AF2M. Au global, l’Observatoire du paiement sur facture opérateur – réalisé sous la responsabilité de Fayçal Kaddour (photo) – montre dans sa 6e édition que le marché français totalise 582,4 millions d’euros de dépenses effectuées par les utilisateurs. Sur un an, cela correspond à une hausse de 7,8 %. L’association présidée par Renan Abgrall (Bouygues Telecom), réélu le 20 juin pour un second mandat de deux ans, a été rejoint en mars 2021 par Free. La filiale du groupe Iliad n’avait pas été un des cofondateurs de l’AF2M (ex-AFMM) en 2005 aux côtés d’Orange, de Bouygues Telecom et de SFR ainsi que les associations Acsel et Geste. Euro-Information Telecom (2) en est membre mais le MVNO (3) a été a racheté fin 2020 par Bouygues Telecom. Sont aussi membres de l’AF2M : A6 Telecom (Skyweb, racheté par VoIP Telecom), Worldline (ex-filiale d’Atos), Colt, Digital Virgo, Odigo (Odilink) et Remmedia. @

Charles de Laubier

La division fintech de Meta porte le nom de Meta Financial Technologies depuis un an, et après ?

Il y a un, le Français Stéphane Kasriel annonçait sur son compte Twitter que la division fintech qu’il dirige au sein de l’ex-groupe Facebook abandonnait son nom provisoire Novi pour s’appeler Meta Financial Technologies. Malgré l’échec de Diem, une monnaie virtuelle reste à l’étude.

Stéphane Kasriel (photo) est entré dans le groupe Facebook en Californie en août 2020, à l’époque où la division des technologies financières (fintech) de la firme de Menlo Park s’appelait encore Facebook Financial (F2) que dirigeait alors le Suisse franco-américain David Marcus (ancien président de PayPal). Le Français Stéphane Kasriel est recruté pour diriger une équipe d’ingénieurs au sein de cette entité F2 qui gère tous les services financiers du géant des réseaux sociaux, notamment le portefeuille numérique Novi, les systèmes de e-paiement WhatsApp Pay ou Facebook Pay, ainsi que les transferts d’argent transfrontaliers via NoviTransferts.

Après l’échec de Diem, des tokens pour payer
Jusqu’au jour où David Marcus annonce sur Twitter, le 28octobre 2021 et juste après le changement de nom du groupe Facebook en Meta Platforms, que la branche F2 prend le nouveau nom de Novi (1), lequel nom est déjà celui du portefeuille virtuel (anciennement Calibra) qui devait être lancé avant fin 2021 pour permettre à leurs détenteurs de pouvoir y mettre des cryptomonnaies – y compris ce qui devait être la future monnaie numérique Diem indexée sur le dollars et initiée par la firme de Mark Zuckerberg au sein de l’association également dénommée Diem (ex-Libra). Mais confrontés à des obstacles réglementaires et politiques aux Etats-Unis (où tout ce qui pourrait déstabiliser le sacro-saint dollars est exclu), le projet Novi et la crypto Diem (bien que cette dernière soit «stablecoin» et arrimée à l’US dollar) se retrouvent au point mort au grand dam de David Marcus. Celui-ci annonce le 30 novembre 2021 son départ de Meta. « Je demeure toujours aussi passionné par la nécessité de changer nos systèmes de paiement et nos systèmes financiers », dira-t-il dans son tweet (2).
En janvier 2022, Le Wall Street Journal et le Washington Post révèlent l’abandon par Meta de Diem, dont les actifs ont été cédés à la banque californienne Silvergate, celle-là même – ironie de l’histoire – qui a fait faillite en mars dernier après le crypto-krach du second semestre 2022 et surtout la banqueroute retentissante de la plateforme de cryto-exchange FTX. David Marcus était aussi membre du bureau de l’association Diem, ex-Libra, laquelle avait embarqué dans son projet plusieurs entreprises parmi lesquelles la maison mère de Free, Iliad, Spotify ou encore Uber. Le « frenchie » Stéphane Kasriel succède en novembre 2021 à David Marcus à la tête de Novi, dont il annoncera le 8 mars 2022 le changement de nom pour, cette fois, Meta Financial Technologies. « Nous avons changé le nom de notre groupe de produits [Novi] en Meta Financial Technologies. Lorsque [le groupe Facebook] s’est rebaptisé, il ne s’agissait pas seulement d’adopter un nouveau nom. Il s’agissait d’embrasser notre vision de l’avenir. Il est donc normal que nous adoptions un nouveau nom pour notre activité fintech au moment où nous construisons le métavers », avait tweeté, il y a donc un peu plus d’un an maintenant (3), le nouveau directeur de Meta Financial Technologies – appelé aussi Meta FT.
C’est aussi il y a un an, le 8 avril 2022, que le Financial Times révèle le projet d’une cryptomonnaie appelée en interne « Zuck Buck » (composé du surnom de Mark Zuckerberg et de l’appellation du dollar en argot) pour être utilisée dans Facebook, Instagram et le métavers Horizon Worlds. Les « Zuck Bucks » désignaient dix ans auparavant les « Facebook Credits » utilisés comme monnaie virtuelle dans des jeux en ligne. Mais depuis, le métavers Horizon Worlds s’est transformé l’an dernier en « métaflop » (4) malgré les milliards de dollars investis par Meta. La crypto ZBUX (5) n’est pas sortie des limbes. Contactés par Edition Multimédi@, ni Stéphane Kasriel, le patron de Meta FT, ni Edward Bowles, son directeur des affaires publiques, ne nous ont répondu sur une éventuelle « metacrypto » post-Diem. Pour l’heure, Meta FT continue de travailler sur des tokens, des jetons sur le modèle des V-Bucks dans Fortnite (6) ou des Robux dans Roblox. « Pour l’instant, nous réduisons progressivement les collectibles numériques (NFT) afin de nous concentrer sur d’autres façons de soutenir les créateurs, les gens et les entreprises, a twitté Stéphane Kasriel le 13 mars dernier.

Monétiser les fans des créateurs et entreprises
« Cela reste une priorité de connecter les créateurs et les entreprises avec leurs fans et de les monétiser, afin d’avoir un impact à grande échelle, comme les messages et les opportunités de monétisation pour Reels [fonction de vidéos courtes lancée sur Instagram en 2020 pour concurrencer TikTok, ndlr] ». Mais le patron de Meta FT d’ajouter : « Nous continuerons d’investir dans les outils de fintech dont les gens et les entreprises auront besoin pour l’avenir. Nous simplifions les paiements avec Meta Pay, pour rendre les paiements et les versements plus faciles, tout en investissant dans les paiements par messagerie à travers Meta » (7) @

Charles de Laubier

Les fintech et les Big Tech pourraient aller jusqu’à faire disparaître la banque traditionnelle

Lors des 5èmes Assises des Technologies financières, qui se sont tenues le 23 novembre à l’initiative de l’agence Aromates, le scénario du démantèlement des services bancaires n’est pas un sujet tabou. Mais selon la Fondation Concorde une « coopétition » entre banques et fintech serait préférable.

Les fintech poursuivent plus que jamais leur conquête des services bancaires, au point que « la distinction entre banques et fintech devient ténue », souligne la Fondation Concorde dans son rapport consacré aux banques et aux fintech, dévoilé le 23 novembre par l’économiste Christian de Boissieu (photo) aux Assises des Technologies financières. En plus de services financiers innovants et fluides proposés aux utilisateurs, elles développent des solutions disruptives « appliquées à des maillons de la chaîne de valeur considérées comme cœur de métier des banques ». Exemple : le crédit constitue une des activités historiques des banques ; des fintech y interviennent désormais dans l’acquisition de données, les modèles d’analyse de risque, le processus d’octroi ou encore le paiement fractionné. Résultat : les demandes d’agréments auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) pour obtenir le statut d’établissement de crédit ont augmenté.

Crise existentielle au Comité de Bâle
« Les fintechs se transforment de plus en plus en établissements bancaires en termes réglementaires », constate la Fondation Concorde, think-tank pluridisciplinaire et indépendant créé il y a 25 ans. Pourtant, il y a un paradoxe français : la Banque de France rappelle que l’Hexagone est considéré comme le premier grand pays européen dans l’usage d’Internet pour les services bancaires. Or les fintech y sont moins nombreuses – 900 selon l’association France FinTech – que dans d’autres pays : en Allemagne ou en Grande-Bretagne, le secteur bancaire traditionnel est plus fragmenté et donc plus favorable aux fintech et néo-banques. Alors qu’en France, le monde bancaire est très concentré (BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, Caisses d’Epargne, Crédit Mutuel/CIC, La Banque Postale, …). Le Comité de Bâle – dont sont membres l’ACPR et la Banque de France parmi les superviseurs bancaires de 27 pays dans le monde (2) – envisage plusieurs scénarios possibles pour la transformation du paysage bancaire : de la survie de la banque traditionnelle « se modernis[a]nt à l’aide d’une expérience client numérique renforcée », à la fin de la banque traditionnelle avec « disparition de la fonction d’intermédiation bancaire ». Pour l’ACPR, qui a publié en juillet une analyse sur « les acteurs numériques de la finance » (3), le scénario où « les services bancaires sont “démantelés” pour être offerts sur des plateformes numériques » n’est pas à exclure. Ce démantèlement laisserait la place aux opérations et transactions financières directes entre parties prenantes (particuliers, entreprises, …), grâce au peer-to-peer (P2P), à la blockchain et aux cryptomonnaies. Même le Fonds monétaire international (FMI) reconnaît, dans un rapport d’avril 2022 (4), qu’« en portant l’innovation à un niveau inédit, une forme d’intermédiation financière fondée sur des cryptoactifs, dite “finance décentralisée” (DeFi), a connu une croissance extraordinaire ces deux dernières années, et est susceptible d’offrir une efficience accrue et des possibilités d’investissement » (5).
Le président du conseil scientifique de la Fondation Concorde, Christian de Boissieu (6), écrit dans sa préface du rapport présenté aux Assises des Technologies financières : « Grâce à leur taille souvent modeste, grâce à leurs plateformes performantes dans la collecte et le traitement des données – les fameuses data– grâce à des coûts de transaction extrêmement compétitifs, les fintechs sont venues bousculer les banques » (7). Lorsque ce ne sont pas des Big Tech américaines (GAFAM) ou chinoises (BATX) qui, en ayant accès à des gros volumes de données (big data), « détiennent un avantage concurrentiel majeur visà- vis des banques traditionnelles », ce sont les fintech qui interviennent dans différents domaines financiers : services de paiement, compensation et règlement, crédit, assurance, gestion d’actifs, cryptoactifs, … Il y aurait plus de 25.000 fintech en activité dans le monde, d’après Statista. Lorsqu’elles marchent sur tout ou partie des plates-bandes des banques traditionnelles, on les désigne comme des « néobanques ». « L’approche souvent disruptive des fintech leur permet de challenger les services financiers de base traditionnellement proposés par les banques, tant en termes de qualité que de coût », constate la Fondation Concorde.

« Tout est une question d’équilibre »
Mais, selon son rapport, « tout est une question d’équilibre : disposer d’un secteur bancaire fort et solide est un atout pour l’économie d’un pays, pourvu que cela ne bride pas l’innovation ». Et pour Jacques Marceau (photo de droite), organisateur des Assises des Technologies financières (agence Aromates) et administrateur et animateur de la commission « banques et services financiers » de la Fondation Concorde, les fintech sont « à la fois des partenaires stratégiques et un atout pour les banques traditionnelles ». @

Charles de Laubier

A bientôt 35 ans, la radio Skyrock fondée par Pierre Bellanger veut devenir l’ « écosystème » des jeunes

Première radio des moins de 25 ans et deuxième radio musicale en France, Skyrock surfe plus que jamais sur la « musique urbaine » (rap, hip-hop, R’n’B, …) qui domine le marché français de la musique. Son fondateur Pierre Bellanger poursuit sa diversification pour en faire un écosystème numérique.

Skyrock aura 35 ans en mars prochain. L’ancienne radio libre fondée par Pierre Bellanger (photo) est devenue un groupe qui se présente aujourd’hui comme « un écosystème média et numérique », selon sa propre expression. Première radio des moins de 25 ans, deuxième radio musicale et quatrième radio privée en France, Skyrock affiche 6 % d’audience cumulée, soit plus de 3,2 millions d’auditeurs chaque jour, d’après la dernière mesure en date de Médiamétrie (1). Ses émissions-vedettes « Planète Rap » de Fred et « La Radio Libre » de Difool la propulsent même en soirée en tête des radios musicales au niveau national, en plus d’être la première radio musicale en Ile-de-France. Skyrock ne se limite cependant pas à la diffusion par voie hertzienne. La radio-phare de Pierre Bellanger se décline aussi en une quinzaine de webradios, des « mobiradios » comme il dit, qui s’écoutent dans l’application « Skyrock » (sur terminaux Android, iOS et Xbox One). Parmi les plus écoutés : « Skyrock 100 % français », « Skyrock Klassiks », « Skyrock PLM » (pour les militaires) ou encore « Skyrock Urban music non-stop ». Ensemble, en y intégrant les mobiradios d’Alger, d’Abidjan, de Casablanca et de Tunis, elles occupent la huitième place des radios digitales et webradios en France, avec plus de 8,9 millions d’écoutes actives par mois, dont 1,2 million provenant d’auditeurs situés en dehors de l’Hexagone, d’après les derniers chiffres de l’ex-OJD (2).

Skyrock Klassiks devient radio nationale en DAB+
L’une de ces mobiradios, Skyrock Klassiks – une sorte de « Nostalgie » du rap – va devenir cette année une radio hertzienne, étant la vingt-cinquième radio à avoir été autorisée le 20 janvier par le CSA pour être diffusée numériquement sur potentiellement tout le territoire national. « Skyrock Klassiks est une seconde radio nationale de notre groupe qui démarre en DAB+ à la mi-juillet sur l’axe Paris-Lyon-Marseille », indique Pierre Bellanger, PDG de Skyrock, à Edition Multimédi@. Skyrock Klassiks sera diffusée à terme sur tout l’Hexagone et les grands axes routiers aux côtés de la radio historique du groupe et des vingt-trois autres radios autorisées en DAB+ au niveau national telles que des musicales comme NRJ ou Fip et des généralistes comme RTL ou RMC (3).

Skred Visio en vue en 2021
Comme elles, la nouvelle « station » Skyrock Klassiks bénéficiera de la qualité de son numérique sans parasites et d’une grande fluidité d’écoute en mobilité comme en voiture. C’est ce qui caractérise la norme européenne Digital Audio Broadcasting. Pour l’instant, Skyrock est présent partout sur la FM en France mais seulement en DAB+ sur quelques villes seulement : Lyon, Marseille ou Nice pour l’instant. La « TNT » de la radio (4) s’est, depuis 2014, déployée progressivement en France, principalement dans des villes et en régions.
Skyrock Klassiks dépend de la SARL Palmyra et non de la SA Vortex comme Skyrock, laquelle a vu son chiffre d’affaire progresser l’an dernier par rapport aux 23,9 millions d’euros de 2019. Ces deux sociétés sont placées sous le contrôle de Pierre Bellanger via la holding Nakama. « Nakama est détenue à 77,4 % par Sammas et 22,6 % par RMF Holding [fonds de placement du Crédit Agricole via Delfinances, ndlr]. Sammas est détenue à 34,9 % par moi-même, 16,1 % par Solidus, 49 % par RMF Holding. Je suis majoritaire dans Solidus », nous détaillet- il. Ardian (ex-Axa Private Equity), qui était encore il y a dix ans majoritaire au capital de Skyrock (via Nakama et feu Orbus), a cédé à Samma le solde de ses parts en 2018 (5). Pionnier des radios libres, Pierre Bellanger l’est aussi dans les services en ligne. En 1985, il a créé Vortex (avec Filipacchi Médias comme actionnaire jusqu’en 1999) pour lancer le 21 mars 1986 – il y a 35 ans – Skyrock à la place de sa toute première radio La Voix du Lézard (ex- Radio Cité Future). La même année, il fonde Telefun pour éditer d’abord des services Minitel. Ce fut l’époque de la messagerie rose « 3615 Géraldine » (une passion partagée avec le fondateur de Free Xavier Niel), mais aussi des services téléphoniques sur le kiosque téléphonique surtaxé Audiotel, puis sur SMS+. Pierre Bellanger édite aussi des services Internet avec France Télécom.
A la fin des années 1990, il lance via Telefun les sites web Skyrock.com et Tasante.com. Et c’est en décembre 2002 qu’il devient un pionnier des réseaux sociaux avec le lancement de Skyblog.com qui sera une plateforme de blogs très active, avec réseau d’« amis » – deux ans avant Facebook ! –, chats en mode Internet Relay Chat (IRC) et messageries instantanées. Cependant, il y a quinze ans, le groupe audiovisuel britannique BSkyB l’oblige à abandonner la marque Skyblog. La plateforme de blogs intègre alors le site web Skyrock.com, devenant ainsi un réseau social, tandis que le site de la radio devient Skyrock.fm. A la fin des années 2000, il se revendique comme « le 7e réseau social mondial ». Telefun est aujourd’hui détenue à 100 % par Pierre Bellanger via la holding Cascadia et est en cours de sortie d’une procédure de sauvegarde (6). Skyrock s’est aussi lancé dans la vidéo, avec notamment son émission mythique « Planète Rap » qui totalise sur sa chaîne YouTube 24 millions de vues depuis sa mise en ligne en 2015. « Skyrock est la première chaîne média de YouTube », affirme le groupe de la rue de Greneta (Paris). La holding de Telefun, Cascadia, contrôle la filiale « France en ligne », qui exploite Shred, la régie publicitaire Springbird et Advestor.
C’est que Pierre Bellanger (62 ans), passionné de numérique, rêve depuis longtemps de se faire une petite place entre les GAFAM. En 2017, il lance l’application sur mobile Skred, présentée comme « la première messagerie mondiale sécurisée d’origine européenne », qui revendique aujourd’hui 9 millions d’utilisateurs. Gratuite et « sans aucune trace », ils peuvent échanger par messages, voix et vidéo sans s’inquiéter pour leur vie privée. Pierre Bellanger a même vanté – sur France Info le 16 janvier – les mérites de Skred face aux inquiétudes et rumeurs qui ont impacté en début d’année WhatsApp (filiale de Facebook). D’autant que Skred fonctionne en mode peer-to-peer et non de façon centralisée. « Nous n’avons pas de serveur intermédiaire et, donc, nous ne récupérons pas et nous n’utilisons pas les données des utilisateurs », a-t-il assuré (7). « Skred a un nouvel utilisateur toutes les six secondes depuis plus d’un an, comment savoir si cette polémique y contribue ? Probablement très marginalement », nous confie-t-il. Dans la même veine du « zéro data », le fondateur de Skyrock prépare le lancement d’un service de visioconférence fonctionnant aussi en pair-à-pair pour offrir une alternative aux Zoom, Teams (Microsoft) et autres Meet (Google). « Skred Visio prendra son envol courant 2021 avec notre écosystème “French Tech” habituel », nous précise-t-il.

Des oreilles au portefeuille
Pour parfaire son écosystème des jeunes, Pierre Bellanger a lancé le 14 décembre dernier un service de paiement sécurisé et d’achats groupés baptisé Yax. Opéré par la fintech française Lyf Pay, ce service gratuit est intégré aux applications mobiles de Skyrock, sous iOS et Android. Yax permet d’envoyer et de demander de l’argent à un contact, de créer une cagnotte et de participer à des achats groupés (contre des réductions de prix). « C’est un succès au-dessus de nos attentes ; le modèle fonctionne. Nous avons vendu, par exemple, 200 PS5 en moins de 40 secondes », se félicite Pierre Bellanger. Les auditeurs en ont aussi pour leur argent. @

Charles de Laubier