Digital Networks Act (DNA) et sa « taxe Internet »

En fait. Le 6 juin, la Commission européenne a lancé jusqu’au 11 juillet prochain une consultation publique sur le futur règlement sur les réseaux numériques – appelé DNA (Digital Networks Act). Parmi les futures mesures : une controversée « redevance de trafic Internet » qui serait versée aux opérateurs télécoms.

En clair. A peine la consultation publique sur le futur règlement européen sur les réseaux numériques est-elle lancée que l’idée d’instaurer une « contribution équitable » (network fees ou fair share) au profit des opérateurs télécoms refait débat. Et ce, près de deux ans après les résultats de la « consultation exploratoire » (1) qui la mettait sur la table. La Commission européenne prévoit d’adopter le Digital Networks Act (DNA) au quatrième trimestre 2025, mais elle n’évoque pas explicitement cette « taxe Gafam » dans le document de sa consultation publique lancée jusqu’au 11 juillet 2025.
L’association des fournisseurs de services d’infrastructure de cloud en Europe (Cispe) s’est dite, le 4 juin, « profondément préoccupé[e] par le fait que le DNA pourrait revitaliser l’idée discréditée d’introduire une “redevance de trafic Internet” de facto à payer par les fournisseurs de cloud et de contenu aux grands opérateurs [télécoms] historiques ». Cette organisation de lobbying basés à Bruxelles (Cloud Infrastructure Services Providers in Europe), dont sont membres Amazon Web Services (AWS), Microsoft (Azure) ou encore 3DS Outscale (Dassault Systèmes), accuse les opérateurs télécoms de Continuer la lecture

Quand l’Etat joue les VRP de Mistral pour faire de la licorne française de l’IA un « OpenAI européen »

Le potentiel « champion européen » de l’IA générative, Mistral AI, a beau être valorisé près de 6 milliards d’euros depuis l’an dernier, son chiffre d’affaires 2024 est 200 fois inférieur. Pour mettre les bouchées doubles, la licorne française peut compter sur le chef de l’Etat Emmanuel Macron qui joue les VRP.

La licorne française Mistral AI, aux ambitions aussi grandes que sa valorisation de 5,8 milliards d’euros – atteinte il y a un an maintenant, à la faveur de sa dernière levée de fonds de 600 millions d’euros bouclée en juin 2024 –, a un besoin urgent de financements supplémentaires. Son PDG cofondateur Arthur Mensch (photo) l’avait confirmé à l’agence Bloomberg en février, notamment pour financer un centre de données qu’il prévoit de créer en France. « Bien sûr, en tant que start-up, on vous demande aussi de lever plus de fonds. C’est certainement un sujet qui nous préoccupe », avait-il confié (1). Le jeune patron (32 ans) avait annoncé ce projet de data center au journal de 20h de TF1, le 9 février (2). De plusieurs milliers de mètres carrés, il sera construit dans l’Essonne (département du sud de Paris), sur le plateau de Saclay, pour un investissement de « plusieurs milliards d’euros ». Si le calendrier de construction et d’ouverture reste à préciser, ce centre de données va permettre à « la pépite française » d’entraîner sur le sol français – au nom de la « souveraineté numérique » de la France – ses grands modèles de langage pour ses IA génératives. Mais cela suppose donc une prochaine levée de fonds pour Mistral AI, qui n’a généré en 2024 que 30 millions d’euros de chiffre d’affaires, si l’on en croit le site Sifted.eu du Financial Times spécialisé dans les start-up (3). C’est à des années-lumière des 10 milliards de dollars annualisés que l’américain OpenAI (dont ChatGPT) a atteint en juin 2025 (4).

Prochaine levée de fonds indispensable
Comme la licorne n’est, par définition, pas cotée en Bourse, elle ne publie pas ses comptes et ne divulgue pas non plus ses résultats financiers. Contactée par Edition Multimédi@, la direction de Mistral AI n’a pas souhaité nous indiquer ni ses revenus ni ses prévisions. Le 7 mai dernier, à l’occasion du lancement de « Le Chat Enterprise » (assistant conversationnel dont la version grand public « Le Chat » a été lancée en février), Arthur Mensch s’est voulu rassurant quant à la (suite)

Sites web pornographiques, interdits aux mineurs : un marché mondial opaque, difficile à estimer

Les sites web pornographiques sont plus que jamais dans le collimateur en Europe quant à leur obligation de contrôler l’âge de leurs millions d’utilisateurs, afin d’interdire les mineurs (moins de 18 ans en général). C’est en outre un marché mondial du « divertissement pour adulte » difficile à évaluer.

(Le 16 juin 2025, jour de la parution de cet article dans Edition Multimédi@, le tribunal administratif de Paris a ordonné la suspension de l’arrêté du 26 février 2025)

« L’Arcom tient à rappeler sa détermination, partagée par les institutions européennes, à protéger les mineurs en ligne », a fait de nouveau savoir le régulateur français de l’audiovisuel le 3 juin, alors qu’un arrêté prévoit que l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) peut – à partir du 7 juin 2025 – mette en demeure un éditeur pour que son service en ligne « pour adulte », ou sa plateforme de partage de vidéos aux contenus pornographiques, ne soit pas accessibles aux mineurs.

Haro européen sur les sites porno
Cet arrêté ministériel paru le 6 mars 2025 au Journal Officiel – cosigné par la ministre de la Culture Rachida Dati et la ministre déléguée au Numérique Clara Chappaz – a été pris pour que les nouveaux pouvoirs de l’Arcom, présidée par Martin Ajdari (photo), s’appliquent à une liste de dix-sept sites pornographiques annexée à l’arrêté, dans un délai de trois mois après sa publication. A savoir, à partir du 7 juin 2025. Ces sites-là sont tous basés hors de France mais, raison d’être de cet arrêté, « dans un autre Etat membre de l’Union européenne » (1) : Pornhub, Youporn, Redtube, xHamster, XHamsterLive Tnaflix, Heureporno, XVideos Xnxx, SunPorno, Tukif, Reference-sexe, Jacquie et Michel, iXXX, Cam4, Tukif.love et LiveJasmin.
Si un site pornographique ne se conforme pas à une mise en demeure prononcée par l’Arcom, celle-ci peut le sanctionner d’une amende pouvant aller jusqu’à 150.000 euros ou 2 % du chiffre d’affaires mondial (le plus élevé des deux montants étant retenu). « Ce maximum est porté à 300 000 euros ou à 4 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes, le plus élevé des deux montants étant retenu, en cas de réitération du manquement dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la première sanction est devenue définitive », prévient en outre la loi de 2004 « pour la confiance dans l’économie numérique », dite LCEN (2). L’Arcom est déjà intervenue auprès de six sites porno situés, eux, en France ou en-dehors de Union européenne (UE). « Cinq d’entre eux ont, en responsabilité, fait le choix de mettre en place une solution de vérification de l’âge. Le dernier, n’ayant pas rendu disponibles l’identité de son fournisseur, ni son adresse, en violation de la loi, a été bloqué et déréférencé des principaux moteurs de recherche », a indiqué le régulateur français. Concernant les sites listés dans l’arrêté du 6 mars, il a précisé que (suite)

Titulaires de droit et entraînement des IA : entre droit d’auteur recomposé et procès en série

Pendant que les systèmes d’IA prolifèrent en s’entraînant sur de quantités de données multimédias, les procès se multiplient dans le monde entre auteurs de contenus protégés et IA génératives – oscillant entre piratage, fair use ou encore exception pour « fouille de textes et de données ».

Par Christiane Féral-Schuhl et Richard Willemant, avocats associés, cabinet Féral

C’est un sujet à donner des sueurs froides aux titulaires de droit d’auteur ! Avec l’entrée en vigueur du règlement européen du 13 juin 2024 sur l’intelligence artificielle (IA) – l’AI Act (1) – et l’articulation des nouveaux usages de modèles d’IA avec les principes juridiques établis, les juridictions du monde entier naviguent à vue, tiraillées entre l’impératif d’innovation et le respect du droit d’auteur.

Nécessaire autorisation des titulaires de droit
Les données seraient-elles véritablement « l’or noir » du XXIe siècle ? Leur collecte et leur utilisation à des fins d’entraînement des systèmes d’IA semblent confirmer leur valeur économique stratégique à l’ère du tout-numérique. Or, la collecte massive et automatisée (aussi appelée « moissonnage » ou « web scraping ») de données accessibles sur les réseaux sociaux – comme cela a été récemment annoncé par la société Meta Platforms concernant les utilisateurs d’Instagram et de Facebook – et plus globalement sur Internet, comporte le risque de traiter des données protégées. Et ce, à l’image de celles concernant des œuvres originales, pour lesquelles une autorisation du titulaire de droit est requise.
La question est de savoir dans quelles conditions le fournisseur de système d’IA peut avoir recours à des données d’entraînement sur lesquelles des titulaires détiennent des droits d’auteur. En France, la protection des œuvres est très claire : « Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (2), dit le code de la propriété intellectuelle (CPI). En principe, toute utilisation non autorisée d’un contenu protégé par le droit d’auteur à des fins d’entraînement d’un système d’IA est donc illicite.
Ainsi, les procédures engagées contre des fournisseurs de tels systèmes d’IA (suite)

Maurice Lévy va transformer le statut de Solocal en « société européenne » pour rebondir dans l’UE

Lors de l’assemblée générale de ses actionnaires qui se tient le 5 juin 2025, Solocal (ex-PagesJaunes) va faire approuver son projet de transformation en « société européenne ». Ce statut devrait permettre à Maurice Lévy qui en est PDG d’aller chercher des relais de croissance dans les Vingt-sept, face aux Gafam.

Le président d’honneur du groupe publicitaire Publicis, Maurice Lévy (photo), est depuis dix mois maintenant PDG de Solocal (ex-PagesJaunes) et actionnaire majoritaire via sa holding luxembourgeoise Ycor Management (1). Il a cofondé ce family office en 2018 – notamment avec son fils Alain Lévy (vice-président tech et produits de Solocal) – pour investir dans des start-up spécialisées dans l’intelligence artificielle, la blockchain et la science des données (datascience) au service de la communication digitale et du e-commerce.
Depuis le 31 juillet 2024, Ycor contrôle Solocal à hauteur de 64 % du capital à la suite de la restructuration financière – réduction de dette comprise – de la plateforme de marketing digital local, tandis que Maurice Lévy en est à la tête. Solocal, qui édite toujours les PagesJaunes mais de façon entièrement numérique, se veut le pendant local des Gafam qui sont ses partenaires. Son métier est de conseiller quelque 237.000 entreprises clientes revendiquées (2), présentes partout en France (professionnels, TPE et PME), et de les connecter à leurs clients grâce à des services digitaux : présence relationnelle sur Pagesjaunes.fr, application mobile, sites web, e-commerce, publicité en ligne, … Présentés en février dernier, les résultats financiers 2024 du groupe vont être soumis à l’approbation des actionnaires lors de l’assemblée générale du 5 juin 2025 : 334,5 millions d’euros de chiffre d’affaires, en baisse de 7 % sur un an, pour un bénéfice net de 119,9 millions d’euros – contre 45,9 millions de pertes nettes l’année précédente.

L’ex-PagesJaunes veut devenir champion européen
Aux salariés, passés de 4.500 en 2010 à 2.567 aujourd’hui, la direction leur promet de l’intéressement contre une renégociation de leurs conditions de travail. Ce « pacte d’engagement » a été présenté les 14 et 19 mai aux syndicats, d’après FO qui refuse de signer (3). C’est au cours de cette assemblée générale du 5 juin que Maurice Lévy va proposer, aux actionnaires de la société cotée à la Bourse de Paris depuis plus de 20 ans, de transformer le statut de Solocal en « société européenne ». Ainsi la société anonyme (SA) française deviendrait une société de droit européen (SE, pour societas europaea, selon la désignation latine qu’a donnée l’Union européenne en introduisant ce statut en 2004). « Cette transformation […] en société européenne permettrait au groupe Solocal, à la suite de la réalisation de sa restructuration financière en 2024 [la dette n’étant plus que de 80,6 millions d’euros au 31 décembre 2024, ndlr], d’ouvrir une (suite)