Meta Platforms a essuyé les plâtres en 2022, première année sous ce nom, mais reste une cash machine

L’année 2022 fut la première année fiscale de l’ex-groupe Facebook, depuis que son PDG fondateur Mark Zuckerberg l’a rebaptisé Meta Platforms le 21 octobre 2021. Malgré les griefs qui lui sont faits, malgré l’échec du décollage du métavers Horizon et malgré les amendes, la firme de Menlo Park s’en sort plutôt bien.

Malgré tout, le géant Meta Platforms (Facebook, Instagram, Messenger, WhatsApp, Quest/ex-Oculus) devrait réaliser cette année 2022 un chiffre d’affaires tout à fait honorable d’environ 115 milliards de dollars. Par rapport à l’exercice précédent, cela ne représenterait qu’une baisse annuelle d’environ 2,4 %.
Cette estimation avancée par Edition Multimédi@ se situe dans la fourchette des prévisions annoncées fin octobre par David Wehner (photo), alors encore directeur financier du groupe Meta, à savoir : entre 114,4 milliards et 116,9 milliards de dollars. La société d’études financière Zacks Equity Research table, elle, sur 115,71 milliards de dollars de chiffre d’affaires, ce qui correspondrait à un recul de seulement 1,88 % par rapport à l’exercice 2021. Dans son analyse publiée le 8 décembre, soit un mois après l’annonce du PDG cofondateur Mark Zuckerberg de la suppression de 13 % de ses effectifs (13.000 sur 87.000 employés), elle constate qu’en un mois l’action « Meta » a gagné plus de 12 %, à plus de 116 dollars, devançant le secteur informatique et technologique. Et ce, malgré les prévisions de rentabilité attendue en baisse par rapport au bénéfice net de 39,3 milliards de dollars de l’exercice 2021. Sa recommandation aux investisseurs est de garder (hold) leurs actions, voire d’en acquérir (buy).

L’ex-Facebook dévalorisé, mais loin d’être déserté
La valorisation de l’ex-Facebook est « encore » de 336 milliards de dollars au 16 décembre, même si les 922 milliards de dollars d’il y a un an sont bien loin, et la fortune professionnelle de Mark Zuckerberg et « encore » de 42,3 milliards de dollars, certes bien en-deçà des 97 milliards de dollars de 2021. Comme quoi, la situation du géant mondial des réseaux sociaux aux plus de 2,9 milliards d’utilisateurs quotidiens (Facebook, Instagram, Messenger et WhatsApp confondus), et toujours en hausse d’un trimestre à l’autre, n’est pas aussi catastrophique que ne le laisse penser la couverture médiatique. Les utilisateurs quotidiens de la galaxie Meta – les daily active people (DAP) – représentent 79 % des 3,7 milliards d’utilisateurs mensuels – les monthly active people (MAP). La principale source de revenu du groupe Meta Platforms reste la publicité : 27,2 milliards de dollars au troisième trimestre 2022 (- 3,7 % sur un an), soit 98,3 % du chiffre d’affaires global.

La rançon de la gloire coûte très chère
Quoi qu’on en dise, et bien que le groupe soit confronté au pire ralentissement de son histoire dû en grande partie au changement de politique décidé par Apple pour le ciblage publicitaire sur iOS, Meta Platforms reste une cash machine. « Notre coeur de métier est l’un des plus rentables jamais construit avec un énorme potentiel à venir », a assuré Mark Zuckerberg à ses salariés dans un message qu’il leur a adressé le 9 novembre. Cependant, la firme de Menlo Park a déjà prévenu que ce ralentissement publicitaire se poursuivrait au cours de ce quatrième trimestre, dans le contexte de hausse de l’inflation et de ralentissement de l’économie.
Mais la rançon de la gloire – même quelque peu entamée – est élevée. Pour cette première année fiscale sous la dénomination « Meta Platforms », le groupe de Mark Zuckerberg devrait totaliser de l’ordre de 85 à 87 milliards de dollars de dépenses (investissements et exploitations). Et pour la première fois en 2023, ces dépenses devraient tutoyer voire dépasser les 100 milliards de dollars, selon les estimations faites par David Wehner. Sans surprise, la division Reality Labs – où sont concentrées toute l’activité liée à la réalité virtuelle (VR) et à la réalité augmentée (AR) que sont Meta Quest (ex-Oculus VR), Meta Portal (ex- Facebook Portal) et des wearables comme les Ray-Ban Stories – pèse très lourd dans ces dépenses colossales. Cela comprend les prochains casques de réalité virtuelle qui seront lancés en 2023 et surtout le métavers Horizon Worlds en cours de déploiement (application gratuite utilisable avec un casque Meta Quest.). « Notre hausse du coût d’exploitation devrait s’accélérer, en raison des dépenses liées à l’infrastructure et, dans une moindre mesure, des coûts du matériel de Reality Labs, induits par le lancement plus tard l’an prochain de notre nouvelle génération de casque Quest. Les dépenses de Reality Labs sont incluses dans nos prévisions de dépenses totales », avait expliqué le 26 octobre dernier l’ancien directeur financier David Wehner, promu en novembre directeur de la stratégie. Susan Li lui a succédé en tant que nouvelle Chief Financial Officer du groupe Meta. Et d’ajouter : « Nous prévoyons que les pertes d’exploitation de Reality Labs augmenteront considérablement d’une année à l’autre en 2023. Au-delà de 2023, nous nous attendons à accélérer les investissements de Reality Labs afin d’atteindre notre objectif à long terme de croissance globale du bénéfice d’exploitation de l’entreprise ». Alors que le chiffre d’affaires de Reality Labs a été supérieur à 2,2 milliards de dollars en 2021 pour un déficit près de 10,2milliards, cette année 2022 devrait être marquée par des revenus équivalents mais des pertes opérationnelles bien plus importantes (les neuf premiers mois de l’année en cumulant déjà près de 9,5 milliards). Meta Platforms joue gros. C’est même son avenir qui est en jeu.
Dans son message du 9 novembre, Mark Zuckerberg a expliqué que les 11.000 suppressions d’emplois concerneront aussi bien les réseaux sociaux (« la famille d’applis ») que Reality Labs. « Nous prévoyons d’embaucher moins de gens l’an prochain. (…) Nous prolongeons également le gel de l’embauche jusqu’au premier trimestre. (…) Nos perspectives de revenus sont inférieures à celles auxquelles nous nous attendions au début de l’année, et nous voulons nous assurer de fonctionner efficacement à la fois dans la famille d’applis et dans Reality Labs. », a-t-il en outre précisé (2). Tout en ayant fait son mea culpa – « Je me suis trompé et j’en assume la responsabilité » –, « Zuck » affirme que Meta Platforms est à l’avant-garde du développement de la technologie pour définir « l’avenir de connexions sociales » et « la prochaine plateforme informatique ». Et d’ajouter pour motiver ses troupes : « Nous faisons un travail historiquement important ».
Bien que décrié, le métavers Horizon Worlds (3) est un pari audacieux – sans doute le plus important jamais lancé par un géant des GAFAM. En octobre 2021, le groupe Facebook devenant Meta Platforms avait annoncé vouloir y investir 10 milliards de dollars par an jusqu’en 2030. Son avenir est entre les mains de Reality Labs. Des investissements massifs sont aussi faits dans l’intelligence artificielle (IA) et le machine learning (ML), utilisés à tous les étages : de la vérification de l’âge des utilisateurs (Facebook Dating) aux avatars lancés récemment sur WhatsApp (un avant-goût du métavers), en passant par l’IA au service du e-commerce, des réseaux sociaux et des jeux en ligne (préfigurant le touten- un promis par le métavers). Avec en toile de fond la protection des données renforcée (4).

Partenariats : Nvidia, Microsoft, PyTorch,…
Meta Platforms ne fera pas son métavers Horizon tout seul : des partenariats sont noués, comme avec Nvidia (pour ses puces IA destinées à des superordinateurs de recherche IA/métavers), PyTorch (bibliothèque logicielle open source codéveloppée avec Microsoft, faisant partie de la Linux Foundation) ou encore Microsoft (accord annoncé en octobre consistant à intégrer d’ici 2023 la plateforme collaborative Teams aux casques Quest/Quest Pro et dans le métavers Horizon). Mark Zuckerberg a peut-être eu raison trop tôt, mais il pourrait prendre de l’avance sur des rivaux qui s’y seront pris trop tard. @

Charles de Laubier

Le « Big Tent » de Donald Trump contre les Big Tech

En fait. Le 20 octobre dernier, Donald Trump a annoncé le lancement de son réseau social « Truth Social » pour « résister à la tyrannie des géants technologiques » qu’il accuse de l’avoir « réduit au silence » – ce qu’il conteste en justice contre Facebook, Twitter et YouTube. Sa start-up : T Media Tech.

En clair. Pour suivre Donald Trump, l’ex-45e président des Etats-Unis, il faudra s’inscrire sur son propre réseau social baptisé « Truth Social » qu’il a annoncé lui-même le 20 octobre dernier. Trump prend des airs de « Zuck » (1) en lançant sa plateforme de média social qui se veut « Big Tent » – comprenez « attrape-tout » au sens science politique du terme, désignant un parti voulant séduire tous azimuts pardelà les clivages gauche-droite, les classes sociales et catégories sociaux-professionnelles. « Truth Social est la plateforme de médias sociaux “Big Tent” de l’Amérique qui encourage une conversation mondiale ouverte, libre et honnête, sans discrimination contre l’idéologie politique », promet l’ancien locataire de la Maison-Blanche sur son nouveau site web.
S’il s’y inscrit, le visiteur est aussitôt interpellé : « Assurez-vous de partager sur Twitter, Facebook et tous vos médias sociaux : la VERITE est là ! TruthSocial.com ». Un pied-de-nez aux réseaux sociaux (ceux cités mais aussi YouTube) qui ont, à tort ou à raison, évincé Donald Trump depuis les émeutes du Capitole le 6 janvier dernier (2), ce que ce dernier conteste en justice. Pour l’instant, ne sont ouvertes que les pré-commandes de l’appli mobile Truth Social sur l’App Store d’Apple (3). La société éditrice du site web et de l’application éponymes, en attendant une version pour Android, se nomme T Media Tech (« T » comme Trump et Truth). Cette start-up de Trump – appelée aussi Trump Media & Technology Group (TMTG) – a été enregistrée le 27 juillet dernier dans l’Etat du Delaware, l’un des premiers paradis fiscaux des Etats-Unis.
Le nom de domaine truthsocial.com a été enregistré par Aron Wagner, le cofondateur et directeur opérationnel de RightForge, société de services, d’infrastructure Internet et de cloud qui héberge le futur média social de l’ex-milliardaire de l’immobilier devenu le rival de Joe Biden dans la course à la présidentiel de 2024. L’autre cofondateur de RightForge, le directeur général Martin Avila (lui-aussi tout acquis à la cause du trumpisme), a indiqué le 26 octobre que Truth Social visait 75 millions d’utilisateurs (4) et que seront aussi proposés podcasts et VOD entre autres contenus. Prochaine étape : l’acquisition de TMTG par Digital World Acquisition Corp (DWAC), une Spac (5) qui propulsera le réseau social de Trump en Bourse. A suivre ! @

En bannissant sans limite Donald Trump, les réseaux sociaux Facebook et Twitter ont dépassé les bornes

Persona non grata sur des réseaux sociaux, l’ex-45e président des Etats-Unis Donald Trump – décidé à briguer un nouveau mandat en 2024 – fait l’objet d’un débat sur la régulation mondiale de l’Internet. Facebook, Twitter ou encore YouTube, sociétés privées devenues censeurs sans juge, mettent à mal la liberté d’expression.

(Finalement, le 4 juin 2021, Facebook a décidé de suspendre pour deux ans Donald Trump)

Il n’a plus rien à perdre. Quarante-cinquième président des Etats-Unis (janvier 2017-janvier 2021), Donald J. Trump (photo) – qui aura 75 ans le 14 juin prochain – compte bien se représenter à la prochaine présidentielle américaine de 2024 afin de reprendre sa revanche et de tenter d’être le 47e locataire de la Maison-Blanche. Car dans le monde réel, le turbulent milliardaire n’a pas été banni ni même jugé devant les tribunaux pour les faits qui lui sont reprochés, à savoir d’avoir « encouragé » – sur Facebook – ses partisans à envahir le Capitole des Etats-Unis lors de l’émeute du 6 janvier dernier. En réalité, le mauvais perdant n’a pas explicitement incité – ni encore moins ordonné – l’invasion par la foule du Congrès américain, alors en plein débat sur la ratification de l’élection présidentielle ayant donné Joe Biden vainqueur, mais peut-être implicitement en clamant qu’il avait gagné l’élection présidentielle. Nuance. Ce jour-là, devenu historique, le président sortant était d’ailleurs introuvable, sauf sur Internet pour affirmer qu’on lui avait « volé » l’élection en organisant une « fraude massive ». Jugé coupable le 5 mai par Facebook d’avoir, selon le numéro un des réseaux sociaux, « créé un environnement où un risque sérieux de violence était possible », Donald Trump a été exclu pour encore six mois – mais pas indéfiniment – de Facebook (où il comptait 35 millions d’amis) et d’Instagram (24 millions d’abonnés).

Entreprises privées versus Premier amendement
Ses comptes avaient été supprimés le lendemain des événements du Capitole. Car dans ce monde virtuel, les entreprises privées telles que Facebook ou Twitter ne sont pas soumises au Premier amendement de la Constitution des Etats-Unis d’Amérique interdisant de limiter la liberté d’expression. Donald Trump a ainsi été condamné dès le 7 janvier dernier au bannissement par ces réseaux sociaux tout puissants. « Les entreprises privées ne sont pas tenues par le Premier amendement. Et donc, il [Donald Trump] n’a pas le droit au Premier amendement. C’est un client. Facebook n’est pas un gouvernement, et il [l’ex-président] n’est pas un citoyen de Facebook », a d’ailleurs bien expliqué le 9 mai dernier Michael McConnell, coprésident du « conseil de surveillance » de Facebook, dans un entretien accordé à la chaîne d’information en continu américaine Fox News.

« L’erreur » de Facebook et de Twitter
Et sur sa lancée, le spécialiste du droit constitutionnel et professeur à Stanford a expliqué comment ce jury « indépendant » – appelé en anglais Oversight Board, où il a été nommé il y a un an parmi les vingt membres – a obtenu de la firme de Mark Zuckerberg que Donald Trump soit suspendu provisoirement de Facebook et d’Instagram et non sur une durée indéfinie voire ad vitam aeternam : « Ce que nous avons dit, c’est qu’[il n’était] pas justifié de [le] supprimer indéfiniment [comme envisagé initialement par Facebook, ndlr], qu’ils [les dirigeants de Facebook et d’Instagram] n’ont fourni aucune raison pour cela, que ce n’est pas une disposition de leur règlement, que c’est une erreur. Et nous leur avons donné un certain temps pour (…) mettre de l’ordre dans leur maison ».
Dans un tweet du 5 mai, l’Oversight Board, cette sorte d’ombudsman mondial, a même lancé : « Facebook a enfreint ses propres règles en imposant une suspension “indéfinie” » (1). Autrement dit, le groupe aux réseaux sociaux planétaires doit faire le ménage dans ses « règles chaotiques », « non transparentes », « pas claires », « incohérentes en elles » (2). Le « conseil de surveillance », qui a estimé nécessaire de faire des recommandations à la firme de Menlo Park (Californie) sur la façon de mettre de l’ordre dans ses règles pour les rendre plus acceptables, a donc décidé de maintenir jusqu’à début novembre 2021 l’interdiction faite à l’ancien président des Etats-Unis et le temps pour Facebook durant cette période de clarifier sa politique interne en général et vis-à-vis du « puni » en particulier. C’est un peu comme renvoyer dos à dos Trump et Zuckerberg. « Le conseil de surveillance confirme la suspension de l’ancien président Trump mais estime que la sanction de Facebook n’était pas opportune », déclarait le 5 mai l’organe privé de régulation (3) au moment de rendre son verdict sur « le cas 2021-001-FB-FBR » (4).
L’instance « indépendante » aux allures de cour suprême, financée par Facebook, a été créée pour juger et dire « quels contenus supprimer, quels contenus laisser en ligne et pourquoi ». C’est là que le bât blesse. Ecarté virtuellement « pour avoir encouragé les émeutiers » du Capitole (5), mais plus que jamais réellement présent dans la vraie vie pour se préparer à la campagne présiden-tielle de 2024, Donald Trump est devenu un cas d’école pour la régulation mondiale de l’Internet. D’autant que celui qui fut le 45e président des Etats-Unis a aussi été évincé de Twitter, de YouTube (plateforme vidéo de Google), de Snapchat (de la société Snap) et même de Twitch (filiale d’Amazon). Cette affaire montre les limites d’une régulation privée par des entreprises privées, à savoir une auto-régulation sans intervention du juge. Le verdict du tandem « Facebook- Oversight Board » crée un malaise bien au-delà du Nouveau Monde, tout comme son éviction à vie de Twitter (où le twittos @realDonaldTrump avait 89 millions d’abonnés) en début d’année et pour les mêmes raisons. Et ce, là aussi, sans que la firme de Jack Dorsey ne soit liée par le Premier amendement garantissant la liberté d’expression et sans qu’aucun juge n’ait eu à se prononcer sur cette sentence aux limites de l’arbitraire. Twitter a même enfoncé le clou en suspendant le 6 mai dernier plusieurs comptes qui relayaient des messages postés par l’ancien président des Etats-Unis sur sa nouvelle plateforme numérique lancée le 4 mai et baptisée « From the Desk of Donald J. Trump » (6) (*) (**). Celle-ci préfigure sous forme de blog ce que sera le futur réseau social en gestation du candidat à l’élection présidentielle de 2024. Le site web « Depuis le bureau de Donald J. Trump » renvoie aussi vers sa campagne « Save America » pour lever des fonds et où l’on peut lire « Le président Trump est toujours BANNI de Facebook ! Ridicule ! » (7). Tout le monde pourrait en rire, s’il n’était pas question dans cette affaire hors normes du sort de la liberté d’expression sur Internet et, partant, dans les démocraties dignes de ce nom. Que l’on soit partisan de Trump – passé quand même de 63 millions d’électeurs en 2016 à plus de 74 millions en 2020 – ou hostile à sa politique clivante et nationaliste, son cas est sans précédent en matière d’auto-régulation des réseaux sociaux.
La firme de « Zuck » a six mois pour trancher le dilemme que lui pose Donald Trump. Il y a fort à parier que le PDG cofondateur de Facebook réhabilitera l’impétrant dans sa décision finale attendue pour début novembre. Pendant que la pression monte aux Etats-Unis pour que soit réformée la section 230 du « Communications Decency Act » de 1996, qui accorde une « immunité » judiciaire aux plateformes numériques quant aux contenus mis en ligne par leurs utilisateurs (8), l’Union européenne est plus que sceptique sur le bannissement de Trump.

Police privée : l’Europe très sceptique
« Qu’un PDG puisse débrancher le haut-parleur du président des Etats-Unis sans autre forme de contrôle et de contrepouvoir fait plus qu’interpeller », a estimé le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, dans une tribune publiée le 10 janvier (9). La chancelière allemande Angela Merkel a quant à elle jugé « problématique » cette éviction du président américain. De son côté, la Grande- Bretagne a présenté le 12 mai un projet de loi « Online Safety Bill » (10) en vue d’interdire aux plateformes numériques de discriminer les points de vue politique et de protéger la liberté d’expression avec possibilité de faire appel en cas de suppression de contenus. La police privée a des limites. @

Charles de Laubier

Réseaux sociaux : Macron les prend très au sérieux

En fait. Le 19 février, le duo influenceur « Mcfly et Carlito » aux plus de 6,4 millions d’abonnés sur YouTube ont dévoilé une vidéo que le président de la République, Emmanuel Macron, a prise pour leur lancer un défi : faire un clip sur le respect des gestes barrières anti-covid, en les invitant à l’Elysée si…

En clair. « Si vous avez 10 millions de vues, je prends un engagement : vous venez tourner à l’Elysée ! 10 millions de vues pour abattre le virus. A vous de jouer, merci », a lancé comme défi à relever le chef de l’Etat à « Mcfly et Carlito », en se prenant lui-même en vidéo à partir de son smartphone. Le duo influenceur sur YouTube font part, « deux ou trois jours » après la réception de cet appel vidéo présidentiel, de leur stupéfaction d’avoir reçu une telle demande (1).
C’est Joé Naturel, responsable du service de la communication numérique à la présidence de la République qui les a prévenus. Après avoir repris leurs esprits, Mcfly et Carlito demandent à leur interlocuteur – « pour que le coup en vaille la chandelle » – de tourner à l’Elysée un « concours d’anecdotes » – comme le duo de Youtubers a l’habitude de le faire avec des personnalités – mais cette fois au « Château » avec Emmanuel Macron ! « Ok, bon, écoute… Top », acquiesce le « Monsieur digital » de l’Elysée. Les deux compères du Net réalisent en deux jours leur clip gestes barrières intitulé « Je me souviens » (qui se finit, n’en déplaise à Macron, par l’arrestation de « M&C » jouée par deux policiers municipaux…) et la publie le 21 février (2). En à peine trois jours, le défi présidentiel des 10 millions de vues est relevé. Au 5 mars, le compteur affichait plus de 13,8 millions de vues. En prévision de cette rencontre potache et amicale au sommet de l’Etat, le député (LFI) François Ruffin a, lui, lancé le 24 février sur sa chaîne YouTube un défi à Mcfly et Carlito (3) : à savoir placer dans leurs échanges vidéo à l’Elysée avec Macron une dizaine de mots tels que « Benalla », « RSA jeunes », « Gillets jaunes », etc. Quoi qu’il advienne, à quatorze mois de la présidentielle de mai 2022, Emmanuel Macron (43 ans) cherche à faire mouche auprès des Millennials et de la génération Z (jusqu’à 23 ans), voire de la génération Y (24-39 ans), tous « Génération covid » et… électeurs potentiels.
La dernière offensive du chef de l’Etat sur les réseaux sociaux remonte à décembre 2020 via une longue interview accordée au média en ligne Brut (4) (*), suivie de questions-réponses sur Snapchat. Et ce, après qu’un autre média en ligne Loopsider ait diffusé dès le 26 novembre une vidéo du tabassage à Paris d’un musicien noir (Michel Zecler) par des policiers (5)… Macron s’était dit « très choqué ». @

Les vieux médias tentent aussi de séduire les jeunes

En fait. Le 23 novembre, les six groupes de l’audiovisuel public (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, Arte, TV5 Monde et l’INA) ont lancé « Culture Primes », une coédition de vidéos pour les jeunes. Un nouveau média supplémentaire en direction des « Millennials », très convoités.

En clair. L’année 2018 aura été l’année des « Millennials », ces 15-35 ans des générations dites Y et Z tombés dans l’Internet et les mobiles lorsqu’ils étaient petits. Même les services publics de l’audiovisuel s’y mettent pour les attirer avec des vidéos courtes (une à quatre minutes) qu’ils affectionnent tout particulièrement et
« consomment » sans compter sur leurs réseaux sociaux favoris. « Culture Prime » leur promet entre douze et vingt-cinq vidéos chaque semaine, sur YouTube, Facebook et bientôt Snapchat. Et ce, gratuitement, mais les diffusions sont financées par la publicité vidéo. « Culture Prime, c’est un média social culturel 100 % vidéo » qui entend aller chercher son jeune public parmi les 80 millions d’abonnés sur Facebook et 35 millions sur Twitter que totalisent les six entreprises publiques.
Leur objectif : « Favoriser l’accès à la culture et à la connaissance au plus grand nombre ». Pour l’instant, Culture Prime compte quelque 8.000 abonnés sur Facebook. Culture Prime s’inspire d’ailleurs de « Brut », l’un des pionniers des médias vidéo
« 100 % réseaux sociaux » qui avait été lancé en septembre 2016 par Together Studio, la société du producteur télé Renaud Le Van Kim (ex-producteur du « Grand Journal » de Canal+), lequel a confié la vente de ses espaces publicités à… France Télévisions (1). Au-delà de la France où il compte près de 2 millions d’abonnés sur Facebook et près de 200.000 abonnés sur YouTube, Brut s’est « exporté » en ligne aux Etats-Unis, en Inde, au Royaume-Uni et même en Chine. Vivendi s’était bien aussi lancé à conquête des jeunes en lançant, du MipTV 2016, Studio+, « la première appli de séries courtes et premium » (2), mais le groupe de Bolloré veut y mettre un terme. En septembre 2017, la société de production audiovisuelle Elephant (Emmanuel Chain)
a lancé « Monkey » pour diffuser aussi des vidéos courtes auprès de la même jeune génération. Ce média vidéo est aujourd’hui suivi par un peu plus de 80.000 abonnés sur Facebook mais seulement 3.800 abonnés sur YouTube et 439 sur Snapchat. Il y a aussi Blackpills. Les nouveaux médias orientés Millennials ont aussi poussé comme des champignons au cours de l’année 2018. Ce fut en janvier au tour de Loopsider d’être lancé : 614.000 abonnés sur Facebook ou encore 18.100 followers sur Twitter. Disney a lancé l’été dernier « Oh My Disney », une application gratuite de vidéos courtes pour jeunes adultes. @