Protection de la création (piratage et cession) : avancées et enjeux du projet de loi audiovisuel

Alors que la directive européenne sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (DAVDSI) a vingt ans jour pour jour, la France est engagée dans une réforme de la protection de la création cinématographique et audiovisuelle française.

Par Anne-Marie Pecoraro*, avocate associée, UGGC Avocats

Lutte contre le piratage audiovisuel : la riposte légale du régulateur et de la justice s’organise

La piraterie – notamment audiovisuelle – est un fléau qui, avec le numérique, peut aller jusqu’à mettre en cause la viabilité de l’industrie de la culture et du divertissement. Pour lutter contre, deux textes de loi (une proposition et un projet arrivés aux Sénat) renforcent l’arsenal judiciaire.

Par Fabrice Lorvo*, avocat associé, FTPA.

La date butoir du 31 mars a été franchie sans accord sur la chronologie des médias, et après ?

Comme prévu par un décret de janvier, les acteurs du cinéma, de l’audiovisuel et des plateformes vidéo avaient jusqu’au 31 mars pour se mettre d’accord sur une nouvelle chronologie des médias. En avril, il n’en est rien. Sauf rebondissement, le gouvernement a désormais la main.

La date du 31 mars 2021 fixée par le décret du 26 janvier dernier (1) restera symbolique dans les annales des négociations interminables entre les professionnels du cinéma, de l’audiovisuel et des plateformes vidéo autour d’une future chronologie des médias devenue arlésienne. A cette échéance, qui leur laissait deux mois de préavis, aucun compromis n’a finalement été trouvé. Sauf rebondissement de la filière cinématographique et audiovisuelle, la balle est maintenant dans le camp du gouvernement et de son actuelle ministre de la Culture, Roselyne Bachelot-Narquin.

La « liste noire » des sites pirates très attendue

En fait. Le 9 avril, la Société civile des auteurs multimédias (Scam) et la société Auteurs-réalisateurs-producteurs (l’ARP) ont chacune « salu[é] » le projet de loi pour « la régulation et la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique ». Dans l’arsenal contre le piratage en ligne, la « liste noire » est très attendue.

En clair. « Les mesures de protection contre le piratage des œuvres (…) via la publication de “listes noires” et la lutte contre les sites miroirs sont des dispositifs de bon sens », déclare la Société civile des auteurs multimédias (Scam) à propos de ce pouvoir de la future Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Celle-ci « peut rendre publique l’inscription sur une liste du nom et des agissements » de sites web qui « port[ent] atteinte, de manière grave et répétée, aux droits d’auteur ou aux droits voisins ». De son côté, la société Auteurs-réalisateurs-producteurs (l’ARP) salue en premier les « moyens renforcés afin (…) de lutter contre le piratage ».
Par ailleurs, l’ARP et deux autres organismes du cinéma français (1), le Blic et le Bloc, ont rappelé le 7 avril que, selon eux, « la mise en œuvre par le gouvernement de mesures d’ampleur de lutte contre le piratage constitue un préalable indispensable à toute réforme de la chronologie des médias » (2). Le 8 avril, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) s’est dite, elle, satisfaite de voir que « la lutte contre les sites spécialisés dans la contrefaçon sur Internet comme celle contre les sites miroirs [soient] ainsi des objectifs essentiels poursuivis par la nouvelle autorité ». C’est dire que la « liste noire » est attendue de pied ferme par le 7e Art et, bien que plus discrète sur ce projet de loi, l’industrie musicale. Ce texte, que le gouvernement a déposé le 8 avril au Sénat, sera discuté en séance publique les 18 et 19 mai. Les ayants droit pourront invoquer cette « liste noire » devant le juge pour ordonner aux opérateurs Internet (FAI) le blocage des sites pirates incriminés. Or l’Arcep prévient, dans son avis du 30 mars, qu’obliger un FAI à les bloquer sur la base des contenus piratés portés à la connaissance de ce dernier « apparaît en pratique techniquement irréaliste et sa proportionnalité soulève donc de fortes interrogations ».
Le Conseil d’Etat, lui, a proposé le 1er avril que « la procédure » d’« inscription sur une liste noire, qui présente le caractère de sanction », soit confiée à un « rapporteur indépendant » et non pas à un « membre du collège chargé de la réponse graduée ». Quant aux acteurs du e-paiement et de la publicité en ligne, ils devront eux aussi – follow the money oblige – cesser tout lien avec les sites blacklistés. @

Blockchain : quelle régulation pour les jetons non fongibles ou NFT (Non-Fungible Tokens) ?

Les « NFT » défraient la chronique. Ces actifs numériques générés par une blockchain font parler d’eux, depuis qu’un artiste a vendu aux enchères début mars une de ses œuvres numériques – ou plutôt le NFT associé – pour… 69,3 millions de dollars ! Mais la régulation de ces tokens reste à inventer.

L’artiste américain Mike Winkelmann, alias Beeple ou Beeple Crap (1), est entré définitivement dans l’Histoire de l’art digital en voyant l’une de ses œuvres, une composition de 5.000 images numériques intitulée «Everydays: the First 5.000 Days », adjugée aux enchères chez Christie’s (2) le 11mars dernier plus de 69,3 millions de dollars, après une mise à prix de 100 dollars ! L’acquéreur, qui se cachait derrière le pseudonyme Metakovan, a révélé le 18mars (3) être Vignesh Sundaresan (photo), un Indien devenu millionnaire et angel investor dans la blockchain (4). Avec cette vente historique, l’œuvre est – tous arts confondus – la plus chère vendue du vivant de son auteur.