A propos Charles de Laubier

Rédacteur en chef de Edition Multimédi@, directeur de la publication.

Après avoir échoué à remplacer M6, et à racheter Editis et La Provence, Xavier Niel se concentre sur Iliad en Europe

En mars, Xavier Niel voit Vivendi choisir Daniel Kretinsky pour lui vendre Editis. En février, il prend acte du rejet de son projet de chaîne Six. En octobre, La Provence lui échappe au profit de Rodolphe Saadé. Et dans les télécoms, où il poursuit des ambitions européennes, le fondateur de Free se fâche avec l’Arcep.

Xavier Niel (photo), le milliardaire magnat des télécoms et des médias, est tendu ces derniers temps. Cela se voit dans ses coups de gueule sur le marché français des télécoms. Pourtant, à 55 ans, tout semble lui sourire : sa fortune avait dépassé pour la première fois, en 2022, la barre des 10 milliards d’euros ; sa vie privée se passe aux côtés de Delphine Arnault, fille de la plus grand fortune mondiale Bernard Arnault, PDG de LVMH (propriétaire du groupe Le Parisien-Les Echos) ; il a eu les honneurs de la République en étant fait le 31 décembre dernier chevalier de la Légion d’honneur par décret d’Emmanuel Macron qu’il fréquente et apprécie depuis 2010 – l’Elysée préfèrerait même Iliad/Free à Orange (pourtant détenu à 22,9 % par l’Etat) pour ses ambitions européennes. Or, depuis quelques mois, les déconvenues et les échecs se succèdent pour le « trublion » des télécoms et tycoon des médias français. Mise à part la chute de sa fortune de 43 % au 5 avril par rapport à 2022, dernière contrariété en date : la décision de l’Arcep d’augmenter le tarif du dégroupage de la boucle locale d’Orange, autrement dit le prix de location mensuelle payé par Free, Bouygues Telecom ou SFR pour emprunter le réseau de cuivre historique hérité de France Télécom pour les accès ADSL et le triple play Internet-TV-téléphone.

Le « trublion » contrarié par l’Arcep et l’Arcom
« C’est une formidable rente de situation pour Orange », a-t-il dénoncé le 22 mars dernier devant les sénateurs de la commission des affaires économiques qui l’auditionnaient. Mais avant de ruer dans les brancards des télécoms en attaquant les décisions tarifaires du gendarme des télécoms – présidé par l’ex-députée et ex-France Télécom/Orange Laure de La Raudière dont il avait considéré la nomination à tête de l’Arcep il y a plus de deux ans comme « aberrant pour la concurrence » –, Xavier Niel avait enchaîné les déconvenues dans les médias et l’édition.
• Le rejet par l’Arcom de son projet de chaîne de télévision « Six ». C’est le 22 février 2023 que l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) recale son dossier de candidature pour son projet de chaînes « Six » dont l’ambition était de remplacer M6 sur le canal 6 de la TNT (télévision nationale diffusée par voie hertzienne terrestre en clair et en haute définition). Sans grand suspense, ce sont les autres « projets » qui sont « sélectionnés » par le régulateur de l’audiovisuel, à savoir TF1 (Télévision Française 1) et M6 (Métropole Télévision) dont les autorisations de continuer à émettre sur la TNT seront délivrées avant le Continuer la lecture

Création immersive : l’audiovisuel et le cinéma se mettent très progressivement au métavers

Cela fait plus de six mois que le musicien Jean-Michel Jarre est président de la commission « Création immersive » du CNC, dotée de 3,6 millions d’euros par an pour subventionner la création d’oeuvres immersives. Elle s’est réunie le 6 mars dernier pour la troisième fois afin de retenir de nouveaux projets à soutenir.

Le Fonds d’aide à la création immersive, créé en juillet 2022, remplace au sein du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), à la fois le Fonds d’aide aux expériences numériques (Fonds XN) et le Dispositif pour la création artistique multimédia et numérique (Dicréam). Pour la troisième fois, la commission « Création immersive » présidée depuis septembre 2022 par le musicien Jean-Michel Jarre (photo), s’est réunie – le 6 mars – pour choisir les projets immersifs qui bénéficieront d’une aide financière allant de quelques milliers d’euros à plus de 130.000 euros chacun. Les résultats sont imminents. Le Fonds d’aide à la création immersive est doté de 3,6 millions d’euros par an pour financer des contenus de réalité virtuelle (VR), de réalité mixte (MR), de réalité étendues (XR) ou encore de narrations interactives (Interactive Storytelling). Lancé durant l’été 2022 en pleine euphorie « métavers » déclenchée par la firme de Mark Zuckerberg, Meta (ex-groupe Facebook), ce fonds vise aussi à aider des projets de métavers.

Projets VR, MR, XR, voire métavers
En lançant la commission « Création immersive », le CNC avait appelé la filière à « investir le métavers comme un nouveau territoire d’expression artistique ». Le but était alors d’ »accélérer la structuration de cet écosystème, actuellement porté par le développement du métavers qui désigne en premier lieu le processus de plateformisation des usages immersifs, et présente des opportunités sans précédent ». Surtout que Jean- Michel Jarre croit en ces mondes immersifs, se présentant lui-même comme « musicien, auteur, interprète, pionnier des métavers ». Il est par ailleurs associé au studio de production Vrroom (société Perpetual Emotion), lequel a déjà assuré la virtualisation de certains de ses concerts (immersion complète dans un monde virtuel) et qui va lancer « un métavers entièrement dédié au spectacle » – pour l’heure à l’état de prototype. Malgré le « métaflop » constaté en fin d’année dernière, les oeuvres dans le métavers entrent toujours dans le dispositif. Mais la mise en avant du métavers n’a pas fait long feu. De quoi aussi apaiser les craintes de certains créateurs du numérique (auteurs et producteurs) qui se sont inquiétés de voir disparaître la Dicréam – au bout Continuer la lecture

Epic Games (« Fortnite ») est à la croisée des chemins, entre univers 3D, Blockchain Gaming et… procès

A la Game Developers Conference (GDC), Epic Games – fondé par Tim Sweeney – a présenté les nouveautés de son écosystème et d’Unreal Engine, son moteur de création 3D. L’éditeur du célèbre jeu de tir « Fortnite », aux 236 millions d’utilisateurs, doit aussi payer à la FTC et aux joueurs 520 millions de dollars.

Du 22 au 24 mars à San Francisco, lors de la Game Developers Conference (GDC), Epic Games – l’éditeur de jeu-phénomène « Fortnite » et du moteur de création de jeux et de mondes virtuels Unreal Engine – a encore une fois mobilisé sa communauté de développeurs et de gamers avec des nouveautés et de nouvelles versions (la « 5.2 » d’Unreal Engine et la « Mega » de Fortnite notamment). Il y en a pour tous les goûts : construire des mondes photoréalistes avec Unreal Engine 5.2 ; créer son premier jeu dans Fortnite avec Unreal Editor for Fortnite (UEFN) ; utiliser MetaHuman pour créer des personnages humains très réalistes de toutes les façons imaginables ; concevoir de nouveaux personnages physiques dans UE5 et pouvoir « caresser le chien », … L’écosystème d’Epic en a vu de toutes les couleurs à la GDC. Les conférences et sessions étaient aussi retransmises en live sur Twitch (Amazon) et YouTube (Google).

820 millions de dollars dépensés dans « Epic » en 2022
« Il y a maintenant sur ordinateur plus de 230 millions d’utilisateurs d’Epic Games Store [la boutique de distribution de jeux, ndlr], soit 36 millions de plus qu’en 2021, ce qui fait un total de 723 comptes multiplateformes Epic », a indiqué le 9 mars dernier la société de Caroline du Nord fondée il y a plus de trente ans et toujours dirigée et contrôlée (à 51 %) par Timothy Sweeney (photo), dénommé Tim. « Les éditeurs et les développeurs ont apporté 626 nouveaux titres de PC dans Epic Games Store en 2022 [dont 99 gratuits, ndlr], ce qui porte notre total à 1.548 jeux. C’est plus que n’importe quelle année précédente. Les joueurs ont dépensé 355 millions de dollars sur des applications tierces [jeux non édités par Epic, ndlr], en hausse de 18 % sur un an. En incluant nos propres jeux, les joueurs ont dépensé 820 millions de dollars en 2022, en baisse de 2 % par rapport à 2021 », s’est aussi félicité Epic Games. L’éditeur de Cary (où il a son siège social) prélève seulement 12 % sur les revenus des titres, aux lieux des 30 % pratiqués en général par Apple, Google ou Steam de Valve. Le vaisseau amiral-maison est Fortnite, Continuer la lecture

« Contribution équitable » aux réseaux des opérateurs télécoms : ce qu’en pensent les GAFAM

Les Google, Amazon, Facebook (Meta), Apple et autres Microsoft ont réagi à l’idée – soumise à consultation par la Commission européenne jusqu’au 19 mai – qu’ils « contribuent équitablement » aux investissements des réseaux des opérateurs télécoms. C’est injustifié et risqué pour la neutralité du Net.

Les GAFAM et les « telcos », notamment les opérateurs télécoms historiques (Orange, Deutsche Telekom, Telefonica, Telecom Italia, …), vont plus que jamais se regarder en chiens de faïence. Les grandes plateformes numériques de l’Internet vont avoir l’occasion de démontrer que « tout paiement pour l’accès aux réseaux pour fournir du contenu ou pour le volume de trafic transmis serait non seulement injustifié, étant donné que le trafic est demandé par les utilisateurs finaux et que les coûts ne sont pas nécessairement sensibles au trafic (notamment sur les réseaux fixes), mais aussi qu’il compromettrait le fonctionnement de l’Internet et enfreindrait probablement les règles de neutralité de l’Internet ». C’est du moins en ces termes que la Commission européenne formule la position des GAFAM dans le questionnaire de sa « consultation exploratoire sur l’avenir du secteur de la connectivité et de ses infrastructures », ouverte depuis le 23 février et jusqu’au 19 mai. En face, les opérateurs télécoms – du moins les anciens monopoles d’Etat des télécommunications en Europe.

Les internautes paieront deux fois, selon la CCIA Europe (photo)
Ces grands opérateurs télécoms européens « demandent la mise en place de règles obligeant les fournisseurs de contenus et d’applications, ou les acteurs numériques en général qui génèrent d’énormes volumes de trafic, à contribuer aux coûts de déploiements des réseaux de communications électroniques [sous la forme d’une] contribution [qui] serait “équitable”, étant donné que ces (…) acteurs numériques profiteraient des réseaux de qualité sans supporter le coût de leurs déploiements ». Prudente, la Commission européenne se garde bien de prendre parti, contrairement aux prises de position favorable aux « telcos » de son commissaire européen Thierry Breton, en charge du marché intérieur (1), qui fut dans une ancienne vie président de France Télécom devenu Orange (octobre 2002-février 2005). Elle fait référence à la Déclaration européenne sur les droits et principes numériques pour la décennie numérique (DEDPN), telle que promulguée le 23 janvier 2023 au Journal officiel de l’Union européenne. Deux points de cette déclaration sont mentionnés dans Continuer la lecture

L’adtech Criteo, toujours 3e éditeur de logiciels français, va réaliser la moitié de son activité sans cookies

Société française de ciblage publicitaire sur Internet, fondée en 2005 (à Paris) et cotée depuis dix ans au Nasdaq (à New-York), Criteo accélère dans le « retail media » (publicité « personnalisée » au plus près des consommateurs), mettant fin aux cookies. L’adtech parisienne pourrait être la cible d’un acquéreur.

(Privacy International, ayant porté plainte en 2018 contre l’adtech, indique que la Cnil a auditionné le 16 mars Criteo qui risque une amende de 60 millions d’euros)

Le « retail media » est la nouvelle planche de salut de Criteo, le spécialiste français de la publicité ciblée et boostée à l’intelligence artificielle. En exploitant les quantités de données transactionnelles et commerciales (1) des internautes, que les marques et annonceurs veulent attirer avec des promotions et fidéliser, Criteo s’affranchit de plus en plus des cookies (2). Et ce, depuis que Google et Apple ont décidé de bannir ces mouchards pour préserver la vie privée de leurs utilisateurs. Il s’agit pour l’adtech parisienne devenue internationale de passer du seul re-ciblage publicitaire (retargeting) – nécessitant le dépôt controversé de cookies dans le navigateur du visiteur de sites web ou d’applications mobiles – à des solutions non-reciblées autour de sa plateforme Commerce Media. « Au cours de l’exercice 2022, nos solutions non-retargeting représentaient déjà près de 37 % de l’ensemble de nos activités (…), dont 47 % au quatrième trimestre de 2022. Nous investissons dans la croissance de ces solutions nonreciblées et nous nous attendons à ce qu’elles représentent près de 50 % de l’ensemble de nos activités en 2023, y compris l’intégration d’Iponweb », indique la société cotée à la Bourse de New-York depuis 2013, dans son rapport financier 2022 publié le 24 février dernier.

Le « retail media » sans cookies fait recette
Iponweb est une adtech russo-britannique rivale rachetée en août 2022 pour 250 millions de dollars à son fondateur russe Boris Mouzykantskii, devenu architecte en chef de Criteo. Dernière acquisition en date que l’adtech française a annoncée le 7 mars : l’australien Brandcrush, lui aussi spécialiste du retail media. Sorte de marketing-direct en ligne, le retail media consiste à faire de la publicité en ligne personnalisée – voire de l’ultra-personnalisation – au plus près de l’acte d’achat des consommateurs sur les sites ou applis de e-commerce ou en magasins connectés, chez le détaillant ou à proximité. Ce nouveau canal publicitaire en pleine croissance permet aux marques, commerçants et sites web (de e-commerce et de média) de stimuler les ventes de produits, de services ou d’applications auprès du client ciblé – appelé « shopper » – en fonction de ses intérêts, de ses goûts et de ses emplettes. Les plateformes de e-commerce, les boutiques en lignes et les hypermarchés (comme E.Leclerc, Auchan, Boulanger ou Fnac Darty, clients de Criteo en France) deviennent ainsi des « médias commerciaux », qui, grâce à des adtech comme l’icône de la French Tech, peuvent monétiser leur inventaire publicitaire et Continuer la lecture