Sur le nombre d’utilisateurs de Telegram, la Commission européenne espère y voir plus clair d’ici octobre

La Commission européenne « doute » que Telegram soit en-dessous des 45 millions d’utilisateurs dans les Vingt-sept. Selon nos informations, les analyses de l’audience de la plateforme cryptée du Franco-Russe Pavel Durov pourraient prendre « au moins un mois » avant de lui appliquer éventuellement le DSA.

« Entre la fin de nos propres analyses que nous sommes en train de mener sur l’audience de Telegram – en distinguant la partie messagerie, qui ne concerne pas le DSA, et la partie groupes ouverts fonctionnant comme un réseau social, relevant du DSA – et le temps qu’il faudra pour s’assurer juridiquement de nos conclusions et de les notifier à l’entreprise Telegram, cela prendra au moins un mois », indique à Edition Multimédi@, Thomas Regnier, porteparole de la Commission européenne. « Nous avons des doutes sur les 41 millions d’utilisateurs en Europe que la plateforme a déclarés en février dernier », ajoute le porte-parole.
Or si la plateforme Telegram atteignait le seuil des 45 millions d’utilisateurs dans les Vingt-sept, elle devrait alors se conformer aux obligations du règlement sur les services numériques, le Digital Services Act (DSA). La Commission européenne a confié à son service Joint Research Center (JRC) le soin d’« étudier la méthodologie de Telegram » (1) dans le calcul du nombre de ses utilisateurs dans l’Union européenne (UE). Bruxelles enquête ainsi discrètement sur Telegram, tandis qu’une procédure judiciaire est en cours en France à l’encontre de son dirigeant fondateur francorusse Pavel Durov (photo), mis en examen le 28 août et placé sous contrôle judiciaire (2).

Telegram, « très grande plateforme en ligne » ?
De son côté, la société Telegram déclare que sa plateforme n’est pas concernée par les obligations du DSA : « Certains éléments non essentiels des services fournis par Telegram peuvent être considérés comme des “plateformes en ligne” dans le cadre du DSA. En août 2024, ces services avaient nettement moins de 45 millions d’utilisateurs actifs mensuels moyens dans l’UE au cours des six mois précédents – ce qui est inférieur au seuil requis pour être désigné comme “très grande plateforme en ligne” » (3).

Quand l’Europe va-t-elle obliger les réseaux sociaux à l’interopérabilité et à l’ouverture ?

Le Conseil national du numérique (CNNum), dont les membres sont nommés par le Premier ministre, s’est rendu fin février à la DG Cnect de la Commission européenne pour l’appeler à faire évoluer la régulation afin d’ouvrir les réseaux sociaux à la concurrence et à l’interopérabilité. Et après ?

Le secrétaire général du Conseil national du numérique (CNNum), Jean Cattan (photo), accompagné de Marie Bernhard, rapporteure au sein de ce même CNNum, s’est rendu le 27 février à la Commission européenne pour exposer une certaine « vision ouverte » pour « nous permettre de reprendre la main sur la construction de nos architectures sociales et les fonctionnalités essentielles des réseaux sociaux ». Objectif : « sortir de la mainmise des Big Tech sur notre attention». Cela passe par l’«interconnexion ouverte », un « réseau ouvert ». Il s’agit de « renverser l’ordre établi par les Big Tech sur nos infrastructures sociales » (1).

Chaque réseau social, un monopole en soi
Contacté par Edition Multimédi@ après son entrevue à la DG Cnect (2) à Bruxelles, Jean Cattan nous explique que « l’ouverture [des réseaux sociaux] dépend aujourd’hui des conditions technico-économiques que nous pourrons imposer dans le cadre d’une régulation qui reste à construire ». Pour que des applications et des fonctionnalités alternatives – à celles proposées par le réseau social – puissent être proposées par des tiers (nouveaux entrants et concurrents), il faudrait, selon lui, « penser encore plus loin que l’interopérabilité pour envisager les réseaux sociaux non plus comme des plateformes mais comme des protocoles ». Ce serait un remède au fait que ces marchés sont aujourd’hui « sous monopole de chaque réseau social ». Mais passer de la plateformisation à la protocolisation des réseaux sociaux suppose non seulement une interopérabilité mais aussi une ouverture des Facebook/Instagram (Meta), Twitter et autres TikTok.