Les critiques des majors de la musique envers YouTube semblent hypocrites sur les recettes du streaming vidéo

YouTube (Google) et dans une moindre mesure Dailymotion (Vivendi) représentent 60 % à 70 % de l’écoute de la musique en ligne en France, alors que ces plateformes vidéo pèsent à peine 10 % des revenus du streaming musical en 2016. Pour les producteurs, majors en tête, c’est le statut d’hébergeur qui est en cause. Vraiment ?

Par Charles de Laubier

« Le streaming audio génère dix fois plus de revenus pour les producteurs que le streaming vidéo avec deux fois moins d’utilisateurs. Et l’abonnement génère à lui seul près de dix fois plus de revenus pour les producteurs que le streaming vidéo », déplore encore cette année Guillaume Leblanc (photo), directeur général du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), lequel défend les intérêts d’une cinquantaine de membres dont les majors de la musique – Universal Music de Vivendi, Warner Music d’Access Industries et Sony Music Entertainment.
Dans l’auditoire lors de la présentation des chiffres du Snep le 28 février dernier, Denis Thébaud, PDG de Xandrie, propriétaire de la plateforme musicale Qobuz depuis fin 2015, a interpellé les membres du Snep au sujet de YouTube. «Est-ce qu’il n’y a pas une certaine hypocrisie à vendre de la musique que l’on peut avoir gratuitement à côté ? En fait, nous serions les faire-valoir de YouTube ! ».

Minimum garanti pour le streaming musical : c’est pas gagné !

En fait. Le 23 mars, le projet de loi « Création » a été voté en seconde lecture à l’Assemblée nationale. L’une des mesures-phare du texte est l’instauration d’une garantie de rémunération minimale pour le streaming de musique en ligne. Mais la filière a un an pour se mettre d’accord sur les modalités. Sinon…

Maylis RoquesEn clair. Les négociations sur la mise en place et le niveau de la garantie de rémunération minimum que devront verser les producteurs aux artistes-interprètes pour la diffusion de musique en flux sans téléchargement – autrement dit le streaming (1) – ne font que commencer !
C’est Maylis Roques (photo), par le passé secrétaire générale du CNC (2) (2010-2014), qui a été désignée pour présider – en tant que représentante de l’Etat – une commission pour aboutir à un accord collectif – conformément à ce qui est prévu par l’accord Schwartz de septembre 2015.

Après l’accord Hachette-Amazon, les auteurs réclament

En fait. Le 13 novembre, Hachette et Amazon ont annoncé avoir enterré la hache de guerre après un conflit de plusieurs mois sur le prix des ebooks aux Etats-Unis. Aux termes de leur accord, Hachette gardera le contrôle sur leur prix de vente et Amazon obtient de l’éditeur la baisse possible de leur tarifs.

En clair. « Nous sommes heureux de ce nouvel accord car il inclut des incitations financières spécifiques à l’attention d’Hachette en vue de baisser les prix, ce qui constitue selon nous une grande victoire pour les lecteurs comme pour les auteurs »,
a fait valoir de son côté David Naggar, vice-président d’Amazon en charge de Kindle, dans un communiqué commun avec Hachette. Mais un conflit peut en cacher un autre : les auteurs qui ont apporté aux Etats-Unis leur soutien à Hachette durant ces négociations sur les ventes de livres imprimés et numériques, voudraient être récompensés par leur éditeur. Les auteurs demandent en effet maintenant à Hachette
– numéro quatre de l’édition en ligne aux Etats-Unis – de partager plus d’argent que ce qu’ils perçoivent de lui des ventes de leurs ebooks. Actuellement, environ 30 % du prix de vente d’un titre digital revient à Amazon et 70 % à l’éditeur et l’auteur – ce dernier ne percevant en fin de compte qu’environ 17 %.

Media Participations, 4e éditeur français, croit aux ebooks par abonnement illimité en streaming

En attendant l’arrivée en France de Kindle Unlimited, Youboox veut convaincre les trois premiers éditeurs français – Hachette, Editis et Gallimard/Flammarion – d’intégrer sa bibliothèque d’ebooks en streaming illimité (gratuite ou par abonnement). Media Participations leur montre la voie.

Vincent MontagneDirigé par Vincent Montagne (photo), qui préside en outre le Syndicat national de l’édition (SNE), le quatrième groupe d’édition français, Media Participations, participe depuis plus d’un an maintenant à l’enrichissement de la bibliothèque numérique française Youboox.
Mais il reste encore à convaincre les trois premiers de l’intérêt d’une telle offre illimité de livres dématérialisés par abonnement. « Il est vrai qu’aujourd’hui nous n’avons pas encore signé avec les trois plus grands éditeurs français. (…) On va finir par intégrer leurs catalogues », a assuré Hélène Mérillon, cofondatrice et présidente de Youboox, le 21 octobre dernier, au colloque de NPA Conseil.

Rémunération proportionnelle du partage : le collège de l’Hadopi bientôt saisi

En fait. Le 17 octobre dernier, lors des 24e Rencontres cinématographiques de l’ARP (Auteurs, Réalisateurs, Producteurs) à Dijon, l’idée – vivement contestée par les producteurs – de « rémunération proportionnelle du partage » avancée par Eric Walter, secrétaire général de l’Hadopi, n’a pas du tout été ouvertement évoquée…

Marie-Françoise-MaraisEn clair. Selon nos informations, le collège de l’Hadopi compte se réunir avant la fin de l’année pour se prononcer sur le rapport que son secrétaire général, Eric Walter, a publié début septembre sur la « rémunération proportionnelle du partage » (RPP) pour, notamment, les échanges non-marchands sur Internet.
Cette idée provoque une levée de bouclier de la part des ayants droits du cinéma et de la musique, comme l’a montré le courrier courroucé daté du 22 septembre dernier et envoyé par les organisations du cinéma (le Bloc, dont l’APC, le Blic et l’UPF) à Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication (1).
Pour l’heure, la publication de ce rapport intermédiaire daté du 30 juin 2014 ne fait pas l’unanimité au sein du collège qui compte bien inscrire à l’ordre du jour de ses prochaines réunions ce rapport controversé.