Nicolas Guérin, stratège discret mais très influent au sein de la filière télécoms et au coeur de l’Etat

Probablement l’homme le plus influent des télécoms en France. Nicolas Guérin fête ses 25 ans chez Orange, dont il est secrétaire général depuis 5 ans. Il conseille depuis 2020 le gouvernement en tant que président du Comité stratégique de filière « Infrastructures numériques ».

En plus de sa fonction stratégique de secrétaire général d’Orange depuis mars 2018, et à ce titre l’un des treize membres du comité exécutif (le « comex »), Nicolas Guérin (photo) est depuis l’automne 2020 président du Comité stratégique de filière « Infrastructures numériques » (CSF-IN). Il s’agit de l’une des dix-neuf filières représentées au sein du Conseil national de l’industrie (CNI), lequel est présidé par la Première ministre, Elisabeth Borne. Nicolas Guérin est en outre très impliqué au sein de la Fédération nationale des télécoms (FFTélécoms), qu’il présidera à nouveau le 3 juillet prochain. Nicolas Guérin (55 ans le 19 août prochain) est la personnalité la plus influente des télécoms en France, dont il a vécu la libéralisation depuis le début, il y a… un quart de siècle. C’est le 5 janvier 1998, après un passage chez TDR, opérateur de la radiomessagerie Tam Tam et filiale de SFR (où il avait fait un premier stage), qu’il entre chez France Télécom, soit au cinquième jour de l’ouverture du marché français des télécoms à la concurrence et au moment où l’ancien monopole public des télécoms devient une société anonyme. Il y rentre en tant que juriste chargé justement de la concurrence et de la réglementation.

Il a vu passer quatre présidents d’Orange
L’Etat, unique actionnaire à l’époque avant de se retrouver minoritaire, détient encore aujourd’hui 22,95 % du capital et 29,25 % des droits de vote (1). Nicolas Guérin s’est ensuite rendu indispensable pour la stratégie et le lobbying d’Orange – la dénomination sociale depuis dix ans (2). Il verra défiler à la présidence du groupe Michel Bon, Thierry Breton, Didier Lombard et Stéphane Richard, avant de se retrouver il y a plus d’un an aux côtés du duo formé par Christel Heydemann (directrice générale) et Jacques Aschenbroich (président). Après avoir été promu il y a vingt ans directeur juridique « concurrence et réglementation » d’Orange, dont il devient le directeur juridique et « secrétaire du conseil d’administration », Nicolas Guérin est secrétaire général du groupe Orange depuis plus de cinq ans. Le rapport d’activité 2022 publié le 30 mars le mentionne toujours bien ainsi dans le « comité exécutif à compter du 3 avril 2023 », lequel a évolué « pour accompagner les évolutions liées au nouveau plan stratégique [« Lead the future« ]» présenté le 16 février par Christel Heydemann. Mais Continuer la lecture

Le jeune ministre de la Transition numérique et des Télécoms, Jean-Noël Barrot (40 ans), s’active

Nommé il y a un peu plus de dix mois ministre délégué de la Transition numérique et des Télécoms, Jean-Noël Barrot – 40 ans depuis le 13 mai – intensifie son action aussi bien sur la régulation d’Internet (G7 numérique au Japon et projet de loi en France) que sur le plan France Très haut débit et la French Tech.

Pas de temps à perdre pour ce jeune quadra. L’agenda bien rempli de Jean-Noël Barrot (photo), ministre délégué de la Transition numérique et des Télécommunications auprès de Bruno Le Maire (1), s’accélère. Après un périple de deux jours au Japon pour représenter la France au G7 Numérique les 29 et 30 avril, le revoici à pied d’oeuvre sur le sol français où ses dossiers s’enchaînent à Bercy. En haut de la pile : le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique. Après l’avoir présenté le 10 mai en conseil des ministres, puis transmis au Parlement, le texte du gouvernement devrait être examiné au Sénat en juin puis à l’Assemble nationale début juillet. L’une des mesures très attendues est le « filtre anti-arnaques » annoncé par le candidat Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle du printemps 2022.

Un ministre délégué à l’agenda de ministre
Sur un autre front, Jean-Noël Barrot interviendra le 16 mai à l’occasion de la publication – par la fédération professionnelle Infranum (2) – de l’Observatoire du très haut débit 2023 sur fond de polémiques sur les malfaçons dans le déploiement de la fibre optique jusqu’aux abonnés. Pour tenter de remédier à ces dysfonctionnements, une proposition de loi a été adoptée le 2 mai au Sénat et transmise à l’Assemblée nationale. Les différents acteurs de la filière télécoms se rejettent plus que jamais la responsabilité des couacs. Jean-Noël Barrot (« JNB ») oeuvre aussi en faveur de la « Startup Nation » chère à Emmanuel Macron, lequel fut ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique d’août 2014 à août 2016 (sous la présidence de François Hollande). La « French Tech » est une initiative du gouvernement français lancée il y aura dix ans en fin d’année. Passage en revue des principaux sujets d’actualité concernant JNB : Continuer la lecture

Altitude Infra table sur l’arrêt programmé du cuivre pour conforter sa place de 3e opérateur de fibre

En France, Altitude Infrastructure (Altitude Infra) prospère en tant que troisième opérateur télécoms de fibre optique – derrière Orange et Altice. Aussi 1er opérateur indépendant sur les réseaux d’initiative publique (Rip) – devant Axione (Bouygues) et Orange –, il profitera de la fin de l’ADSL.

Si Orange et Altice sont les champions du déploiement en France des prises FTTH, avec respectivement 16,8 millions et 4,2 millions de lignes raccordables au 31 mars 2022, Altitude Infrastructure – alias Altitude Infra – se hisse tout de même à la troisième place avec plus de 2,6 millions de prises de fibre optique déployées. Et ce, loin devant Free qui compte à peine plus de 0,3 million de prises du même type. C’est du moins ce que montrent les derniers chiffres trimestriels publiés début juin par l’Arcep, avant les prochains à paraître le 8 septembre.

1er opérateur FTTH sur les Rip
De plus, Altitude Infra a annoncé mi-juillet qu’il avait – sur son parc de prises FTTH « raccordables » – dépassé pour la première fois 1 million de prises « commercialisées ». Car déployer de la fibre optique sur tous les territoires ne suffit pas, encore faut-il que ces prises trouvent leurs abonnés qui acceptent d’en payer le prix mensuel (1) et qui soient correctement raccordés (2). « En accueillant l’ensemble des opérateurs commerciaux sur ses plaques, Altitude Infra crée une réelle dynamique sur les territoires. Cette dernière est renforcée par un accompagnement soutenu des collectivités délégantes pour sensibiliser leurs administrés », se félicite David Elfassy (photo), président de cet opérateur alternatif régional.
Altitude est non seulement troisième opérateur d’infrastructures de fibre optique sur le territoire français, mais aussi premier opérateur indépendant de réseaux d’initiative publique (Rip). Ces derniers relèvent, depuis la loi « Confiance dans l’économie numérique » de 2004, du champ de compétences des collectivités territoriales en matière d’aménagement numérique du territoire.
Ainsi, Altitude Infra et ses plus de 2,4 millions de prises FTTH raccordables déployées dans les Rip en font le numéro un dans ce domaine devant : les 2,1 millions de prises d’Axione – filiale de Bouygues Energies & Services (51 %) et de Vauban IP/Natixis Investment Managers (49 %) –, les 2 millions de prises d’Orange, les 1,9 million de prise d’Altice France (maison mère de SFR), et des plus de 0,3 million de prise de TDF Fibre. Altitude Infra a aussi déployé 40.000 prises FTTH supplémentaires dans des zones moins denses d’initiative publique dites « Amel » (ayant fait l’objet d’appels à manifestation d’engagements locaux). Ce qui le place dans cette catégorie entre Altice et Orange. « En bénéficiant de 5 milliards d’euros d’investissement pour déployer, exploiter et commercialiser ses réseaux sur 29 départements (26 réseaux “très haut débit”), Altitude Infra affirme un ancrage local », souligne l’opérateur doté d’un effectif de 1.400 personnes et d’un siège social basé à Valde- Reuil (département de l’Eure, en Normandie). Créée en 1990, la société mère Altitude est familiale, cofondée par son président actuel Jean-Paul Rivière (70 ans) – 232e fortune de France, selon Challenges (3). L’entreprise s’est diversifiée dans les télécoms, la promotion immobilière et les résidences seniors. Il y a vingt ans, Altitude Télécom partait à la conquête des réseaux radio avant d’obtenir en 2006 – lors de la création d’Altitude Infrastructure – une licence WiMax (radio haut débit) pour couvrir les zones blanches mal desservies par l’ADSL. Mais David Elfassy, à qui Jean-Paul Rivière a confié en 2009 la présidence d’« Altitude Infra », a estimé que le WiMax était dépassé et, en 2012, a fait pivoter l’opérateur vers la fibre optique. Ce virage technologique lui a permis de profiter de l’impulsion du Plan France Très haut débit et de se spécialiser dans le déploiement de la fibre optique dans les territoires les moins bien connectés, avec l’aide financière des collectivités locales et territoriales.
« Avec la reprise des actifs de Kosc Télécom en juin 2020 et le rachat de 26 réseaux de Covage en septembre 2021, ce sont plus de 5 millions de prises, desservant plus de 12 % de l’ensemble des foyers français, qui seront produites et exploitées. Ces opérations permettent de développer une offre entreprises complète en ajoutant à l’offre historique FTTH de Kosc, une offre en fibre dédiée (FTTO) à laquelle 36 % des entreprises sont désormais raccordables », précise sur son compte LinkedIn David Elfassy, par ailleurs membre fondateur et vice-président d’Infranum (4).

Marché des entreprises : concurrence accrue
L’année 2022 marque en outre, au sein d’Altitude, la fusion de Covage et de Kosc sous la marque Covage. Et les acquisitions se suivent : en mai, Altitude a jeté son dévolu sur Phibee, une plateforme de qualité à destination des opérateurs internationaux ; en juin, l’opérateur télécoms du B2B s’est emparé d’Airmob pour élargir son offre au mobile en devenant full MVNO, mais aussi à l’IoT (Internet des objets). Cette offre aux entreprises complète les services proposés depuis 2017 par la filiale Linkt d’Altitude. De quoi rivaliser un peu plus avec les dominants Orange et SFR (5), et le nouvel entrant Free. @

Charles de Laubier

FTTH : deux propositions de loi « coercitives » envers les opérateurs télécoms et leurs sous-traitants

Juillet fut dense sur le front du déploiement de la fibre en France, entaché de malfaçons, dégradations, négligences, déconnexions, mises en danger et/ou imprévoyances. Les Assises du Très haut débit et deux propositions de loi mettent les opérateurs télécoms devant leurs responsabilités.

« J’ai du mal, et je l’ai déjà exprimé à plusieurs reprises, à affirmer qu’il [le déploiement de la fibre sur tout le territoire] soit une vraie réussite. Parce que tous ces efforts sont entachés par des problèmes de qualité de réseau fibre, liés d’une part à un manque de contrôle des opérateurs (télécoms) sur les processus de raccordement, et à un déficit de formation et d’équipements des agents intervenant sur le terrain en sous-traitance des opérateurs, et d’autre part – sur certains réseaux bien spécifiques et maintenant bien identifiés – à des dégradations, des malfaçons des équipements rendant les raccordements très délicats », a déclaré le 7 juillet la présidente de l’Arcep, Laure de La Raudière (photo), lors des 16èmes Assises du Très haut débit, organisées par l’agence Aromates.

Depuis le scandale des « plats de nouilles »
Laure de La Raudière (LDLR) a assuré que le gendarme des télécoms « travaille activement pour mettre les opérateurs devant leurs responsabilités afin qu’ils conduisent les évolutions nécessaires ». Et de mettre en garde Orange, SFR (Altice), Bouygues Telecom, Free (Iliad), Altitude, Axione et les autres opérateurs télécoms intervenant dans le déploiement en France du FTTH (Fiber-To-The-Home) : « Mon attention sur ce sujet ne faiblira pas tant que la situation ne s’améliorera pas. C’est important d’avoir un réseau FTTH partout et de qualité, dans la perspective notamment de la fermeture du réseau cuivre – dont le plan d’Orange nous a été notifié fin janvier de cette année pour se dérouler progressivement jusqu’en 2030 » (1).
En marge de ces 16èmes Assises du Très haut débit, à la Maison de la Chimie à Paris, Edition Multimédi@ a demandé à LDLR pourquoi l’Arcep n’avait toujours pas mis en demeure les opérateurs télécoms dont les manquements sont avérés et connus depuis au moins 2020 – notamment depuis le scandale des « plats de nouilles » (comprenez des sacs de nœuds dans le raccordement des fibres optiques et leurs branchements anarchiques dans les locaux techniques ou les armoires de mutualisation du réseau). La présidente du régulateur des télécoms nous a répondu que « le pouvoir de l’Arcep de mise en demeure et de sanction prévu par la loi vis-à-vis des opérateurs télécoms ne couvre que leurs obligations inscrites à leur cahier des charge respectif », à savoir la qualité des réseaux seulement mais pas la qualité de couverture. Les problèmes de déploiement des réseaux par des sous-traitant n’entrent donc pas dans son champ de compétence. « Il faut faire évoluer la loi pour que l’Arcep puisse intervenir », a ajouté Laure de La Raudière, en présence de Luc Lamirault, député d’Eure-et-Loir, qui l’a remplacée depuis le 22 janvier 2021, quand cette dernière a été officiellement nommée présidente de l’Arcep. A Edition Multimédi@, Luc Lamirault a indiqué que la députée de l’Essonne Marie-Pierre Rixain déposait à l’Assemblée nationale le 8 juillet – soit le lendemain des Assises du Très haut débit – une proposition de loi « visant à responsabiliser les opérateurs en charge du déploiement de la fibre optique » (2). Il fait écho à la même proposition de loi qui avait déjà été déposée à la virgule près par la même Marie- Pierre Rixain le 5 avril dernier (3). Son premier article vise à mieux contrôler l’activité des intervenants dans le déploiement et le raccordement de la fibre optique, en « encadr[ant] leur formation par l’établissement d’une certification obligatoire pour toute personne intervenant sur les réseaux à même de garantir leurs compétences, notamment de raccordement ». Il vise aussi à éviter la sous-traitance en cascade, qui peut atteindre actuellement jusqu’à huit niveaux de sous-traitance, en définissant « des modalités par décret » et en limitant « les rangs de sous-traitance des opérateurs à un niveau défini par décret ».
Son deuxième article ajoute des indicateurs sur la qualité des réseaux déployés au sein du relevé géographique établi par l’Arcep « afin que soit connue la couverture du territoire comme la qualité de la couverture ». En clair, il s’agit de renforcer les pouvoirs de l’Arcep envers les opérateurs télécoms et de leurs sous-traitants dans de tels affaires de dysfonctionnements dans les déploiements et les raccordements. En cause en effet : les opérateurs télécoms qui ne veillent suffisamment pas à ce que leurs sous-traitants respectent leurs obligations dans le déploiement de la fibre et le raccordement des abonnés.

Les opérateurs « devant leurs responsabilités »
« Malfaçons », « dégradations », « négligence », « déconnexions », «mises en danger d’autrui », « imprévoyances », … La pléthore de griefs envers les opérateurs télécoms et leurs sous-traitants – digne d’un véritable fibre-gate (4) – perdurent malgré un nouveau contrat national dits « Stoc » (sous-traitance opérateur commercial) qui a été signé par les opérateurs début 2021 dans l’objectif de mieux encadrer ces pratiques. Depuis, la situation ne s’est pas vraiment améliorée sur le front de la fibre optique. « Les opérations techniques sont intégralement sous-traitées sans contrôle, mal rémunérées et, pour certaines, réalisées en dépit des règles de l’art et de la sécurité des personnes », avaient dénoncé dès le 4 avril dernier une trentaine de collectivités locales – membres de l’Association des villes et collectivités multimédias (Avicca), en lançant un avertissement aux opérateurs télécoms et à leurs sous-traitants. Cette fois, cette organisation présidée par le sénateur (de l’Ain) Patrick Chaize – et fédérant 15 villes, 72 intercommunalités et syndicats de communes, 112 structures départementales et 22 régionales, représentant 67.000.000 d’habitants – est remonté au créneau et y va aussi de sa proposition législative, déposée, celle-ci, au Sénat par Patrick Chaize le 19 juillet dernier (5).

Contestation : l’Avicca aux avant-postes
« Alerte sur les raccordements des Français à la fibre via les réseaux publics », a lancé l’Avicca lors d’une « conférence de presse exceptionnelle » organisée le 7 juillet dans ses locaux à Paris trois heures après la clôture des 16èmes Assises du Très haut débit et à l’issue de son conseil d’administration. « Avec l’Etat, l’Arcep et les collectivités, a déploré Patrick Chaize,nous faisons le triste constat que la situation nationale des réseaux publics fibre optique ne s’améliore pas, malgré nos alertes et demandes réitérées. Pire encore, elle s’est dégradée dans certains territoires qui, régulièrement, appellent à l’aide l’Avicca. Il est intolérable de constater que les investissements réalisés avec de l’argent public se dégradent au fil du temps ». Le plan de bataille de l’Avicca présenté comme « inédit » et « à double détente » consiste en une proposition de loi « visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique » et en une enquête parlementaire « éventuelle ». La proposition de loi « à visée coercitive » entend « obliger la filière à changer radicalement ses pratiques ».
Il s’agit de contraindre les opérateurs et leurs sous-traitants à « réaliser les raccordements à la fibre optique dans les règles de l’art et de sécurité, et garantir aux consommateurs leur droit à une connexion Internet de qualité ». Cela consiste aussi à entretenir les équipements nécessaires (armoires techniques, câbles, poteaux, …) pour que les abonnés ne subissent plus de pannes ni de connexions intempestives. « En cas de manquement de leurs obligations de qualité, des sanctions seront prises à leur encontre », prévient le président de l’Avicca. La proposition de loi du sénateur Patrick Chaize (Les Républicains), vice-président de la commission des affaires économiques du Sénat, est ainsi distincte de celle déposée par la députée Marie-Pierre Rixain (Renaissance) et le député Luc Lamirault (Horizons), ces derniers étant membres de la commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale. Le but de ces deux textes législatifs est de sanctionner les acteurs de la filière (les opérateurs télécoms et leurs sous-traitants) en cas de « manquement à leurs obligations de qualité ».
La proposition de loi initiée par l’Avicca et déposée au Sénat prévoit que :
L’opérateur d’infrastructures FTTH peut confier la réalisation du raccordement permettant de desservir l’utilisateur final à un opérateur qui en demande l’accès dans des conditions non discriminatoires. Seront précisés le nombre maximum de rangs de sous-traitance, les règles de prévenance pour les interventions, les exigences relatives à la qualification des intervenants et aux comptes rendus d’intervention, etc (article 1er).
Le titulaire d’un contrat de la commande publique s’assure de la bonne réalisation des raccordements au réseau en fibre optique qui lui est confiée et propose à cet effet qu’au titre de l’exécution d’un marché public, d’une concession et d’un marché ou contrat de partenariat, le versement du prix ou d’une subvention pour compensation d’obligation de service public relatif à la réalisation d’un tel raccordement soit conditionné à la vérification par l’acheteur public ou le concédant, du certificat de conformité (article 2).
Les pouvoirs de contrôle et de sanction de l’Arcep – sur tous les opérateurs intervenant sur le réseau – sont renforcés, par plusieurs moyens : pouvoir de police spéciale des communications électroniques, pouvoirs de contrôle technique, pouvoirs d’astreinte, pouvoirs spécifiques sur la qualité des raccordements des utilisateurs finals aux réseaux en fibre optique (article 4).
Reste que pour la première fois en France, le nombre d’abonnés à la fibre jusqu’au domicile ou au local correspond à plus de la moitié (50,2 %) des prises FTTH « raccordables ». Car si les prises FTTH ont été déployées en France à coup de milliards d’investissement pour atteindre au 31 mars 2022 (dernier chiffre en date de l’Arcep) les 30,8 millions de prises, moins de la moitié d’entre elles faisaient jusqu’alors l’objet d’un abonnement (6).

Le FTTH peut devenir un cauchemar
A la fin du premier trimestre 2022, plus de 15,4 millions de prises de fibre optique jusqu’à domicile ont trouvé preneur. Pour autant, le scénario catastrophe peut faire de la fibre optique un cauchemar. Alors que l’extinction progressive du réseau de cuivre « à partir de 2023 » va forcer les 11,6 millions d’abonnés ADSL/VDSL2, à ce jour, à basculer vers la fibre optique. Et c’est depuis fin 2021 que pour la première fois en France le nombre d’abonnements à la fibre optique de bout en bout (FTTH/FTTx) dépasse (7) le nombre d’accès Internet à haut débit et très haut débit sur réseaux cuivre (ADSL/xDSL). @

Charles de Laubier

Pour la première fois en France, plus de la moitié des prises FTTH disponibles ont trouvé un abonné

C’est un point de bascule que l’Arcep relève dans son dernier observatoire du haut et du très haut débit, publié le 9 juin dernier : pour la première fois en France, le nombre d’abonnés à la fibre jusqu’au domicile ou au local correspond à plus de la moitié (50,2 %) des prises FTTH « raccordables ».

« On ne parle pas suffisamment du taux de pénétration de la fibre optique : la différence entre le raccordable et le raccordé (…). Cela doit être un de nos chantiers dans les prochains mois », avait prévenu il y a deux ans – le 2 juillet 2020 aux Assises du Très haut débit (1) – Julien Denormandie, alors ministre de la Ville et du Logement, quelques jours avant d’être nommé ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation (fonction qu’il a quittée le 20 mai dernier).

Les abonnés « FTTH » se sont fait désirer
Car si les prises FTTH – Fiber-To-The-Home – ont été déployées en France à coup de milliards d’investissement pour atteindre au 31 mars 2022 (dernier chiffre en date de l’Arcep) les 30,8 millions de prises, moins de la moitié d’entre elles faisaient jusqu’alors l’objet d’un abonnement. Or – et c’est une première en France – le taux d’abonnés par rapport au parc de prises FTTH raccordables a dépassé le taux des 50 %, à 50,2 % précisément. Autrement dit, sur ces 30,8 millions de lignes de fibre optique de bout-en bout, 15,470 millions d’entre elles ont trouvé preneur. C’est-à-dire que ces dernières ont chacune fait l’objet d’un contrat effectif d’abonnement auprès d’un opérateur télécoms. Pour autant, près de la moitié des autres prises de fibre optique déployées sur le territoire restent inactives, faute de clients. Depuis près de quinze ans que la fibre de bout-en-bout est commercialisée en France, la montée en charge en termes d’abonnements contractés se fait laborieusement. Les Français n’ont pas vu l’intérêt de se précipiter sur le très haut débit optique, puisque la qualité du réseau haut débit ADSL – voire du très haut débit VDSL2 (près de 6 millions de lignes sur les 11,6 millions d’abonnés « xDSL », – leur suffisait amplement. Et ce, au grand dam des opérateurs télécoms (Orange, SFR, Bouygues Telecom et free en tête) qui ont investi ensemble entre 20 et 30 milliards d’euros – voire 35 milliards selon des estimations – pour déployer la coûteuse fibre optique sur tout le territoire national dans le cadre de l’ambitieux plan « France Très haut débit ».
La commercialisation de la fibre optique de bout-en-bout a vraiment commencé courant 2008, l’Arcep faisant état des premiers abonnés FTTH au 30 juin de cette année-là avec les premiers 36.000 clients. Le seuil de 100.000 abonnés FTTH n’est atteint que deux ans plus tard, au 30 juin 2010. Il faudra attendre le 31 décembre 2011 pour voir ce nombre doubler à 200.000 abonnés. Le demi-million d’abonnés à la fibre de bout-en-bout sera franchi seulement deux ans plus tard, au 31 décembre 2013, à 540.000 abonnements. La fibre optique a beau être ultra-rapide en débit ; elle séduit très lentement les clients. La barre du million sera enfin franchie plus d’un an après, soit au cours du premier trimestre 2015 à 1.038.000 abonnés FTTH précisément. Quant à la barre des deux millions, elle sera à son tour franchie mais presque deux plus tard : au quatrième trimestre 2016 à 2.185.000 abonnés FTTH. Ce n’est qu’à partir de l’année 2017 que la fibre optique de bout-en-bout en France commence vraiment à décoller – quoique toujours très progressivement – comme le montre le graphique ci-contre. Bien que la fibre de bout-en bout ait trouvé preneur en termes d’abonnés pour plus de la moitié de ses prises raccordables, ses un peu plus de 15,4 millions d’abonnements représentent encore moins de la moitié (48,9 % au 31 mars 2022) du total de tous les abonnements « haut débit et très haut débit » confondus, lesquels atteignent un global de 31,6 millions d’abonnés. Mais si l’on s’en tient aux abonnements « très haut débits », le FTTH atteint tout de même 80 % dans cette catégorie. « Ainsi, le nombre d’abonnements FTTH représente 80 % du nombre total d’abonnements à très haut débit et 49 % du nombre d’accès Internet (+12 points en un an). L’accroissement du nombre de ces abonnements se fait toujours à un rythme très soutenu avec +1 million d’abonnements en un trimestre. Par ailleurs, la moitié des locaux éligibles à la fibre disposent d’un abonnement actif à fin mars 2022 », relève donc l’Arcep.

Fibre et 5G lorgnent les abonnés du cuivre
Il n’en reste pas moins que près de la moitié des 30,8 millions de prises FTTH raccordables ne le sont toujours pas. Et encore, à ce stade, toutes les prises du plan « France Très haut débit » – lequel vise « la fibre pour tous » d’ici 2025 – ne sont pas encore posées. Le président-candidat de 2022 n’a-t-il pas promis à nouveau d’« achever la couverture numérique du territoire par la fibre d’ici 2025 » (2) ?
Le rythme d’augmentation annuelle des prises raccordables est actuellement de plus de 20 % et devrait atteindre au milieu de la décennie en cours (2025) jusqu’à 44 millions de prises « optiques », d’après l’Association des villes et collectivités multimédias (Avicca). Ce sont les réseaux d’initiative publique (RIP) qui déploient le plus ces prises FTTH, devant les zones d’initiative privée (ZIP). Les RIP sont cofinancés par les collectivités territoriales, avec notamment la Banque des Territoires de la Caisse des Dépôts (CDC), via des appels à manifestation « d’intention d’investissement » (AMII) ou « d’engagements locaux » (AMEL). Ces investissements coûtent très chers aux collectivités locales. D’autant qu’il reste encore beaucoup de prises FTTH à poser pour rester dans les clous « 2025 » du plan France Très haut débit, comme le montre le graphique ci-contre. Les zones moins denses d’initiative publique ont le plus prises « optiques » à poser, suivies par les zones moins denses d’initiative privée. Les abonnés, eux, seront-ils tous au rendez-vous ? Rien n’est moins sûr. Les problèmes récurrents rencontrés par les clients lors de leur raccordement effectif à la fibre optiques ont renvoyé une image dégradée sur le FTTH. Le 4 avril dernier, 28 collectivités locales – parmi les membres de l’Avicca (3) – ont cosigné un avertissement aux opérateurs télécoms et à leurs sous-traitants accusés de « mauvaises pratiques pour raccorder à la fibre optique les Français ». L’Avicca regroupe 15 villes, 72 intercommunalités et syndicats de communes, 112 structures départementales et 22 régionales, représentant 67.000.000 d’habitants. Et début juin, en ouverture de son colloque Territoires et réseaux d’initiative publique (Trip) soutenu par la Banque des Territoires (CDC), l’Avicca a lancé – par la voix de son président et sénateur Patrick Chaize (photo page précédente) : « Il s’agit d’un “mauvais film” ! ».
Le scénario catastrophe peut faire de la fibre optique un cauchemar. Alors que l’extinction progressive du réseau de cuivre « à partir de 2023 », sur lequel prospèrent encore aujourd’hui plus de 11,6 millions d’abonnés ADSL/VDSL2, a été décidé par l’opérateur télécoms historique Orange pour inciter fortement à basculer vers la fibre optique. Car déployer le coûteux FTTH, c’est bien. Mais rentabiliser ces investissements colossaux, c’est mieux. Pour l’heure, le cuivre perd du terrain au profit de la fibre. Pour la première fois, depuis fin 2021, le nombre d’abonnements Internet par la fibre optique de bout-en-bout a dépassé le nombre abonnement Internet sur réseaux cuivre. @

Charles de Laubier