Pour la première fois en France, plus de la moitié des prises FTTH disponibles ont trouvé un abonné

C’est un point de bascule que l’Arcep relève dans son dernier observatoire du haut et du très haut débit, publié le 9 juin dernier : pour la première fois en France, le nombre d’abonnés à la fibre jusqu’au domicile ou au local correspond à plus de la moitié (50,2 %) des prises FTTH « raccordables ».

« On ne parle pas suffisamment du taux de pénétration de la fibre optique : la différence entre le raccordable et le raccordé (…). Cela doit être un de nos chantiers dans les prochains mois », avait prévenu il y a deux ans – le 2 juillet 2020 aux Assises du Très haut débit (1) – Julien Denormandie, alors ministre de la Ville et du Logement, quelques jours avant d’être nommé ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation (fonction qu’il a quittée le 20 mai dernier).

Les abonnés « FTTH » se sont fait désirer
Car si les prises FTTH – Fiber-To-The-Home – ont été déployées en France à coup de milliards d’investissement pour atteindre au 31 mars 2022 (dernier chiffre en date de l’Arcep) les 30,8 millions de prises, moins de la moitié d’entre elles faisaient jusqu’alors l’objet d’un abonnement. Or – et c’est une première en France – le taux d’abonnés par rapport au parc de prises FTTH raccordables a dépassé le taux des 50 %, à 50,2 % précisément. Autrement dit, sur ces 30,8 millions de lignes de fibre optique de bout-en bout, 15,470 millions d’entre elles ont trouvé preneur. C’est-à-dire que ces dernières ont chacune fait l’objet d’un contrat effectif d’abonnement auprès d’un opérateur télécoms. Pour autant, près de la moitié des autres prises de fibre optique déployées sur le territoire restent inactives, faute de clients. Depuis près de quinze ans que la fibre de bout-en-bout est commercialisée en France, la montée en charge en termes d’abonnements contractés se fait laborieusement. Les Français n’ont pas vu l’intérêt de se précipiter sur le très haut débit optique, puisque la qualité du réseau haut débit ADSL – voire du très haut débit VDSL2 (près de 6 millions de lignes sur les 11,6 millions d’abonnés « xDSL », – leur suffisait amplement. Et ce, au grand dam des opérateurs télécoms (Orange, SFR, Bouygues Telecom et free en tête) qui ont investi ensemble entre 20 et 30 milliards d’euros – voire 35 milliards selon des estimations – pour déployer la coûteuse fibre optique sur tout le territoire national dans le cadre de l’ambitieux plan « France Très haut débit ».
La commercialisation de la fibre optique de bout-en-bout a vraiment commencé courant 2008, l’Arcep faisant état des premiers abonnés FTTH au 30 juin de cette année-là avec les premiers 36.000 clients. Le seuil de 100.000 abonnés FTTH n’est atteint que deux ans plus tard, au 30 juin 2010. Il faudra attendre le 31 décembre 2011 pour voir ce nombre doubler à 200.000 abonnés. Le demi-million d’abonnés à la fibre de bout-en-bout sera franchi seulement deux ans plus tard, au 31 décembre 2013, à 540.000 abonnements. La fibre optique a beau être ultra-rapide en débit ; elle séduit très lentement les clients. La barre du million sera enfin franchie plus d’un an après, soit au cours du premier trimestre 2015 à 1.038.000 abonnés FTTH précisément. Quant à la barre des deux millions, elle sera à son tour franchie mais presque deux plus tard : au quatrième trimestre 2016 à 2.185.000 abonnés FTTH. Ce n’est qu’à partir de l’année 2017 que la fibre optique de bout-en-bout en France commence vraiment à décoller – quoique toujours très progressivement – comme le montre le graphique ci-contre. Bien que la fibre de bout-en bout ait trouvé preneur en termes d’abonnés pour plus de la moitié de ses prises raccordables, ses un peu plus de 15,4 millions d’abonnements représentent encore moins de la moitié (48,9 % au 31 mars 2022) du total de tous les abonnements « haut débit et très haut débit » confondus, lesquels atteignent un global de 31,6 millions d’abonnés. Mais si l’on s’en tient aux abonnements « très haut débits », le FTTH atteint tout de même 80 % dans cette catégorie. « Ainsi, le nombre d’abonnements FTTH représente 80 % du nombre total d’abonnements à très haut débit et 49 % du nombre d’accès Internet (+12 points en un an). L’accroissement du nombre de ces abonnements se fait toujours à un rythme très soutenu avec +1 million d’abonnements en un trimestre. Par ailleurs, la moitié des locaux éligibles à la fibre disposent d’un abonnement actif à fin mars 2022 », relève donc l’Arcep.

Fibre et 5G lorgnent les abonnés du cuivre
Il n’en reste pas moins que près de la moitié des 30,8 millions de prises FTTH raccordables ne le sont toujours pas. Et encore, à ce stade, toutes les prises du plan « France Très haut débit » – lequel vise « la fibre pour tous » d’ici 2025 – ne sont pas encore posées. Le président-candidat de 2022 n’a-t-il pas promis à nouveau d’« achever la couverture numérique du territoire par la fibre d’ici 2025 » (2) ?
Le rythme d’augmentation annuelle des prises raccordables est actuellement de plus de 20 % et devrait atteindre au milieu de la décennie en cours (2025) jusqu’à 44 millions de prises « optiques », d’après l’Association des villes et collectivités multimédias (Avicca). Ce sont les réseaux d’initiative publique (RIP) qui déploient le plus ces prises FTTH, devant les zones d’initiative privée (ZIP). Les RIP sont cofinancés par les collectivités territoriales, avec notamment la Banque des Territoires de la Caisse des Dépôts (CDC), via des appels à manifestation « d’intention d’investissement » (AMII) ou « d’engagements locaux » (AMEL). Ces investissements coûtent très chers aux collectivités locales. D’autant qu’il reste encore beaucoup de prises FTTH à poser pour rester dans les clous « 2025 » du plan France Très haut débit, comme le montre le graphique ci-contre. Les zones moins denses d’initiative publique ont le plus prises « optiques » à poser, suivies par les zones moins denses d’initiative privée. Les abonnés, eux, seront-ils tous au rendez-vous ? Rien n’est moins sûr. Les problèmes récurrents rencontrés par les clients lors de leur raccordement effectif à la fibre optiques ont renvoyé une image dégradée sur le FTTH. Le 4 avril dernier, 28 collectivités locales – parmi les membres de l’Avicca (3) – ont cosigné un avertissement aux opérateurs télécoms et à leurs sous-traitants accusés de « mauvaises pratiques pour raccorder à la fibre optique les Français ». L’Avicca regroupe 15 villes, 72 intercommunalités et syndicats de communes, 112 structures départementales et 22 régionales, représentant 67.000.000 d’habitants. Et début juin, en ouverture de son colloque Territoires et réseaux d’initiative publique (Trip) soutenu par la Banque des Territoires (CDC), l’Avicca a lancé – par la voix de son président et sénateur Patrick Chaize (photo page précédente) : « Il s’agit d’un “mauvais film” ! ».
Le scénario catastrophe peut faire de la fibre optique un cauchemar. Alors que l’extinction progressive du réseau de cuivre « à partir de 2023 », sur lequel prospèrent encore aujourd’hui plus de 11,6 millions d’abonnés ADSL/VDSL2, a été décidé par l’opérateur télécoms historique Orange pour inciter fortement à basculer vers la fibre optique. Car déployer le coûteux FTTH, c’est bien. Mais rentabiliser ces investissements colossaux, c’est mieux. Pour l’heure, le cuivre perd du terrain au profit de la fibre. Pour la première fois, depuis fin 2021, le nombre d’abonnements Internet par la fibre optique de bout-en-bout a dépassé le nombre abonnement Internet sur réseaux cuivre. @

Charles de Laubier

Toujours en position dominante dans la diffusion audiovisuelle en France, TDF va encore changer de main

C’est la plus grosse opération financière attendue en France dans les télécoms cette année. Le canadien Brookfield – premier actionnaire de TDF depuis 2015 – vient de lancer le processus de vente de ses 45 % du capital de l’opérateur d’infrastructures dirigé depuis 2010 par Olivier Huart. Orange est parmi les intéressés.

La « tour-mania » qui agite les investisseurs depuis quelques années devrait permettre au premier actionnaire de TDF, le canadien Brookfield Asset Management, de sortir par le haut. Après avoir formé en 2014 un consortium avec des partenaires institutionnels pour s’emparer en mars 2015 des 100 % de l’ancien monopole public français de radiotélédiffusion, dont 45 % détenus depuis par sa filiale Brookfield Infrastructure Partners dirigée par Sam Pollock (photo), le fonds de Toronto veut maintenant céder sa participation.
Cette sortie à forte plus-value au bout de sept ans pourrait même s’accompagner de la cession du contrôle de l’ex-Télédiffusion de France, en convergence avec d’autres membres du consortium comme le fonds de pension canadien PSP Investments (1) qui détient 22,5 %. Même si les deux canadiens n’ont toujours rien officialisé sur leurs intentions de vendre leur actif devenu « poule aux œufs d’or », leur décision est prise depuis au moins 2018. Des discussions avec un repreneur potentiel – l’opérateur Axione et son actionnaire Mirova (filiale de Natixis) – n’avaient pas abouti l’année suivante (2). Une nouvelle tentative avait été lancée à l’automne 2021 par les deux canadiens, mais sans lendemain. L’année 2022, après deux ans de crise « covid-19 », se présente sous de meilleurs auspices malgré les conséquences de la guerre en Ukraine.

Valses des fonds autour des « towerco »
Cette fois, les fuites sur de nouvelles négociations des fonds actionnaires se font plus insistantes et la valorisation évoquée de l’ensemble de TDF pourrait atteindre des sommets : jusqu’à 10 milliards d’euros, dont près de 4,5 milliards pour les 45 % de Brookfield. Ce serait une véritable « culbute » pour les investisseurs actuels qui ont acquis fin 2014 l’opérateur historique français de la diffusion audiovisuelle – diversifié dans les télécoms – pour la « modique » somme de 3,6 milliards d’euros (dont 1,4 milliard de dette). Cet engouement pour les 19.200 sites physiques du premier opérateur français d’infrastructure de diffusion audiovisuelle et de téléphonie mobile – les fameux « points hauts » (pylônes, toitsterrasses, châteaux d’eaux, gares, voire clochers d’églises) – s’inscrit dans la valse des fusions et acquisitions autour des « towerco ». Ces opérateurs d’infrastructures réseaux sont portés partout dans le monde par les mobiles (dont la 5G), la télévision (avec la TNT) ou encore la radio (numérisée en DAB+). Même des opérateurs télécoms se séparent de leurs tours pour se désendetter, plombés par de lourds investissements dans la fibre et la 5G (3).

TDF, toujours dominant et convoité
En obtenant une forte valorisation de TDF, qui a réalisé en 2021 un chiffre d’affaires de 731,7 millions d’euros (+ 6,4% sur un an) pour un résultat brut d’exploitation de 416,2 millions d’euros (+ 5,8 %), le meneur canadien Brookfield pourrait entraîner non seulement son compatriote PSP mais aussi tous les autres membres du consortium : le néerlandais APG Asset Management, le britannique Arcus Infrastructure Partners et, pourquoi pas, « l’investisseur français de référence » ayant rejoint le consortium : la filiale Predica du français Crédit Agricole Assurances qui détient 10 % du capital de TDF.
Les vendeurs en 2014 étaient déjà des fonds d’investisseurs qui avaient dégagé une plus-value malgré le surendettement de l’entreprises : TPG Capital détenait 42 %, Bpifrance 24 %, Ardian à 18 % et Charterhouse 14 %. Ils avaient racheté TDF à France Télécom entre 2002 et 2004 pour à peine 2 milliards de d’euros. Cette « privatisation » de cette filiale s’était faite en même temps que celle, partielle, de la maison mère, futur Orange. Aujourd’hui, Orange est cité parmi les repreneurs potentiels face à de nombreux fonds d’infrastructures.
L’ancien monopole public de diffusion audiovisuelle, dirigé depuis douze ans par Olivier Huart, est ainsi un bon parti pour les fonds d’investissement depuis vingt ans maintenant. Sa position dominante fait leurs affaires et explique pourquoi ces fonds tournoient autour des antennes de cet opérateur d’infrastructure incontournable. Aujourd’hui, avec ses 1.800 salariés, TDF a diversifié ses sources de revenus : 56 % proviennent des télécoms en 2021, 23 % de la diffusion de télévision, 15 % de la radio, 5 % de la fibre et 1 % de l’informatique.
L’ex-Télédiffusion de France reste d’autant plus un « opérateur dominant » face à ses concurrents qu’il exerce « une influence significative » sur le marché français de la diffusion audiovisuelle hertzienne terrestre. Selon la Commission européenne, « une part de marché supérieure à 50 %, détenue par une entreprise, constitue en soi la preuve de l’existence d’une position dominante ». Aussi, l’Arcep a dû encore constater dans une décision du 10 mai dernier que « les parts de marché de TDF sont largement supérieures à ce seuil ». En conséquence, elle poursuit la régulation du marché de gros des services de diffusion audiovisuelle hertzienne terrestre « en rendant opposables les engagements » pris par TDF le 25 mars 2022. Et ce, pour une durée de cinq ans (2022-2026), tout en maintenant « une pression tarifaire suffisante » sur cet opérateur dominant (4). Si l’on considère les services de diffusion des chaînes de la TNT, seuls deux acteurs sont présents sur le marché français : l’historique TDF, lequel a racheté en octobre 2016 son concurrent Itas Tim (absorbé en février 2021), et l’alternatif TowerCast (filiale du groupe NRJ). Auparavant, en 2014, Itas Tim avait absorbé OneCast, alors filiale de TF1.
Mais il y a un an, un nouvel entrant est venu bousculer ce duopole : la société Valocast, filiale de Valocîme (alias Omoyo, sa holding). Cornaquée financièrement par le fonds d’investissement américain KKR, le français Valocîme est déjà présent en tant que « towerco » avec aujourd’hui plus de 1.600 sites (terrains, terrasses) proposés en location aux opérateurs télécoms. Et depuis un accord annoncé le 1er juin dernier avec TowerCast, celui-ci a accès à ses sites pour la diffusion de télévisions et de radios (TNT, DAB+ et FM). Inversement, TowerCast « héberge » Valocîme sur ses 600 sites pour les clients opérateurs mobiles de ce dernier. « Nous sommes un caillou dans la chaussure de TDF, en rémunérant mieux le propriétaire foncier qui loue son terrain occupé par une antenne, et l’opérateur télécoms qui l’exploite. Avec nous, ce n’est plus le towerco qui capte la plus grosse part de la valeur créée », explique à Edition Multimédi@, Frédéric Zimer, président de Valocîme. TowerCast, lui, est un habitué des bras de fer avec TDF, même si Jean-Paul Beaudecroux, le patron fondateur de NRJ, a songé par trois fois (2008, 2014 et 2017) à vendre cette activité. Alors que l’Arcep avait prévu la « dérégulation » de TDF en 2019, voire « l’arrêt de la TNT » (5), TowerCast a tout fait à l’époque pour faire changer d’avis le régulateur (6) – y compris en le faisant condamner fin 2020 par le Conseil d’Etat pour « excès de pouvoir » (7). En prenant la décision le 10 mai dernier de maintenir une régulation ex ante sur TDF, son rival s’en est encore félicité.

Plus de 70 sites physiques non-réplicables
Pour autant, a déploré TowerCast dans sa réponse à l’Arcep en décembre 2021, « seules 241 zones font l’objet d’une concurrence totale par les infrastructures, soit 15,4 % des sites réputées réplicables ». Et de dénoncer « une rente [de TDF] sur les sites non-réplicables » – au nombre de plus de 70, dont la Tour Eiffel, l’Aiguille-du-Midi, le Picdu- Midi ou encore Fourvière à Lyon. Résultat : « Le marché est ainsi toujours fortement déséquilibré et à l’avantage de l’opérateur historique, ce qui traduit de forts dysfonctionnements ». Mais tant que TDF reste fort et dominateur, les fonds d’investissement s’en mettent plein les poches. @

Charles de Laubier

Fibre-gate : l’Arcep pressée de mettre en demeure

En fait. Le 4 avril, 28 collectivités locales – parmi les membres de l’Association des villes et collectivités multimédias (Avicca) – ont cosigné un avertissement aux opérateurs télécoms et à leurs sous-traitants accusés de « mauvaises pratiques pour raccorder à la fibre optique les Français ». L’Arcep va-t-elle les mettre en demeure ?

En clair. La pression augmente sur l’Arcep, appelée par des collectivités locales et agglomérations à mettre en demeure les opérateurs télécoms et leurs sous-traitants pour non-respect de leurs obligations dans le déploiement de la fibre et le raccordement des abonnés. « Malfaçons », « dégradations », « négligence », « déconnexions », « mises en danger », « imprévoyances », … lorsque les branchements anarchiques des fibres optiques dans les armoires de mutualisation du réseau ne se transforment pas en « plats de nouilles » : les territoires sont plus que jamais excédés par le manque de contrôle des opérateurs télécoms – Orange, SFR, Bouygues Telecom, Free et Altitude en tête – sur les raccordements finaux des abonnés à la fibre. « Les opérations techniques sont intégralement sous-traitées sans contrôle, mal rémunérées et, pour certaines, réalisées en dépit des règles de l’art et de la sécurité des personnes », ont dénoncé le 4 avril une trentaine de collectivités locales – membres de l’Association des villes et collectivités multimédias (Avicca), en lançant un avertissement aux opérateurs télécoms et à leurs sous-traitants (1). En cause : le non-respect des contrats dits « Stoc » (sous-traitance opérateur commercial), auxquels s’étaient pourtant engagés il y a plus d’un an les différents intervenants du Plan France Très haut débit. Cela fait près de deux ans maintenant, notamment depuis le scandale des « plates de nouilles » (sac de nœuds dans le raccordement des fibres dans les locaux techniques), qu’il y a manquements flagrants.
Or le gendarme des télécoms a le pouvoir de « sanctionner les manquements » des intervenants sur le réseau. L’Arcep peut même, après mise en demeure, décider « la suspension totale ou partielle, pour un mois au plus, du droit d’établir un réseau de communications électroniques ou de fournir un service de communications électroniques, ou le retrait de ce droit, dans la limite de trois ans » (2). C’est ce à quoi a fait référence Grégoire de Lasteyrie, président de l‘agglomération de Paris-Saclay et maire de Palaiseau, dans sa saisine de l’Arcep remise le 30 mars (3) à la présidente de cette dernière, Laure de La Raudière. Elle-même a « de plus en plus de mal à dire que ce formidable projet de déploiement de la fibre, pour tous et partout, est une réussite, tant il y a des problèmes de qualité sur certains territoires » (4). @

27 millions de prises FTTH, moitié moins d’abonnés

En fait. Le 9 septembre, l’Arcep a publié les chiffres au 31 juin du haut et très haut débit en France : même si « la fibre pour tous » n’est plus pour 2022 mais reportée à 2025, le taux d’abonnés aux prises FTTH (Fiber-to-the-Home) déployées ne dépasse pas encore les 50 % (45,9 % à fin juin).

En clair. C’est un taux de pénétration qui reste encore presque tabou en France : le nombre d’abonnés à la fibre optique par rapport au nombre de prises de fibre optique raccordables déployées sur tout le territoire à coup de milliards d’euros d’investissement de la part des opérateurs télécoms et/ou des collectivités locales. D’après les chiffres du haut et du très haut débit publiés par l’Arcep le 9 septembre, et selon nos calculs, ce taux est de 45,9 % – soit 12.412.000 abonnés FTTH (1) sur 27.020.000 prises de ce réseau de fibre optique de bout en bout. Moins de la moitié des prises disponibles ont trouvé preneur. Il en reste donc encore 14,6 millions qui n’ont pas fait l’objet d’un abonnement, alors qu’elles sont bien disponibles, le rythme du déploiement des réseaux FTTH restant globalement soutenu. Rien que sur le second trimestre 2021, 1,4 million de lignes supplémentaires ont été installées, mais moins de 1 million d’abonnements (969.000 précisément) ont été contractés sur ces trois mois. Emmanuel Macron a promis « la fibre pour tous » pour 2025, après que son prédécesseur François Hollande l’avait annoncée pour 2022. Encore faudrait-il que l’objectif ne soit pas en prises raccordables mais bien en abonnements contractés. « On ne parle pas suffisamment du taux de pénétration, la différence entre le raccordable et le raccordé (…). Cela doit être un de nos chantiers dans les prochains mois », avait signalé le 2 juillet 2020 Julien Denormandie, alors encore ministre de la Ville et du Logement, aux 14es Assises du Très haut débit (2).
D’après la fédération professionnelle Infranum (3), plus de 5 milliards d’euros étaient alors encore nécessaires pour généraliser la fibre partout en France d’ici 2025. Or avec la crise sanitaire et ses confinements (télétravail, école en distanciel, télé-consultations, …), la fracture numérique est apparue au grand jour (4). Dans son dernier observatoire, l’Arcep pointe le retard pris dans les déploiements de fibre optique : « Le rythme record [des déploiements FTTH, ndlr] observé au niveau national ne se traduit toujours pas dans les zones très denses où le rythme insuffisant constaté ces derniers trimestres perdure » et « la couverture en fibre optique de certains départements [y] est bien inférieure à la couverture moyenne nationale de ces zones qui s’établit à 86%». Mais rien n’est dit sur les 14,6 millions de prises FTTH non encore activées. @

Ayant pivoté dans la vidéo en streaming (OTT), Netgem se démarque des « box » et de la SVOD

Permettre aux internautes de « ne pas être dépendant de la box » de leur fournisseur d’accès à Internet et d’avoir une plateforme de vidéo à la demande « sans abonnement et sans engagement ». Telle est l’ambition réaffirmée par Netgem, dont la filiale Vitis lance un service de VOD en OTT : Viva.

(Lors de la présentation de ses résultats semestriels le 30 juillet, soit après la parution de cet article dans EM@, Netgem a relevé ses objectifs financiers 2021)

Le 5 juillet dernier, le français Netgem a annoncé – via sa marque Videofutur – le lancement d’une nouvelle plateforme de vidéo à la demande (VOD) « dédiée au cinéma, sans abonnement et sans engagement », destinée à « la génération streaming qui souhaite voir en streaming ses films préférés en toute liberté, sur tous ses écrans et sans être dépendant de sa box opérateur ». Autrement dit, Netgem se positionne de plus en plus en OTT indépendamment des « box TV » des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) que sont Orange, Bouygues Telecom, SFR, Free et d’autres – dont sa propre box Videofutur.

Vers la fin des offres triple play ?
Surfant sur l’essor de la fibre optique et de la 5G, Netgem table sur son développement en OTT (Over-The-Top) sans avoir de compte à rendre aux opérateurs télécoms. « En 2020, le groupe a démontré que le pivot entamé depuis plusieurs années vers le métier de fournisseur d’accès à la vidéo en streaming (OTT) porte ses fruits », se félicite Netgem dans son rapport financier 2020, publié fin avril dernier. Grâce au très haut débit et à son modèle économique basé sur des revenus récurrents (90 % de son activité), l’entreprise cofondée par Joseph Haddad (photo) – président du conseil d’administration – a réussi malgré la crise sanitaire à générer l’an dernier un chiffre d’affaires de 30,2 millions d’euros en croissance de 20 %, pour un résultat net de 4,1 millions d’euros (contre 6,9 millions de pertes nettes l’année précédente). Cette performance est due à l’intégration-consolidation depuis début 2020 de sa filiale Vitis qui opère, en tant que fournisseur d’accès à la fibre optique, l’offre « box/VOD » Videofutur. Vitis, qui a ainsi contribué à hauteur de 54,9 % du chiffre d’affaires 2020 du groupe, est un FAI triple play sur le marché de la fibre optique en France, dans les zones géographiques couvertes par les réseaux d’initiative publique (RIP) des collectivités territoriales.
La société Vitis, toujours contrôlée par Netgem, a été fondée il y a cinq ans par Mathias Hautefort – l’actuel directeur général du groupe – avec le soutien de la Caisse des dépôts et du groupe Océinde d’origine réunionnaise. Mais plus globalement, Netgem estime qu’« au moment où les consommateurs européens basculent massivement vers la fibre, de plus en plus questionnent le bien fondé des packages 3P [comprenez le triple play des “box”, ndlr] intégrant des centaines de chaînes linéaires proposés par les opérateurs télécoms ». Le groupe français, qui est aussi présent en Grande-Bretagne, à Singapour, au Mexique ou en Australie, parie sur l’extension du phénomène cord-cutting déjà observé aux Etats-Unis (où les abonnés ne veulent plus dépendre d’un câblo-opérateur pour accéder à la télévision ou à la VOD/SVOD) en proposant « des services autonomes pour accéder à la télévision en streaming ». Son service NetgemTV est ainsi proposé directement au client final et/ou en partenariat avec des opérateurs télécoms – ces derniers s’étant résolus à proposer des offres one play ou double play (accès à la fibre et téléphonie sans télévision) à des prix plus agressifs pour amortir plus rapidement leurs lourds investissements dans leurs infrastructures très haut débit. La 5G devrait aussi accélérer le mouvement.
Aujourd’hui, le groupe encore détenu par la famille Haddad à hauteur de 24,7 % du capital et 31,5 % des droits de vote, déploie ses services NetgemTV à l’international et Videofutur (via Vitis) sur l’Hexagone. « En France, le modèle de distribution du groupe s’appuie sur la distribution direct-toconsumer de NetgemTV en bundle avec la revente d’un accès fibre sur zone locale sous la marque Videofutur et sur une distribution indirecte via des partenaires opérateurs télécoms », est-il expliqué dans le rapport financier 2020. L’ambition plus large est de se rendre indispensable dans les foyers, quitte à rayonner dans toutes les pièces de maison avec la technologie mesh (maillage) afin d’améliorer la qualité du Wifi à domicile grâce à une solution baptisée SuperStream. Netgem entend ainsi s’imposer en tant qu’« opérateur OTT pour la maison connectée », selon les propres termes de Mathias Hautefort.

330.000 abonnés francophones en Europe
C’est dans le cadre de cette stratégie de disruption qu’a été lancée en France la plateforme « Viva by Videofutur », dont le catalogue de 15.000 programmes (films, séries, documentaires, animations, …) – dont de nombreux films français (1) mais aussi américains (2) – va être référencé sur le moteur de l’offre légale de VOD du CNC (3) et intégrera le Pass Culture (4) d’ici fin juillet. En tant que plateforme VOD (à la location ou à la vente), les nouveaux films pourront y être proposés quatre mois après leur sortie en salle de cinéma. A ce jour, le groupe revendique – NetgemTV et Videofutur compris – plus de 330.000 abonnés en France et dans des pays francophones comme aux Luxembourg (Post) ou en Suisse (Net+). @

Charles de Laubier