Réviser la DADVSI en faveur de l’ebook d’occasion

En fait. Le 28 septembre, deux mois ont passé depuis l’avis du Conseil d’Etat estimant que « la rémunération des auteurs sur la vente de livres [imprimés] d’occasion » est constitutionnelle, mais contraire à la directive européenne « DADVSI » de 2001. La réviser en incluant aussi les ebooks d’occasion ?

En clair. Le gouvernement français devra convaincre la Commission européenne de réviser la directive « Droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information » (DADVSI) de 2001 pour y prévoir la taxe sur la vente de livres d’occasion imprimés. Car le Conseil d’Etat, qu’il avait saisi le 2 mai 2025, lui a répondu que son projet d’instaurer « un principe de rémunération sur les livres d’occasion [papier] au bénéfice des auteurs » serait contraire au droit de l’Union européenne, notamment à la directive DADVSI. L’avis consultatif a été publié le 28 juillet dernier (1).
Si les sages du Palais-Royal estiment que le projet de taxation (officiellement « mécanisme de rémunération ») respecte les principes constitutionnels, ils sont en revanche catégoriques : « La règle de l’épuisement du droit de distribution à première cession [une fois un livre vendu, sa revente échappe au droit d’auteur, ndlr], telle qu’elle résulte de la directive [DADVSI], fait obstacle à la création d’un dispositif de droit national […] imposant la perception d’une rémunération lors du commerce ultérieur de livres imprimés d’occasion » (2). Le Syndicat national de l’édition (SNE) (suite)

Le Tribunal de l’UE valide le DPF : répit fragile pour les transferts transatlantiques de données

« Safe Harbor », « Privacy Shield », « Data Privacy Framework », … Les cadres transatlantiques UE-US de protection des données des Européens se suivent et… se ressemblent. L’actuel DPF a obtenu de la part du Tribunal de l’UE un sursis, mais un recours devant la CJUE est possible et risqué.

Par Anne-Marie Pecoraro*, avocate associée, UGGC Avocats

Le Tribunal de l’Union européenne (TUE) a rendu, le 3 septembre 2025, une décision (1) qui marque un tournant dans la saga des transferts de données transatlantiques. Saisi par le député français Philippe Latombe, le TUE a confirmé la validité du Data Privacy Framework (DPF), l’accord adopté par la Commission européenne en juillet 2023 pour encadrer les flux de données personnelles vers les Etats-Unis.

Une histoire de rendez-vous manqués
Derrière ce sigle technique « DPF » se cache un enjeu colossal : le fonctionnement quotidien de milliers d’entreprises européennes, la protection des données de centaines de millions de citoyens et, plus largement, l’équilibre fragile entre sécurité nationale américaine et droits fondamentaux européens. L’histoire du DPF, censé fixer un cadre transatlantique de protection des données, s’inscrit dans une série d’accords avortés.
En 2015, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) invalidait le Safe Harbor dans le cadre de l’affaire dite « Schrems I » (2) en raison de la surveillance de masse pratiquée par les Etats-Unis (3). Cinq ans plus tard, avec cette fois l’affaire « Schrems II » (4), c’était au tour du Privacy Shield de tomber, la CJUE jugeant que les recours offerts aux citoyens européens étaient illusoires face à la puissance des agences de renseignement américaines (5).
A chaque fois, le scénario fut identique : la Commission européenne tentait de bâtir un pont numérique avec Washington, immédiatement « dynamité » par la CJUE au nom de la protection des citoyens de l’Union européenne. De là naît une interrogation récurrente : peut-on réellement concilier le droit américain de la sécurité nationale et les exigences européennes en matière de vie privée ?
En juillet 2023, malgré de nombreuses frictions avec le droit de l’UE (6), la Commission européenne adoptait la décision (7) instaurant le DPF. A ses yeux, les Etats-Unis avaient corrigé les failles mises en lumière par Schrems II, notamment grâce au décret présidentiel pris par Joe Biden en 2022 – Executive Order n°14086 sur « le renforcement des garanties relatives aux activités de renseignement sur les transmissions des Etats-Unis » (8) – instaurant de nouveaux garde-fous et créant la Data Protection Review Court (DPRC). Mais très vite, la contestation s’est organisée. Philippe Latombe a saisi le Tribunal de l’UE pour (suite)

Droits voisins : les Etats de l’UE peuvent obliger les réseaux sociaux à rémunérer la presse

Ce ne sont que les conclusions de l’avocat général rendues cet été, mais elles ont de grandes chances d’être suivies par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) : les réseaux sociaux peuvent être obligés par les Etats membres à rémunérer la presse pour ses contenus qu’ils utilisent.

Les conclusions de l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) – le Polonais Maciej Szpunar (photo) – ont été rendues le 10 juillet 2025. L’arrêt est donc attendu entre octobre et janvier prochains. Statistiquement, la CJUE suit les conclusions de l’avocat général dans environ 70 % à 80 % des affaires. En substance : « Les Etats membres peuvent adopter des mesures de soutien pour garantir l’effectivité des droits des éditeurs de presse pour autant que ces mesures ne portent pas atteinte à la liberté contractuelle » (1).

Les réseaux sociaux sont bien concernés
Avant d’en venir au fond de l’affaire qui opposait Meta Platforms (Facebook) au régulateur italien des communications (Agcom (2)) sur la question de la rémunération de la presse au titre des droits voisins, signalons que l’avocat général a tenu à lever le doute sur le cas des réseaux sociaux. Car lors de l’audience du 10 février 2025, la CJUE avait posé la question aux participants de savoir si les réseaux sociaux étaient soumis aux droits voisins consacrés par l’article 15 de la directive « Droit d’auteur et droits voisins dans le marché unique numérique » (« Copyright » (3)) ou en sont au contraire exemptés en tant qu’hébergeur aux responsabilités néanmoins renforcées par l’article 17 de cette même directive. Par cette question générale, les éditeurs en Europe, y compris leurs organisations professionnelles comme l’Alliance de la presse d’information générale (Apig) en France, s’étaient fortement inquiétés du risque de voir les réseaux sociaux comme Facebook, X ou encore LinkedIn échapper aux droits voisins et de n’avoir ainsi rien à payer aux médias pour les contenus qu’ils utilisent. Cette éventualité aurait été redoutable pour les journaux en ligne des Vingt-sept.
Or les conclusions de l’avocat général, (suite)

16 milliards d’identifiants volés : les infostealers défient le RGPD en ciblant les utilisateurs finaux

Une fuite de données d’ampleur inédite – orchestrée par des infostealers, nouvelle génération de voleurs de données – révèle les failles béantes de nos écosystèmes numériques et interroge l’efficacité du cadre juridique européen face aux nouvelles formes de cybercriminalité. Le RGPD doit évoluer.

Par Emma Hanoun, avocate, cabinet Odoné

L’exposition de 16 milliards d’identifiants de connexion, révélée par l’équipe de recherche de Cybernews en juin 2025, constitue l’une des plus importantes fuites de données personnelles jamais documentées (1). Cette mégafuite, fruit de l’activité proliférante des logiciels malveillants de type infostealer (voleur d’information), questionne l’efficacité du cadre réglementaire européen en matière de protection des données personnelles.

Les fuites à grande échelles se succèdent
Face à la sophistication croissante des cyberattaques et à l’évolution du marché clandestin des données, cette affaire interroge la capacité du règlement général sur la protection des données (RGPD) à garantir une protection effective des citoyens européens, et impose une réflexion approfondie sur la responsabilisation des acteurs du numérique. La fuite révélée par le chercheur en cybersécurité Bob Diachenko (2), et publiée par Cybernews, concerne 16 milliards d’identifiants issus de trente bases de données piratées différentes, rassemblées sur un serveur accessible publiquement. Outre des plateformes majeures comme Apple, Google ou Facebook, les données exposées concernent un large éventail de services – réseaux sociaux, messageries (Telegram), outils de développement (GitHub), environnements cloud, plateformes gouvernementales et outils professionnels – et illustrent la vulnérabilité généralisée de l’écosystème numérique. Cette exposition de données constitue l’une des plus massives jamais documentées et s’inscrit dans une série de fuites à grande échelle, à l’instar de la MOAB (3) de janvier 2024 (un regroupement de plus de 26 milliards d’enregistrements issus de milliers de fuites antérieures, dont ont été victimes Tencent, LinkedIn, Adobe ou encore Weibo), de RockYou2024 (10 milliards de mots de passe, succédant à RockYou2021 et ses 8,4 milliards de mots de passe), ou encore de la fuite chinoise de mars 2024 touchant WeChat et Alipay, appartenant respectivement aux chinois Tencent et Alibaba.
Les infostealers constituent une catégorie spécifique de logiciels malveillants conçus pour (suite)

Digital Markets Act (DMA) : un an après le début des premières enquêtes, Bruxelles défie Washington

Un an après le lancement des premières enquêtes de la Commission européenne à l’encontre de Meta, d’Apple et d’Alphabet (Google), soupçonnés d’enfreindre le règlement sur les marchés numériques (DMA), les Etats-Unis de Donald Trump attendent fébriles les verdicts de l’Union européenne.

Il y a un an – le 25 mars 2024 – pas moins de cinq enquêtes avaient été ouvertes contre trois géants américains du numérique : Apple (iOS/ iPadOS//App Store/Safari), Alphabet (Google/ Android/YouTube/Chrome) et Meta Platforms (Facebook/Instagram/WhatsApp/Messenger), soupçonnés d’enfreindre les nouvelles règles européennes sur les marchés numériques, autrement de violer le Digital Markets Act (DMA). La Commission européenne avait alors prévenu qu’elle avait l’intention de clore ces procédures « dans un délai de 12 mois » à partir de cette date-là (1), soit avant le 25 mars 2025.

Amende de 10 % à 20 % du chiffre d’affaires
Or, à défaut de boucler ces trois enquêtes, la Commission européenne « 2024-2029 » les poursuit en ayant envoyé le 19 mars dernier des « constatations préliminaire » à Alphabet (2) et des « mesures à prendre » à Apple (3). Le premier est accusé de « favoriser ses propres services » sur son moteur de recherche Google Search et de « restreindre techniquement certains aspects de l’orientation » sur sa place de marché Google Play. Autrement dit, Alphabet et Apple auraient enfreint le DMA. Pour Alphabet, « cet avis ne préjuge en rien de l’issue de l’enquête » et laisse à la maison mère de Google « la possibilité d’exercer ses droits de la défense […] en répondant par écrit à ces constatations préliminaires ». Pour Apple, « les décisions précisant les mesures à mettre en œuvre sont juridiquement contraignantes », distinctes de l’enquête elle-même, renvoient à un « contrôle juridictionnel indépendant » pour les droits de la défense.
Pour ces deux Big Tech américaines, les enquêtes de la Commission européenne se poursuivent et pourraient aboutir à des sanctions pécuniaires. Au grand dam de Washington, Bruxelles pourrait à l’issue de ces deux procédures infliger à Alphabet et Apple une amende pouvant aller pour chacun jusqu’à 10 % de leur chiffre d’affaires mondial total respectif. Ces amendes peuvent aller jusqu’à 20 % en cas d’infractions répétées. Mais ce n’est pas tout : Bruxelles dispose d’une « arme nucléaire » de dissuasion qui, « en cas d’infractions systématiques », peut (suite)