Deepfake : les vidéos truquées à l’intelligence artificielle sous l’œil du Parlement européen

Le création « deepfake » – consistant à manipuler des contenus vidéo, des images et/ou de l’audio – permet d’obtenir des résultats ultra-réalistes grâce à l’intelligence artificielle. Parodies ou désinformations, ces « hypertruquages » seront encadrés par le futur règlement européen AIA.

Le futur « Artificial Intelligence Act » que le Parlement européen examine actuellement en commissions aura un droit de regard sur les vidéos truquées et les contenus manipulés relevant de la pratique très en vogue du « deepfake » (1) – nom composé à partir de deep learning et de fake news. La commission « marché intérieur et protection des consommateurs » (Imco), tête de file dans le processus législatif de ce projet de règlement européen (2), a comme rapporteur l’eurodéputé italien Brando Benifei (photo). Selon nos informations, « un échange de vues avec les représentants de la Commission européenne » a eu lieu avec lui le 27 octobre dernier.

Article 1er du Artificial Intelligence Act
Prochaines réunions de la commission Imco : les 1er et 9 décembre prochains. Le projet de règlement Artificial Intelligence Act (AIA) sera à nouveau à l’ordre du jour et vient en complément des deux autres projets législatifs du numérique, les Digital Services Act (DSA) et Digital Markets Act (DMA), eux aussi en cours d’examen (lire p. 6 et 7). Il y sera aussi question de deepfake car dès l’article 1er du projet de législation sur l’intelligence artificielle, il est fait explicitement mention des « systèmes d’IA utilisés pour générer ou manipuler des images ou des contenus audio ou vidéo » qui devront être soumis à « des règles harmonisées en matière de transparence ».
Celles-ci sont précisées ensuite à l’article 52 du projet AIA : « Les utilisateurs d’un système d’IA – qui génère ou manipule des images ou des contenus audio ou vidéo présentant une ressemblance avec des personnes, des objets, des lieux ou d’autres entités ou événements existants et pouvant être perçus à tort comme authentiques ou véridiques (“hypertrucage”) – précisent que les contenus ont été générés ou manipulés artificiellement ». Si les deepfakes ne sont pas les seuls systèmes d’IA qui seront soumis à des obligations « en raison des risques spécifiques de manipulation qu’ils présentent » – les chatbots/robots conversationnels et les détecteurs biométriques automatisés d’émotions ou de catégorie sociale sont eux aussi dans le collimateur –, les « hypertrucages » audiovisuels occupent une place importante tant leur pratique se répand comme une traînée de poudre sur Internet, réseaux sociaux en tête. « Si un système d’IA est utilisé pour générer ou manipuler des images ou des contenus audio ou vidéo afin de produire un résultat qui ressemble sensiblement à un contenu authentique, il devrait être obligatoire de déclarer que le contenu est généré par des moyens automatisés, sauf pour certaines finalités légitimes faisant l’objet d’exceptions (domaine répressif, liberté d’expression) », précise le projet de règlement AIA dans ses motifs (3). La difficulté du Parlement européen va être d’encadrer la pratique de ces trucages vidéo ultra-réalistes sans pour autant porter atteinte à la liberté d’expression et à la liberté créative. Leurs auteurs de ces « photomontages » nouvelle génération dopés à l’IA ne seront théoriquement pas soumis à la censure ni victimes de chasse aux fausses informations, même si le projet de règlement n’évoque pas le droit à la critique, à la citation, à la caricature, à la parodie et au pastiche (relevant des exceptions au droit d’auteur). Pour autant, « [si] la ressemblance avec des personnes, des lieux ou des événements existants pourrait porter à croire qu’il s’agit de documents authentiques », les créateurs de deepfakes devront les déclarer. « Les deepfakes peuvent soulever des questions de droit d’auteur », indique à Edition Mulimédi@ Olivier Japiot, président du CSPLA (4).
Mais avant que le règlement AIA n’entre en vigueur en Europe, probablement en même temps les règlements DSA et DMA dont les adoptions par les eurodéputés sont attendues au printemps prochain durant la présidence française de l’Union européenne, les deepfakes n’en font qu’à leur tête. Le dernier Web Summit, grand-messe annuelle du numérique qui s’est déroulée début novembre à Lisbonne au Portugal, les a évoqués comme « un danger » mais aussi comme une révolution des médias et du divertissement. Des applications à portée de grand public (gratuites ou payantes) ont fait parler d’elles : Reface, Face Swap Live Lite, FaceApp, Mug Life ou encore Motionleap.

Deepfakes, effets spéciaux et copyright
Les truquages hyperréalistes sont aussi de mise sur TikTok ou Snapchat. Le studio hollywoodien cinquantenaire Lucasfilm, filiale de Disney, a même recruté en juillet dernier un YouTuber spécialiste du genre, un « deepfaker » déchaîné surnommé Shamook (5). Il commettra ses détournements vidéo au sein de la division Industrial Light and Magic (ILM) créée en 1975 pour les effets spéciaux par George Lucas, lequel aujourd’hui injecte dans ses films et séries de l’IA et du machine learning. La révolution « deepfake » n’a pas fini de singer l’audiovisuel et le droit d’auteur. @

Charles de Laubier

Dans l’incertitude et devant les tribunaux, la plateforme Molotov fête sa 5e année d’existence

Lancé en 2016, la plateforme de streaming de télévision Molotov – imaginée par Jean-David Blanc, Pierre Lescure et Jean-Marc Denoual – revendique plus de 16 millions d’utilisateurs, dont quelques centaines de milliers d’abonnés payants. Mais le cocktail avec les chaînes n’est pas du goût de toutes.

Molotov, c’est un bouquet de plus de 200 chaînes et de programmes de télévision proposés en direct, en replay ou à la demande. Après la déception des débuts au regard des promesses très médiatiques mais non tenues, notamment d’enregistrement numérique et de disponibilité multi-terminaux (1), la plateforme française de distribution de contenus télévisuels en streaming – lancée le 11 juillet 2016 – s’est rattrapée depuis en révolutionnant l’accès à la télévision et en faisant du zapping une pratique du passé.

Près de 100 millions d’euros d’investis
L’entreprise, cofondée par Jean-David Blanc (photo), Pierre Lescure (ex-Canal+) et Jean-Marc Denoual (ex-TF1), a non seulement séduit un large public – plus de 16 millions d’utilisateurs, dont quelques centaines de milliers d’abonnés payants (2) –, mais aussi propose depuis l’été 2020 son savoir-faire OTT – via Molotov Solutions – à des opérateurs télécoms (Maroc Telecom) ou à des éditeurs en ligne (Trace, KTO,…). Mais au bout de cinq ans et après des renflouements financiers successifs à hauteur de près de 100 millions d’euros, notamment de la part de Xavier Niel (fondateur de Free) qui a misé 30 millions d’euros à l’été 2019 en échange d’une participation de 40 % au capital, l’avenir est encore hypothéqué. Les différents fonds levés, à commencer par les premiers en octobre 2014 auprès du fonds d’investissement Idinvest Partners (alimenté par Lagardère) et de business angels (3), ont rapidement été engloutis.
Les trois premières années, ce sont plus de 30 millions d’euros qui ont été rassemblés lors d’un tour de table d’investisseurs, auxquels sont venus se joindre l’opérateur français TDF et le groupe de télévision britannique Sky, entrés en tant que minoritaires au capital en déboursant chacun 4 millions d’euros environ. Tout cet argent frais a permis à Molotov de développer l’ergonomique de sa plateforme inspirée de celle de Netflix, d’investir dans une infrastructure de stockage informatique, de rémunérer les chaînes de télévision distribuées ou encore de payer les droits d’auteur, et bien sûr de rétribuer les effectifs atteignant aujourd’hui plus d’une centaine de collaborateurs et de louer de vastes locaux rue La Boétie à Paris. Avant que le milliardaire des télécoms Xavier Niel ne vole à son secours, Molotov avait envisagé d’être financé voire d’être racheté par le groupe Altice de Patrick Drahi, ou par Orange, voire par France Télévisions, avant que le groupe public ne fasse finalement alliance avec les chaînes privées TF1 et M6 pour lancer la plateforme Salto (4) – devenue la bête noire de Molotov. La société de production audiovisuelle Mediawan – cofondée par Pierre-Antoine Capton, Matthieu Pigasse et Xavier Niel – avait même regardé le dossier « Molotov », mais le second avait indiqué en mars 2018 que « [les] conditions [n’étaient] pas réunies » (5). A noter que jusqu’en avril dernier, Pierre Lescure était président du conseil de surveillance de Mediawan depuis quatre ans.
Sur la viabilité économique de la plateforme freemium Molotov, difficile de se prononcer puisque la société par actions simplifiée (SAS) – que préside Jean-David Blanc (ex- AlloCiné) via sa holding personnelle JDH – ne publie pas ses comptes. Aucune fuite n’est intervenue depuis les révélations de La Lettre A qui faisait état il y a deux ans de 53 millions de pertes nettes (cumulées de 2015 à 2018) pour un chiffre d’affaires à peine supérieur à 3 millions d’euros, puis de Capital indiquant mi-2020 un chiffre d’affaires atteignant 7,7 millions d’euros. Ce secret des affaires sur les résultats de cette start-up française jette le doute sur la monétisation de sa plateforme « révolutionnaire ». En novembre dernier, elle a lancé Mango, « le service de vidéo à la demande gratuit de Molotov » (6) et financée par la publicité.
Pour l’heure, Molotov se targue d’avoir été sélectionné dans l’indice French Tech 120 des start-up qui sont « à haut potentiel » (7), mais ne figure pas dans l’indice French Tech Next40 qui, lui, sélectionne parmi les 120 : soit les licornes, soit les start-up ayant réalisé une levée de fonds supérieure à 100 millions d’euros (8), soit celles présentant un modèle économique validé. Molotov est encore au milieu du gué. C’est à se demander si son ambition internationale ne pourrait pas profiter d’une introduction en Bourse.

Cocktail explosif devant la justice
Sa survie est aussi conditionnée à l’issue de ses nombreux procès contre TF1, M6 et France Télécoms à propos de Salto (recours devant le Conseil d’Etat formé par Iliad/Xavier Niel), et contre les rémunérations imposées par les chaînes pour leur reprise (pourvoi de Molotov en cassation sur le volet distribution et en appel sur le volet concurrence). Molotov reproche par ailleurs à son ex-directeur technique Thomas Sangouard d’être passé en 2019 chez M6. Son ex-directeur des partenariats Nicolas Auffret en avait fait de même pour aller dans une filiale de M6, Bedrock, où Thomas Sangouard est aussi directeur technique. @

Charles de Laubier

Brut et Loopsider sont portés par les médias sociaux

En fait. Le 4 décembre, le président de la République Emmanuel Macron a accordé une interview fleuve à la plateforme vidéo Brut. Le 26 novembre, une autre plateforme vidéo, Loopsider, révélait le tabassage du producteur de musique Michel Zecler (noir) par des policiers le 21 novembre. L’Elysée devient viral.

En clair. Brut, cofondé en novembre 2016 par Renaud Le Van Kim (ex-Canal+), et Loopsider, cofondé en janvier 2018 par Giuseppe de Martino (ex-Dailymotion), ont défrayé la chronique à une semaine d’intervalle grâce chacun à un « scoop 100% vidéo ». Ces deux plateformes de vidéo courtes ont chacune atteint avec un seul « sujet » une notoriété sans précédent auprès de tous les jeunes de France, les « Millennials » (1) – devenus « Génération covid » – qu’ils ciblent à coup de vidéos gratuites financées par la publicité (2). Les deux « vidéo-médias » misent à fond sur la viralité de leurs contenus, en les diffusant – ou en laissant leurs d’utilisateurs les partager – sur les caisses de résonnance que sont les puissants réseaux sociaux Facebook, Twitter, YouTube, Instagram, Twitch, TikTok ou encore Snapchat. Résultat : leur audience peut devenir massive d’un seul « coup » – médiatique justement, pour le plus grand intérêt aussi des annonceurs qui les financent par la publicité vidéo insérée dans les sujets traités ou par des « publi-vidéos » de marque. Et la viralité peut atteindre des niveaux très élevés – voire hors norme pour ce type de nouveau média – lorsque deux plateformes « 100% vidéo » se répondent en quelque sorte. Ce fut le cas entre Loopsider avec la diffusion à partir du 26 novembre d’un enregistrement de vidéosurveillance du tabassage à Paris d’un musicien noir (Michel Zecler) et Brut avec la retransmission le 4 décembre de l’interview du chef de l’Etat (Emmanuel Macron). Dans son entretien vidéo, ce dernier a redit avoir été « très choqué » par les images diffusées par Loopsider de l’interpellation brutale à caractère raciste. Sur Brut, il annonce la création dès janvier 2021 d’une plateforme pour signaler les discriminations.
En un peu plus de 24 heures, la vidéo de Loopsider a été vue plus de 12 millions de fois sur Twitter et près de 5 millions de fois sur Instagram, et partagé sur Facebook. Quant à la l’interview présidentielle de Brut, elle a été vue par plus de 7 millions de personnes sur les réseaux sociaux, auxquels se sont ajoutés plus de 100 millions de snaps sur Snapchat et plus de 6 millions de téléspectateurs sur les chaînes d’information en continu. En dehors de ces pics médiatiques, l’audience quotidienne de Brut (3) est actuellement de 13 millions de personnes, tandis que celle de Loopsider (4) est de plus de 2 millions. @

Introduction en Bourse du français Alchimie, qui veut devenir le « Netflix » de la SVOD thématique

Depuis son rachat il y a cinq ans par Nicolas d’Hueppe, associé à la holding HDL (Decaux, De Agostini, …), Cellfish – ex-filiale multimédia mobile de Lagardère – a « pivoté » dès 2016 pour devenir Alchimie, une plateforme de SVOD qui ambitionne d’être le « Netflix » thématique. La Bourse s’imposait.

Soutenue financièrement par les fortunés Decaux, De Agostini, Dentressangle, Bébéar ou encore Mustier, via leur holding « familiale » HLD, la société Alchimie (ex- Cellfish) s’introduit en Bourse à Paris sur le marché Euronext Growth pour lever des capitaux dans la zone euro (au moins 20 millions d’euros escomptés), sans pour autant supporter des coûts d’une cotation sur un marché réglementé classique. L’introduction a démarré le 10 novembre.

TVPlayer va remplacer Watch-it
Active sur Internet avec ses marques «Watch it » (watch-it.tv), « TV Player » (tvplayer.com), « Cultivons-nous » (cultivonsnous.tv) ou encore « Humanity » (humanity.tv), Alchimie veut se donner les moyens de devenir le « Netflix » thématique. Ayant pivoté en 2016 d’une société de distribution de jeux, de musiques ou encore de vidéos sur mobile (l’activité de Cellfish au sein de Lagardère) à une plateforme de vidéo et de télévision à la demande par abonnement (SVOD et TVOD), la société que dirige Nicolas d’Hueppe (photo) déploie désormais son activité d’agrégateur audiovisuel en Europe et à l’international. Sa stratégie OTT (1) affichée de diffuseur sur Internet et indépendant des opérateurs de réseaux, n’exclut pas pour autant des accords de distribution avec ces derniers lorsque ce n’est pas avec de grandes plateformes numériques ou des places de marché en ligne.
Ainsi, pour son bouquet TVPlayer (hérité d’une société britannique acquise il y a un an) ou pour les chaînes de télévision thématiques disponibles chacune en SVOD, Alchimie s’appuie sur une soixantaine contrats de distribution : non seulement avec des opérateurs télécoms (Orange, Bouygues Telecom, SFR, T-Mobile, Movistar, EE, Vodafone, …) et des fabricants de smartphones et/ou de tablettes (Huawei, Samsung, Xiaomi, Apple, Amazon Fire, …), de téléviseurs connectés (Samsung, LG, …), voire de « box » (Netgem), mais aussi avec des acteurs du Net (Amazon Channels, Google, …). Alchimie indique que « sur la facturation de l’abonnement mensuel ou hebdomadaire, les plateformes de distribution retiennent entre 10 % et 40 % des revenus, avec une moyenne à 20%». A travers eux, le potentiel d’abonnés à la SVOD et TVOD d’Alchimie se compte par millions à travers le monde (2). « Alchimie distribue à ce jour 55 chaînes thématiques affinitaires coéditées avec des groupes de médias, des personnalités ainsi que des influenceurs. Notre offre innovante a déjà séduit plus de 300.000 abonnés payants en Europe. Ce projet d’introduction en Bourse nous permettra d’accélérer le lancement de nouvelles chaînes originales exclusives et d’accompagner notre déploiement à l’international dans les quatre langues (3) dans lesquelles le groupe opère déjà », a précisé Nicolas d’Hueppe, PDG d’Alchimie, dans le document d’enregistrement approuvé le 23 octobre dernier par l’Autorité des marchés financiers (AMF). TVPlayer, qui a été lancé en France en septembre, va remplacer progressivement Watch-it, et ce dans un souci d’uniformisation des marques. L’entreprise vise pour 2024 un chiffre d’affaires de 150 millions d’euros avec plus de 3 millions d’abonnés, contre 21 millions d’euros en 2019. Son ambition est aussi d’atteindre le seuil de rentabilité (4) d’ici fin 2022, année qui devrait générer 58 millions d’euros de revenus. Son catalogue est composé d’une multitude de centres d’intérêt : nature, investigation, voyage, histoire, science, automobile, bien-être, armée, environnement, animaux, chasse, astronomie, etc.
La société se fait fort de lancer une nouvelle chaîne thématique par semaine, sachant que pour chacune cela demande d’investir dans en moyenne de 50 heures de contenus. « La consommation de contenus est d’environ 4 heures par mois et par abonné sur l’ensemble des chaînes SVOD lancées », précise-t-elle. Le catalogue totalise à ce jour plus de 60.000 heures, grâce à des accords non exclusifs d’une durée d’un an renouvelables par tacite reconduction et signés avec plus de 300 ayants droits internationaux (dont Arte, Mediawan, France Télévisions, Zed, Reworld Media, Prisma Media, ZDF Entreprises/Allemagne, Zinet Media/Espagne, …, mais aussi des célébrités et influenceurs tels que Jacques Attali, Guillaume Canet, Poisson Fécond, Jérôme Le Banner, Dr Whatson, …), avec partage de revenus mais sans minimum garanti. Au 31 décembre 2019, le montant des droits reversés aux ayants droit s’élevaient à 3,4 millions d’euros.

OTT thématique face aux généralistes
Alchimie, avec son TVPlayer à 4,99 euros par mois, n’entre pas en concurrence frontale avec les plateformes de SVOD généralistes (Netflix, Amazon Prime Video, Disney+, Salto, …), ni même avec les plateformes dites AVOD (telles que YouTube). Son terrain de jeu est celui des services de catalogues spécialisés comme Gaia, Cinedigm, CuriosityStream ou encore Mubi. @

Charles de Laubier

 

Le «Earned Media» dilue le papier dans le digital

En fait. Le 1er juillet, Kantar, société internationale d’études et de conseils médias et marketing, a publié un rapport sur le « Earned Media » qui démontre que les annonceurs peuvent pousser leurs marques dans les médias – notamment sur les réseaux sociaux – sans forcément investir dans de la publicité.

En clair. « Dans le monde des médias, la crise du covid-19 a révélé un incroyable paradoxe : alors que pour la première fois de l’histoire, l’information digitale a atteint des audiences record sur tous les continents, parallèlement les investissements publicitaires se sont effondrés touchant de plein fouet un secteur déjà fortement mis à mal, a relevé le 1er juillet Christophe Dickès, directeur des projets stratégiques à la division médias de Kantar. Pourtant, dès les premiers jours de la crise, les Etats ont placé la presse dans la liste des biens essentiels ». Ce paradoxe se retrouve aussi dans le fait que, pendant la crise sanitaire, 81 % des Français ont augmenté leur consommation d’au moins un média et 52 % de plus de quatre médias. « Alors que la confiance à l’égard des médias mais aussi l’intérêt porté à l’actualité s’effritaient avec le temps, la crise du covid-19 a littéralement redonné un nouvel élan aux médias mainstream», a-t-il ainsi constaté. Mais Kantar, qui n’est plus une filiale du géant publicitaire mondial WPP (1), démontre dans un rapport publié le 1er juillet que les annonceurs misent de plus en plus sur le « Earned Media ». Il s’agit de la visibilité et de la « réputation » qu’obtient une entreprise sur les réseaux sociaux, les chaînes vidéo, les blogs, les influenceurs en ligne ou encore les commentaires des internautes, ainsi qu’en étant cité dans des articles des journalistes. C’est l’effet de halo que favorisent notamment le buzz et la viralité sur Internet. En creux, le paradoxe que démontre ce rapport instructif d’une quarantaine de pages (2) est que les annonceurs peuvent obtenir gratuitement ou à peu de frais une publicité indirectes en ligne sans acquérir d’espaces publicitaires payants dans les médias en général et les journaux en particulier selon le modèle opposé du « Paid Media ».
« Le Earned Media renforce la confiance et permet aux marques ou organisations de bénéficier du crédit des médias qu’elles utilisent », résume Kantar. Les médias traditionnels et surtout la presse en crise veulent s’inscrire dans cette tendance multi-canaux. Le papier n’est plus le coeur de la presse. Ce n’est pas un hasard si, le 24 juin, Kantar, Médiamétrie et le CESP (3) ont aidé l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM) à lancer OneNext en France, une nouvelle mesure d’audience « sur tous les supports et en plaçant le digital au centre » (4) – présentée comme « une première mondiale ». @