GAFAM : plutôt que le démantèlement, le dégroupage

En fait. Le 5 juin, Sébastien Soriano, le président de l’Arcep, est intervenu
sur France Culture dans l’émission « La méthode scientifique ». Il reconnaît
« l’immense échec des politiques publiques » vis-à-vis des GAFAM dont il prône maintenant le « dégroupage » – plutôt que le démantèlement – en s’inspirant des télécoms.

En clair. « S’il faut démanteler les Big Tech, c’est démanteler de l’intérieur pour aider des alternatives à se développer, a préconisé le président de l’Arcep sur France Culture le 5 juin. En 20 ans dans les télécoms, on a forcé France Télécom – qui était le monopole – à faire le dégroupage de son réseau téléphonique, à l’ouvrir moyennant paiement (ce n’est pas gratuit), et selon des conditions techniques et tarifaires pour que des nouveaux acteurs puissent utiliser ce réseau ». La question est pour lui moins celle du démantèlement des GAFAM – qu’il appelait de ses vœux en 2017 (lire EM@179, p. 4) – que celle de leur « dégroupage ». Le dégroupage de la « boucle locale » de France Télécom (les derniers kilomètres du réseau téléphonique), fut décidé il y a 20 ans (1).
« Aujourd’hui, il y a de grandes réussites : Free, SFR, Bouygues Telecom, se félicite Sébastien Soriano. On a réussi à créer un écosystème d’une grande variété qui permet aux citoyens de bénéficier du choix. Dans le numérique, il faut mettre en place la même logique que dans les télécoms. Visà- vis des Big Tech, il faut passer à une régulation préventive : l’autorité anti-trust européen devrait pouvoir intervenir a priori – sans attendre de constater des infractions – en imposant à ces grands acteurs des obligations d’ouverture ». Pour le président de l’Arcep, il faut ainsi trouver la manière d’ouvrir les GAFAM, d’ouvrir leurs données et de leur imposer des interfaces afin de permettre à de nouveaux acteurs de se développer dans ces écosystèmes – comme furent créées il y a deux décennies les conditions de l’entrée d’opérateurs alternatifs sur le marché des télécoms jusqu’alors en situation de monopole. Et Sébastien Soriano de faire son mea-culpa : « Il faut reconnaître l’immense échec des politiques publiques, qui sont censées faire en sorte que les marchés soient concurrentiels et qu’il n’y ait pas d’abus de position dominante. Ayant été moi-même à l’Autorité de la concurrence [de 2001 à 2004, puis de 2009 à 2012, ndlr], c’est un échec auquel je m’associe. Nous avons sous-estimé ces effets de réseau (2). (…) Nous avons été trop confiants vis-à-vis du numérique, en nous disant qu’il ne fallait pas brider ni trop réguler l’innovation. C’est cet état d’esprit qui nous a guidée dans cette impasse. La situation est particulièrement dramatique ». Reste à porter l’idée du dégroupage des GAFAM au niveau européen. @

Contenus toxiques : la régulation des réseaux sociaux devra être a minima européenne, voire mondiale

La commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale s’est réunie le
21 mai pour examiner la proposition de loi pour lutter contre la haine sur Internet. Le texte sera débattu à partir du 19 juin à l’Assemblée nationale. Mais la rencontre entre Emmanuel Macron et Mark Zuckerberg, le 17 mai, avait des allures de négociation.

La pression monte autour de la députée Laetitia Avia (photo), la rapporteure de la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur Internet, mais aussi sur les réseaux sociaux eux-mêmes.
Le texte, qui fut déposé le 20 mars à l’Assemblée nationale à l’initiative du gouvernement et du président de la République, doit être débattu à partir du 19 juin prochain au Parlement. Il s’inspire de la loi allemande de 2017, appelée « NetzDG« , en imposant aux Facebook, YouTube, Twitter et autres Snapchat, de retirer ou de rendre inaccessible dans un délai maximal de 24 heures après notification tout contenu haineux.

Comment l’Autorité de la concurrence dénonce une régulation audiovisuelle « profondément inadaptée »

La Cour des comptes, le CSA et le rapport « Bergé » ont déjà mis en évidence
les faiblesses du système français de régulation de l’audiovisuel. L’Autorité de
la concurrence va plus loin en en dénonçant la « complexité rare » et le caractère « très atypique », voire « non-équitable et inefficace ».

François Brunet*, avocat associé, et Winston Maxwell, avocat associé, cabinet Hogan Lovells

Le livre numérique est soluble dans le marché des géants de l’édition, de plus en plus oligopolistique

Alors que le 39e Salon du livre de Paris se tient du 15 au 18 mars, le marché français de l’édition n’a jamais été aussi concentré entre les mains de quelques « conglomérats » du livre. De cette situation oligopolistique, le livre numérique peine plus que jamais à émerger.

L’année 2018 a été marquée par la consolidation accrue du marché français de l’édition de livres. Il y a d’abord l’intégration entre les groupes Média Participations et La Martinière, qui se hissent ensemble à la troisième place des groupes d’édition français derrière Hachette Livre (contrôlé par Lagardère) et Editis (jusqu’alors propriété de Planeta). Il y a ensuite le rachat justement d’Editis à Planeta par le groupe Vivendi, qui s’offre ainsi cette deuxième place du marché français du livre.

Les Etats et la régulation des GAFAM : le paradoxal retour à la souveraineté nationale

Dès le début du XXe siècle avec la Standard Oil, puis avec les conglomérats
de l’électricité, du rail ou des télécoms, et récemment de l’agro-alimentaire
ou de l’industrie pharmaceutique, les lois antitrust américaines ont préservé
la concurrence en démantelant des groupes surpuissants. Et sur Internet ?

Par Rémy Fekete, avocat associé, cabinet Jones Day

Indulgence des autorités de la concurrence ou inadaptation de la régulation de la concurrence à l’ère numérique, les GAFAM ont été laissés libres de poursuivre leur croissance interne et l’acquisition de leurs concurrents (1) pour devenir non seulement les « géants du numérique », mais surtout des concurrents significatifs dans tous les domaines d’activité : régie publicitaire, secteur bancaire
et financier, et vente de tous biens et services.