Meta Platforms a essuyé les plâtres en 2022, première année sous ce nom, mais reste une cash machine

L’année 2022 fut la première année fiscale de l’ex-groupe Facebook, depuis que son PDG fondateur Mark Zuckerberg l’a rebaptisé Meta Platforms le 21 octobre 2021. Malgré les griefs qui lui sont faits, malgré l’échec du décollage du métavers Horizon et malgré les amendes, la firme de Menlo Park s’en sort plutôt bien.

Malgré tout, le géant Meta Platforms (Facebook, Instagram, Messenger, WhatsApp, Quest/ex-Oculus) devrait réaliser cette année 2022 un chiffre d’affaires tout à fait honorable d’environ 115 milliards de dollars. Par rapport à l’exercice précédent, cela ne représenterait qu’une baisse annuelle d’environ 2,4 %. Cette estimation avancée par Edition Multimédi@ se situe dans la fourchette des prévisions annoncées fin octobre par David Wehner (photo), alors encore directeur financier du groupe Meta, à savoir : entre 114,4 milliards et 116,9 milliards de dollars. La société d’études financière Zacks Equity Research table, elle, sur 115,71 milliards de dollars de chiffre d’affaires, ce qui correspondrait à un recul de seulement 1,88 % par rapport à l’exercice 2021. Dans son analyse publiée le 8 décembre, soit un mois après l’annonce du PDG cofondateur Mark Zuckerberg de la suppression de 13 % de ses effectifs (13.000 sur 87.000 employés), elle constate qu’en un mois l’action « Meta » a gagné plus de 12 %, à plus de 116 dollars, devançant le secteur informatique et technologique.

L’ex-Facebook dévalorisé, mais loin d’être déserté
Et ce, malgré les prévisions de rentabilité attendue en baisse par rapport au bénéfice net de 39,3 milliards de dollars de l’exercice 2021. Sa recommandation aux investisseurs est de garder (hold) leurs actions, voire d’en acquérir (buy). La valorisation de l’ex-Facebook est « encore » de 336 milliards de dollars au 16 décembre, même si les 922 milliards de dollars d’il y a un an sont bien loin, et la fortune professionnelle de Mark Zuckerberg et « encore » de 42,3 milliards de dollars, certes bien en-deçà des 97 milliards de dollars de 2021. Comme quoi, la situation du géant mondial des réseaux sociaux aux plus de 2,9 milliards d’utilisateurs quotidiens (Facebook, Instagram, Messenger et WhatsApp confondus), et toujours en hausse d’un trimestre à l’autre, n’est pas aussi catastrophique que ne le laisse penser la couverture médiatique. Les utilisateurs quotidiens de la galaxie Meta – les daily active people (DAP) – représentent 79 % des 3,7 milliards d’utilisateurs mensuels – les monthly active people (MAP). La principale source de revenu Continuer la lecture

« Build-up » de Fimalac depuis 2013, Webedia va avoir 15 ans mais sa rentabilité dépend des GAFA

Cofondé il y a près de 15 ans, Webedia – initialement éditeur de Purepeople et de Puretrend – a crû à coup d’acquisitions (Terrafemina, Allociné, Jeuxvideo.com, 750g, Talent Web, Easyvoyage, …) moyennant 350 millions d’euros à ce jour. Mais la fin des cookies déstabiliser le groupe.

Webedia, la « pépite » du milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière, fondateur de la holding Fimalac qui en a pris le contrôle il y a plus de huit ans, peut-elle se transformer en boulet ? La question peut paraître brutale, tant cet éditeur de médias en ligne se fait fort de se montrer à son avantage : plus de 600 millions d’euros de chiffre d’affaires, près de 30 millions de visiteurs par mois, des cibles plutôt jeunes appréciées des annonceurs, une rentabilité revendiquée, mais secrète, 2.500 salariés, …

« Accepter les cookies sinon payer » : réglo ?
Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes numériques, si l’on en croit Véronique Morali (photo), l’épouse de Marc Ladreit de Lacharrière et présidente de Fimalac Développement, ainsi que présidente du directoire de Webedia : « Sur le cinéma, le jeu vidéo et la cuisine, nous avons plutôt réussi. Nos sites assez emblématiques nous permettent de proposer du contenu, lequel n’est pas seulement monétisé par de la publicité traditionnelle mais aussi par du programmatique (achat d’espaces publicitaires en temps réel, comme à la Bourse) pour toucher les cibles – plutôt jeunes – au meilleur moment. Et nos annonceurs nous demandent aussi de les aider à aller jusqu’à la vente, jusqu’à la transaction : c’est l’affiliation sur laquelle nous nous sommes positionnés », s’est-elle félicitée en décembre, lors d’un entretien organisé par l’école de commerce HEC et relayé par Challenges et BFM Business (1).
Mais la dirigeante, qui a créé en 2008 le magazine féminin en ligne Terrafemina (intégré cinq ans plus tard dans Webedia tout juste acquis par son mari), reste très discrète sur la rentabilité du groupe. D’autant que sa maison mère, Fimalac, n’est plus cotée en Bourse depuis juillet 2017. Rentabilité opérationnelle et pertes nettes ? « Malheureusement, nous ne communiquons pas ces informations pour l’instant », a répondu un porte-parole à Edition Multimédi@. Secret décidément bien gardé. Or la viabilité économique de la « pépite », qui veut « aider l’industrie culturelle française » (2), dépend étroitement des géants américains du Net. « Si les GAFA peuvent produire tous les contenus qu’ils veulent et à tout moment, tant leur puissance financière est grande, nous pouvons résister en nous positionnant sur des verticales où ils ne sont pas et où ils acceptent d’avoir de “petits partenaires” [comme Webedia, ndlr] », a expliqué Véronique Morali, en assumant cette « complémentarité ». Mais la fin annoncée des cookies publicitaires pourrait déstabiliser le modèle économique de Webedia. « Sur la data, nous sommes très attentifs. Nous travaillons avec la Cnil qui nous régule comme tous les sites médias. Nous avons choisi une stratégie transitoire en attendant de savoir ce que Google va décider sur le monde sans cookies », a-t-elle indiqué, alors que Google vient d’annoncer justement la fin des cookies tiers sur Chrome d’ici fin 2023 (3). Depuis mars 2021, Webedia a pris le parti de mettre sur sa soixantaine de sites web des « cookie wall » (4) : soit les internautes acceptent les cookies et accèdent gratuitement aux contenus, sinon ils doivent payer – 2 euros pour un mois (5) pour chaque site de Webedia – pour y accéder. La Cnil s’était opposée à une telle pratique, jusqu’à ce que le Conseil d’Etat en annule l’interdiction complète (6). Le gendarme des données considère cet « accepter ou payer, sinon pas d’accès » comme étant susceptible de porter atteinte à la liberté du consentement. La licéité sera analysée par la Cnil « au cas par cas » avec les éditeurs (7)… « La gratuité l’emporte, les visiteurs préférant accepter des cookies », a fait valoir Véronique Morali.
La présidente de Webedia a en outre reconnu que l’année 2020, impactée par la pandémie, avait été « difficile ». Elle ne s’est pas attardée sur les nombreux départs de youtubeurs à fortes audiences : Hugo Tout Seul, Squeezie ou encore Léopold ont quitté Webedia. Elle a relativisé ces désaffections, qui se sont poursuivies l’an dernier comme l’a montré le « bye bye webed » de McFly et Carlito (8) – fameux duo qui avait séduit Emmanuel Macron (9). Certains d’entre eux se sont affranchis de Webedia après avoir encaissé en 2019 leur dernier gros chèque du montant que ce dernier devait, selon Capital, leur verser en plusieurs années (earn out) pour l’acquisition de leur participation dans la régie publicitaire Talent Web (10). Une audience globale qui plafonne Cyprien, Norman et Natoo étaient aussi au capital de Talent Web au côté de Mixicom, réseau de chaînes Internet tombé dans l’escarcelle du couple Lacharrière-Morali, mais ils sont toujours là (11), au sein de la nouvelle entité Webedia Creators (12). Depuis, l’audience globale de Webedia en France semble plafonner au-dessus des 28 millions de visiteurs uniques par mois. Ce qui, d’après les classements de Médiamétrie, place l’éditeur de Terrafemina, d’Allociné, de Jeuxvideo.com, de 750g ou encore d’Easyvoyage en douzième ou treizième position (c’est selon) de l’Internet français. @

Charles de Laubier

Le centre de gravité du groupe Apple se déplace de plus en plus vers la Chine dont il est dépendant

Apple, l’icône américaine du capitalisme, a brisé le 3 janvier le plafond de verre des 3.000 milliards de dollars de valorisation boursière. Cette performance historique a été atteinte grâce à la Chine communiste, où la marque à la pomme voit ses revenus croître le plus.

Les résultats du premier trimestre d’Apple – à l’exercice fiscal annuel décalé (clos fin septembre) – seront présentés le 27 janvier prochain : cinq jours avant le Nouvel An chinois… Si la tendance se poursuit, la Chine continuera d’être le marché à la plus forte croissance en termes de chiffre d’affaires et de marge. Pour l’année précédente allant d’octobre 2020 à septembre 2021, plus de 68,3 milliards de dollars de ses revenus provenaient de la « Grande Chine » (dixit Apple pour englober la Chine continentale, Hong Kong et Taïwan). Ce fut un « bond en avant » de 70 % sur un an pour en arriver à peser près de 20 % de son chiffre d’affaires global (1).

Entre capitalisme et communisme
Cette dépendance de la marque à la pomme vis-à-vis de la Chine du « Grand Timonier » Xi Jinping ne date pas d’hier puisqu’elle avait même représentée 22,5 % en 2015/2016 sur un total à l’époque de 215,6 milliards de dollars de chiffre d’affaires (2). En atteignant le 3 janvier dernier les 3.000 milliards de dollars de valorisation boursière à New- York, du jamais vu de toute l’histoire du capitalisme, le groupe dirigé depuis plus de dix ans par Tim Cook (photo) le doit en grande partie à Pékin où siège le gouvernement communiste de la République populaire. « Les revenus en Chine ont augmenté en 2021 par rapport à 2020, principalement en raison de la hausse des ventes d’iPhone, d’iPad et de services. La vigueur du yuan chinois par rapport au dollar américain a eu un effet favorable sur les ventes dans la Grande Chine », se félicite la firme de Cupertino dans son rapport annuel enregistré fin octobre 2021 auprès de la SEC (3). Mieux, la Chine continentale, Hong Kong et Taïwan – où est son premier sous-traitant pour la fabrication de ses iPhone, Hon Hai Precision Industry, alias Foxconn – contribuent ensemble à hauteur de 20,8 % au résultat opérationnel d’Apple sur son dernier exercice, lequel s’établissait à 137 milliards de dollars. Ce qui correspond à presqu’un doublement (86,8 %) sur un an.
La Chine est plus que jamais le second marché national d’Apple, après les Etats-Unis. Or les tensions politico commerciales entre Washington et Pékin, notamment l’ostracisme d’Etat contre son rival Huawei (5), exposent de plus en plus la marque à la pomme à des turbulences. « Les tensions entre les Etats-Unis et la Chine ont entraîné une série de droits de douane imposés sur les importations en provenance du continent chinois, et d’autres restrictions commerciales », déplore Apple. Quant aux coûts accrus des semi-conducteurs et des matières premières qui entrent dans la fabrication des iPhone, iPad ou « iWatch » (métaux dits « terres rares » en tête), dont la majeure partie provient de l’Empire du Milieu, « ils ont une incidence négative sur la marge brute ».
Qu’à cela ne tienne. Tim Cook, dont le salaire a bondi l’an dernier de 570 % à 100 millions de dollars, apparaît plus que jamais sinophile. N’a-t-il pas signé personnellement en 2016 un accord secret de 275 milliards de dollars sur cinq ans avec la Chine lors d’un déplacement ? Objectif : obtenir un allègement des restrictions réglementaires de Pékin sur l’icône high-tech américaine. En contrepartie de concessions, le successeur de Steve Jobs se serait engagé à mettre Apple au service de l’économie locale chinoise et à répondre aux demandes de censures chinoises. C’est du moins ce qu’a révélé le 7 décembre dernier The Information (6). Concernant par exemple la protection de l’environnement, et à défaut de protection de la liberté d’expression en Chine, Apple a commencé dès 2014 à construire sur le sol chinois un de ses premiers projets solaires (comme à Sichuan). Les usines d’assemblage d’iPhone en Chine (comme à Chengdu et Shenzhen) se sont alors fixées comme objectif à trois ans de réduire la consommation d’énergie de 20 %. « Deux nouveaux centres de données en développement en Chine, l’un dans la province de Guizhou, l’autre en Mongolie intérieure, devraient être mis en service en 2021, et nous avons des projets en Chine pour fournir aux centres de données une énergie 100 % renouvelable », a promis en mars dernier Lisa Jackson vice-présidente d’Apple, en charge de l’environnement (7).

Protéger l’environnement, pas la liberté ?
Apple a en outre lancé un fonds chinois pour l’énergie propre (China Clean Energy Fund) afin d’investir – pour ses besoins propres et ceux de ses fournisseurs (comme à Guangzhou) – dans des gigawatts d’énergie renouvelable. Apple contribue aussi en Chine au bien-être des forêts et à la bonne gestion de l’eau. La firme de Cupertino s’est même engagée auprès du gouvernement chinois à respecter le règlement de Pékin visant à réduire les composés organiques volatils (solvant, encres, dégraissant, revêtements, dissolvant, nettoyants, etc.) dans le cadre de l’initiative chinoise « Ciel bleu ». @

Charles de Laubier

Mis à part Google et YouTube, le groupe Alphabet va-t-il gagner de l’argent avec ses « autres paris » ?

« Other bets » : ce sont les investissements d’Alphabet dans d’autres domaines d’innovation que les services de Google (YouTube compris). Si leur revenus sont embryonnaires, ils s’acheminent petit à petit vers le milliard de dollars de chiffre d’affaires. Mais leur déficit est encore abyssal.

« Alphabet est un ensemble d’entreprises – dont la plus grande est Google – que nous déclarons sous deux segments : Google Services et Google Cloud. Nous déclarons toutes les entreprises non- Google collectivement en tant qu’”autres paris”. Ces other bets comprennent des technologies à un stade plus précoce, qui sont plus éloignées de notre cœur de métier Google. Nous adoptons une vision à long terme et gérons le portefeuille des “autres paris” avec la discipline et la rigueur nécessaires pour générer des rendements à long terme », assure la maison mère de Google, dirigée par Sundar Pichai (photo) depuis décembre 2019.

Sébastien Soriano (IGN) veut tenir tête à Google Maps

En fait. Le 27 septembre, Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, a présenté la « feuille de route » de l’Etat pour « l’ouverture, la circulation et la valorisation des données publiques ». Exemple : l’IGN prône la souveraineté des géodonnées face à Google Maps.

En clair. L’ancien président de l’Arcep, Sébastien Soriano, est depuis mi-décembre 2020 directeur général de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN). Celui qui voulait « barbariser la régulation pour réguler les barbares » (1), comprenez les GAFAM, a eu beau se mettre au vert, il se retrouve à nouveau face aux Google, Apple, Facebook ou encore Microsoft qui nourrissent l’ambition de cartographier le monde entier en 3D et d’y capter toutes les géodonnées. Google Maps, par exemple, raisonne « global » et « gratuit » alors que l’IGN a vocation à être « national » et «monopole » – la Commission européenne ayant tout de même demandé il y a dix ans à la France d’abroger le droit exclusif (2) dont il bénéficie depuis un décret du 22 novembre 2004.
Depuis, l’ère de l’open data des données publiques pousse l’Etat à rendre accessible gratuitement sa « mine d’or » d’informations et en particulier depuis le 1er janvier 2021 les géodonnées du « Plan IGN ». Les géoportails français (3) et européen (4) contribuent à cette démocratisation de la cartographie. Sinon, les géants du numérique en Europe, tous américains, imposeront leurs Google Maps, Facebook Live Maps (projet Aria compris), Apple Maps et autres Microsoft Maps (Azure Maps inclus) aux GPS grand public, à l’environnement ou encore à la voiture autonome. « Les géodonnées sont une véritable mine d’or ; les géants du numérique l’ont compris. […] Ces derniers ont développé leur propre système cartographique. Mais aussi pratique que soit Google Maps, là ne résident pas les clés d’une compréhension du monde utile au sursaut nécessaire de l’humanité face au péril écologique », prévient Sébastien Soriano dans un point de vue paru le 15 septembre dernier dans Ouest-France.
Et le directeur général de l’IGN d’ajouter : « C’est par l’intelligence collective en France et en Europe que nous pourrons construire des “communs” numériques en contrepoint des silos de données des GAFA. [Et] par l’accès libre et gratuit aux données » (5). Pour assurer à l’Etat une « souveraineté des géodonnées » et des « géocommuns », outre la création d’une « géoplateforme » hébergée chez OVHcloud (lire p. 5), l’IGN a entrepris de modéliser en 3D l’Hexagone, par télédétection au laser – ou Lidar (6) – et avec l’intelligence artificielle, moyennant un investissement de 60 millions d’euros sur trois ans. @