Non, l’écran ne fabrique pas du « crétin digital »

En fait. Le 16 janvier, le président du Syndicat national de l’édition (SNE), Vincent Montagne, est reparti en croisade contre « les écrans » qu’il continue d’opposer aux livres (alors que l’on peut lire des ebooks sur écran). Il s’alarme du temps des jeunes passés sur les écrans, en parlant du « crétin digital ».

Accessibilité : freins pour les livres numériques ?

En fait. Le 28 novembre prochain, les 24ès Assises du livre numérique, organisées à Paris par le SNE, auront pour thème cette année : « Pour des livres numériques nativement accessibles ». Elles mettront en lumière les contraintes qui pèseront à partir de 2025 sur le marché des ebooks – déjà à la peine. En clair. Les obligations d’« accessibilité » qui pèseront à partir du 28 juin 2025 sur les maisons d’édition – pour que leurs livres numériques soient utilisables aussi par des lecteurs présentant des handicaps visuels, auditifs ou cognitifs – ne vont-elles pas… handicaper le marché des ebooks en France ? Si l’on peut se féliciter de cette perspective pour les lecteurs concernés, cela n’empêche pas de se demander si ces contraintes techniques, et donc financières, ne vont pas pénaliser les éditeurs sur un marché français du livre numérique qui peine toujours à décoller dans l’Hexagone. Lors de son assemblée générale annuelle le 29 juin dernier, le Syndicat national de l’édition (SNE) – qui a créé il y a 25 ans les Assises du livre numérique et les organise chaque année – a fait état pour l’année 2022 d’une hausse de seulement 4,4 % du marché français des ebooks. Avec 285,2 millions d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier, l’édition numérique pèse encore moins de 10 % du marché global de l’édition en France (9,8 % précisément), soit sur un total de 2,9 milliards d’euros (1) en recul, lui, de -5,4 %. Toujours est-il que la directive européenne « Accessibilité applicables aux produits et services » de 2019 doit entrer en vigueur dans les Vingt-sept, au plus tôt le 28 juin 2025 pour les nouveaux livres numériques publiés à partir de cette date, et au plus tard le 28 juin 2030 pour les titres parus avant ce 28 juin 2025 (2). Sont concernés par cette obligation d’accessibilité des ebooks aux personnes handicapées de nombreux autres appareils électroniques grand public et logiciels d’exploitation (3). Pour les ebooks : le titre, le logiciel d’exploitation associé ainsi que les liseuses numériques devront être nativement « accessibles » aux personnes empêchées de lire. Et dans près d’un an et demi pour les nouveautés. En France, la transposition de la directive s’est faite par un décret daté du 14 août 2023 paru au JORF (4). La Bibliothèque nationale de France (BnF) a, elle, mis en place la Plateforme de transfert des ouvrages numériques : Platon (5). Au niveau européen, l’ABE Lab (Accessible Backlist Ebooks Laboratory) est une plateforme collaborative aidant les éditeurs sur les solutions et les coûts pour adapter leurs ebooks (6). Bien que la directive ne précise pas de format de fichier, le standard ouvert Epub3 de l’International Digital Publishing Forum (IDPF) fait consensus. @

Faut-il appliquer le prix unique du livre aux mangas et webtoons vendus en ligne contre des coins ?

Le Médiateur du livre, Jean-Philippe Mochon, a lancé jusqu’au 14 novembre 2023 une consultation publique sur un projet d’avis concernant l’utilisation de jetons numériques (coins) pour commercialiser des livres (mangas, webtoons, webnovels) sur les plateformes numériques de lecture. Durant deux mois et jusqu’au 14 novembre, un projet d’avis du Médiateur du livre « sur l’utilisation de jetons numériques (« coins ») pour commercialiser des livres sur les plateformes numériques de lecture (mangas, webtoons, …) » est soumis à consultation publique. Il contient dix recommandations pour que la loi de 2011 sur le prix du livre numérique (1) s’applique à la vente en ligne des mangas numériques, voire des webtoons, lorsque les plateformes Internet (Webtoon/Naver (2), Mangas.io, Piccoma/Kakao, Ducktoon/UHM (3), Ono/Média-Participations, …) les vendent contre de la monnaie numérique de type coin. Trois « questions délicates » se posent Pour Jean-Philippe Mochon (photo), Médiateur du livre, les jetons numériques sont compatibles avec la loi sur le prix unique du livre numérique mais cela pose des « questions juridiques délicates » – au nombre de trois : Prix de vente en coins fixé par l’éditeur ? L’article 2 de la loi «Prix unique du livre numérique» dispose que «toute personne établie en France qui édite un livre numérique dans le but de sa diffusion commerciale en France est tenue de fixer un prix de vente au public pour tout type d’offre à l’unité ou groupée (…) ». Si les contrats conclus entre éditeur et plateforme établissent un prix fixe en euros du chapitre ou du tome versé à l’éditeur ainsi qu’un prix fixe du jeton, l’éditeur qui fixe ainsi le prix de vente au public (conformément à la loi de 2011) peut perdre la maîtrise de ce prix en euros lorsque le prix du livre acquitté par le lecteur est déterminé par la plateforme en termes de prix du jeton et d’attributions gratuites de jetons. Cette perte de maîtrise du prix unique numérique des mangas, webtoons et autres webnovels contreviendrait à la loi. Comment respecter le « prix unique » numérique ? Bien que la loi « Prix unique du livre numérique » n’utilise pas l’expression « prix unique », elle parle de « prix de vente qui s’impose ». Or le recours aux jetons est censé respecter non seulement le prix fixé par l’éditeur mais aussi le prix unique. Mais si le prix affiché en coins est le même pour tous les clients d’une plateforme, il n’en va pas de même du prix en euros, qui dépendra du prix auquel chaque client aura luimême acquis ses jetons numériques, à savoir en fonction de son historique d’achats de jetons et du nombre de jetons attribués gratuitement. Quant à la notion de prix unique, elle renvoie à l’idée de prix identique d’un même livre sur toutes les plateformes. Cependant, le prix de vente au public acquitté sur chacune d’entre elles dépendra de ses pratiques commerciales en matière de prix du jeton et d’attribution gratuite de jetons. Y a-t-il transparence du prix pour l’acheteur ? Toujours dans cet article 2 de la loi de 2011, il y a une obligation de transparence tarifaire : « toute personne établie en France qui édite un livre numérique dans le but de sa diffusion commerciale en France est tenue de fixer un prix de vente au public pour tout type d’offre à l’unité ou groupée. Ce prix est porté à la connaissance du public ». Or, constate le Médiateur du livre, l’acheteur – a priori – ne reçoit d’information explicite de la plateforme que sur le prix en jetons et celui-ci ne se traduit pas de façon immédiate en un prix en euros (cela dépend encore une fois de la manière dont les coins ont été achetés ou reçus gratuitement). Donc, l’obligation de transparence du prix pour l’acheteur ne serait pas remplie, tout comme les barèmes de prix de ces offres fixés par l’éditeur et – comme l’indique un décret d’application de 2011 – figurant dans « une base de données rendue accessible » à tout détaillants (4). Il y a donc matière à « insécurité juridique » pour les plateformes numériques au regard de l’usage qu’elles font des coins (ou tokens) dans le paiement de leur offre de livres numériques. Pour le Médiateur du livre, « seul un juge, s’il en était saisi, pourrait trancher » ces trois questions délicates, auxquelles s’ajoute le problème de la TVA applicable à la vente de jetons utilisés pour acheter des livres numériques : appliquer le taux réduit 5,5 % (livre en métropole) ou bien 20 % (services rendus par voie électronique) ? « Si une incertitude juridique subsistait, elle pourrait mériter d’être levée », estime le Médiateur du livre. Risque d’obstacle à l’innovation ? Pour ne pas laisser les plateformes désemparées face à tant d’incertitudes, le projet d’avis du Médiateur du livre – susceptible d’être amendé et complété en fonction des contributions à la consultation publique (5) – fait dix recommandations « pour pleinement assurer le respect de la loi » ou tout du moins afin d’« assurer la conformité à la loi des pratiques de l’ensemble des acteurs sur la base de l’interprétation que celle-ci semble pouvoir appeler, en l’état de l’information du Médiateur du livre ». Pour autant, assure Jean-Philippe Mochon, il ne s’agit pas – avec cette loi « Prix unique du livre numérique » – de faire obstacle à l’innovation ou à la concurrence mais de mettre celles-ci au service du livre, de la lecture et des lecteurs. Objectif : assurer la compatibilité des pratiques de jetons numériques avec la loi sur le prix unique, notamment « en donnant toute la maîtrise du prix à l’éditeur, en évitant les pratiques d’exploitation exclusive par une plateforme ou encore en assurant la transparence des prix pour les lecteurs ». Dix recommandations pour respecter la loi Recommandation 1 : veiller à la maîtrise du prix des livres numériques. La fixation d’un prix de vente au public exprimé en jetons ne peut être conforme à la loi que si les modalités de fixation du prix du jeton applicable à chaque offre de livres numériques sont suffisamment maîtrisées par l’éditeur dans le contrat qui le lie à la plateforme. Les caractéristiques de l’offre (à l’unité ou groupée) doivent être précisément fixées par le contrat. « La détermination d’un prix du jeton en euros, d’une part, et d’un prix de l’offre de livres en jetons, d’autre part, est à cet égard un minimum qui doit être complété par des éléments sur les pratiques de la plateforme en matière d’attribution de jetons ». Des prix identiques pourront alors être imposés par les éditeurs pour la commercialisation d’offres identiques sur plusieurs plateformes. Recommandation 2 : encadrer la distribution des jetons gratuits. L’exercice par les éditeurs de leur prérogative de fixation du prix doit s’accompagner – contractuellement – d’un encadrement des pratiques de distribution gratuite de jetons par les plateformes. « Il n’est pas envisageable qu’une plateforme puisse sans limite attribuer des jetons gratuits qui ont pour effet de diminuer le prix du livre pour le lecteur ». En baissant le prix effectif pris en charge par la plateforme, celle-ci peut ainsi se constituer une clientèle « au risque d’évincer les autres plateformes ». Ce que le Médiateur du livre considère comme « l’aspect le plus nettement problématique de l’usage des jetons au regard de la loi sur le prix du livre numérique ». Car cela ne contribue pas à un prix identique sur toutes les plateformes. Recommandation 3 : éviter les pratiques d’exclusivité. La loi de 2011 prohibe – a priori – toute pratique de commercialisation exclusive de livres numériques sur une plateforme. Sans préjudice des négociations commerciales, « tout éditeur établi en France est tenu de proposer à la vente les livres numériques qu’il édite à l’ensemble des plateformes qui devront pratiquer le prix qu’il fixe pour l’offre de livres numériques correspondante ». Et aucune partie ne saurait être tenue par une obligation de résultats. Recommandation 4 : encadrer les offres gratuites et payantes. La gratuité, qui est un prix égal à zéro, doit être fixée par l’éditeur et proposée par celui-ci de façon uniforme pour toutes les offres identiques. Les contrats doivent encadrer aussi bien les offres de lecture gratuite de livres numériques que celles de lecture payante. Recommandation 5 : assurer la transparence des prix publics. Le prix de vente au public doit être porté à la connaissance des lecteurs. Chaque plateforme assure à chaque lecteur « une information de manière non équivoque, visible et lisible sur le prix de vente qu’il acquitte », en lui indiquant le prix effectif payé pour chaque épisode en fonction du prix auquel il a acquis les jetons utilisés à cet effet. Recommandation 6 : fixer les mêmes prix sur les plateformes. La description de chaque offre et le prix ou le barème (en cas d’usage collectif) fixé par l’éditeur figure dans une base de données accessible à tous les détaillants (telle que prévue par le décret de 2011). « C’est seulement sur cette base que chaque plateforme pourra s’assurer qu’est bien appliqué, pour toute offre de livres numérique, le prix qui s’impose à elle ». Recommandation 7 : préciser s’il s’agit de livres homothétiques. La loi de 2011 ne s’applique qu’aux « livres homothétiques ». Le livre est « à la fois commercialisé sous sa forme numérique et publié sous forme imprimée ou [qui] est, par son contenu et sa composition, susceptible d’être imprimé ». Si les mangas peuvent être considérés comme tels, il n’en va pas forcément des webtoons « susceptibles d’être imprimés qu’au prix d’une adaptation plus importante ». Recommandation 8 : clarifier les règles fiscales applicables. Même si des plateformes pratiquent le paiement en jetons pour les webtoons, mangas ou webnovels en appliquant le taux réduit de TVA à 5,5 % applicable au livre numérique (6), il y a une « incertitude sur le point de savoir si ce taux réduit est bien applicable lorsque la transaction porte sur des jetons qui servent pour acquérir ces services fournis par voie électronique ». Recommandation 9 : préciser le champ et la portée de la loi. Les deux caractéristiques du champ d’application de la loi de 2011 sont : qu’elle ne s’applique pas à des livres numériques non publiés par des éditeurs établis en France ; que des éditeurs établis en France peuvent céder les droits d’exploitation secondaires à une plateforme, qui devient alors éditrice. Recommandation 10 : inscrire cette régulation dans la durée. « Les présentes recommandations, rédigées en l’état des informations disponibles et au regard des enjeux d’un marché en rapide mutation, n’épuisent probablement pas le sujet », prévient le Médiateur du livre, qui se dit « prêt en tant que de besoin à accompagner les acteurs du marché dans leur mise en œuvre ». Un précédent avis similaire en 2015 Quoi qu’il en soit, ce n’est pas la première fois que le Médiateur du livre doit se prononcer sur les plateformes de lecture en ligne (7). Sur l’abonnement illimité et le prix unique du livre numérique, un avis du 9 février 2015 émis par Laurence Engel (photo ci-dessus), Médiatrice du livre à l’époque, avait conclu (8) que « le prix des livres numériques est fixé par les éditeurs ». Les plateformes s’étaient alors mises en conformité avec la loi. @

Charles de Laubier

La lecture en ligne bouscule encore le prix unique

En fait. Le 29 juin, le Syndicat national de l’édition (SNE) a tenu son assemblée générale annuelle. Le chiffre d’affaires 2022 des éditeurs a reculé de 5,4 % sur un an, à 2,9 milliards d’euros, dont seulement 285,2 millions d’euros pour le livre numérique malgré une hausse de 4,4 %. Mais quid de la lecture en ligne ? En clair. Contacté par Edition Multimédi@, le conseiller d’Etat Jean-Philippe Mochon, Médiateur du livre dont le mandat s’achèvera en octobre (renouvelable), nous indique que « le rapport sur la lecture en ligne et les jetons numériques devrait sortir à l’automne ». Il s’était autosaisi en avril 2022 sur « les nouveaux modèles économiques de la lecture en ligne de mangas, de webtoons et de bandes-dessinées » et sur « la conformité à la loi du 26 mai 2011 [sur le prix du livre numérique, ndlr] des modèles émergents de microtransactions via des systèmes de monétisation par jetons numériques ». « Scroller » une BD, un webtoon voire un livre numérique sur smartphone prend de l’ampleur, surtout chez les « adolécrans » et jeunes adultes. Le leader mondial des webtoons est le sud-coréen Naver (1). Son modèle économique freemium a popularisé le paiement par des « coins ». Du coup, le Syndicat national de l’édition (SNE) s’interroge lui aussi sur la pratique au regard du prix unique du livre numérique et, d’après le rapport d’activité 2022 du SNE publié à l’occasion de son AG du 29 juin dernier, attend l’avis du Médiateur du livre. Dans son discours ce jour-là, le président du SNE Vincent Montagne – pourtant patron du groupe Média-Participations très présent sur ce marché des webtoons avec sa plateforme Izneo – n’a dit mot sur la lecture en ligne. Pas plus que sur le livre numérique d’ailleurs, à part un elliptique « maîtrise du numérique ». De plus, le syndicat des éditeurs vient de publier l’état de l’édition en France mais sans aucune donnée sur le marché des plateformes de lecture en ligne. « Malheureusement, le nombre insuffisant de réponses reçues ne permet pas de dresser une évaluation de ce marché », indique le rapport du SNE, en appelant les éditeurs à renseigner leurs données « webtoon » lors de la prochaine vague statistique de 2024. Outre Izneo de Vincent Montagne et Webtoon de Naver, d’autres plateformes françaises surfent aussi sur les webtoons : Piccoma (Kakao), Verytoon (Delcourt), Webtoon Factory (Dupuis), ou encore Glénat Manga Max (Glénat Editions). Dans la lecture en ligne, sont aussi présents Nextory (ex-Youboox), YouScribe, Kindle Unlimited (Amazon), … Sur l’abonnement illimité et le prix unique, un avis du 9 février 2015, de la Médiatrice du livre Laurence Engel, avait établi que « le prix des livres numériques est fixé par les éditeurs » (2). @

Maisons d’édition : le livre audio risque de cannibaliser les livres numériques et imprimés

« En mai, écoute le livre qui me plait ! ». En France, mai 2022 est « le mois du livre audio ». Qu’ils soient sur support physique (CD) ou en ligne (en streaming ou en téléchargement), les livres audio sont de plus en plus écoutés. Mais il y a un risque de cannibalisation des ventes de livres à lire. A pousser le livre audio comme jamais elles ne l’ont fait pour le livre numérique, les maisons d’édition ne sont-elles pas en train de se tirer une balle dans le pied ? Elles pourraient accélérer le déclin de leur industrie du livre. Non seulement éditer un livre audio ne relève plus de la planète Gutenberg, contrairement aux éditions imprimées et par extension numériques, mais, en plus, considérer l’écoute d’un livre audio comme de la lecture constitue un abus de langage dont les utilisateurs ne sont pas dupes. Ecouter n’est pas lire, et vice-versa. Le livre audio, c’est en quelque sorte de la lecture par procuration. L’audiobook grignote d’abord l’ebook A trop vouloir « mettre les livres sur écoute », en se diversifiant parfois eux-mêmes dans l’audiovisuel – comme Hachette Livre et Albin Michel qui détiennent respectivement 60 % et 40 % de la société Audiolib –, les maisons d’édition prennent-elles le risque de cannibaliser leur propre coeur de métier historique ? Lizzie du groupe Editis (Vivendi). Gallimard Audio/Ecoutez Lire du groupe Madrigall, Actes Sud Audio, … Nombreux sont les membres du Syndicat national de l’édition (SNE), représentant notamment les majors françaises de l’industrie du livre, qui ont décidé de donner de la voix à leur catalogue en faisant lire des oeuvres par des acteurs et comédiens plus ou moins célèbres. « Je ne pense pas qu’on puisse parler de “cannibalisation”, qui suppose qu’une pratique remplace l’autre. En tous cas, pas pour le livre imprimé qui a des usages très larges. En revanche, que le livre audio apporte d’autres adeptes à la lecture, ou intensifie la lecture, et qu’il progresse plus vite que le livre numérique – voire le dépasse en nombre –, c’est tout à fait possible. Une fois que l’offre sera élargie, la pratique de lecture audio s’installera durablement pour les générations les plus jeunes – ce sont déjà les trentenaires et moins qui l’adoptent », nous a répondu Valérie Lévy-Soussan (photo), PDG d’Audiolib chez Hachette Livre (groupe Lagardère) depuis près de dix ans (1) et présidente depuis mars 2019 de la commission « livre audio » du SNE (2). Selon l’institut Médiamétrie pour le 12e baromètre sur les usages du livre numérique et audio, publié fin avril lors du 1er Festival du Livre de Paris par le SNE avec les sociétés d’auteurs Sofia et SGDL, sur 48,1 millions de lecteurs en France en 2021 (3), 47,7millions sont « lecteurs » de livres imprimés, 13,5 millions de livres numériques, et 9,9 millions sont « auditeurs » de livres audio. Où l’on voit que les audiobooks sont en passe de se hisser au même niveau que les ebooks, en termes d’utilisateurs. « Seuls 52 % des auditeurs de livres audio physiques [sur support CD, ndlr] en ont écouté un il y a moins d’un an, ce qui traduit vraisemblablement le début d’un véritable basculement du livre audio physique au profit du livre audio numérique », souligne ce baromètre. L’an dernier, le nombre d’auditeurs de livres audio physiques a reculé d’un point à 7,9 millions pendant que celui des livres audio numériques a progressé d’un point à 6,6 millions. Sans parler de la notoriété des audiobooks qui gagne du terrain par rapport aux ebooks. Si cannibalisation il y a de la part de l’écoute au détriment de la lecture, elle se fait par grignotement qui touche en premier lieu le livre numérique. Le livre broché (imprimé) semble moins impacté (4). C’est une aubaine pour les éditeurs puisque le livre audio numérique est, en vente à l’acte, à peu près au même prix que celui de son équivalent papier. Une quinzaine de membres du SNE composent la commission « livre audio » du SNE, soit seulement 2 % de l’ensemble des 720 maisons d’édition que représente le syndicat. C’est justement cette commission qui a décrété le mois de mai 2022 « Mois du livre audio », une première. « Dans notre monde hyperconnecté, c’est de sens, plus encore que de silence, dont nous avons besoin », assure Valérie Lévy-Soussan, à l’heure où la lecture a été déclarée par le président de la République « grande cause nationale » jusqu’à l’été prochain. Après un Festival du Livre de Paris qui a privilégié le papier, le libre audio s’est fait entendre jusqu’au 11 mai au Festival du Livre audio organisé à Strasbourg par l’association La plume de Paon (5), laquelle assure la promotion du livre audio (6). Des festivals du livre audio à gogo La plume de Paon a organisé dans la foulée pour les professionnels, les 13 et 14 mai, toujours à Strasbourg, les Rencontres francophones du livre audio (7). Puis, à Paris cette fois et le 22 mai, le Festival Vox – « du livre audio et de la lecture à voix haute » – organise un marathon de lecture à la Maison de la poésie (8). Quant à la commission « livre audio » du SNE, elle a prévu le lancement d’ici fin mai d’un nouveau site Internet entièrement consacré au livre audio. Baptisé « Lire ça s’écoute ! », il sera doté de ressources professionnelles et d’un catalogue exhaustif de titres des éditeurs membres. @

Charles de Laubier