Responsabilités sur le Web : ce qui change vraiment avec le règlement sur les services numériques

Même si le DSA a maintenu la « non-responsabilité » des hébergeurs et autres intermédiaires numériques, ce règlement européen sur les services numériques ouvre la voie à une auto-régulation a priori de la part des très grandes plateformes en ligne pour éviter les « risques systémiques ».

Par Anne Cousin, avocate associée, Derriennic Associés

Le règlement sur les services numériques – Digital Services Act (DSA) – du 19 octobre 2022 (1) est applicable à l’ensemble des intermédiaires du numérique depuis février 2024 : fournisseurs d’accès aux contenus, services de cache, moteurs de recherche, hébergeurs, plateformes en ligne. Que faut-il en attendre sur le terrain de la responsabilité de tous ces « fournisseurs de services intermédiaires » en cas de désinformation, cyber harcèlement, diffamation et contenus haineux ? Et ce, « quel que soit leur lieu d’établissement ou leur situation géographique, dans la mesure où ils proposent des services dans l’Union [européenne] ».

Des principes inchangés, parfois chahutés
A l’origine du Web, la question fondamentale fut de distinguer deux acteurs principaux : les éditeurs d’une part, responsables de plein droit des contenus qu’ils créent, et les hébergeurs d’autre part, qui à l’inverse ne doivent, ni même ne peuvent, en répondre. A la veille des années 2000, la bataille en France fut en effet acharnée sur le terrain judiciaire (2) et finalement remportée au Parlement en quelques années – loi « Liberté de communication » et loi « LCEN » (3) – par les tenants de la non-responsabilité des hébergeurs, considérée comme la condition sine qua non du développement des échanges sur Internet. Depuis, le principe a été repris par les lois françaises successives et – bien que la jurisprudence soit parfois hésitante dans son application pratique – la distinction de l’éditeur et de l’hébergeur, et les conséquences qui en découlent, sont fermement maintenue depuis. La régie publicitaire Google Adwords (4), le moteur de recherche Google (5), ou encore la plateforme de partage de vidéos Dailymotion (6) ont ainsi été jugés hébergeurs. Au contraire, ont été considérés comme éditeurs la plateforme Airbnb (7) ou encore le site web de billetterie de manifestations sportives Ticket Bis (8). Le DSA ne revient pas en arrière.

Audience cross-média en vue : Médiamétrie veut une « communication claire et transparente »

Le 28 octobre, Marie Liutkus prend ses fonctions de directrice de la communication de Médiamétrie au moment où la mesure d’audience télé et vidéo devient un complexe Big Data. Un « comité crossmédia » – réunissant chaînes, plateformes et publicitaires – devrait se mettre en place début 2025.

Ça se complexifie pour l’institut de mesure d’audience Médiamétrie, qui fêtera ses 40 ans en 2025. C’est aussi l’an prochain que sera mis en place un « comité cross-média » pour tenter de trouver un consensus décisif entre les chaînes de télévision, les plateformes vidéo et les publicitaires qui y participeront. Il s’agira pour tous ces acteurs de se mettre d’accord autour d’outils de mesure d’audience télé (linéaire) et vidéo (délinéarisée), pour peu qu’il y ait convergence des méthodologies et définition commune du « contact », afin de pouvoir comparer des résultats acceptables et acceptés par tous.

Pub : faire converger télé et vidéo
D’ici là, Médiamétrie lancera dans quelques semaines la première mesure automatisée de la publicité télé linéaire et vidéo non linéaire sur les téléviseurs connectés. Près de 25 ans après avoir pris en compte la diffusion numérique et près de 40 ans après l’invention de l’Audimat, auquel a succédé Médiamat en 1989 (1), le système de mesure d’audience TV de Médiamétrie se « plateformise ». Le fameux Médiamat est en train d’intégrer la mesure de la publicité délinéarisée, celle qui apparaît en télévision de rattrapage (replay) ou en prévisualisation en ligne avant diffusion à l’antenne (preview). En plus des Smart TV (via Internet ou via les box), tous les écrans seront à terme concernés – à domicile ou en mobilité (2). C’est dans ce contexte que Marie Liutkus (photo de gauche) entre en fonction le 28 octobre en tant que directrice de la communication de Médiamétrie, dont elle intègre le comité exécutif.

YouTube s’impose de plus en plus face à la télévision traditionnelle et courtise les salles de cinéma

La plateforme vidéo de Google (groupe Alphabet) s’impose comme une alternative à la télévision traditionnelle aux Etats-Unis, en se hissant en tête des audiences audiovisuelles (diffusion linéaire ou à la demande) aux côtés de Disney et de NBCUniversal. YouTube dépasse les 10 % de part d’audience depuis trois mois.

C’est historique dans le paysage audiovisuel américain : YouTube dépasse depuis trois mois consécutifs les 10 % de l’audience total de la télévision aux Etats-Unis, tous moyens de diffusion audiovisuelle confondus, gratuits ou payants : selon les données publiées mi-octobre par l’institut de mesure d’audience Nielsen, YouTube se maintient à un record de 10,6 % de part de marché sur le mois de septembre 2024 (1), score historique déjà atteint en août (2), effaçant les précédents records de 10,4 % en juillet où le seuil des 10 % a été franchi pour la première fois (3), contre 9,9 % au mois de juin (4) et en-deçà les mois précédents. A ce niveau d’audience, mesurée sur tous supports par Nielsen qui publie chaque mois les résultats dans son très suivi baromètre « The Gauge », la plateforme YouTube dispute même la première place de la « télévision » dans son pays d’origine, en ayant réussi en juillet 2024 à coiffer au poteau, excusez du peu, The Walt Disney Compagny et ses 9,9 % de part de marché. Une première historique aux Etats-Unis. La première talonnait la seconde depuis le mois de mars. En août et en septembre (5), YouTube est repassé en seconde position (10,6 %), juste dernière respectivement (sur ces deux mois) NBCUniversal (13,4 %) et à nouveau Disney (11,3 %), en reléguant (en septembre donc) NBCUniversal en troisième place (9,3 %), suivi de Paramount (8,2 %), Netflix (7,9 %), Fox (7,3 %), Warner Bros. Discovery (6,7 %), et, loin dernière, d’Amazon Prime Video (3,7 %).

Etats-Unis : YouTube en tête de la « TV »
Tout en rivalisant avec les groupes américains de télévision traditionnelle qu’elle entend bien à nouveau devancer tous comme en juillet 2024, la filiale YouTube – dont le directeur général est Neal Mohan (photo) depuis février 2023 – conforte en plus sa première place des audiences enregistrées aux Etats-Unis par les seules plateformes de streaming vidéo. Ainsi, toujours selon « The Gauge » de Nielsen, YouTube devance les autres plateformes vidéo (gratuites ou payantes) depuis qu’elles ont intégré cet agrégat audiovisuel en juin 2023.

Comment un ex-informaticien de Tsahal est devenu le roi européen du streaming sportif avec DAZN

Il a été ingénieur informaticien dans l’armée israélienne Tsahal dans les années 90 ; il est depuis janvier 2022 PDG du groupe DAZN. L’Israélien Shay Segev dirige la première plateforme européenne de streaming sportif et poursuit son expansion mondiale pour être le « Netflix du sport ».

« De 1994 à 1998, Segev a travaillé comme ingénieur informatique dans les forces de défense israéliennes », à savoir Tsahal, indique la fiche Wikipedia le concernant (1). Cependant, la fiche LinkedIn de Shay Segev (photo) ne fait pas, elle, référence à ce passé dans l’armée d’Israël, juste avant qu’il ne décroche en 2001 un diplôme en informatique (2) à l’université de Tel Aviv (3). Son parcours professionnel, débuté en Israël (Tsahal, Comverse Technology, Mercury Interactive), l’amènera à partir de 2006 en Estonie, à Londres et à Gibraltar (Videobet, Playtech, Coral, Entain) dans le domaine des jeux d’argent et de hasard en ligne.

DAZN devance Bein Sports et Canal+
Mais c’est en juin 2021 que sa carrière change, lorsque Shay Segev entre chez DAZN – prononcez « Da Zone » – en tant que co-PDG aux côtés de James Rushton, cofondateur de ce groupe britannique de diffusion en streaming d’événements sportifs. Ce dernier, considéré comme un vétéran de l’industrie du sport depuis plus d’un quart de siècle, a passé presque toute sa carrière dans la société londonienne Perform Group à l’origine de DAZN. Après avoir innové dans la diffusion en ligne avec ePlayer proposant de la VOD sportive premium, James Rushton met sur pied en 2015 avec Simon Denyer et d’autres cadres – « frustrés par le status quo » dans la diffusion sportive – la plateforme DAZN « pour les amateurs de sport du monde entier » (4). En 2016, après avoir installé ses premiers bureaux, à Tokyo et à Munich, Perform Group ouvre le service OTT (Over-The-Top) sportif DAZN, d’abord en Allemagne, en Suisse, en Autriche et au Japon. L’offre sportive se concentre sur le football : la Premier League (britannique), la J League (japonaise) pour un contrat de 10 ans, et LaLiga (espagnole). La NFL (football américain) et la NBA (basket américain) sont aussi au programme, rejoints par la boxe britannique. Le service DAZN est ensuite lancé en Italie (2018), en Espagne et au Brésil (2019). A partir de novembre 2020, il est accessible sur la PlayStation 5 de Sony, puis massivement sur les smartphones grâce à des accords avec des opérateurs mobiles à partir de mars 2021.

L’application Musi s’est hissée dans le « Top 5 » des applis de streaming musical… grâce à YouTube

La 5e appli de streaming musical la plus téléchargée sur l’App Store est inconnue : Musi. Durant l’été, elle va atteindre au bout de plus de dix ans d’existence les 70 millions de téléchargements. Gratuite et financée par la publicité (ou sans contre une fois 5,99 dollars), elle profite de YouTube.

Contactée par Edition Multimédi@ sur la légalité ou pas de Musi, la filiale française de YouTube nous a indiqué que « les équipes en interne examinent l’application pour savoir s’il s’agit d’un abus ou non ». Est-ce le calme avant la tempête pour cette start-up canadienne qui, à trop embrasser YouTube, aurait mal étreint le droit d’auteur ? Selon une source de l’industrie musicale, une importante maison de disque – sans que l’on sache s’il s’agit d’une major (Universal Music, Sony Music ou Warner Music) – va porter plainte devant un tribunal.

Discographie construite avec YouTube
C’est ce qu’a rapporté le magazine américain Wired, qui cite également une porte-parole de la plateforme de vidéoclips Vevo – diffusés sur YouTube – décidé à « prendre les mesures appropriées » (1). Musi Inc. pourra toujours se défendre en affirmant ne pas héberger de vidéoclips, puisque c’est YouTube qui le fait. Et l’appli Musi ne permet pas de téléchargement de musiques. « Music streaming without limits » est son slogan. Cette application musicale en streaming n’existerait pas sans YouTube. « Musi est une application iOS qui vous permet de diffuser et d’organiser une bibliothèque de musique à partir de YouTube », explique Aaron Wojnowski, le cocréateur de Musi, sur son compte LinkedIn (2). Y a-t-il un accord entre Musi Inc. et la plateforme vidéo de Google ? « All notices of copyright infringement claims should be sent to support@feelthemusi.com », indique la start-up canadienne dans ses conditions générales d’utilisation. L’appli Musi subira-t-elle le même sort que Aurous qui avait dû fermer en 2015 à la suite d’un procès intenté par la puissante RIAA (3) représentant notamment les trois majors ?