Couverture des zones blanches (non-rentables) : faut-il aller vers un deuxième « New Deal Mobile » ?

Le « New Deal Mobile » était la promesse des opérateurs mobiles – faite il y a quatre ans au gouvernement – d’une « 4G pour tous » au 31 décembre… 2020. Mais des zones blanches ont persisté au-delà de cette échéance. A fin 2021, « 98 % des sites mobiles sont en 4G ». Et les 2 % restants ?

Y aura-t-il un deuxième « New Deal Mobile » pour ne pas laisser les 2 % des sites mobiles dépourvus de 4G et des milliers de centres-bourgs toujours en zone blanche ? Lorsqu’elle était encore députée, Laure de La Raudière (photo) avait suggéré « un deuxième New Deal Mobile ». Certes, c’était treize mois avant de devenir présidente de l’Arcep. La députée d’Eure-et-Loir avait à l’époque – mais il n’y a pas si longtemps que cela – émis cette éventualité au regard du désaccord qu’elle avait avec le président fondateur de Free (Iliad), Xavier Niel, qu’elle auditionnait le 17 novembre 2020 à l’Assemblée nationale en commission (1) – sur la couverture mobile des territoires jusque dans les zones blanches non-rentables.

Du donnant-donnant à 3 milliards d’euros
En janvier 2018, il y a quatre ans maintenant, l’Arcep et le gouvernement annonçaient des engagements des opérateurs télécoms pour accélérer la couverture mobile des territoires qui à l’époque laissait à désirer. Bouygues Telecom, Free, Orange et SFR s’étaient ainsi engagés à investir plus de 3 milliards d’euros dans les « zones rurales ». En échange de quoi, l’Etat a renoncé à leur faire payer pas moins de 3 milliards d’euros de redevance pour leurs fréquences 4G – dans les bandes 900 Mhz, 1800 Mhz (sauf Free) et 2,1 Ghz – dont les autorisations d’exploitation leur ont été renouvelées pour dix ans supplémentaires. En effet, les autorisations de leurs réseaux mobiles 2G, 3G et 4G arrivaient à échéance, dès 2021 pour certaines et d’ici à 2024 pour d’autres. Globalement, les opérateurs mobiles ont obtenu « visibilité et stabilité jusqu’en 2030 » sur leurs fréquences.
Les engagements de couverture mobile sans précédents avaient, eux, été dans la foulée retranscrits dans leurs licences actuelles afin de les rendre juridiquement opposables – autrement dit pour permettre à des élus ou à des utilisateurs d’attaquer en justice les opérateurs mobiles en cas de non-connexion 4G. De plus, ces engagements sont contraignants et peuvent donner lieu à des sanctions de la part de l’Arcep (2). Ce fameux New Deal Mobil en faveur de l’aménagement numérique des territoires consiste à apporter la 4G tant attendue dans les zones rurales, synonymes de « zones blanches », qui n’ont aucune couverture mobile et encore moins de 4G. Il y a quatre ans, cela concernait tout de même plus de 1 million de Français sur 10.000 communes privés de mobile haut débit. A cette fracture numérique s’ajoutaient les principaux axes routiers et ferroviaires, sur lesquels il était impossible d’« avoir du réseau ».
Mais cet accord politique donnant-donnant avait accordé jusqu’à 2026 aux quatre opérateurs mobiles pour parachever pleinement le déploiement de la totalité des 5.000 nouveaux sites mobiles, à raison de 600 à 800 sites par an. Avant d’en arriver là, Bouygues Telecom, Free, Orange et SFR s’étaient engagés à couvrir 75 % des centres-bourgs en 4G au 31 décembre 2020 – sur un total de près de 5.000 et symboles de la fracture numérique en France. Mais ce taux n’a pas été atteint à cette première échéance (3), en raison du ralentissement des déploiements dû aux restrictions sanitaires et confinements de cette année 2020.
Ce retard avait déclenché des escarmouches entre l’ancien président de l’Arcep, Sébastien Soriano, et celui qui était déjà président de la Fédération française des télécoms (FFTélécoms), Arthur Dreyfuss (4). En avril 2020, le gendarme des télécoms appelait les opérateurs mobiles à ne pas prendre prétexte du confinement pour ne pas être « au rendez-vous de leur responsabilité » vis-à-vis du New Deal Mobile et du Plan Très haut débit. Une mise en garde qui avait fait perdre son sang-froid au secrétaire général de SFR (5) (*) (**). D’après l’Arcep, cette cible des 75 % du programme dit « zones blanches centres-bourgs » (ZBCB) n’a pas été atteinte fin 2020 comme cela était prévu mais seulement mi-2021. Les quatre opérateurs mobiles sous pression se sont ensuite engagés à couvrir les 25 % restants de ces centres-bourgs en zones blanches avant le 31 décembre 2022. Le compte à rebours a commencé.

Un « bilan en demi-teinte » (Sénat)
Autrement dit, pour la nouvelle année, la « 4G pour tous » (4G mobile voire 4G fixe) est encore un vœu pieux – alors que la 5G profite déjà à quelques-uns (1,6 million d’abonné au 30 septembre dernier) et que les équipementiers télécoms travaillent déjà sur la 6G… La densification du réseau 4G traîne en longueur, malgré des avancées certaines. Et ce, alors que depuis deux ans les Français ont été contraints par la crise sanitaire de faire du télétravail voire de la visioconférence. Les zones blanches sont devenues des points noirs. Et l’étude « Quel débit » publiée le 27 janvier par UFC-Que Choisir fustige le « mauvais haut débit » dans les zones rurales dont sont pénalisés 32 % des consommateurs (6). « Bilan en demi-teinte » a pointé le Sénat en novembre dernier lors de l’examen du volet « Cohésion des territoires » du projet de loi de finances (PLF) pour 2022 : « des progrès à confirmer dans la réduction de la fracture numérique » ; « un bilan en demi-teinte qui impose la poursuite des efforts pour résorber les zones blanches ».

La « 4G pour tous », mais pas pour tous
Pour la commission sénatoriale de l’aménagement du territoire et du développement durable, le compte n’y est pas malgré le dynamisme constaté des déploiements dans le cadre de ce New Deal Mobile : « S’agissant du programme de couverture ciblée, environ 3.000 sites ont d’ores et déjà été identifiés par arrêté [plusieurs arrêtés de 2018 à 2021, ndlr] depuis le lancement du New Deal. (…) Les retards induits en 2020 par le premier confinement ne semblent pas s’être résorbés : malgré des améliorations (…). Sur la totalité des arrêtés, à la date du 30 juin 2021, 830 sites de couverture ciblée étaient en service » (7).
Selon un bilan publié le 14 janvier dernier par la FFTélécoms et arrêté au 31 décembre cette fois, les 1.115 sites en service ont été atteints sur ce dispositif de couverture ciblée (8). Quant aux zones blanches dites ZBCB, dont il restait encore 25 % à couvrir d’ici la fin de cette année, elles seront scrutées de près par les sénateurs garants de l’aménagement numérique des territoires. « le New Deal Mobile est une réalité tangible dans les territoires » avec « 98 % des sites des opérateurs convertis en 4G », affirme la FFTélécoms :
• L’objectif de « généraliser la 4G sur l’ensemble des sites en propre des opérateurs avant fin 2020 » a été atteint.
• L’objectif de « généraliser la 4G sur les sites multi opérateurs issus des anciens programmes zones blanches [centres-bourgs] d’ici fin 2022 » est atteint à 89 %.
• L’objectif de « couverture de 5.000 nouvelles zones par opérateur identifiées par les élus de terrain d’ici fin 2027 » atteint à ce stade 1.115 nouveaux pylônes 4G multi opérateurs.
• L’objectif de « généraliser la 4G le long des axes routiers prioritaires », initialement prévu à fin 2020, est atteint entre 99,6 % et 99,8 %. Sur ce dernier point, tous les axes routiers dits prioritaires de l’Hexagone comprennent 55.000 kilomètres de routes, dont 11.000 km d’autoroutes et 44.000 km d’axes routiers principaux reliant, au sein de chaque département, le chef-lieu de département (préfecture) aux chefs-lieux d’arrondissements (sous-préfectures), et les tronçons de routes sur lesquels circulent en moyenne annuelle au moins cinq mille véhicules par jour. « Les opérateurs sont tenus de couvrir les axes routiers prioritaires en 4G, à l’extérieur des véhicules d’ici fin 2020, et à l’intérieur des véhicules d’ici 2022 ou 2025. Selon l’Arcep, plus de 99 % des axes routiers prioritaires seraient couverts en très haut débit mobile. Les opérateurs devront aussi couvrir 90 % des lignes ferroviaires du réseau ferré régional d’ici fin 2025 », ont rappelé les sénateurs, toujours dans le cadre du PLF 2022.
Ils ont en outre constaté que la 4G fixe peine, elle, à se déployer. Ces services d’accès fixe à Internet sur les réseaux mobiles 4G sont une alternative à la connexion filaire dans les zones où les débits fixes ne sont pas suffisants. Le New Deal Mobile prévoit en effet, d’une part, une obligation pour les quatre opérateurs mobiles de proposer des offres de 4G fixe (obligation que Free a tardé à respecter), et, d’autre part, un engagement de ces mêmes opérateurs à créer des sites de 4G fixe dans des zones identifiées par le gouvernement via des arrêtés (9). « Au total, 510 sites identifiés par arrêté doivent être mis en service par Orange et SFR d’ici fin 2021. Sur ces 510 sites, seuls 75 étaient en service à la date du 30 juin 2021, selon l’Arcep », ont regretté les sénateurs en novembre. Dans sa communication « New Deal Mobile », la FFTélécoms n’en dit mot. De son côté, dans son rapport « Réduire la fracture numérique mobile : le pari du New Deal 4G » publié en juin 2021, la Cour des comptes appelait à mettre en place « un véritable suivi des sites de 4G fixe existants ».

Vers un « New Deal Mobile » 5G ?
Les collectivités territoriales, les consommateurs ou tous ceux qui veulent connaître la couverture mobile réactualisée peuvent accéder à trois sites web du gendarme des télécoms : Arcep.fr, où se trouve (10) le « tableau de bord du New Deal Mobile » (prochaine mise à jour le 31 mars prochain) ; Monreseaumobile.arcep.fr, un outil cartographique permettant de « comparer les opérateurs mobiles » (couverture simulée et qualité de service) ; Jalertelarcep.fr, une plateforme permettant à chaque utilisateur d’« être un acteur de la régulation » (mais pas de réponse individuelle aux alertes). Reste à savoir si la 5G aura à son tour son « New Deal Mobile » : ne serait-ce que pour permettre aux territoires les plus reculés d’avoir du vrai très haut débit à l’ère du télétravail imposé en temps de crise sanitaire. @

Charles de Laubier

« Build-up » de Fimalac depuis 2013, Webedia va avoir 15 ans mais sa rentabilité dépend des GAFA

Cofondé il y a près de 15 ans, Webedia – initialement éditeur de Purepeople et de Puretrend – a crû à coup d’acquisitions (Terrafemina, Allociné, Jeuxvideo.com, 750g, Talent Web, Easyvoyage, …) moyennant 350 millions d’euros à ce jour. Mais la fin des cookies déstabiliser le groupe.

Webedia, la « pépite » du milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière, fondateur de la holding Fimalac qui en a pris le contrôle il y a plus de huit ans, peut-elle se transformer en boulet ? La question peut paraître brutale, tant cet éditeur de médias en ligne se fait fort de se montrer à son avantage : plus de 600 millions d’euros de chiffre d’affaires, près de 30 millions de visiteurs par mois, des cibles plutôt jeunes appréciées des annonceurs, une rentabilité revendiquée, mais secrète, 2.500 salariés, …

« Accepter les cookies sinon payer » : réglo ?
Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes numériques, si l’on en croit Véronique Morali (photo), l’épouse de Marc Ladreit de Lacharrière et présidente de Fimalac Développement, ainsi que présidente du directoire de Webedia : « Sur le cinéma, le jeu vidéo et la cuisine, nous avons plutôt réussi. Nos sites assez emblématiques nous permettent de proposer du contenu, lequel n’est pas seulement monétisé par de la publicité traditionnelle mais aussi par du programmatique (achat d’espaces publicitaires en temps réel, comme à la Bourse) pour toucher les cibles – plutôt jeunes – au meilleur moment. Et nos annonceurs nous demandent aussi de les aider à aller jusqu’à la vente, jusqu’à la transaction : c’est l’affiliation sur laquelle nous nous sommes positionnés », s’est-elle félicitée en décembre, lors d’un entretien organisé par l’école de commerce HEC et relayé par Challenges et BFM Business (1).
Mais la dirigeante, qui a créé en 2008 le magazine féminin en ligne Terrafemina (intégré cinq ans plus tard dans Webedia tout juste acquis par son mari), reste très discrète sur la rentabilité du groupe. D’autant que sa maison mère, Fimalac, n’est plus cotée en Bourse depuis juillet 2017. Rentabilité opérationnelle et pertes nettes ? « Malheureusement, nous ne communiquons pas ces informations pour l’instant », a répondu un porte-parole à Edition Multimédi@. Secret décidément bien gardé. Or la viabilité économique de la « pépite », qui veut « aider l’industrie culturelle française » (2), dépend étroitement des géants américains du Net. « Si les GAFA peuvent produire tous les contenus qu’ils veulent et à tout moment, tant leur puissance financière est grande, nous pouvons résister en nous positionnant sur des verticales où ils ne sont pas et où ils acceptent d’avoir de “petits partenaires” [comme Webedia, ndlr] », a expliqué Véronique Morali, en assumant cette « complémentarité ». Mais la fin annoncée des cookies publicitaires pourrait déstabiliser le modèle économique de Webedia. « Sur la data, nous sommes très attentifs. Nous travaillons avec la Cnil qui nous régule comme tous les sites médias. Nous avons choisi une stratégie transitoire en attendant de savoir ce que Google va décider sur le monde sans cookies », a-t-elle indiqué, alors que Google vient d’annoncer justement la fin des cookies tiers sur Chrome d’ici fin 2023 (3). Depuis mars 2021, Webedia a pris le parti de mettre sur sa soixantaine de sites web des « cookie wall » (4) : soit les internautes acceptent les cookies et accèdent gratuitement aux contenus, sinon ils doivent payer – 2 euros pour un mois (5) pour chaque site de Webedia – pour y accéder. La Cnil s’était opposée à une telle pratique, jusqu’à ce que le Conseil d’Etat en annule l’interdiction complète (6). Le gendarme des données considère cet « accepter ou payer, sinon pas d’accès » comme étant susceptible de porter atteinte à la liberté du consentement. La licéité sera analysée par la Cnil « au cas par cas » avec les éditeurs (7)… « La gratuité l’emporte, les visiteurs préférant accepter des cookies », a fait valoir Véronique Morali.
La présidente de Webedia a en outre reconnu que l’année 2020, impactée par la pandémie, avait été « difficile ». Elle ne s’est pas attardée sur les nombreux départs de youtubeurs à fortes audiences : Hugo Tout Seul, Squeezie ou encore Léopold ont quitté Webedia. Elle a relativisé ces désaffections, qui se sont poursuivies l’an dernier comme l’a montré le « bye bye webed » de McFly et Carlito (8) – fameux duo qui avait séduit Emmanuel Macron (9). Certains d’entre eux se sont affranchis de Webedia après avoir encaissé en 2019 leur dernier gros chèque du montant que ce dernier devait, selon Capital, leur verser en plusieurs années (earn out) pour l’acquisition de leur participation dans la régie publicitaire Talent Web (10). Une audience globale qui plafonne Cyprien, Norman et Natoo étaient aussi au capital de Talent Web au côté de Mixicom, réseau de chaînes Internet tombé dans l’escarcelle du couple Lacharrière-Morali, mais ils sont toujours là (11), au sein de la nouvelle entité Webedia Creators (12). Depuis, l’audience globale de Webedia en France semble plafonner au-dessus des 28 millions de visiteurs uniques par mois. Ce qui, d’après les classements de Médiamétrie, place l’éditeur de Terrafemina, d’Allociné, de Jeuxvideo.com, de 750g ou encore d’Easyvoyage en douzième ou treizième position (c’est selon) de l’Internet français. @

Charles de Laubier

Presse : Cafeyn étudie l’option d’un tarif premium

En fait. Le 25 janvier, lors d’une keynote digitale, le fondateur et directeur général du kiosque numérique Cafeyn (ex-LeKiosk.fr), a dévoilé des innovations (narration audio et fil d’actualité) avant de répondre à des questions sur la stratégie de l’entreprise créée il y a 15 ans. Notamment les tarifs et l’absence de titres.

En clair. Créée il y a 15 ans (1), l’entreprise LeKiosque.fr édite depuis 2010 LeKiosk devenu il y a plus de deux ans Cafeyn. Cette plateforme de streaming d’information (2) compte aujourd’hui plus de 2,5 millions d’utilisateurs inscrits (3) – y compris ceux en essai gratuit le premier mois, avant de payer 9,99 euros par mois au-delà s’ils le désirent. A ce prix-là, ils ont accès à près de 3.000 journaux et magazines français et étrangers (4), au format PDF pour la publication, ou à l’article en ligne et éditorialisé (curation des contenus, narration audio, fil d’actualité, etc.). De quoi séduire de nombreux lecteurs multi-titres, alors que des éditeurs ont encore augmenté leurs tarifs au numéro depuis le 1er janvier – comme Le Figaro passé à 3,20 euros l’exemplaire. A côté, les 9,99 euros mensuels pour accéder à des milliers de journaux paraissent incroyables. « Nous avons aujourd’hui une réflexion sur l’évolution de nos tarifs. Pour l’instant, nous préférons conserver une simplicité d’accès à nos offres pour avoir le bassin d’utilisateurs le plus large possible. Ensuite, une segmentation sera à l’étude en fonction de la consommation et du catalogue disponible dans nos offres », a répondu Ari Assuied (photo), cofondateur et DG de Cafeyn, à une question posée par Edition Multimédi@ lors d’une keynote digitale le 25 janvier. Et y aura-t-il des tarifs premium pour des contenus/services à valeur ajoutée ? « C’est une option que l’on étudie ».
Si la plupart des éditeurs répondent présents sur Cafeyn, certains ont récemment retiré leurs titres, L’Equipe, Le Point et Ouest-France, craignant la cannibalisation de leur propre offre numérique ou la destruction de valeur. « Cela ne traduit pas une tendance de fond car notre catalogue s’est plutôt enrichi, a rassuré Ari Assuied. Notre fonction d’agrégateur est complémentaire de la stratégie d’auto-distribution, laquelle est privilégiée par certains éditeurs, isolés, qui s’inspirent du modèle unique du New York Times». Le Monde, lui, reste le grand absent des kiosques numériques, que cela soit sur Cafeyn ou ePresse alias Readly (5). « Nous respectons la décision du groupe Le Monde mais nous la regrettons, dit-il. Notre conviction est qu’il n’y a pas de raison que les tendances que l’on a connues sur les marchés du divertissement, comme la musique et la SVOD, ne puissent pas apparaître pour l’information. Le développement des usages va s’accélérer ». @

Cinéma : les salles et Canal+ protégées pour 3 ans

En fait. Le 24 janvier, toute la filière professionnelle du cinéma français et des plateformes de VOD/SVOD a signé – à l’exception de la SACD (1) – l’accord sur le réaménagement de la chronologie des médias. Malgré la révolution des usages, Canal+ (Vivendi) et les salles de cinéma (FNCF) préservent leur pré-carré jusqu’en février 2025.

En clair. Deux monopoles vont pouvoir continuer à prospérer en France à l’ombre de la nouvelle chronologie des médias que viennent de signer la quasi-totalité des organisations du cinéma français – le Blic (2), le Bloc (3) et l’ARP (4) – avec Canal+ (historiquement favorisé car grand financeur de films) et la Sévad (Syndicat des éditeurs de vidéo à la demande). Ces deux monopoles du 7e Art français, reconduits pour trois nouvelles années (jusqu’en février 2025), sont : d’une part, les salles de cinéma, qui conservent encore leur exclusivité durant quatre mois pour la première diffusion des nouveaux films, et, d’autre part, Canal+ du groupe Vivendi, qui est la seule chaîne cryptée avec OCS (dont Canal+ détient 33,33 % du capital aux côtés des 66,67 % d’Orange) à bénéficier des films dès six mois après leur sortie en salle.
Ces deux opérateurs historiques – les salles obscures et la chaîne cryptée – ne sont pas concurrencés sur leur propre marché respectif, entendez sur leur « fenêtre de diffusion » (dans le jargon de la chronologie des médias) pas aucun rival. Et pour cause : Canal+ et la FNCF (5) ont chacun défendu becs et ongles leur exclusivité monopolistique, les salles de cinéma durant quatre mois (trois mois en cas de rares dérogations) et la chaîne cryptée durant au moins neuf mois (sur les seize mois alloués). Ce statu quo des salles (aux quatre premiers mois inchangés) et de la chaîne cryptée (passant même à six mois après la salle au lieu de huit) paraît incompréhensible au regard de la révolution des usages numériques qui est à l’oeuvre depuis ces dernières années.
La nouvelle génération n’a pas d’attirance pour ni les salles ni la télé. En revanche, ces générations Y, Z et Alpha regardent volontiers leurs films et séries sur les plateformes de VOD et encore plus sur la SVOD : Netflix, Amazon Prime Video et Disney+ en tête. Or le « réaménagement » de la chronologie des médias, laquelle reste inexplicable pour le grand public, maintient la VOD à l’acte à quatre mois après la sortie des films et la SVOD par abonnement à… quinze mois voire dix-sept après la sortie des mêmes films. Certes, la SVOD avancent de quelques cases, comme dans un jeu de l’Oie, puisqu’elle était auparavant à trente-six mois. Le grand danger d’une telle anachronie est d’encourager le piratage sur Internet de ces œuvres cinématographiques et audiovisuelles. @

Le Blockchain Gaming devient rival du Cloud Gaming

En fait. Le 10 janvier, l’une des majors du jeux vidéo, Take-Two Interactive, a annoncé un accord en vue de racheter l’éditeur de jeux sociaux mobile Zynga pour 12,7 milliards de dollars. Le 21 décembre, ce dernier s’est allié avec Forte pour développer le Blockchain Gaming. Comme du Cloud Gaming, mais décentralisé.

En clair. Si l’on conçoit que le Blockchain Gaming fonctionne sur un réseau de chaîne de blocs (blockchain) décentralisé sur les ordinateurs de ses utilisateurs (gamers), cette nouvelle architecture pourrait à terme faire de l’ombre au Cloud Gaming, qui, lui, tourne sur des centres informatiques (data centers).
C’est un peu le Web 3.0 qui vient marcher sur les plates-bandes du Web 2.0. Quelques jours avant l’annonce de l’accord trouvé avec Take-Two Interactive – éditeur du célèbre GTA (1) – pour être racheté 12,7 milliards de dollars, le « bouledogue » des jeux mobiles et sociaux Zynga (2) avait annoncé une alliance dans le Blockchain Gaming avec un spécialiste des chaînes de blocs pour jeux vidéo, Forte. Objectif : saisir les opportunités de croissance de la blockchain et des jetons non-fongibles (NFT) sur le marché du jeu vidéo (3). La start-up américaine Forte – alias Forte Labs (4) – venait justement de lever en novembre dernier 725 millions de dollars, notamment auprès de Andreessen Horowitz (a16z), Warner Music et Solana Ventures. Grâce à sa plateforme blockchain, Forte – composé d’anciens de Riot Games, d’Electronic Arts, de Sony ou encore de Rockstar Games – croit à l’« économie communautaire » du Blockchain Gaming. Bien que le « jeu blockchain » ou « jeu Web3 » en soit à ses débuts, il pourrait se développer à vitesse grand-V. CryptoKitties est considéré comme le premier jeu blockchain à avoir été lancé, en 2017 par Axiom Zen, utilisant des NFT et la cryptomonnaie Ethereum. Le jeu The Sandbox, racheté par Animoca Brands en 2018, a, lui, été redéveloppé à son tour pour la blockchain. Cette même année est sorti Axie Infinity, un jeu play-to-earn basé sur Ethereum et développé par le studio vietnamien Sky Mavis. Depuis de grands éditeurs de jeux vidéo tels que Ubisoft (5), Electronic Arts, Epic Games (Fortnite) ou Square Enix s’intéressent au Blockchain Gaming, tout comme la start-up Ultra.
Take-Two Interactive fait d’une pierre deux coups en rachetant Zynga et ses jalons posés dans le Web 3.0 avec Forte. En revanche, à l’automne dernier, Valve a dit qu’il refusait d’héberger sur sa plateforme Steam les jeux blockchain, cryptomonnaies et NFT compris. Les grands acteurs du Cloud Gaming, comme Stadia (Google), PS Now (Sony), Geforce Now (Nvidia) ou encore Luna (Amazon) pourraient perdre des parts de marché dans la futur bataille entre Blockchain Gaming et Cloud Gaming. @