La 5G franchira en 2022 les 10 % de connexions mobiles générées par les cartes SIM dans le monde

L’année 2022 s’annonce comme celle qui verra la 5G franchir la barre du 1 milliard de connexions au total dans le monde, que cela soit de la 5G mobile ou de la 5G fixe. Pour la première fois, elle va dépasser cette année le taux de 10 % des connexions mobiles grâce à 200 réseaux dans 70 pays.

La croissance de la 5G croît plus vite que les deux précédentes générations de mobiles sur la même période de démarrage commercial. « Cette croissance sans précédent représente le déploiement générationnel le plus rapide pour l’industrie du mobile par rapport à la 3G et la 4G. En comparaison, dix-huit mois après son lancement, la 5G représentait plus de 5,5 % des connexions mobiles – ni la 3G ni la 4G n’ont dépassé 2,2 % de pénétration au même moment de leur cycle de vie », s’est félicité Alex Sinclair (photo), directeur technique à la GSMA, laquelle réunit plus de 750 opérateurs mobiles et compte pour l’instant près de 200 réseaux 5G dans 70 pays.

Vers 2 milliards de connexions 5G fin 2025
Un total de 1 milliard de connexions mobiles 5G – correspondant à autant de cartes SIM connectées à partir d’un appareil compatible avec la cinquième génération de mobile – devrait être atteint d’ici la fin de 2022, sur un total de plus de 8,4 milliards de connexions toutes générations de mobiles confondues (hormis les connexions des réseaux cellulaires d’objets connectés estimés à 2 milliards en 2021). Ainsi, pour la première fois, la 5G va dépasser dans le courant de cette année les 10 % de connexions mobiles pour tendre, selon nos calculs, vers les 12%. Ce taux est à comparer aux 8% seulement en 2021 sur un total de 8,3 milliards de connexions mobiles toutes générations confondues.
Ce « dynamisme » permet à la GSMA de tabler sur un franchissement des 2 milliards de connexions 5G d’ici la fin de l’année 2025, soit tout de même dans trois ans et demi. A ce moment-là la 5G comptera pour environ un quart (taux de 25 %) du total des connexions mobiles et plus de deux personnes sur cinq dans le monde vivront à proximité d’un réseau de cinquième génération. « La dynamique a été stimulée notamment par la reprise économique après la pandémie, la hausse des ventes de smartphones 5G, l’extension de la couverture des réseaux, et les efforts de marketing des opérateurs mobiles », souligne l’association professionnelle dans son rapport « The Mobile Economy Report 2022 » publié en mars (1). L’impulsion a été donnée par les marchés pionniers en 5G que sont la Chine, la Corée du Sud et les Etats-Unis. A la fin de 2021, ils étaient 176 opérateurs mobiles sur 70 marchés dans le monde à avoir lancé des services 5G commerciaux. Parmi eux, près de 70 offrent des services de 5G fixe (2). Côté Samsung, le numéro un mondial indétrônable des fabricants de smartphones (3), a indiqué qu’il s’attendait à ce que les smartphones 5G représentent en 2022 plus de la moitié de toutes ses ventes de smartphones. « Une nouvelle vague de déploiement de la 5G dans de grands marchés à revenus modestes comme le Brésil, l’Indonésie et l’Inde pourrait stimuler davantage la production de masse d’appareils 5G plus abordables », prévoit la GSMA. Autrement dit, les pays dits émergents pourraient contribuer fortement à démocratiser la 5G. Les smartphones compatibles vont devenir abordables, leur prix de vente passant sous les 500 dollars l’unité – avec certains d’entre eux à moins de 150 dollars comme chez le fabricant chinois Realme, filiale du groupe BBK Electronics.
Si les 10 % des connexions en 5G sont atteints au cours de cette année 2022, ce taux paraît faible au regard des investissements importants que consacrent les opérateurs mobiles aux déploiements des réseaux de cinquième génération. Et ces « Capex » (4) s’annoncent élevées pour les années à venir. D’après la GSMA, les opérateurs mobiles devront investir – entre 2022 et 2025 – plus de 600 milliards de dollars dans le monde, dont environ 85 % dans les réseaux 5G. La 4G, elle, a atteint son apogée durant l’année 2021 en représentant 58 % des connexions mobiles dans le monde. Elle a depuis entamé son déclin au profit de la 5G, laquelle ne sera pas pour autant la génération majoritaire lorsque la 4G deviendra minoritaire dans ces connexions mobiles au-delà de l’année 2025. Quant à la 3G, elle passe cette année sous la barre des 20 % des connexions mobiles. De nombreux autre opérateurs mobiles dans le monde se délestent de ces anciens réseaux. Aux Etats-Unis, AT&T a entamé l’extinction progressive de son réseau 3G depuis le 22 février dernier (5). En France, Orange prévoit de fermer ses réseaux 2G et 3G d’ici respectivement fin 2025 et fin 2028 (6).

L’« écomobile » génère 5 % du PIB mondial
Pour l’heure, à fin 2021 et toutes générations de mobiles confondues, le nombre d’abonnés mobiles a atteint les 5,3 milliards de personnes, soit 67 % de la population mondiale. Le seuil des 70 % de pénétration sera atteint d’ici fin 2025 avec 5,7 milliards d’abonnés mobile sur la planète. Les revenus générés l’an dernier par les technologies et services mobiles en général ont atteint 4.500 milliards de dollars (autrement dit 4,5 trilliards de dollars), soit 5% du PIB mondiale. Ce chiffre atteindra près de 5.000 milliards de dollars d’ici 2025. @

Charles de Laubier

Le groupe Meta Platforms peut-il vraiment retirer Facebook et Instagram de l’Union européenne ?

Dans son rapport annuel, Meta n’exclut pas de supprimer d’Europe ses réseaux sociaux – Facebook, Instagram ou WhatsApp – s’il ne peut pas transférer les données personnelles européennes aux Etats-Unis. Retour sur cette menace qui soulève des questions économiques et juridiques.

Par Arnaud Touati, avocat associé, Hashtag Avocats

La société américaine Meta Platforms a-t-elle le droit et le pouvoir de retirer Facebook et Instagram du marché européen ? Techniquement, elle pourrait retirer Facebook et Instagram du marché européen, notamment des Vingt-sept Etats membres de l’UE. En effet, une société est libre de déterminer son marché et de proposer ou de retirer librement ses services sur le territoire d’un Etat. Cependant, économiquement parlant, le marché européen est considérable pour la firme de Mark Zuckerberg qui en est le PDG et fondateur.

Europe : 25 % des revenus de Meta
Le groupe a annoncé que l’Europe représentait, pour le dernier trimestre 2021, plus de 8,3 milliards de dollars de chiffre d’affaires, soit près du quart du total réalisé par Meta à l’échelle mondiale. De même, le revenu moyen par utilisateur sur Facebook en Europe (Messenger, Instagram et WhatsApp compris) se situe en moyenne à 19,68 dollars sur ce quatrième trimestre 2021, en deuxième position derrière la région « Etats-Unis & Canada » (1). Au total, l’Europe a généré 25% du chiffre d’affaires trimestriel.
De même, si la maison mère Meta Platforms décidait de mettre fin à ses services en Europe, il lui appartiendrait de résoudre la délicate question du sort des données des utilisateurs européens – au nombre de 427 millions à la fin de l’année dernière (2). En effet, Facebook, Messenger, Instagram ou encore WhatsApp ont obtenu de nombreuses données des utilisateurs. Cela impliquerait donc nécessairement de restituer aux utilisateurs toutes leurs données. Dans quelles conditions ? Comment ? La question est ouverte.
Au-delà des questions économiques que soulèverait pour Meta la mise à exécution de sa menace de retirer ses réseaux sociaux, cela poserait également des questions juridiques. Le règlement général sur la protection des données (RGPD), adopté en 2016 par le Parlement européen (3) et en vigueur depuis mai 2018, prévoit l’encadrement des transferts des données à caractère personnel vers des pays tiers. Les dispositions du règlement doivent donc être appliquées, afin que le niveau de protection des personnes physiques garanti par ledit règlement ne soit pas compromis. Peut-il y avoir des passe-droits en matière de RGPD ? (4) Plutôt que de « passe-droit », parlons plutôt de « tempérament », c’est-à-dire de l’assouplissement de certaines dispositions réglementaires dans des hypothèses bien déterminées. Il conviendrait ainsi de dire qu’il n’existe pas a priori de tempérament en matière de RGPD, au vu de l’importance du respect de la protection des données et de l’obligation d’encadrement des transferts de données. Néanmoins, il convient de relativiser cet état de fait. En effet, en France, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) prévoit une procédure de mise en demeure, dans l’hypothèse où un organisme ne respecterait pas les obligations relatives à l’encadrement des transferts de données. Elle précise qu’une « mise en demeure est une procédure qui intervient après une plainte ou un contrôle et ne constitue pas une sanction » (5). Dans pareille situation, deux issues sont possibles. Si l’organisme se conforme aux dispositions pendant le délai imparti, le transfert des données sera considéré comme légal et conforme. Dans le cas contraire, l’organisme peut se voir attribuer des sanctions, lesquelles sont, pour la majeure partie d’entre elles, pécuniaires. Cependant, cette sanction ne garantit pas le respect postérieur du RGPD, ce qui pourrait donc in fine valoir tempérament implicite, pour peu que ledit organisme ait des capacités financières significatives.
Par ailleurs, les transferts de données vers des pays tiers à l’Union européenne (UE) doivent respecter les principes du RGPD (6). Ainsi, la Commission européenne peut prévoir des décisions d’adéquation avec certains pays lorsqu’elle estime qu’ils assurent « un niveau de protection adéquat » (7). Les transferts de données vers ces pays-là ne nécessitent alors pas d’autorisation spécifique.

Dérogations pour cas particuliers
A l’inverse, lorsqu’un pays n’est pas reconnu comme garantissant une protection adéquate, l’article 46 du RGPD permet au responsable de traitement d’assurer lui-même que les transferts envisagés sont assortis de garanties appropriées, grâce à des clauses contractuelles types, des règles d’entreprise contraignantes, un code de conduite ou un mécanisme de certification. Dans les situations dans lesquelles un pays tiers n’est pas reconnu comme offrant un niveau de protection adéquat et en l’absence de garanties appropriées encadrant ce transfert, le transfert peut néanmoins, par exception, être opéré en vertu des dérogations listées à l’article 49 du RGPD. Tempérament du tempérament : ces dérogations – telles que le consentement explicite, l’exécution d’un contrat ou les motifs d’intérêt public – ne peuvent néanmoins être utilisées que dans des situations particulières et les responsables de traitement doivent, selon la Cnil, « s’efforcer de mettre en place des garanties appropriées et ne doivent recourir à ces exceptions qu’en l’absence de telles garanties » (8).

Marge de manœuvre des « Cnil »
A l’instar de son confrère irlandais, la Data Protection Commission (DPC), la Cnil pourrait-elle décider de modifier ses accords en matière de transfert des données vers les Etats-Unis ? Pour rappel, la DPC a refusé que les données des Européens soient collectées pour être stockées sur des serveurs américains, malgré la possibilité accordée par le RGPD, sous réserve des conditions (9). En effet, l’autorité de contrôle irlandaise considère que la loi américaine FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act) est problématique, puisqu’elle autorise expressément la NSA (National Security Agency) à collecter les données de personnes étrangères si elles sont stockées sur des serveurs américains.
A l’origine, le RGPD pose des règles relatives aux autorités de contrôle tenant notamment à leurs indépendance, compétences, missions et pouvoirs (10). Ces autorités ont une large marge de manœuvre. En effet, en France par exemple, la loi « Informatique et Libertés » modifiée dispose que « la [Cnil] est une autorité administrative indépendante » (11), et le règlement européen permet, lui, de réduire la protection des personnes dans des cas particuliers afin de tenir compte des exigences nationales. Ce n’est donc pas parce que l’autorité irlandaise a pris cette décision que la Cnil doit nécessairement suivre la même analyse. Pour autant, dans une affaire concernant Google, la Cnil a conclu, prenant une inflexion similaire à son homologue irlandaise, que, à l’heure actuelle, les transferts de données vers les Etats-Unis ne sont pas suffisamment encadrés : dans une décision du 10 février 2022, elle a en effet mis en demeure un gestionnaire de site de mettre en conformité avec le RGPD ses traitements de données, en retirant Google Analytics si besoin (12). Pour rendre pareille décision, la Cnil se fonde sur l’arrêt « Schrems II » (13) de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ayant invalidé en 2020 le « Privacy Shield » (voir encadré ci-dessous).
Toutefois, même si les autorités de contrôle protègent les données personnelles en refusant le transfert des données sur les serveurs américains, une loi américaine datant de 2018 – le Cloud Act (14) – pose problème. En effet, le « Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act » est une loi fédérale des Etats-Unis sur l’accès aux données personnelles, notamment opérées dans le nuage informatique. Elle permet aux instances judiciaires américaines d’émettre un mandat de perquisition contraignant les fournisseurs de cloud américains – même si les données sont stockées à l’étranger –, de fournir toutes les données d’un individu, sans qu’aucune autorisation ne soit demandée à la justice du pays dans lequel se situent l’individu ou les données.
Cette loi a été largement critiquée, étant entendu qu’elle se soustrait ainsi au contrôle des autorités réglementaires au sein du territoire de l’UE. Pour limiter, voire éviter une telle situation, la Commission européenne pourrait, à l’avenir, tenter de trouver un accord avec les Etats-Unis, et ainsi assurer la conformité avec le RGPD du transfert des données personnelles outre-Atlantique. En attendant, même si l’entreprise Meta a assuré le 8 février 2022, « n’avoir absolument aucune envie de se retirer de l’Europe, bien sûr que non » (15), la Commission européenne ne contournera pas l’arrêt « Schrems II » ayant annulé le « Privacy Shield », pas plus qu’elle ne l’avait fait pour l’arrêt « Schrems I » de 2015 annulant l’accord antérieur, le « Safe Harbour ». @

FOCUS

« Privacy Shield » : la CJUE peut-elle annuler… son annulation de 2020 ?
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pourrait-elle faire machine arrière et revenir sur sa décision d’annuler l’accord entre l’Union européenne (UE) et les Etats-Unis sur la gestion des données personnelles des Européens par les entreprises américaines et certaines autorités américaines ? Cet accord dit « Privacy Shield » était une décision d’adéquation adoptée en 2016 et encadrant les transferts de données vers les Etats- Unis. Ce qui permettait aux entreprises de transférer les données personnelles de citoyens européens aux Etats-Unis sans garanties complémentaires. Il a été annulé par l’arrêt « Schrems II » (16) de la CJUE daté du 16 juillet 2020. La CJUE avait mis en avant le risque que les services de renseignement américains accèdent aux données personnelles transférées aux Etats-Unis, si les transferts n’étaient pas correctement encadrés.
Cet arrêt a donc impliqué le réexamen des transferts de données personnelles à destination des Etats-Unis et la nécessité d’apporter des garanties complémentaires.
La portée de cet arrêt a des conséquences sévères et démontre que, si les Etats-Unis ne respectent pas la protection des données, la CJUE n’acceptera pas d’accords sur ces mêmes termes. Dorénavant, il sera à nouveau possible de négocier un accord entre les Etats-Unis et l’UE si, et seulement si, les Etats-Unis acceptent de se soumettre aux dispositions du RGPD et de modifier leurs lois de surveillance des données risquées. Ce qui permettrait ainsi aux entreprises américaines d’évoluer sur le marché européen. Lors d’une conférence de presse le 23 février, à l’occasion de la présentation du Data Act (lire p. 6 et 7), la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, s’est prononcée à ce propos : « Il est hautement prioritaire de conclure un tel accord avec les Américains (…), afin de permettre au milieu des affaires de tirer le meilleur parti des données (…) mais (….) dans des conditions transparentes et sûres » (17). Ainsi, les Etats-Unis et l’UE devront-ils trouver un accord alliant protection des données personnelles des utilisateurs européens et impératifs sécuritaires invoqués par l’administration américaine. @

Ubérisation et relations contractuelles : vers un statut juridique des travailleurs sur les plateformes

Les plateformes numériques telles que Uber ou Deliveroo sont aujourd’hui au cœur des relations commerciales. La progression exponentielle de cette économie numérique témoigne de leur rôle incontournable et de leur impact sur les acteurs-travailleurs de ce marché.

Par Julien Smadja, avocat associé, Emma Hanoun et Jade Griffaton, avocates collaboratrices, DJS Avocats

La transformation numérique a provoqué un changement de paradigme économique, social et juridique, impliquant de nombreuses problématiques. Le phénomène de l’ubérisation a remis en cause les relations et dichotomies traditionnelles existantes. Notamment, en matière de droit social, le développement des plateformes numériques a corollairement induit l’apparition de nouvelles formes d’organisation du travail qui n’étaient, jusqu’à présent, pas régulées.

De l’auto-entreprenariat au salariat
Le statut social des intervenants sur les plateformes en ligne a fait l’objet de nombreuses interprétations et jurisprudences quant à la qualification de leur relation avec les plateformes numériques. Aujourd’hui, le statut indépendant des travailleurs sur ces plateformes, notamment de voiture de transport avec chauffeur (VTC) et de livraison de repas, tend évoluer vers le salariat. Par principe, ces acteurs – qui travaillent pour ces plateformes de services de transport, de livraison ou autres prestations – exercent leur activité sous un statut indépendant. En France, le modèle économique de ces plateformes numériques repose principalement sur l’emploi de travailleurs indépendants – exerçant le plus souvent leur activité dans le cadre de l’auto-entreprenariat. Rappelons que les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, ou enregistrées sous le statut d’auto-entrepreneur, bénéficient d’une présomption simple de non-salariat consacrée par l’article L. 8221-6 du code du travail (1). Ces personnes prestataires qui offrent leurs services sur des plateformes sont souvent dans une situation précaire. Ces travailleurs sont juridiquement indépendants (signature d’une convention de prestation de service, libre connexion aux plateformes, libre organisation des horaires de travail, …) mais économiquement dépendants (impossibilité de choisir ni leurs clients, ni le prix de leur prestation, ni les conditions d’exécution de leur travail). La loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, loi dite « El Khomri » (2), tend à prendre en considération leur situation : elle crée en effet un embryon de responsabilité sociale des plateformes Internet de mise en relation à l’égard des travailleurs indépendants utilisant ces plateformes de services en ligne (article L.7342-1 à L.7342-6 du code du travail). Les intéressés peuvent depuis, sous certaines conditions, bénéficier de la prise en charge par ces dernières de certains frais : le coût des cotisations « accident du travail » dans le cas où le travailleur indépendant décide de souscrire personnellement à cette assurance (dans la limite d’un plafond fixé par décret), la contribution à la formation professionnelle, les frais d’accompagnement à la validation des acquis de l’expérience (VAE), etc.
Aujourd’hui, les juges consacrent à la requalification de la relation entre la plateforme et la personne prestataire en contrat de travail dans le secteur du transport. Ainsi, la chambre sociale de la Cour de cassation avait été saisie de la question de la nature du contrat liant un livreur à la plateforme numérique Take Eat Easy, dans un arrêt du 28 novembre 2018. La Cour affirme – pour la première fois – que le contrat passé entre un coursier et une plateforme en ligne est un contrat de travail, dès lors que l’existence d’un lien de subordination était établie (3). Selon la Cour de cassation, qui se fondait sur l’article L. 8221-6, II du code du travail, deux critères caractérisaient le lien de subordination permanent et, donc, l’existence d’un contrat de travail :
• L’existence d’un pouvoir de contrôle de la part de la société, résidant dans la mise en place par la plateforme d’un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel de la position du coursier et comptabilisant le nombre total de kilomètres parcourus.
• L’existence d’un pouvoir de sanction de la société à l’égard du coursier, sous forme de pénalités distribuées en cas de manquement du coursier à ses obligations contractuelles (les retards dans les livraisons entraînaient une perte de bonus et pouvaient même conduire à la désactivation du compte du coursier au-delà de plusieurs retards).

Subordination : faisceau d’indices
Une solution équivalente a été admise à propos des chauffeurs de VTC de la plateforme Uber. L’arrêt rendu en appel, lequel faisait l’objet du pourvoi, avait requalifié en contrat de travail la relation entre le chauffeur et la plateforme numérique. Ecartant la présomption simple de non-salariat de l’article L.8221-6, I du code du travail, la cour d’appel avait effectivement reconnu un lien de subordination caractérisé par un faisceau d’indices. Par son arrêt du 4 mars 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme la solution de la cour d’appel (4). En l’état du droit positif, le statut des personnes prestataires sur de tels plateformes numériques n’a pas été clairement encadré par la loi et doit pour l’instant être déterminé au cas par cas, par la jurisprudence, en fonction des modalités d’exécution des contrats concernés, et, en se référant, en cas de similitudes, aux critères définis les juges.

L’ARPE, nouveau régulateur social
Cette jurisprudence fragilise incontestablement le modèle économique des plateformes de services en ligne fondé, pour des raisons de coûts et de flexibilité, sur le recours systématique à une main d’œuvre ayant le statut de travailleurs indépendant. D’ailleurs, certaines juridictions du fond ont initié un mouvement de résistance : la Cour d’appel de Paris a ainsi refusé en octobre 2020 la qualification d’un contrat de travail pour les livreurs de la plateforme de livraison de repas Tok Tok Tok (5) ou plus récemment en avril 2021 pour les livreurs Deliveroo (6). La Cour d’appel de Lyon a elle-même rejeté un peu plus tôt, en janvier 2021, la demande de requalification présentées par un chauffeur Uber (7).
Certaines propositions visent à concilier exigence de sécurité et préservation du modèle organisationnel des plateformes numériques. Parmi ces propositions, il y a le recours à un tiers employeur qui salarierait les travailleurs et les mettrait à disposition de ces plateformes. Cette proposition a été énoncée dans le rapport « Réguler les plateformes numériques de travail » (8), remis au Premier ministre en date du 1er décembre 2020. Il s’inscrit dans un objectif visant à sécuriser les relations juridiques et les travailleurs sans remettre en cause la flexibilité apportée par le statut d’indépendant : mise en place d’une autorité de régulation des plateformes, promotion du dialogue social, etc.
Le droit comparé montre la convergence d’une lente évolution en ce sens, le droit français n’étant pas en reste à travers des réformes récentes incluant les travailleurs indépendants dans de nouvelles protections. Notamment, l’ordonnance du 21 avril 2021 – portant sur les « modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes » (9) – entend réguler la relation de travail au sein du secteur en permettant la structuration d’un dialogue social entre les différentes parties prenantes. Ce dialogue social pourra ainsi s’instaurer au niveau de deux secteurs d’activité : celui des activités de conduite d’une voiture de transport avec chauffeur (VTC) et celui des activités de livraison de marchandises à vélo, scooter ou tricycle. En particulier, pour chacun de ces secteurs d’activité, une élection nationale – à tour unique et par vote électronique – sera organisée afin de permettre aux travailleurs indépendants de désigner les organisations qui les représenteront, sous la supervision d’un nouvel établissement public chargé de « réguler les relations sociales entre plateformes et travailleurs indépendants » : l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE). « J’ai pleine confiance en Bruno Mettling [nommé président du conseil d’administration, ndlr] et Joël Blondel [désigné directeur général, ndlr] pour mener à bien les missions de l’ARPE et accompagner les 100.000 travailleurs concernés [en France] », a déclaré fin novembre 2021 Elisabeth Borne, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, à l’occasion de la parution de deux décrets de nomination (10).
Ce paradigme a néanmoins vocation à évoluer de façon plus radicale sous l’impulsion de la Commission européenne. Alors que certains pays de l’Union européenne (UE) – tels que l’Espagne avec sa loi « Rider » (11) entrée pleinement en vigueur le 12 août 2021 – ont déjà amorcé l’évolution du statut des travailleurs des plateformes numériques vers le salariat, une proposition de directive européenne visant à réguler le statut des travailleurs des plateformes numériques a été présentée le 9 décembre 2021 par la Commission européenne (12). Ce texte, visant à « l’amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme » (13), invite les autorités nationales à traiter les plateformes numériques comme des employeurs de droit commun dès lors que certains critères sont caractérisés, dont notamment le fait que l’entreprise : fixe les niveaux de rémunération, supervise à distance les prestations, ne permet pas à ses employés de choisir leurs horaires ou de refuser des missions, impose le port d’uniforme, ou encore interdit de travailler pour d’autres entreprises. Dans une telle hypothèse, les plateformes numériques devront faire application des règles légales et conventionnelles applicables aux salariés, notamment en matière de droits sociaux et droits du travail qui découlent du statut de salarié. Cette présomption réfragable (comprenez, jusqu’à preuve du contraire) de salariat peut être renversée par la plateforme numérique en démontrant que les relations avec son prestataire sont exclusives de la qualification d’une relation de travail.

Une directive européenne en vue
En tout état de cause, la directive européenne prévoit des améliorations sur les conditions de travail, accordées tant aux travailleurs salariés qu’aux travailleurs indépendants. De 28 millions de personnes concernées actuellement par ces plateformes dans l’UE, elles seront probablement 43 millions en 2025 (14). Notamment, la Commission européenne souhaite encadrer le recours aux algorithmes pour la gestion du travail en exigeant un « suivi humain » pour veiller au respect des conditions de travail et créant le droit de contester des décisions automatisées. Le texte doit ensuite faire l’objet d’un examen par le Parlement européen (15), puis par le Conseil de l’UE – présidé au premier semestre 2022 par la France – avant une entrée en vigueur prévue, a priori, au second semestre 2022. @

Le numérique encerclé par l’écologie et… l’Arcep

En fait. Le 14 décembre, l’Arcep a twitté. « Pour un #numériquesoutenable : un nouveau pouvoir de collecte pour l’@Arcep [bras montrant ses biceps] ! Il permettra la collecte de données sur l’empreinte environnementale de l’ensemble de l’écosystème numérique », a lancé le régulateur des télécoms présidé par Laure de La Raudière.

En clair. La proposition de loi visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l’Arcep a été adoptée le 13 décembre à l’unanimité et… avec applaudissements sur les bancs du groupe de la majorité présidentielle (1). Le gendarme des télécoms – et désormais régulateur environnemental du numérique – n’a pas manqué le lendemain sur Twitter de montrer ses muscles : « Pour un #numériquesoutenable : un nouveau pouvoir de collecte pour l’@Arcep [bras gonflant ses biceps] ! Il permettra la collecte de données sur l’empreinte environnementale de l’ensemble de l’écosystème numérique » (2). Ainsi, toute la filière digitale de France devra montrer pattes blanches au regard du digital vert : l’Arcep aura désormais – à partir du 1er janvier 2022 – un pouvoir d’enquête écologique par la collecte de données environnementales.
Sans pouvoir leur opposer le secret des affaires ni la confidentialité, les entreprises concernées seront tenues de fournir aux agents assermentés de l’Arcep les informations et documents demandés en rapport avec « l’empreinte environnementale du secteur des communications électroniques ou des secteurs étroitement liés à celui-ci ». Non seulement les opérateurs télécoms et fournisseurs d’accès à Internet – au premier rang desquels Orange, Bouygues Telecom, Free et SFR – seront obligés de jouer le jeu, mais aussi tous les autres « fournisseurs de services de communication au public en ligne », ainsi que les « opérateurs de centre de données » (cloud), « fabricants d’équipements terminaux », « équipementiers de réseaux » et « fournisseurs de systèmes d’exploitation ».
Objectif : s’assurer que tout ce monde-là respect les principes et obligations qui leur sont imposées par le code des postes et des communications électroniques (3). Le gendarme des télécoms se servira aussi de ses données pour élaborer le « baromètre environnemental du numérique » que prévoit une autre loi : la « Reen », à savoir la loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, laquelle a été promulguée le 16 novembre dernier (4). En cas manquement, les sanctions pécuniaires pourront pleuvoir : jusqu’à 3% du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise en cause, voire 5% en cas de récidive. Pour éviter de se faire épingler, les opérateurs télécoms ont présenté le 15 décembre leur « charte pour un numérique durable » (5). Et ce n’est pas du greenwashing. @

L’e-sportmondial a franchi 1 milliard de dollars de revenus, tandis que la première teamentre en Bourse

La société danoise Astralis est cotée au Nasdaq de Copenhague depuis le 9 décembre. C’est la toute première équipe (team) de e-sport au monde à entrer en Bourse. Historique. Cela illustre plus que jamais le dynamisme de ce marché du sport électronique, qui pèse plus de 1 milliard de dollars.

Selon le cabinet d’études néerlandais Newzoo, le marché mondial du e-sport va franchit pour la première fois en 2019 la barre du milliard de dollars de chiffre d’affaires, pour s’établir à près de 1,1 milliard. Et selon ses prévisions, la croissance à deux chiffres devrait se poursuivre au rythme de 20 % par an pour atteindre près de 1,9 milliard de dollars en 2022. « La forte croissance du marché crée une pléthore d’opportunités que le groupe Astralis est bien placé pour exploiter grâce à son approche hautement professionnalisée de l’e-sport », se félicite l’entreprise danoise Astralis.