Eric Walter, Hadopi : « On ne peut plus légiférer en 2014 contre le piratage comme on l’a fait en 2009 »

La Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) aura 5 ans le 12 juin. « Si c’était à refaire aujourd’hui, le texte serait sans doute différent » nous dit son secrétaire général, qui dresse un bilan
« largement positif » avec le piratage « stabilisé ». Le nombre de 100 dossiers transmis à la justice est atteint.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Eric WalterEdition Multimédi@ : La loi Hadopi du 12 juin 2009, instaurant
la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, a 5 ans dans quelques jours. Quel bilan faites-vous de ce texte de loi très controversé ? Si c’était à refaire, faudrait-il l’adopter en l’état ?
Eric Walter :
Je n’ai pas à faire le bilan du texte. C’est une responsabilité qui appartient au législateur.
En revanche, nous pouvons dresser un bilan de la mise en oeuvre.
Il est largement positif, au delà des controverses qui, pour beaucoup, se nourrissent d’approximations voire souvent d’erreurs.
Le téléchargement illicite est désormais stabilisé. Nous ne nous en attribuons pas tout
le mérite, mais que l’existence même d’Hadopi et les débats qui l’ont entourée y aient contribué me semble une évidence difficile à contredire.

Musique : le streaming dépasse le téléchargement

En fait. Le 30 avril, le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) a présenté les chiffres du marché français de la musique enregistrée pour le premier trimestre 2014 : – 7,1 % à 100,3 millions d’euros, dont 32,9 millions pour les ventes numériques (+ 6,6 %). Mais le streaming inquiète quand même.

En clair. Les revenus du streaming sur le marché de la musique en ligne bondit (+ 40 % à 16,5 millions d’euros) pour devenir – pour la première fois en France – le premier moyen d’écoute musicale sur Internet : un peu plus de la moitié (50,08 %) des revenus numériques proviennent en effet de ce mode d’écoute de flux audio, bien qu’il représente encore seulement 16,5 % du marché global. « Le streaming est à lui seul le moteur de la croissance des ventes de musique numérique », a souligné Guillaume Leblanc, DG du Snep. L’année 2013 avait amorcé le « fléchissement du téléchargement » (1). Cependant, cette migration des usages du téléchargement vers le streaming préoccupe les producteurs de musique du Snep (2) car la croissance se fait plus en faveur du streaming gratuit financé par la publicité (+ 43,8 %), mais moins rémunérateur pour l’industrie musicale, qu’au profit du streaming par abonnement (+ 38,3 %) aux revenus plus élevés. Bien que la France compte « entre 1,5 et 2 millions d’abonnés » à un service de streaming musical (y compris les abonnements inclus dans un forfait comme Deezer avec Orange), ce segment a de plus en plus de mal à attirer un public habitué à la gratuité.

Accords entre cinéma et TV payantes : l’Europe enquête sur la protection territoriale absolue

A l’heure du satellite et du Net sans frontières, la Commission européenne vérifie
si les accords de licence entre les studios de cinéma et les chaînes de télévision payantes comportent des clauses dites de « protection territoriale absolue » de nature à restreindre indûment la concurrence.

Par Christophe Clarenc (photo) et Martin Drago, Cabinet Dunaud, Clarenc Combles & Associés

La Commission européenne a annoncé, le 13 janvier dernier, l’ouverture d’une enquête de concurrence portant sur « les restrictions qui pèsent sur la fourniture transfrontalière de services de télévision payante » (1) dans les accords de licence entre les grands studios de production américains – Twentieth Century Fox, Warner Bros., Sony Pictures, NBCUniversal et Paramount Pictures – et les principaux télédiffuseurs payants en Europe – Canal Plus en France, BSkyB au Royaume-Uni, Sky Italia en Italie, Sky Deutschland en Allemagne et DTS en Espagne.

Livre numérique : la croissance va ralentir en France

En fait. Le 21 mars, le 34e Salon du livre de Paris a ouvert ses portes pour quatre jours. L’édition est encore la première des industries culturelles (3,9 Mds €), devant les loisirs interactifs (1,8 Md €), la vidéo (1,2 Md €) et la musique (0,7 Md €). Mais elle reste la lanterre rouge dans le numérique.

En clair. Le marché français du livre numérique reste encore embryonnaire, mais en forte croissance. C’est ce qui ressort des chiffres des ventes 2013 fournis par l’institut d’études GfK : 44 millions de chiffre d’affaires, en croissance de près de 110 % sur un an, avec plus de 5 millions de téléchargements payants.
Malgré cette envolée, cela représente seulement 1,1 % du total du marché français du livre qui pèse 3,9 milliards d’euros l’an dernier (1). Mais selon nos calculs, si le marché des ventes d’ebooks en France a plus que doublé en 2013 par rapport à 2012, la croissance des quatre prochaines années – 2014 comprise – va ralentir (voir graphique ci-dessous). Cette croissance restera cependant à deux chiffres pour franchir, selon GfK, la barre des 100 millions d’euros de chiffre d’affaires courant 2015 et atteindre les 180 millions en 2017. Autant dire que le seuil des 200 millions sera franchi l’année suivante. @

Vers une licence « copie privée » pour le streaming

En fait. Le 27 février, le Parlement européen a adopté le rapport Castex (252 voix pour, 122 contre et 19 abstentions) sur « les redevances pour copie privée ».
Si la résolution donne la part belle aux ayants droits, les industriels peuvent
encore espérer des avancées de la part de la Commission européenne.

En clair. A court terme, la taxe pour la copie privée est maintenue. A long terme, il faudra trouver mieux. Tel est en substance, ce que dit la résolution adoptée par le Parlement européen le 27 février (1). « Il est nécessaire que des discussions soient menées à long terme afin de trouver un modèle plus efficace et plus moderne qui ne soit pas obligatoirement fondé sur une redevance forfaitaire liée aux appareils », considèrent les eurodéputés, dans leur résolution issue du rapport de l’eurodéputée Françoise Castex.
Un peu plus loin, ils n’écartent pas l’idée de licence telle que le rapport d’Antonio Vitorino (2) le préconisait début 2013, bien qu’elle ne soit pas retenue dans l’immédiat
– au grand dam des industriels de l’électronique grand public (dont l’organisation Digital Europe).
« Dans le cadre des œuvres en ligne, (…) les pratiques d’octroi de licences sont complémentaires du système de redevance pour copie privée », considèrent les eurodéputés.