Twitter se sent à l’étroit dans ses 140 caractères et voit plus grand pour accélérer sa croissance

Pour ses 10 ans, Twitter va franchir les 2 milliards de dollars de chiffre d’affaires mais perd toujours de l’argent. Le réseau social de microblogging veut séduire les annonceurs. Il lui faut accroître son audience et l’attention quotidienne des twittos et fellowers. Google arrive à la rescousse…

Twitter, qui aura dix ans dans six mois (1), revendique aujourd’hui un peu plus de 300 millions d’utilisateurs
actifs par mois dans le monde – seuil franchi depuis la fin de l’année dernière (2). Mais seulement moins de 45 % d’entre eux se connectent quotidiennement, alors que ce taux est comparativement de 65 % pour les 1,49 milliard d’utilisateurs de Facebook.

Condamné à faire plus grand public
Le co-fondateur de Twitter, Jack Dorsey (photo), qui a repris les choses en main cet été en devenant directeur général par intérim depuis la démission de Dick Costolo en juin, a qualifié d’« inacceptable » le nombre d’utilisateurs par mois. Au-delà du fait d’avoir
à rechercher un nouveau directeur général (3), il doit remettre le site web de microblogging sur le chemin de la croissance en le rendant aussi populaire que Facebook. Pour l’instant, Twitter a plus séduit des professionnels (communicants et personnalités) que le grand public. Fin juillet, lors des derniers résultats trimestriels,
le directeur financier de Twitter, Anthony Noto, avait prévenu qu’il n’y aura pas de croissance importante et durable du nombre d’utilisateurs tant que Twitter ne touchera pas le grand public : « Nous ne nous attendons pas à avoir une croissance régulière significative [du nombre d’utilisateurs] avant de commencer à toucher le grand public ». Ce qui, selon lui, « prendra un temps considérable », avant de reconnaître que « le produit reste trop difficile à utiliser ». Avec un taux de pénétration inférieur à 30 % sur ses principaux marchés, Twitter est finalement principalement utilisé par des early adopters et/ou des geeks. Un total de plus de 1 milliard d’internautes auraient essayé Twitter avant de renoncer à l’utiliser ! Il lui faudra donc élargir son public sous peine
de stagnation face aux dynamiques Facebook, Instagram ou Snapchat. Depuis cette douche froide, le cours de Bourse de l’oiseau bleu ne cesse de perdre de l’altitude : l’action est passée pour la première fois – le 21 août dernier – en dessous de son prix d’introduction qui avait été fixé en novembre 2013 à 26 dollars (soit une chute de 30 % depuis juillet) et peine depuis à remonter au-dessus des 30 dollars. On est bien loin du pic de 70 dollars atteint à la fin de cette année-là. Le seul rebond boursier remonte àmi-juillet lorsqu’une fausse dépêche de l’agence de presse Bloomberg – propagée par un site web créé au Panama quelque jours plus tôt – a affirmé que Twitter étudiait une offre de rachat pour 31 milliards de dollars ! Twitter pourrait être une proie de choix pour Google, lequel a renouvelé en mai dernier avec lui un accord de partenariat suspendu depuis 2011 afin de rendre encore plus visibles les tweets sur le moteur de recherche
et lui amener ainsi plus de trafic. Twitter, que Google va aussi aider pour proposer cet automne des articles par tweets instantanés avec la presse (4), a en outre conclu un partenariat avec DoubleClick, la régie publicitaire du même géant du Net, pour améliorer la mesure des performances publicitaires sur son réseau social. Autres partenaires de poids : Microsoft et Apple, dont les systèmes d’exploitation Windows
10 et iOS intègrent une nouvelle application Twitter.

Jack Dorsey doit aussi trouver des recettes supplémentaires pour mieux monétiser son réseau social, alors que les prévisions de chiffre d’affaires pour cette année 2015 n’ont cessé d’être revues à la baisse : l’objectif est actuellement ramené à une fourchette de 2,20-2,27 milliards de dollars (voir tableau), contre 2,17-2,27 milliards et même 2,3-2,35 milliards initialement. Malgré des résultats trimestriels (au 30 juin) meilleurs que prévus (5), Twitter pèse à peine 1% des 145 milliards de dollars dépensés en publicité numérique dans le monde (selon eMarketer). Les investisseurs s’inquiètent d’autant plus qu’après la démission de Dick Costolo (au bout de cinq ans à ce poste), Jack Dorsey doit lui trouver un successeur de toute urgence et « à temps plein ».

Recruter vite un nouveau DG
Des noms circulent : Padmasree Warrior, ancienne dirigeante de Cisco, ou Jim Lanzone, actuel PDG de CBS Interactive, ou bien encore Adam Bain, responsable des revenus et des partenariats de Twitter – où il est entré en septembre 2010 après avoir été chez Fox Interactive Media en charge de l’audience. Ce dernier semble être le seul recours possible en interne, à part Jana Messerschmidt, vice-présidente de Twitter en charge du développement et de la plateforme. A moins que Jack Dorsey, qui avait été le premier directeur général de Twitter entre 2007 et 2008, ne garde les rênes le temps de remettre l’oiseau bleu sur le droit chemin. Reste à savoir si le futur patron sera nommé avant que l’arrivée début octobre du nouveau directeur général de la filiale française, Damien Viel, ancien de YouTube, de M6, d’Afflelou, de Carat et de l’Oréal (6). La société de San Francisco, qui a fait appel au cabinet chasseur de tête Spencer Stuart, doit en outre recruter non seulement un directeur de la communication (7),
mais aussi un directeur marketing avant de lancer une campagne publicitaire destinée
à booster son audience et à la monétiser.

Mieux monétiser l’oiseau bleu Twitter mise notamment sur le direct pour attirer les annonceurs et expérimente depuis juin l’insertion de messages sponsorisés dans les flux des utilisateurs (8). Il s’agit d’aller au-delà des simples tweets en offrant des informations supplémentaires sur des produits ou des lieux, avec l’apparition de boutons « acheter » testés depuis un an, Twitter s’appuyant sur les sociétés Stripe
et InMobi. Décidément, le réseau social de tweets se sent à l’étroit dans ses 140 caractères : une première entorse a été faite à cette règle avec la possibilité depuis
le mois d’août d’envoyer des messages privés – ceux échangés directement entre utilisateurs – dépassant le calibrage historique. Cependant, ces messages directs resteront invisibles sur la timeline de Twitter. De plus, il est désormais possible à ceux qui le souhaitent de recevoir des messages privés de personnes qu’ils ne suivent pas sur Twitter. C’est un grand pas pour le site de microblogging, qui espère ainsi séduire un plus large public en étant plus souple d’utilisation. La société de San Francisco compte en outre sur ses partenariats avec les médias et les célébrités pour faire croître son audience et ses revenus. En France, Europe 1 et TF1 ont ainsi passé cet été des accords avec Twitter qui entend « matérialiser » les conversations à travers des micro-studios itinérants (TF1 pour « The Voice ») ou des petits locaux fixes (Europe 1 pour ses invités et animateurs). Le réseau social à l’oiseau bleu a en outre annoncé fin août l’ouverture à Paris d’une « Blue Room », un studio dédié à accueillir des personnalités pour échanger en direct des tweets avec le grand public. Cette initiative est présentée comme une première en Europe, après l’inauguration mi-mars en Australie de ce concept de communication directe (9). De son côté, l’AFP a lancé cette année avec Twitter un produit, TweetFoot, qui permet de suivre l’actualité du football sur la base de comptes sélectionnés par la rédaction. En temps réel ou avec du recul, de nouveaux médias sont nés dans le giron du site de microblogging tels que « FlashTweet »,
« L’Important » ou encore « Reported.ly ». Mais Twitter se réserve le droit d’en censurer comme il l’a fait pour « Politwoops » qui a été arrêté pour s’être spécialisé dans la diffusion de tweets supprimés par des personnalités politiques. Twitter a en outre lancé en octobre 2014 l’écoute de musique et de contenus sonores, en partenariat avec iTunes et SoundCloud. Si Twitter ne se sauve pas luimême, c’est peut-être par ses acquisitions qu’il pourrait trouver une planche de salut. Les rachats de Periscope, de TellAppart et de Niche ont été appréciés. Periscope, aussitôt intégré à Twitter une fois la start-up Bounty Labs acquise (10), se présente comme un concurrent de Meerkat dans la retransmission vidéo en direct d’événements ou de contenus à destination des smartphones et tablettes (11). Et ce, sans passer par l’intermédiaire d’une plateforme d’hébergement telles que YouTube ou Dailymotion. Ce qui ne va pas sans donner des sueurs froides aux ayants droits comme les chaînes de télévision détentrices des
droits de retransmission d’événement ou de diffusion de série (exemple de HBO contre Periscope en avril). Le fondateur de Bounty Labs, Kayvon Beykpour, a assuré qu’il retirait rapidement les contenus litigieux.
En France, en attendant que Periscope ne prenne de l’ampleur, TF1, France Télévisions, Canal+ et M6 – via l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa) – se sont plaints en mai dernier auprès de Twitter et de Facebook de la diffusion de vidéo pirates de leurs programmes sur les deux réseaux sociaux.

Acquisitions, faute de croissance interne
Les chaînes de télévision françaises leur demandent d’adopter « une véritable politique de sanctions » et « des technologies de filtrage automatique par reconnaissance d’empreintes numériques préalablement déposées par les détenteurs de droits, permettant de bloquer la mise en ligne de vidéos contrefaisantes » (12). La Ligue française de football (LFP) a aussi sévi auprès de Twitter France contre le piratage
de ses matches.
La seconde acquisition concerne la société TellApart, spécialisée dans les publicités et emailings ciblés pour le e-commerce. La troisième concerne Niche, une sorte agence d’artistes les mettant en relation avec des annonceurs. La croissance externe de Twitter n’est sans doute pas terminée. @

Charles de Laubier

Le numérique appelé à la rescousse de la croissance

En fait. Le 14 juillet, lors de sa traditionnelle interview télévisée du 14 juillet à l’Elysée, le président de la République, François Hollande, a évoqué la future
loi sur le numérique qui sera présentée à l’automne. Sorte de loi « Macron 2 »
(ou « Lemaire 1 » ?), elle vise in fine à créer des emplois.

En clair. « Je vais faire préparer une loi sur le numérique, tout ce qui est activité nouvelle, tout ce qui peut provoquer plus d’emplois. Parce qu’il y a des innovations considérables, la France est un pays de technologie. Il faut qu’il n’y ait rien dans nos règles, dans nos formalités, qui puisse entraver cette activité supplémentaire », a déclaré le chef de l’Etat lors de sa traditionnelle interview télévisée du 14 juillet à l’Elysée.
Et de poursuivre : « Le ressort, c’est de faire en sorte, par rapport à ce qui est l’activité nouvelle, qui peut être générée par le numérique, dans les transports, dans la santé, dans la création d’entreprise, dans les modes de consommation. C’est une activité considérable, qui est mal organisée encore, nous l’avons bien vu sur l’histoire des taxis [vent debout contre Uber qui a dû cesser début juillet ses activités en France de mise en relation de chauffeurs entre particuliers, ndlr], nous avons vu des professions qui ne comprenaient pas et qui avaient d’ailleurs, des raisons quelques fois, de se mettre en colère, même si j’ai condamné des formes de cette colère. Mais on voit bien qu’il y a quelque chose à susciter : la loi Macron 1 [qui devrait être promulguée fin août, ndlr] était par rapport à des professions anciennes, ce qu’on appelait les professions règlementées. Là, ce sont les métiers nouveaux que l’on va pouvoir susciter, stimuler, libérer ». S’agit-il d’une loi Macron 2 ? « On veut toujours mettre des patronymes derrière des lois. Moi, ce que je préfère, c’est le contenu des lois plutôt que leur nom. Mais très bien. Il y aura une loi… », a précisé François Hollande. Les contours de cette future loi sur le numérique portée par Axelle Lemaire (1) restent encore flous : données d’intérêt général (open data), neutralité du Net, droits numériques des consommateurs, accès numériques aux handicapés, etc.
C’est le 18 juin dernier que le Premier ministre Manuel Valls a présenté la « stratégie numérique » de son gouvernement, à l’occasion de la remise de la synthèse de la concertation « Ambition numérique » (2) par le Conseil national du numérique (CNNum). Après la labellisation « French Tech » de soutien aux start-up françaises et
le plan « Industries du futur », François Hollande en appelle au numérique pour faire baisse le chômage : une condition sine qua non qu’il s’impose pour pouvoir briguer
un second mandat en 2017. @

L’Europe numérique veut supprimer les « silos nationaux » sans favoriser les géant du Net

C’est le 6 mai que la Commission européenne présentera sa « stratégie numérique » pour faire émerger des services en ligne pan-européens face
aux GAFA américains. Mais sortira-t-elle vainqueur de son bras de fer avec
les industries culturelles sur la réforme du droit d’auteur ?

« Les particuliers et les entreprises de l’Union européenne se heurtent tous les jours à de nombreux obstacles, qui vont du blocage géographique au manque d’interopérabilité des services en ligne, en passant par les problèmes de livraison d’articles commandés à l’étranger. Les services numériques sont trop souvent limités aux frontières nationales. Il faut supprimer ces obstacles et créer un marché unique numérique ».

340 Mds € de croissance supplémentaire
C’est en ces termes directs que l’Estonien Andrus Ansip, vice-président de la Commission européenne pour le marché unique numérique, l’Allemand Günther Oettinger, commissaire pour l’économie et la société numériques, la Polonaise Elzbieta Bienkowska (photo), commissaire européenne en charge du marché intérieur, ou encore la Danoise Margrethe Vestager, chargée de la Concurrence, ont dénoncé le 25 mars à Bruxelles tout ce qui enfreint le développement digital au sein des Vingt-huit. Cette répétition générale, avant la présentation le 6 mai prochain de la stratégie numérique de la Commission européenne, a permis de lancer le débat sur les différentes actions à attendre. « Eliminons tous ces obstacles et barrières qui entravent notre liberté en ligne. Franchir une frontière doit être aussi facile en ligne que dans la réalité », a lancé Andrus Ansip, suivi de Günther Oettinger : « L’Europe ne pourra pas être à l’avant-garde de la révolution numérique si 28 réglementations différentes continuent à coexister dans le domaine des services de télécommunications, des droits d’auteur, de la sécurité informatique ou de la protection des données ». Sans surprises, ces déclarations en faveur de l’abolition des frontières numériques sont conformes aux lettres de mission datée du 10 septembre 2014 que le Luxembourgeois Jean-Claude Jucker, président de la Commission européenne, avait remis à respectivement Andrus Ansip et Günther Oettinger. Il leur avait écrit clairement : « Nous devons faire une bien meilleure utilisation des opportunités offertes par les technologies numériques qui ne connaissent pas de frontières. Pour y parvenir, nous devrons casser les silos nationaux dans la régulation des télécoms, le droit d’auteur et la protection des données, dans la gestion des fréquences et dans la mise en oeuvre de la concurrence. (…) Je veux que nous surpassions les mentalités en silos » (1).
Et de leur préciser alors : « En créant un marché unique numérique connecté, nous pourrons générer jusqu’à 250 milliards d’euros de croissance supplémentaire en Europe au cours du mandat de la Commission européenne, en créant des centaines
de milliers de nouveaux emplois ». Le montant estimé de la croissance supplémentaire à attendre est même passé depuis à 340 milliards. Mais ce potentiel est, selon la Commission européenne, entravé par un patchwork européen qui laisse la part belle aux services en ligne d’origine américaine – les fameux GAFA et les autres d’outre-Atlantique – qui occupent à eux seuls 77 % du marché numérique européen, contre 39 % pour les services en ligne nationaux (franco-français par exemple) et seulement 4 % pour les services en ligne paneuropéens.

Les 315 millions d’Européens qui utilisent Internet tous les jours méritent sans doute mieux. La Commission européenne va lancer en mai une enquête sur le e-commerce, qui devrait aboutir mi-2016, afin de lever les obstacles aux échanges transfrontaliers et identifier les entreprises soupçonnées d’abus de position dominante ou de restrictions commerciales. Le blocage géographique ou geo-blocking, au nom de la « territorialité des droits » (droit d’auteur sur des œuvres ou droit de diffusion d’événements sportifs), est dans le collimateur de l’exécutif européen et du pré-rapport Reda sur la réforme du droit d’auteur (2).

Un tapis rouge pour les géants du Net ?
Mais supprimer les « silos nationaux », n’est-ce pas donner les coudées franches aux acteurs du Net américains déjà en position dominantes sur le Vieux Continent ? C’est ce que craint la Société des auteurs audiovisuels (SAA), représentant les sociétés de gestion collective des droits d’auteur (3) dans une quinzaine de pays (dont la SACD et la Scam en France) : « Remettre en cause le système du droit d’auteur et la territorialité des droits (…) conduirait à renforcer le pouvoir des plateformes Internet non européennes, ces géants qui sont souvent les seuls à pouvoir acquérir les droits pour plusieurs territoires [et] en situation de monopole en Europe ». Bruno Boutleux, DG de l’Adami (non membre de la SAA) ne nous dit pas autre chose : « La ligne de défiance adoptée par Mme Reda sert uniquement les intérêts des acteurs digitaux extra-européens » (interview p. 1 et 2). L’eurodéputée Julia Reda, dont les propositions pour réformer le droit d’auteur seront soumises au vote en plénière du Parlement européen le 20 mai prochain, s’inscrit en faux contre cette affirmation : « Je ne souhaite pas favoriser les sociétés américaines du numérique. Les évolutions que nous proposons bénéficieront avant tout aux sociétés européennes qui souhaiteraient se lancer » (4). @

Charles de Laubier

ZOOM

Ce que veulent les internautes européens
Une large majorité des Européens utilisent régulièrement Internet : 75 % d’entre eux en 2014 (contre 72 % en 2013), selon l’indice numérique que la Commission européenne
a publié le 24 février. « Ils sont désireux d’accéder à du contenu audiovisuel en ligne : 49 % des Européens qui vont sur l’Internet jouent à des jeux ou en téléchargent, ou alors téléchargent des images, des films ou de la musique ; 39 % des foyers ayant un téléviseur regardent la vidéo à la demande ». Les Européens veulent aussi pouvoir accéder aux services en ligne disponibles dans d’autres pays que le leur. Ils sont un sur trois à se dire intéressés par la possibilité de regarder un film ou entendre une musique provenant d’un pays étranger. Et ils sont un sur cinq à vouloir regarder ou écouter une oeuvre culturelle dans d’autres pays. Mais ils en sont empêchés par le blocage géographique (geo-blocking), par l’identification automatique de leur adresse IP (via des prestataires mondiaux tels que Maxmind et sa solution GeoIP) et par des techniques de DRM (Digital Rights Managements), en raison des restrictions liées aux droits d’auteur ou aux droits d’exploitation. @

FOCUS

La France numérique ? Peut mieux faire !
Selon le nouvel indice européen sur l’économie et à la société numériques, ou DESI (5) que la Commission européenne a publié le 24 février dernier, la France obtient une note globale de 0,48 et se classe à la 14e place sur les vingt-huit Etats membres de l’Union européenne. « Concernant l’année écoulée, la France améliore sa note générale en valeur (en passant de 0,45 à 0,48), mais elle stagne dans le classement. (…) Cependant, en termes de connectivité, la France recule dans le classement (de la
14e à la 19e place), en raison des progrès plus importants (en moyenne) accomplis par le reste de l’Europe », constate la Commission européenne qui appelle la France à accomplir des progrès en matière de haut débit rapide (30 Mbits/s) : 41 % seulement des ménages bénéficient du « haut débit rapide ». Rendez-vous en 2022…

Concernant l’utilisation d’Internet, les Français ne l’utilisent pas beaucoup pour communiquer ; ils sont même à la traîne en matière d’app els vidéo et de réseaux sociaux (46 % contre une moyenne européenne de 58 %). De même, les Français
sont parmi les moins assidus lorsqu’il s’agit de consulter les actualités en ligne : 46 %, soit la 27e positionet l’avantdernière du classement européen ! Le positionnement de
la France pour le recours à l’Internet pour la musique, les vidéos ou les jeux n’est pas brillant non plus (47 %, 20e position du classement). @

Les jeux en ligne deviennent le premier usage sur Internet et bousculent l’industrie du jeu vidéo

La 8e génération de consoles (PS4, Xbox One, Wii U, Steam, …), de plus en plus multimédias et au succès grandissant, est en train de faire basculer l’industrie culturelle des jeux vidéo vers le tout-online. Malgré ce changement de paradigme, le marché français devrait croître de 4 % cette année. Quid de la 9e génération ?

Le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell), qui fête
ses 20 ans en 2015 et qui affirme représenter avec vingt-quatre membres 95 % du marché français, est en pleine euphorie : selon l’institut d’études GfK, le chiffre d’affaires des jeux vidéo en France (consoles, logiciels, accessoires, jeux en ligne, jeux sur mobiles) devrait progresser cette année de 4% à 2,8 milliards d’euros, après l’an dernier déjà florissant avec ses 3 % de hausse. Ce qui n’était pas arrivé depuis 2008.

La seule industrie culturelle en croissance
Les consoles de 8e génération lancées entre fin 2012 et fin 2013 – Wii U de Nintendo, PlayStation 4 (PS4) de Sony et Xbox One de Microsoft en tête – ont déclenché avec succès le début d’un nouveau cycle très prometteur pour cette industrie culturelle.
« Fort d’un dynamisme rythmé par les consoles, les logiciels mais aussi les accessoires, notre marché est la seule industrie culturelle à croître en 2014 », s’est félicité Jean- Claude Ghinozzi (photo), président du Sell depuis plus de trois mois. Directeur de division chez Microsoft France, il a en effet succédé à David Neichel, directeur général d’Activision France (1). Le marché du jeu vidéo fonctionne par cycles d’environ sept ans et chaque génération de consoles a permis jusqu’à maintenant de doubler le chiffre d’affaires de cette industrie (voir graphique ci-dessous). Cela voudrait dire qu’à l’issue de cette 8e génération, qui devrait prendre fin dans moins de cinq ans, la France du jeu vidéo aura franchi la barre des 5 milliards d’euros. Mais cette 8e génération de console pourrait être la dernière, tant les jeux en ligne et le Cloud Gaming auront tendance – prédisent certains – à les rendre progressivement obsolètes à partir de 2017. Au point que, face à cette dématérialisation galopante des jeux vidéo, certains fabricants de consoles et éditeurs de jeux vidéo (Electronic Arts, Activision Blizzard, Ubisoft Entertainment, …) se préparent à l’idée d’abandonner le support physique (DVD) lors du passage à la 9e génération. Car les ventes de jeux vidéo sont en train de basculer en ligne grâce aux performances des terminaux (ordinateurs, smartphones, téléviseurs connectés, etc.), aux accès (très) haut débit, au Cloud Gaming (2). Et cette dématérialisation se fera en haute définition, voire en ultra-HD
ou 4K (les nouvelles compressions d’images H.265, HEVC, VP9 aidant), et avec possibilité de casques de réalité virtuelle en 3D garantissant l’immersion vidéoludique tels que Morpheus de Sony, Gear VR de Samsung ou celui d’Oculus (société rachetée en mars 2014 par Facebook). En France, le basculement vers le tout-online est à l’oeuvre : si 55 % de la valeur du marché français a encore été générée par le jeu vidéo physique en 2014 (contre 64 % en 2013), il y a fort à parier que cette part physique deviendra pour la première fois minoritaire d’ici la fin de cette année 2015. Les jeux
en ligne explosent d’autant plus qu’ils représentent même le premier temps passé sur Internet depuis l’an dernier, selon Médiamétrie qui a comptabilisé plus de 8 heures
dans le mois (3) – contre seulement 3 heures 30 un an plus tôt. C’est bien plus que
les quelque 5 heures 30 passées sur les sites communautaires, les réseaux sociaux et les blogs, et même beaucoup plus que les 3 heures passées sur les e-mails. La moitié des 43,8 millions d’internautes en France jouent à des jeux gratuits sur ordinateur, smartphone ou tablette – et 39 % d’entre eux sur les réseaux sociaux. Et ils sont près de 18 millions de mobinautes à jouer en ligne. Comparé au nombre de consoles qui
se trouvent dans les foyers français – soit 5,9 millions à fin 2014 –, il n’y a pas photo.

Les trois sites web de jeux en ligne les plus consultés du moment sont : Jeuxvideo.com (plateforme française rachetée en juin 2014 par Webedia/Fimalac pour 90 millions d’euros), Twitch (plateforme américaine rachetée fin août 2014 par Amazon pour 970 millions de dollars), et League Legends (jeu vidéo en ligne développé par l’éditeur américain Riot Games). Aussi très prisé en France, Minecraft, jeu multijoueurs édité
par la société suédoise Mojang, a été racheté à prix d’or (2,5 milliards de dollars) par Microsoft en septembre dernier. C’est que le potentiel est considérable pour ces jeux multijoueurs, voire «massivement multijoueurs » ou MMOG (4), dont le modèle économique est souvent du free-to-play, ou free2play, sur le principe du « Jouez gratuitement, ne payez que les options ». @

Charles de Laubier

Livre numérique : la croissance va ralentir en France

En fait. Le 21 mars, le 34e Salon du livre de Paris a ouvert ses portes pour quatre jours. L’édition est encore la première des industries culturelles (3,9 Mds €), devant les loisirs interactifs (1,8 Md €), la vidéo (1,2 Md €) et la musique (0,7 Md €). Mais elle reste la lanterre rouge dans le numérique.

En clair. Le marché français du livre numérique reste encore embryonnaire, mais en forte croissance. C’est ce qui ressort des chiffres des ventes 2013 fournis par l’institut d’études GfK : 44 millions de chiffre d’affaires, en croissance de près de 110 % sur un an, avec plus de 5 millions de téléchargements payants.
Malgré cette envolée, cela représente seulement 1,1 % du total du marché français du livre qui pèse 3,9 milliards d’euros l’an dernier (1). Mais selon nos calculs, si le marché des ventes d’ebooks en France a plus que doublé en 2013 par rapport à 2012, la croissance des quatre prochaines années – 2014 comprise – va ralentir (voir graphique ci-dessous). Cette croissance restera cependant à deux chiffres pour franchir, selon GfK, la barre des 100 millions d’euros de chiffre d’affaires courant 2015 et atteindre les 180 millions en 2017. Autant dire que le seuil des 200 millions sera franchi l’année suivante. @