OCS (ex-Orange Cinéma Séries) fête ses 10 ans et renégocie avec le cinéma

En fait. C’est le 17 novembre 2008, il y a dix ans jour pour jour, que l’ex-France Télécom a lancé « Orange Cinéma Séries » dans la foulée d’une convention signée le 7 novembre avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Aujourd’hui, OCS s’apprête à signer son troisième accord (1) avec le cinéma français.

En clair. Selon nos informations, OCS – la chaîne payante détenue à 66,67 % par Orange et à 33,33 % par Canal+ – est entrée en négociation avec les trois organisations du cinéma français que sont le Bureau de liaison des organisations du cinéma (Bloc), le Bureau de liaisons des industries du cinéma (Blic) et la société civile des Auteurs, Réalisateurs, Producteurs (L’ARP). Alors que l’accord quinquennal (2014-2018) actuellement en vigueur entre OCS et le 7e Art français arrive à échéance le 31 décembre prochain, l’entité Orange Content – laquelle regroupe depuis juillet 2017 non seulement OCS mais aussi la direction des contenus et les Orange Studio et Orange Prestations TV – a envoyé à ces trois organisations cinématographiques sa proposition de revalorisation pour parvenir à un nouvel accord censé prendre le relais le 1er janvier 2019.

Signer « rapidement » sur les films, puis cosigner la chronologie des médias
Aux Rencontres cinématographiques de Dijon (RCD), le 8 novembre dernier, David Kessler (photo), directeur d’Orange Content, a indiqué qu’il pensait « signer rapidement ». La proposition d’OCS est simple. Toujours selon nos informations, il s’agit de passer d’un montant annuel garanti de 38 millions d’euros en 2018 à 41 millions d’euros en 2021 de dépenses (achat, préachat, prime au succès, soutien en salles) en faveur
de la filière cinématographique européenne et d’expression originale française, soit
une augmentation de 1 million d’euros par an pendant trois ans.
Mais tout occupés à accoucher dans la douleur d’un accord avec le gros pourvoyeur
de fonds du cinéma français qu’est Canal+, le trio Bloc-Blic- L’ARP n’ont repris langue avec Orange qu’aux Rencontres cinématographiques de Dijon (RCD) des 7-9 novembre. C’est là qu’un accord interprofessionnel avec Canal+ a été signé in extremis pour quatre ans (2019-2022) – alors que alors que l’actuel accord (2015-2019) en vigueur (3) courait pourtant jusqu’au 31 décembre 2019. Aux RCD, David Kessler, directeur d’Orange Content, a indiqué qu’il pensait « signer rapidement ». Ce qu’espère Bernard Tani, le directeur des relations institutionnelles d’Orange Content. « Nous avons commencé à discuter à Dijon, sans préjuger de l’issue des négociations »,
a-t-il confié à Edition Multimédi@. Les obligations d’OCS resteraient les mêmes qu’actuellement, à savoir : consacrer au moins 27 % et 22 % de son chiffre d’affaires annuel à des droits de diffusion respectivement de films européens et d’expression originale française. Il ne resterait plus ensuite pour OCS qu’à signer« prochainement » l’accord sur la chronologie des médias, avec Canal+ et tout la filière… ou presque. @

Ce qui attend Isabelle de Silva, nouvelle présidente de l’Autorité de la concurrence

Fraîchement nommée à la tête de l’Autorité de la concurrence, par décret du président de la République daté du 14 octobre dernier, Isabelle de Silva (conseillère d’Etat) a prononcé le 8 novembre sa première décision (contre SFR). Mais le plus dure reste à venir, notamment dans l’audiovisuel et le numérique.

Sa toute première décision, rendue le 8 novembre, est une amende de 80 millions d’euros infligée à l’encontre du groupe Altice pour avoir brûlé les étapes – via sa filiale Numericable
à l’époque (1) – dans le rachat de SFR et de Virgin Mobile.
La successeure de Bruno Lasserre, Isabelle de Silva (photo),
a condamné le groupe de Patrick Drahi pour avoir accédé à
de nombreuses informations stratégiques sur ses deux cibles avant même d’avoir obtenu le feu vert de l’Autorité de la concurrence (2).

Canal+, OTT, Booking.com, …
Ce baptême du feu pour Isabelle de Silva n’est qu’une mise en jambes pour cette conseillère d’Etat qui va devoir affronter des dossiers autrement plus épineux. Certes, elle est membre du collège de l’Autorité de la concurrence depuis mars 2014 et a déjà eu à traiter de grosses affaires comme celle l’an dernier de la plateforme en ligne de réservation hôtelière Booking.com – laquelle a remis son rapport d’engagements qu’Isabelle de Silva doit examiner d’ici le 1er janvier 2017 lors d’une séance contradictoire. Mais cette fois, cette surdiplômée (Ena, Hec, Cems, licence de Philosophie), se retrouve propulsée au devant de la scène pour cinq ans de mandat.
Le premier vrai gros dossier qu’elle devra affronter est assurément celui de Canal+, dont les 33 restrictions imposées à la filiale de télévision payante du groupe Vivendi après la prise de contrôle de TPS et CanalSatellite en 2006 – il y a maintenant dix ans – arrivent à échéance l’an prochain, le 23 juillet 2017 précisément. L’Autorité de la concurrence, qui pourra prolonger ou pas ces mesures correctrices pour cinq ans supplémentaires à l’issue d’une nouvelle analyse, a déjà prévu de rendre sa décision
« au plus tard le 23 juin 2017 » à l’issue d’échanges contradictoires avec le groupe Canal+. Pour y voir plus clair, elle a mené de juillet à fin septembre une consultation publique « auprès des éditeurs de chaînes payantes et gratuites, et des nouveaux entrants comme Netflix voire Amazon en France, pour voir ce qui a changé » (3). Isabelle de Silva et les sages de la rue de l’Echelle s’interrogent d’ores et déjà sur
« l’impact concurrentiel de l’entrée de nouveaux acteurs de la télévision linéaire (comme SFR Sport) ou non linéaire (comme Netflix) », que cela soit sur les marchés
de l’acquisition de droits de diffusion que sur les marchés de distribution de services
de télévision payante. L’Autorité de la concurrence a déjà commencé à analyser « dans quelle mesure l’émergence de nouveaux usages, comme l’accès aux chaînes de télévision au moyen d’une simple connexion Internet (offres dites “Over-The-Top”) modifie le fonctionnement concurrentiel des marchés ». Parmi les mesures correctrices en vigueur depuis dix ans, Canal+ doit, par exemple : limiter à trois ans la durée des accords-cadre (output deals) conclus avec les majors américaines pour l’achat de droits de diffusion de films en TV payante ; acheter séparément auprès des majors les droits de diffusion pour la VOD et la SVOD, sur une base non exclusive et sans les coupler avec des achats de droits pour une diffusion linéaire de TV payante ; s’abstenir de demander à ce que sa plateforme VOD ou SVOD soit distribuée de manière exclusive sur les plateformes des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ; dégrouper les chaînes cinéma du bouquet CanalSat éditées par le groupe Canal+ avec un maintien de leur qualité pour les mettre à la disposition de tout distributeur qui en fait la demande.
Le dossier Canal+ a déjà connu des rebondissements, tels que le retrait de l’autorisation de rachat de TPS et CanalSatellite prononcé par le gendarme de la concurrence en 2011 en raison de plusieurs manquements aux engagements de 2006 (autorisation rétablie en 2012, puis, après annulation en Conseil d’Etat, en 2014…). Plus récemment, en juin, l’Autorité de la concurrence s’est opposée à l’accord de distribution exclusive entre Canal+ et beIN Sports que Vincent Bolloré – devenu président de Vivendi (4) – avait projeté pour redresser la chaîne cryptée (5). Isabelle de Silva n’est pas au bout de ses peine dans ce dossier épineux. Sa sensibilité « culture », pour avoir été conseillère technique en 1999 et 2000 de Catherine Traumann, alors ministre de la Culture et de la Communication, l’aidera sûrement à appréhender le nouveau Canal+ en vigueur depuis le 15 novembre et plus que jamais premier pourvoyeur de fonds du cinéma français (6).

Publicité en ligne
Autre gros dossier hérité de Bruno Lasserre : la publicité en ligne. Le 23 mai dernier, l’Autorité de la concurrence s’était en effet auto-saisie « pour avis » afin d’« analyser les conditions d’exploitation des données dans le secteur de la publicité en ligne » – avec Google et Facebook en ligne de mire (7). Y a-t-il position dominante et conflits d’intérêts ? Isabelle de Silva devra répondre (8) à ces questions au second semestre 2017. @

Charles de Laubier

Rejet du projet d’accord Canal+/BeIn Sportspar l’Autorité de la concurrence : rendez-vous dans… cinq ans

L’Autorité de la concurrence a rejeté la demande du groupe Canal Plus de lever l’injonction imposée en 2012 qui l’empêche de distribuer en exclusivité des chaînes sportives premium. Imposer des mesures sur cinq ans à l’heure d’une économie numérique à l’évolution fulgurante est-elle pertinente ?

Rémy Fekete (photo), associé Jones Day, avec la collaboration de Christophe Chadaillac

Première devinette : quel groupe a présenté cinq films au dernier festival de Cannes ? (1) Deuxième devinette : quel groupe a passé la barre des 3 millions d’abonnés à l’occasion de la retransmission des matches de l’Euro 2016 ? (2) Et pour finir, question piège : le secteur de l’audiovisuel a-t-il considérablement évolué selon l’Autorité de la concurrence ?
(3) Quatre ans après avoir obtenu l’accord de l’Autorité de
la concurrence pour le rachat de TPS et CanalSatellite (4)
et les chaînes groupe Direct, le groupe Canal Plus est en perte de vitesse.

Dix ans après TPS/CanalSatellite
Canal+ a en effet affiché une perte de 264 millions d’euros en 2015 due notamment à une baisse d’abonnés (5). Face à la concurrence des acteurs dits OTT (Over-The- Top) tels que Netflix – et maintenant Amazon – sur le cinéma et les séries, Canal+ souhaitait se renforcer dans les contenus sportifs avec la conclusion d’un accord avec BeIn Sports, son principal concurrent dans l’acquisition des droits, pour distribuer ses chaînes en exclusivité. C’est en 2006 que le groupe Canal Plus avait été autorisé à prendre le contrôle de TPS et CanalSatellite (6). Après avoir retiré cette autorisation
en 2011 pour inexécution de plusieurs engagements déterminants souscrits à cette occasion (7), l’Autorité de la concurrence a finalement autorisé l’opération en 2012 (8). Dans le même temps, le groupe Canal Plus a racheté les chaînes Direct 8 et Direct Star au groupe Bolloré (9).
La décision d’autorisation de l’Autorité de la concurrence a été annulée par le Conseil d’Etat, mais l’opération a été autorisée à nouveau en 2014 (10). A l’issue de ces opérations, le groupe Canal Plus regroupait au sein de Canal+ France les bouquets satellitaires CanalSatellite et TPS, les chaînes thématiques de Canal+ et les chaînes gratuites de la TNT renommées D8 et D17. Afin de contrebalancer le renforcement de la position dominante du groupe sur le marché de l’achat de droits de diffusion et celui de la distribution, l’Autorité de la concurrence a assorti ses autorisations de mesures censées rétablir une concurrence suffisante sur les marchés de la télévision gratuite et payante et permettre à des distributeurs alternatifs de concurrencer le groupe Canal Plus. L’injonction dont le groupe Canal Plus a sollicité la levée lui impose de reprendre dans l’offre CanalSat toutes les chaînes premium, de cinéma ou sportives, sur une base non-exclusive (11). Celle-ci n’est toutefois que l’une des très nombreuses mesures imposées au groupe, au-delà du sport, soit au titre des injonctions fixées
par la décision 12-DCC-100, soit au titre des engagements pris par lui et rendus contraignants par la décision 14-DCC-50 (voir encadré page suivante).

Les chaînes de BeIn Sports détiennent notamment des droits de diffusion majeurs dans le football en France et en Europe. Le projet de distribution exclusive des chaînes devait recouvrir toutes les plateformes (ADSL, satellite, OTT), en garantissant une rémunération à BeIn Sports, tandis que le groupe Canal Plus devait gérer l’ensemble des abonnements aux chaînes et en percevoir les recettes en deçà d’un certain revenu. Les chaînes de BeIn Sports devaient faire leur entrée dans les offres groupées de Canal+, lesquelles devaient elles-mêmes être modernisées, ainsi qu’à travers un abonnement autonome en télévision linéaire et un accès sur Internet.
Un tel accord ne pouvait toutefois être conclu que si l’Autorité de la concurrence acceptait de lever l’injonction « 4 (a) » mentionnée. Le groupe Canal Plus a donc demandé, comme le prévoyait la décision 12-DCC-100, que l’injonction soit modifiée pour ne plus concerner les chaînes sportives. En vertu du projet d’accord, l’offre de télévision payante du groupe Canal Plus aurait regroupé plus de 70 % des droits sportifs (12), détenus par Canal+ et BeIn Sports. Pour l’Autorité de la concurrence, cette concentration des droits aurait présenté, entre autres, le risque d’affaiblir considérablement les offres de télévision payante concurrentes qui n’auraient plus de contenus sportifs attractifs à proposer à leurs abonnés : aucun distributeur ne pourrait sérieusement rivaliser avec le groupe Canal Plus, ni un nouvel acteur émerger.

Diversifier l’offre pour le public
A cet égard, les acquisitions des droits de diffusion de la seule Premier League Anglaise par SFR ou des jeux olympiques par Discovery n’ont pas convaincu l’Autorité de la concurrence d’une évolution significative du marché – alors que les effets vertueux de ses injonctions commencent à peine, selon elle, à se faire ressentir. L’Autorité de la concurrence, tout comme le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), considère que cette injonction s’inscrit dans un dispositif dont l’objet est de favoriser la diversification de l’offre pour les consommateurs en permettant l’accès
des distributeurs concurrents à une offre de gros de chaînes suffisante, à la fois pour
le cinéma et le sport. Elle est ainsi associée aux injonctions relatives à la reprise de chaînes indépendantes dans l’offre CanalSat, aux dégroupages des chaînes cinéma
du bouquet CanalSat et à la limitation des exclusivités mentionnées.

Préparer la révision de 2017
Lever cette seule injonction à la demande du groupe Canal Plus reviendrait ainsi, pour l’Autorité de la concurrence, à rompre l’équilibre de ce dispositif qui perdrait de son effectivité. La direction des groupes Canal Plus et Vivendi n’a pas hésité à décrire une situation financière et économique de Canal+ catastrophique et des pertes qui seraient insurmontables sans la conclusion de cet accord. Jusqu’en assemblée générale, Vivendi n’a pas hésité à brandir le risque de disparition de la chaîne, en soulignant les risques de pertes d’emplois et de financement du PAF – les représentants du cinéma français ont d’ailleurs publiquement demandé à l’Autorité de la concurrence d’autoriser l’accord. Cette demande participe donc plus généralement d’une stratégie de moyen terme, qui prépare la révision de 2017 : les mesures correctrices imposées par les décisions 12-DCC-100 et 14-DCC-50 arrivent à échéance le 23 juillet 2017. A cette date, l’Autorité peut prolonger leur application pour cinq années supplémentaires à l’issue d’une nouvelle analyse « en considération de l’évolution des circonstances de droit ou de fait ». La demande s’inscrit également dans la politique de restructuration interne menée par Vivendi au sein de Canal+. Le refus de l’Autorité de la concurrence n’est pas une surprise pour de nombreux commentateurs, et la décision correctement fondée.

Reste l’essentiel : le mode de fonctionnement de l’Autorité de la concurrence, sa relative lenteur, l’idée même de décision susceptible de geler pendant une durée de cinq ans un secteur dont l’évolution est aussi véloce que celui du numérique, tout
cela ne mériterait il pas une profonde révision ? Ne peut-on espérer de l’Autorité de la concurrence un mode de travail plus adapté aux rythmes de l’évolution des marchés dont elles ont la charge ? Selon l’Autorité de la concurrence et le CSA, le marché des droits sportifs n’a pas évolué au point de justifier une anticipation d’un an sur le réexamen de la situation concurrentielle. On aurait préféré que, se saisissant de l’opportunité du dossier, elle procède au réexamen de la situation concurrentielle,
quitte à en conclure à une forme de statut quo pour l’année 2016 mais en donnant plus de visibilité au marché sur l’après 2017. L’Autorité de la concurrence vient d’annoncer qu’elle lance – le 20 juillet – une consultation publique « auprès des éditeurs de chaînes payantes et gratuites, et des nouveaux entrants comme Netflix voire Amazon en France, pour voir ce qui a changé ». Enfin… @

ZOOM

Mesures correctives imposées à Canal+ jusqu’en juillet 2017
Aux termes de ces décisions, le groupe Canal Plus doit ainsi, jusqu’en juillet 2017 :
• Limiter à trois ans la durée des accords-cadre (« output deals ») conclus avec les majors américaines pour l’achat de droits de diffusion de films en TV payante (1e et
2e fenêtre) ;
• S’abstenir de conclure avec plus d’une major des output deals portant à la fois sur l’acquisition, d’une part, de droits de diffusion de films en 1e et/ou 2e fenêtre de TV payante et, d’autre part, de droits de diffusion de films inédits et/ou de séries récentes en clair ;
• Négocier et conclure séparément ses output deals avec les majors portant sur les droits pour des films en TV payante en 1e fenêtre, ceux en 2e fenêtre et pour les séries récentes avec une valorisation individuelle et sans remise de couplage ;
• S’abstenir de conclure des output deals avec les détenteurs de droits français et opérer la même séparation dans la conclusion de contrats pour les achats de droits français pour la 1e et la 2e fenêtre en TV payante ;
• Acheter séparément auprès des majors les droits de diffusion pour la VOD et la SVOD , sur une base non exclusive et sans les coupler avec des achats de droits pour une diffusion linéaire de TV payante ;
• S’abstenir de demander à ce que sa plateforme VOD ou SVOD soit distribuée de manière exclusive sur les plateformes des FAI ;
• S’abstenir de préacheter les droits de diffusion en TV payante et en clair d’un même film français pour plus de 20 films par an, avec en sus des quotas en fonction du devis des films ;
• Négocier séparément les droits de diffusion de films français, de films et séries américains récents et d’évènements sportifs d’importance majeure pour la TV payante et gratuite, sans couplage, et opérer une séparation juridique et opérationnelle des activités d’acquisition de droits de diffusion en TV payante et en clair .
• Céder avec mise en concurrence les droits de diffusion en clair des évènements sportifs d’importance majeure non diffusés en clair sur Canal+ que D8 et D17 souhaiteraient diffuser ;
• Limiter les acquisitions de droits de diffusion par D8 et D17 auprès de StudioCanal en fonction du nombre d’acquisition annuelles total par celles-ci et de leur valeur ;
• Opérer une séparation juridique et comptable des activités d’édition et de distribution des chaînes du Groupe Canal Plus ;
• Reprendre dans l’offre CanalSat un quota de chaînes indépendantes dans des conditions transparentes, objectives et non discriminatoires ;
• Découpler la distribution exclusive de chaînes sur CanalSatellite et sur les plateformes d’opérateurs tiers avec une valorisation distincte dans les contrats ;
• Dégrouper les chaînes cinéma du bouquet CanalSat éditées par le Groupe Canal Plus avec un maintien de leur qualité pour les mettre à la disposition de tout distributeur qui en fait la demande ; Pour l’ensemble de ces mesures, le Groupe Canal Plus a en outre été soumis à la surveillance de mandataires. @

1 – A savoir les groupes intégrés autour de NBC Universal, Sony
Pictures, 20th Century Fox, Walt Disney, Warner Bros. et
Paramount/CBS et leurs filiales, qui représentent 80 % de la
production de films et séries américaines.
• 2 – Injonction 1 (a).
• 3 – Engagement 2.1 de la décision 14-DCC-50.
• 4 – Injonction 1 (b) de la décision 12-DCC-100.
• 5 – Injonction 1 (d).
• 6 – Injonction 7 (a).
• 7 – Vidéo à la demande à l’acte (VOD) et par abonnement(SVOD).
• 8 – Injonction 7 (c).
• 9 – Engagement 2.2.1 de la décision 14-DCC-50.
• 10 – Engagement 2.6.
• 11 – Engagement 2.4.
• 12 – Engagement 2.3.
• 13 – Injonction 9 (a) de la décision 12-DCC-100.
• 14 – Injonctions 3 (a) et (b).
• 15 – Injonction 5 (a).
• 16 – Injonction 6 (a).
• 17 – Injonction 10 de la décision 12-DCC-100 et engagement 4 de la décision 14-DCC-50.

Accords entre cinéma et TV payantes : l’Europe enquête sur la protection territoriale absolue

A l’heure du satellite et du Net sans frontières, la Commission européenne vérifie
si les accords de licence entre les studios de cinéma et les chaînes de télévision payantes comportent des clauses dites de « protection territoriale absolue » de nature à restreindre indûment la concurrence.

Par Christophe Clarenc (photo) et Martin Drago, Cabinet Dunaud, Clarenc Combles & Associés

La Commission européenne a annoncé, le 13 janvier dernier, l’ouverture d’une enquête de concurrence portant sur « les restrictions qui pèsent sur la fourniture transfrontalière de services de télévision payante » (1) dans les accords de licence entre les grands studios de production américains – Twentieth Century Fox, Warner Bros., Sony Pictures, NBCUniversal et Paramount Pictures – et les principaux télédiffuseurs payants en Europe – Canal Plus en France, BSkyB au Royaume-Uni, Sky Italia en Italie, Sky Deutschland en Allemagne et DTS en Espagne.

Satellite et Internet transfrontaliers
Ces accords permettent la diffusion par satellite ou en flux Internet de contenus audiovisuels, et en particulier des « films à succès », concédés sous ces licences.
Les droits de télédiffusion payante de ces contenus sont généralement valorisés, négociés et concédés sur une base territoriale et exclusive (un opérateur exclusif dans chaque Etat membre ou le cas échant dans plusieurs Etats membres partageant une même langue), avec protection territoriale légitime. La Commission européenne entend examiner les modalités de protection territoriale prévues dans ces accords de licence
et en particulier les éventuelles clauses qui organiseraient une « protection territoriale absolue » en garantissant que les contenus concédés « sont diffusés uniquement
dans l’Etat membre où le diffuseur émet par satellite ou sur Internet » et en empêchant totalement ainsi les diffuseurs de fournir leurs services « par-delà les frontières »,
par exemple « en refusant les abonnés potentiels d’autres Etats membres ou en bloquant l’accès transfrontière à leurs services ».
Lors de sa conférence de presse, le commissaire européen Joaquín Almunia, chargé
de la Concurrence, a précisé – selon les propos rapportés par l’AFP le 13 janvier – que
« nous ne remettons pas en question la possibilité d’accorder des licences sur une base territoriale, et nous n’essayons pas d’obliger les studios à vendre des droits sur une base pan-européenne ». Ce qui exclut ainsi a priori tout rapport entre cette enquête et la promotion poursuivie par ailleurs d’un marché unique des œuvres audiovisuelles dans le cadre de licences multi-territoriales (voir encadré). En outre, le commissaire européen indique que l’enquête se concentrerait sur « les restrictions aux demandes non sollicitées provenant de spectateurs installés dans d’autres pays membres (…) ou qui déménagent ou voyagent à l’étranger ».
• Le contexte de l’enquête. Cette enquête s’inspire expressément de l’arrêt rendu par
la Cour de justice de Union européenne (CJUE) le 4 octobre 2011 dans les affaires jointes « Football Association Premier League » et « Murphy » (2). Dans cet arrêt, la CJUE a abordé la question de la protection territoriale dans le secteur des services de radiodiffusion, à propos d’accords de licence de diffusion satellitaire d’événements sportifs (en l’espèce les matchs de la Premier League). Ces accords comportaient une exclusivité territoriale garantie par une clause d’interdiction aux télédiffuseurs de fournir leurs dispositifs de décodage à l’extérieur du territoire, empêchant ainsi la réception du service en dehors du territoire autorisé.

Exclusivité territoriale versus concurrence
La CJUE a rappelé que, si rien n’interdisait à un titulaire de concéder à un licencié unique le droit exclusif de diffuser un objet protégé sur un territoire et d’en interdire la diffusion
par d’autres, l’interdiction de la « protection territoriale absolue » était transposable dans
le domaine de la prestation transfrontalière de services de radiodiffusion.
La Cour a considéré en l’espèce que la clause d’interdiction de fourniture des dispositifs de décodage à l’extérieur du territoire couvert par la licence interdisait aux diffuseurs
toute prestation transfrontalière et conférait à chaque diffuseur une exclusivité territoriale absolue dans la zone couverte par sa licence, éliminant toute concurrence entre diffuseurs et cloisonnant le marché selon les frontières nationales.
La CJUE a condamné cette clause en énonçant qu’« une licence exclusive conclue entre un titulaire de droits de propriété intellectuelle et un organisme de radiodiffusion constitue une restriction de concurrence interdite par l’article 101 TFUE [Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne] dès lors qu’elle impose l’obligation à ce dernier organisme de ne pas fournir de dispositifs de décodage permettant l’accès aux objets protégés de ce titulaire en vue de leur utilisation à l’extérieur du territoire couvert par le contrat de licence ».

Quid des musiques, films et livres ?
L’avocat général avait suggéré d’élargir le raisonnement à d’autres services comme « par exemple la commercialisation de programmes informatiques, de morceaux de musique, de livres électroniques ou de films sur Internet » (3). Si l’arrêt n’a pas retenu cette suggestion, en s’en tenant spécifiquement aux accords de licence en cause, il n’a pas non plus exclu la possibilité d’une transposition et d’une extension de ses principes à d’autres catégories de clauses, de contenus et de modes de diffusion. L’enquête ouverte par la Commission européenne sur les accords de licence entre les grands studios de production américains et les principaux télédiffuseurs payants en Europe s’inscrit ainsi dans la logique et la dynamique de l’arrêt « Football Association Premier League/Murphy » de la CJUE, avec
la nécessité de prendre dûment en compte le contexte juridique et économique propre à ces contenus, ainsi que la question de la cohérence des droits sur les différents modes
de diffusion – par satellite ou en flux Internet. C’est d’ailleurs après cet arrêt que la Commission européenne avait mené une première enquête « pour examiner si les accords de licence pour le contenu des chaînes à péage optionnelles contiennent des clauses de protection territoriale absolue de nature à restreindre la concurrence, à entraver l’achèvement du marché unique et à priver les consommateurs d’un accès transfrontière à des contenus sportifs et cinématographiques payants » (4).

• Les clauses visées. La Commission européenne a indiqué que son enquête se concentrerait a priori sur deux restrictions, celle concernant les spectateurs qui déménagent ou voyagent à l’étranger et celle concernant les demandes non sollicitées
de spectateurs installés dans d’autres Etats membres. La première des restrictions renvoie à la question de la « portabilité » du service dans un autre Etat membre quand le souscripteur du service va dans un autre Etat membre. Si une telle « portabilité » apparaît dans l’intérêt du consommateur, dès lors que le service a été initialement vendu et acheté sous la protection territoriale, elle pourrait cependant nécessiter – par exemple dans le cas du streaming – un nouvel accord du détenteur des droits. D’où l’importance d’un examen circonstancié du contexte juridique des accords de licence. La seconde restriction renvoie à la question des ventes passives et n’est pas moins délicate. En effet, la protection territoriale absolue est généralement associée à l’interdiction des ventes passives sur le territoire d’un autre distributeur exclusif – les ventes passives étant définies comme la satisfaction de demandes non sollicitées par le vendeur et les ventes actives comme la satisfaction de demandes sollicitées par le vendeur par prospection commerciale.
Or une prohibition de l’interdiction de vente passive sur le territoire d’un autre diffuseur exclusif, comme constitutive de protection territoriale absolue, aboutirait non seulement
à dissocier la commercialisation et la fourniture du service (en justifiant l’interdiction de la première tout en imposant la seconde), mais pourrait en outre miner l’intérêt et l’économie mêmes de l’exclusivité territoriale. En outre, la directive « DADVSI » sur le droit d’auteurs et les droits voisins dans la société de l’information ne prévoit pas d’épuisement de ces droits dans le cas d’un service en ligne (5). Il faudra donc suivre avec attention les développements et conclusions de l’enquête ouverte par la Commission européenne. @

ZOOM

Licence multi-territoriale et marché unique du numérique
Le Parlement européen a adopté le 4 février 2014 la nouvelle directive « Gestion
collective » qui prévoit des licences multiterritoriales pour les plateformes de musique
en ligne (6) (*). La Commission européenne réfléchis en outre depuis longtemps à des licences multi-territoriales dans l’audiovisuel, comme le montre le rapport « Licences
multi-territoriales des œuvres audiovisuelles dans l’UE », publié en octobre 2010*.
Ce rapport pose en « priorité » la promotion d’un marché unique compétitif et diversifié pour les œuvres audiovisuelles. Par ailleurs, la Commission européenne a mené jusqu’au 5 mars 2014 une consultation publique en vue de réviser la directive « DADVSI » sur le droit d’auteur dans la société de l’information, dans le prolongement de sa communication « Vers un marché unique des droits de propriété intellectuelle » de 2011. A suivre… @

Orange : 179 millions d’euros au ciné jusqu’en 2018

En fait. Le 1er janvier 2014 entre en vigueur la nouvelle convention des chaînes d’Orange Cinéma Séries (OCS) que le CSA a renouvelée le 20 décembre dernier pour une durée de cinq ans. La société commune de l’ex- France Télécom et de Canal+ va investir au total 179 millions d’euros dans le financement du cinéma.

En clair. Plus de cinq ans après le lancement d’Orange Cinéma Série, le bouquet commun à l’opérateur télécom (66,66 % du capital) et à Canal+ (33,33 %) rempile pour cinq ans avec le cinéma français et européen pour un total de 179 millions d’euros (2014-2018) alloués au financement de films, soit une hausse de 19 % par rapport à
la période précédente (2009-2013). C’est finalement une bonne nouvelle pour les organisations du cinéma français (Bloc, Blic et ARP), même si ces dernières auraient souhaité obtenir plus d’OCS qui dépasse les 1,8 million d’abonnés aux quatre chaînes d’OCS (OCS City, OCS Géants, OCS Max, OCS Choc). Résultat : le minimum garanti (MG) est passé à 1,90 euro HT par mois et par abonné pour les films français (1) et à 2,25 euros HT pour les films européens (2). Avec 33 millions d’euros prévus pour cette nouvelle année 2014 et un peu plus les années suivantes pour atteindre 38 millions en 2018, le septième art s’en tire donc à bon compte.
D’autant que « la convention pourra être modifiée, y compris au cours de l’année 2014, pour tenir compte des accords à venir entre l’éditeur et les organisations professionnelles du cinéma », a précisé le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) qui prévoit de réévaluer chaque année la convention pour « tenir compte des évolutions économiques de la télévision payante ». Pour les organisations du cinéma, ce sera l’occasion notamment de rediscuter du sort des abonnés mobiles considérés jusqu’à maintenant pour le calcul du MG comme des « demiabonnés » par rapport au fixe, mesure qui devait rester provisoire (3).

Cette convention quinquennale d’OCS est en outre pour le cinéma français un gage, toutes proportions gardées, de ne pas trop dépendre de son premier pourvoyeur de fonds qu’est Canal+, dont les négociations avec les organisations vont commencer avant l’arrivée à échéance de l’accord en cours, le 31 décembre 2014. Reste une incertitude pour les producteurs : l’investissement d’Orange Studio (ex-Studio 37),
la filiale de coproduction de films de l’opérateur télécoms. Selon Le Film Français, le budget 2014 de d’Orange Studio serait le même qu’en 2013 : soit 20 millions d’euros (4). Mais à partir de 2015, Orange s’interroge. Questionné par EM@ lors de l’Assemblée des Médias le 2 décembre dernier, Serge Laroye, directeur des contenus d’Orange, n’avait pas souhaité du tout s’exprimer à ce sujet… @