Arnaud de Puyfontaine, qui préside Vivendi et siège chez Telecom Italia et Lagardère, pense « Disney européen »

Président du directoire de Vivendi, maison mère de Canal+, d’Havas, d’Editis, de Prisma, de Gameloft ou encore de Dailymotion, Arnaud de Puyfontaine rêve avec son principal actionnaire Bolloré de faire un « Disney européen » du groupe multimédia – délesté depuis septembre de « l’arbre » Universal Music.

Arnaud de Puyfontaine (photo), président du directoire du groupe Vivendi depuis juin 2014, pourrait devenir aussi président du conseil de surveillance de Telecom Italia – dont le groupe français est le premier actionnaire (à 23,8 % du capital, part valorisée 3,1 milliards d’euros au 31 décembre 2020). C’est ce qu’a révélé l’agence Reuters le 5 novembre dernier, alors que Vivendi souhaite trouver un accord avec l’Etat italien – deuxième actionnaire de l’opérateur historique romain – pour procéder à des changements et à un redressement. Arnaud de Puyfontaine connaît bien « Tim » (sa dénomination depuis deux ans) puisqu’il en est membre du conseil d’administration depuis que Vivendi en est devenu l’actionnaire de référence en juin 2015. En plus, le Français a déjà été le président exécutif de Telecom Italia – nommé en avril 2017, tout en restant président du directoire de Vivendi – et en a aussi été provisoirement son administrateur délégué, autrement dit son patron. A l’époque, Arnaud de Puyfontaine avait dit dans une interview publiée le 29 juillet 2017 par le quotidien La Stampa que Vivendi ne se contenterait pas d’être le premier actionnaire de Tim mais qu’il comptait bien « développer de nouvelles initiatives pour être en tête dans la convergence entre télécommunications et contenus ».

Vincent Bolloré, un « Walt Disney » européen ?
Si Vivendi réussissait à placer Arnaud de Puyfontaine à la présidence de Tim, à la place de Salvatore Rossi, les jours de l’actuel administrateur délégué Luigi Gubitosi – au bilan contesté par l’actionnaire français – seraient comptés. Est-ce à dire que Vivendi pourrait faire un pas de plus dans sa nouvelle ambition de devenir le « Disney européen », après avoir échoué en 2016 dans le projet de « Netflix latin » (1) avec le groupe italien Mediaset, appartenant à Sylvio Berlusconi (Fininvest) ? « J’aime beaucoup un dessin (2) fait en 1957 par Walt Disney, que j’ai dans mon bureau, avec Mickey Mouse au milieu et sa vision qui a donné le succès de la Walt Disney Company. Comparaison n’est pas raison, mais, si l’on regarde les valeurs qui ont permis la construction de ce qui est aujourd’hui Disney, la vision de l’ensemble des équipes de Vivendi est de créer un “Disney européen”… pourquoi pas », a confié Arnaud de Puyfontaine, président du directoire du groupe Vivendi, le 12 octobre dernier dans le cadre du festival Médias-en-Seine (3).

« L’arbre » UMG cachait « la forêt » Vivendi
A 57 ans, le bras droit de la dynastie Bolloré depuis sept ans – nommé à ce poste le 24 juin 2014 – se sent pousser des ailes. Ce jour-là correspond à la mise en place de la nouvelle gouvernance de Vivendi avec comme président du conseil de surveillance et premier actionnaire Vincent Bolloré, lequel a passé la main il y a trois ans et demi à l’un de ses fils, Yannick Bolloré (photo ci-contre). Même s’il a échoué il y a cinq ans à créer avec Mediaset un « Netflix latin », Arnaud de Puyfontaine nourrit toujours avec le milliardaire breton l’ambition mondiale de rivaliser avec les Netflix, Amazon Prime Video autres Disney+ en se donnant comme objectif de créer un « Disney européen » – quitte à marcher aussi sur les plates-bandes de la Walt Disney Company justement. « Le projet stratégique à partir de 2014 a été de dire que nous sommes un groupe média avec l’ambition d’être un champion mondial porteur des valeurs d’une culture européenne et de pouvoir exister dans cette extraordinaire reconfiguration du secteur média », a rappelé Arnaud de Puyfontaine. Depuis mai dernier et après des années de batailles judiciaires autour du projet avorté de ce qui fut aussi appelé en 2016 « Euroflix », sur fond de rivalités capitalistiques (4) (*) (**), Vivendi a enterré la hache de guerre avec Mediaset dont il est le deuxième actionnaire (19,1 %), mais décidé à se désengager en cinq ans. Reste que Sylvio Berlusconi réclame depuis quatre ans à Vincent Bolloré 3 milliards d’euros de dommages et intérêts sur des accusations de « manipulation de marché » au capital de Mediaset et d’« entrave aux régulateurs » de la part du Breton et de son bras droit Arnaud de Puyfontaine (5). Mais selon Reuters, le parquet italien a demandé le 16 novembre dernier au juge l’abandon de ces poursuites.
Le groupe français « à fort ancrage européen et à ambition mondiale » fera donc cavalier seul, en espérant toujours donner la réplique à Netflix et aux autres plateformes audiovisuelles sur le Vieux Continent et au-delà. Sa filiale Canal+ est exposée en première ligne. Arnaud de Puyfontaine (« ADP ») en fut aussi président du conseil de surveillance jusqu’au passage de témoin à Vincent Bolloré en septembre 2015, ce dernier l’ayant ensuite transmis à Jean-Christophe Thiery en avril 2018. Face à Netflix ou Amazon Prime Video, « ADP » se veut enthousiaste : « La perspective de Canal+ est réjouissante car le groupe Canal associe à la fois les métiers de la distribution (de chaînes), de la création (StudioCanal) et de l’agrégation (de contenus) pour nos 22 millions d’abonnés [dans le monde, dont 9 millions sur l’Hexagone, là où Netflix en a 8,9 millions selon Digital TV Research, ndlr], avec un objectif de 30 millions d’abonnés à l’horizon 2025 que s’est fixé Maxime Saada [président du directoire de Canal+, ndlr] ». Et celui qui est toujours membre du conseil d’administration de Canal+ de nuancer cependant : « Le groupe est en pleine évolution et positionnement face à l’arrivée de l’OTT (6) et dans un environnement de concurrence révolutionné. A l’étranger, les résultats de Canal+ sont flamboyantes. En France, c’est plus complexe en raison justement de la complexité réglementaire dans laquelle il nous faut continuer à avancer et avec détermination », faisant notamment allusion aux négociations très tendues en cours sur la chronologie des médias en France (lire page suivante).
Mais Vivendi ne se résume pas au groupe de sa chaîne cryptée, pas plus qu’il n’était réduit à la valorisation boursière de son ex-filiale Universal Music Group (près de la moitié de son chiffre d’affaires en 2020) qui est désormais cotée à part à la Bourse d’Amsterdam. Le groupe de l’avenue de Friedland (où se situe le siège social de Vivendi, à quelques pas de l’Arc de Triomphe) n’a pas lâché pour autant sa pépite musicale. « Ce n’est pas un désengagement mais une évolution de notre engagement. Pardon, c’est peut-être un aspect sémantique mais c’est la réalité, s’est défendu Arnaud de Puyfontaine. L’idée était de séparer partiellement l’arbre [Universal Music] qui cachait la forêt [Vivendi] Nous gardons 10 % du capital et il s’avère que le premier actionnaire de Vivendi, le groupe Bolloré, est aussi de facto un actionnaire d’Universal Music [18 % du capital, ndlr] ». Aujourd’hui, le « Vivendi, acte II » (comme il l’a appelé) va pouvoir être valorisé pour lui-même : 12,5 milliards d’euros, contre 45,4 milliards d’euros pour Universal Music (au 19-11-21). « Canal+ est un groupe exceptionnel ; Havas est un acteur remarquable, … Nous avons depuis lors complété nos activités avec la presse magazine (Prisma Media), l’édition (Editis), les jeux vidéo (Gameloft) », a rappelé celui qui, par ailleurs, a fait son entrée fin juin au conseil d’administration du groupe Lagardère (Hachette Livre, Paris Match, Europe 1, JDD, …), dont Vivendi est le premier actionnaire (27% du capital, bientôt 45 %) et – à l’issue d’une OPA à venir – le propriétaire potentiel. Arnaud Lagardère a été évincé cette année de l’ancienne gouvernance par le fonds activiste Amber Capital, lequel a revendu cet été ses parts à Vivendi. « ADP » se rêverait-il à la tête d’un « Vivendi- Lagardère » ?

Convergence pour l’ours Paddington
Une chose est sûre : délesté d’Universal Music mais sous contrôle stratégique et opérationnel, Vivendi va pouvoir se concentrer sur ses trois métiers que sont l’édition, la publicité et les médias – avec les actifs de Lagardère en ligne de mire si l’Autorité de la concurrence donnait son feu vert. « Mais il s’agit aussi de créer dans l’ensemble de nos métiers des passerelles pour que nos marques et nos projets travaillent ensemble. Par exemple : Paddington [personnifié par le petit ours, dont les droits de propriété intellectuelle ont été acquis par StudioCanal en 2016] est exposé à la fois à travers Canal+ (Paddington 3 a été lancé en production et série de télévision), Editis (pour des livres) et bientôt chez Prisma », a-t-il indiqué à Média-en-Seine. @

Charles de Laubier

Avec cinq actionnaires, Universal Music a la cote

En fait. Le 21 septembre, débutera la cotation à la Bourse d’Amsterdam d’Universal Music Group (UMG), filiale de Vivendi qui s’en déleste en partie pour se recentrer sur les médias et la publicité. Cette ouverture du capital d’UMG aux investisseurs – dont Tencent (20 %) et Pershing Square (10 %) – va rapporter gros à Vincent Bolloré.

En clair. « La capitalisation boursière de la société serait d’environ 33 milliards d’euros à la première date de cotation », prévoit Universal Music Group (UMG) dans le prospectus boursier publié le 14 septembre par sa maison mère Vivendi. Mais la valorisation de la major mondiale de la musique enregistrée est d’environ 35 milliards d’euros depuis que le groupe Vivendi contrôlé par Vincent Bolloré a finalisé le 9 septembre la cession d’un supplément de capital d’UMG à Pershing Square qui en détient depuis un total de 10 %.
Ce fonds spéculatif et ses différents véhicules de Co-investissements sont dirigés par le financier activiste américain William Ackman (1), dit Bill Ackman, qui lancé en 2004 Pershing Square Capital Management (PSCM). Ce milliardaire devait initialement acquérir sa participation dans UMG via PSTH (2), une Spac qu’il avait créée pour l’occasion (3). Mais comme le gendarme de la bourse américaine (SEC) a émis des doutes cet été sur ce montage, Bill Ackman a été contraint d’adopter un véhicule d’investissement plus « conventionnel ». Le précédent nouvel actionnaire à être entré au capital d’Universal Music est le chinois Tencent, qui a acquis pas moins de 20 % de participation, en deux temps courant 2020 (10 % acquis en mars et autant en décembre). Cette entrée de la firme de Shenzhen, qui a embarqué dans cette participation sa filiale Tencent Music Entertainment (TME) via un consortium composé des véhicules financiers Concerto et de Scherzo, a valorisé l’an dernier UMG 30 milliards d’euros.
Parallèlement, TME – coté à la Bourse de New York et éditeur de la plateforme de streaming musical QQ Music en Chine – est convenu depuis mars 2020 avec Vivendi de pouvoir acquérir une participation minoritaire dans la filiale d’UMG regroupant ses activités chinoises. Cette option portant sur au moins 20 % et jusqu’à 25 % du capital de cette holding chinoise est exerçable d’ici le 1er avril 2022. Si Tencent est devenu le premier actionnaire du numéro un mondial des majors de la musique, et Pershing Square le second, le groupe Bolloré, lui, détiendrait après l’opération boursière 18,01 % des parts d’UMG et Vivendi devrait conserver 10,12 % (sur les 70 % détenus auparavant). A noter que la Société Générale, montée cet été à 5,37 % du capital de Vivendi, détiendra aussi 3,28 % d’UMG. Reste à savoir ce que Vivendi fera de tout le cash issu de la vente d’UMG. @

Streaming musical : Believe fait face aux majors sur le marché de la distribution numérique d’artistes

Denis Ladegaillerie, PDG fondateur de Believe (acquéreur de TuneCore en 2015), veut lever 500 millions d’euros en Bourse. Il défie les majors (Universal Music, Sony Music et Warner Music) dans la distribution numérique des artistes musiciens, voire en les détournant d’eux par l’autoproduction.

« Le groupe [Believe] fait en particulier face à un accroissement de la concurrence sur le marché de la musique numérique et des services aux artistes de la part des majors de l’industrie musicale », est-il écrit dans le document d’enregistrement approuvé le 7mai 2021 par l’Autorité des marchés financiers (AMF), en vue de l’introduction en Bourse de cette mini-major française cofondée par Denis Ladegaillerie (photo) et spécialisée dans la distribution mondiale d’artistes.

Défier les « Big Three » (majors)
Believe, dont la date de première cotation et la fixation du prix de l’action ne sont pas encore arrêtées, surfe plus que jamais sur la vague du streaming musical. Ce segment du marché mondial de la musique enregistrée a généré 13,4 milliards de dollars en 2020, soit 62 % du total d’après l’Ifpi (1), la fédération internationale de cette industrie culturelle. Si Believe est encore une mini-major tendance « petit poucet » (441 millions d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier) face aux « Big Three » que sont Universal Music (7,4 milliards d’euros) , Sony Music (3,7 milliards d’euros) et Warner Music (3,6 milliards d’euros), l’entreprise créée il y a une quinzaine d’années pourrait bousculer l’ordre établi. Or l’introduction envisagée à la Bourse de Paris, pour tenter de lever autour de 500 millions d’euros, ne sera pas de trop pour rivaliser avec le trio dominant.
Car, bien que cela soit leur fonds de commerce historique, les majors ne sont pas cantonnés aux seuls grands artistes, vedettes et stars de renommée internationale. De même que Believe n’a pas vocation à rester circonscrit à la recherche et à l’accompagnement de nouveaux talents et d’artistes locaux qui passeraient sous les radars des majors. Les majors ont eux aussi développé des offres de distribution numérique voire d’autoédition par l’intermédiaire de filiales : Universal Music opère Ingrooves et Virgin Music Label & Artist Services ainsi que Spinnup ; Sony Music dispose des plateformes numériques The Orchard et Awal ; Warner Music est présent sur le segment de marché avec ADA (Alternative Distribution Alliance). Believe n’est donc pas le seul distributeur numérique à proposer aux artistes musicaux indépendants de se prendre en main eux-mêmes en s’autoéditant, via notamment la plateforme américaine de self-releasing TuneCore acquise en avril 2015 et/ou en les accompagnant par un de ses labels. Believe a vocation à se différencier des majors avec ses « solutions automatisées pour les artistes » (TuneCore, Backstage, SoundsGood, Musicast, …). Ainsi, sur tunecore.com, un artiste peut distribuer de manière automatisée ses contenus audio auprès des plateformes de streaming (Spotify, Deezer, Apple Music, Amazon Music ou YouTube) et des médias sociaux (TikTok, Instagram, …), en contrepartie du paiement d’un abonnement et de crédits. « L’accès à cette plateforme peut, au choix de l’artiste, être complété notamment par des solutions d’édition musicale et de synchronisation », précise le groupe Believe. La tentation est de plus en plus forte pour les artistes de s’autoéditer pour se lancer ou pour s’affranchir des producteurs de « disques » (2). Sans parler de la désintermédiation par les plateformes de streaming elles-mêmes (3).
La bataille mondiale dans la recherche de nouveaux talents a engendré une hyper concurrence jusque dans les plateformes d’autoproduction. Même les majors s’y sont mises. Par exemple, Universal Music (groupe Vivendi) avait fait l’acquisition en 2012 de la start-up suédoise Spinnup, concurrent direct de TuneCore. Après la Suède, le reste de la Scandinavie, l’Allemagne et la Grande-Bretagne, la plateforme spinnup.com avait été lancée sur l’Hexagone en octobre 2016. Aujourd’hui encore Vivendi mise sur Spinnup pour attirer des artistes indépendants en autoproduction ou/puis en labellisation. « Dans le but d’abaisser les barrières potentielles, d’élargir le champ de recrutement des nouveaux talents et d’adapter les pratiques au monde digital, les entités du groupe multiplient les initiatives et les plateformes de recrutement hors circuits traditionnels. C’est notamment la mission première de la plateforme de distribution d’UMG [Universal Music Group, ndlr], Spinnup », explique le groupe de Vincent Bolloré dans son rapport d’activité 2020 publié par l’AMF le 14 avril dernier.

Spinnup, sérieux rival de TuneCore
Il s’agit pour la plus grande major mondiale, dont l’introduction à la Bourse de Paris est prévue « d’ici à la fin de l’année », d’« offrir un lieu d’expression et de visibilité aux artistes indépendants ». Et Vivendi, la maison mère d’UMG, de se féliciter : « La plateforme a rencontré un franc succès en 2020 avec 24 artistes Spinnup signés par le groupe dans plusieurs pays (…). C’est, à date, le plus grand nombre d’artistes signés via la plateforme en une année ». Un rival pour TuneCore. @

Charles de Laubier

Streaming, self-releasing et maisons de disques

En fait. Le 8 janvier, le jour de son anniversaire, le chanteur Pascal Obispo (56 ans) a lancé sa propre plateforme numérique – « Obispo All Access » – pour s’affranchir des « maisons de disques » (il était notamment chez Epic Records/Sony Music depuis 1990). Le streaming crée des vocations d’autoproduction (self-releasing).

En clair. L’application « Obispo All Access » (OAA) est un pied de nez aux majors et à tous les labels de la musique enregistrée. L’autoproduction d’un artiste musicien, le « self releasing », n’est pas une première dans l’industrie musicale (1). Mais avec la montée en puissance du streaming, de plus en plus nombreux sont les musiciens – jeunes talents en quête de public ou vedettes aspirant à l’indépendance – qui s’interrogent sur le « DIY musical » (2). Certains ont franchi le pas comme Pascal Obispo, d’autres y songent comme Florent Pagny. Plusieurs stars de la musique ont tenté l’aventure avant lui, mais en sont revenues : Prince, Taylor Swift, Jay Z, Moby, Aretha Franklin. Jean-Jacques Goldman ou encore Francis Cabrel. Sans doute se sont-ils lancés trop tôt.
L’autoproduction devrait s’accélérer avec le très haut débit, la 5G et la fibre optique, au grand dam des Universal Music (Vivendi), Sony Music et autres Warner Music, mais aussi des nombreuses maisons de disques. Il y a 30 ans, Pascal Obispo signait son premier contrat d’artiste avec Epic Records (groupe Sony Music). « Tu vas me manquer » sera son premier grand succès. Manquera-t-il aux producteurs de musique ? « Je ne vois pas à quoi me servirait une maison de disques… à me limiter en me disant qu’il faut sortir un album tous les deux ans et demi ? C’est une insulte à la musique et à la créativité », s’est justifié Pascal Obispo le 11 janvier (3). « Je vous donne rendez-vous sur mon application. Venez partager avec moi cette nouvelle aventure », déclare-t-il en ligne (4).
La plateforme OAA a été développée par la société Mobelite pour PO Productions et est disponible sous Android (Google Play) et sous iOS (App Store), avec l’achat in-app, dont l’abonnement à 5,99 euros (59,99 euros à l’année). « Les plateformes [YouTube, Spotify, Deezer, …, ndlr] ont donné l’illusion de la gratuité de la musique, mais elle ne l’est pas ; je fais travailler des musiciens, des techniciens, mixeurs, ingénieurs, des graphistes, etc ; je fais travailler dix fois plus de monde qu’une maison de disques », ironise-t-il. Le chanteur de « L’Important c’est d’aimer » y propose l’« l’intégralité de [sa] musique d’hier, d’aujourd’hui et de demain », avec : animations, clips, séries, programmes, live inédits, livres, BD, partages autour d’un piano et d’une guitare, karaokés, documentaires, interviews … « Tout ça en continu et en pleine liberté ». @

Une nouvelle brèche dans la chronologie des médias

En fait. Le 29 novembre, est paru au Journal Officiel un décret daté de la veille qui prévoit une « dérogation exceptionnelle au délai d’exploitation des œuvres cinématographiques sous forme de vidéogrammes » (en VOD ou DVD) pour tenir compte de la refermeture des salles de cinéma depuis le 30 octobre.

En clair. Emmanuel Macron avait laissé entendre le 24 novembre dernier que les salles de cinéma (comme les théâtres ou les musées) pourraient rouvrir le 15 décembre mais en mettant « un système d’horodatage (…) en fin de journée », selon une idée que lui avait soufflée la Fédération nationale des cinémas français (FNCF). Il s’agirait en réalité d’un passe-droit qui aurait permis aux cinéphiles – sortant d’une séance à partir du 15 décembre et au-delà du commencement du couvre-feu à 21 heures – de rentrer quand même librement chez eux : la date et l’heure de leur billet faisant foi. Mais le 10 décembre, le Premier ministre Jean Castex a douché les espoirs de réouverture des lieux culturels car le nombre de cas « covid-19 » détectés par jour (plus de 10.000 actuellement) était encore le double du seuil des 5.000 quotidiens qui aurait permis de déconfiner.
Pour encore trois semaines, le 7e Art français ne pourra toujours pas faire son cinéma en salles. Dans ce contexte sanitaire compromettant, la chronologie des médias – qui régit la sortie des nouveaux films dans les salles obscures (bénéficiant de quatre mois de monopole), suivie des chaînes payantes (Canal+ en tête), des plateformes de SVOD, puis des chaînes gratuites – est plus que jamais hors-jeu. A l’instar de la première dérogation aux quatre mois qui a été mise en place en mars dernier lors du premier confinement (1), une seconde dérogation a été décrétée le 27 novembre pour les films qui étaient encore en salle le 29 octobre, veille de la fermeture pour le deuxième confinement (2). Au 1er décembre dernier, 43 films ont bénéficié de la dérogation « covid-19 » (3) octroyée par le président du CNC, Dominique Boutonnat.
Pendant ce temps-là, aux Etats-Unis, la chronologie des médias d’Hollywood – qui est contractuelle et non règlementaire – mise, contrairement à la France, sur le day-and-date (ou D&D), à savoir la sortie simultanée des nouveaux films en salles et en VOD. C’est ce que fait Warner (AT&T) en diffusant aussi ses films sur sa plateforme HBO Max, ainsi que Disney pour ses films sur Disney+. Quant aux studios Universal Pictures (Comcast), ils ont ramené les 90 jours de la salle à… 17 jours, grâce à un accord avec le troisième plus gros « circuit » américain, Cinemark. De quoi faire réfléchir l’Hexagone à la veille de la renégociation de la chronologie des médias en 2021. @