Musique : la «taxe streaming» pourrait être adoptée dans le projet de loi de finances 2024

Bien qu’elle ne fasse pas l’unanimité au sein de la filière musicale (les producteurs sont divisés), la « taxe streaming » que prône le rapport Bargeton pourrait être adoptée à l’automne dans le projet de loi de finances 2024 alors qu’elle avait été rejetée dans le projet de loi de finances 2023.

La « taxe streaming », à savoir une contribution des plateformes de streaming (Spotify, Deezer, Apple Music,…) au financement du Centre national de la musique (CNM) telle que préconisée par le rapport Bargeton, fissure la filière musicale. D’un côté, l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI), regroupant des labels et producteurs indépendants, y est favorable avec des organisations du spectacle vivant. De l’autre, le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), représentant notamment les majors Universal Music, Sony Music et Warner Music, la fustige.

Financer le CNM, comme le CNC et le CNL
Ce projet de « taxe streaming » à 1,75 % serait à la musique enregistrée le pendant de la « taxe billetterie » à 1,75 % du spectacle vivant. Selon le rapport du sénateur Julien Bargeton (majorité relative présidentielle), lequel avait été missionné par la Première ministre Elisabeth Borne et la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak (photo), l’instauration de ce prélèvement « sur les revenus » de la consommation de musique en flux continu (streaming), aurait le mérite de mettre un terme à « l’asymétrie de financement entre spectacle vivant et musique enregistrée qu’on observe actuellement pour le financement du CNM ». Un an après avoir échoué à être adoptée dans le projet de loi de finances 2023, où trois amendements avaient été rejetés (1), la « taxe streaming » pourrait bien être adoptée à l’automne prochain dans le projet de loi de finances 2024.
Actuellement, la « taxe billetterie », prélevé sur les revenus des entrées aux spectacles de variétés représente environ 35 millions d’euros par an. Selon les calculs de Edition Multimédi@, la « taxe streaming » aurait pu rapporter 9,7 millions d’euros au titre de l’année 2022 où le streaming a généré en France 556,9 millions de chiffre d’affaires (2). Cette somme de près de 10 millions d’euros sont à comparer aux 20 millions d’euros de « rendement annuel » qu’attend le rapporteur Julien Bargeton (3) pour les prochaines années – anticipant ainsi une forte croissance du streaming musical par rapport à l’an dernier. La mission « de réflexion sur le financement des politiques publiques en direction de la filière musicale », qui a remis le 20 avril sa centaine de pages (4) à Rima Abdul Malak (5), estime que cette manne « supplémentaire » est indispensable – sur les 30 à 40 millions d’euros estimés nécessaires en plus par rapport au budget actuel (46 millions d’euros en 2023) – pour que le CNM puisse continuer à mener son action et à l’élargir. D’autant que l’innovation (data, livestream, blockchain, IA, NFT, VR, métavers, …) l’amène à assurer un « veille proactive » (accompagnement, formation, expertise), y compris via son think tank CNMlab. La « taxe streaming » a été préférée à deux autres pistes de financement que sont la contribution budgétaire complémentaire (Etat) ou une affectation de la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSN).
Ainsi, créé en janvier 2020, soit plus de huit ans après que la mission Chamfort-Colling-Thonon-Selles-Riester sur le « financement de la diversité musicale à l’ère numérique » ait proposé sa création (6), le CNM – établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle du ministre de la Culture – devrait fonctionner sur le modèle du CNC pour le cinéma et du CNL pour le livre. Mais cette « taxe streaming » ne fait pas l’unanimité au sein de la filière musicale. Huit organisations représentatives de producteurs indépendants de musique enregistrée et de spectacles vivants – UPFI, SPPF, Camulc, Felin, Forces musicales, Prodiss, Profedim et SMA – se sont félicitées le 21 avril « de la priorité donnée à la “taxe steaming” [qui] s’impose comme la solution la plus réaliste, la plus soutenable et la plus cohérente » (7). De même, la Société des auteurs compositeurs dramatiques (SACD) s’est félicitée elle aussi de la proposition de « soumettre à contribution les opérateurs de streaming, payants comme gratuits, [qui] constitue la seule démarche permettant d’assurer pérennité et dynamisme des ressources et de construire un modèle de financement juste basé sur la mutualisation ». Même si la SACD trouve insuffisant ce taux de 1,75 % qui « gagnerait à être relevé » (8).

Le Snep (dont les majors) en désaccord
En revanche, le Snep – représentant notamment les majors de la musique enregistrée (Universal Music, Sony Music et Warner Music) – fustige « la création d’un nouvel impôt sur le streaming dont notre secteur devrait s’acquitter » et « une analyse erronée de la dynamique actuelle du streaming et de ses acteurs », alors qu’« il existe des alternatives pour financer le CNM». Le rapport Bargeton, lui, pointe le fait que les données de stream et de vente physique soient consolidées par le Snep, ce qui « participe du climat général de méfiance autour de la réalité économique du streaming ». @

Charles de Laubier

TikTok diversifie la monétisation des productions

En fait. Le 2 juin, le média américain The Hollywood Reporter a révélé que TikTok lançait ce mois-ci une série payante intitulée « Finding Jericho » : 4,99 dollars pour les huit épisodes de 30 minutes chaque (dont les deux premiers gratuits). Une première pour le réseau social du groupe chinois ByteDance.

En clair. C’est une première tentative de production payante lancée sur la plateforme « Live Events » de TikTok avec un paiement à l’acte. Il a fallu les révélations de The Hollywood Reporter le 2 juin (1), suivies de celles de TechCrunch le lendemain (2), pour avoir connaissance de cette initiative de monétisation – sans précédent sur le réseau social du chinois ByteDance – d’une production diffusée en exclusivité.
Créée par la société Pearpop, cette comédie satirique utilise la plateforme Live Events que TikTok a lancée il y a près d’un an. Elle permet aux créateurs l’accès à des filtres, à des effets et au contrôle de la caméra. Les créateurs n’ont pas – contrairement à TikTok normal – de limites de temps lorsqu’ils sont en direct. Mais pour la première fois, les fonctions de Live Events ont été utilisées pour diffuser une production préenregistrée, une série. Les outils permettent aux créateurs de mieux planifier leurs prochaines sessions, pour sortir des docu-séries comiques comme « Finding Jericho », en en planifiant et en promouvant leurs événements à l’avance pour susciter l’adhésion de leur communauté. Les fans peuvent découvrir, s’inscrire et recevoir des notifications et des rappels lorsque le « live » est sur le point de commencer. Reste à savoir si TikTok ne sera pas tenté de produire ou coproduire des séries originales à la « Netflix » pour les proposer à son milliard d’utilisateurs dans le monde. Ce qui fait de la filiale de ByteDance un rival potentiel. « Pensez à Live comme une émission de télévision », suggère TikTok (3).
Le réseau social musical – ex-Musical.ly (4) – cherche ainsi à proposer aux créateurs et aux producteurs des outils pour gérer leurs publics et être rémunérés pour leur créativité et leurs productions. Fin mai, TikTok a lancé auprès de certains créateurs (5) la fonction « Live Subscription », afin de leur permettre de proposer un abonnement mensuel pour les fans qui acceptent de soutenir financièrement leurs créateurs préférés. Les fans abonnés payants reçoivent une insigne « abonné » et ont accès à des émoticônes personnalisées et exclusives, ou encore bénéficient d’un « chat » en tant que téléspectateur abonné payant permettant d’échanger directement avec le créateur. Fans et créateurs doivent cependant être âgés d’au moins 18 ans pour souscrire un abonnement payant, et le créateur avoir un minimum de 1.000 abonnés. @

Arnaud de Puyfontaine, qui préside Vivendi et siège chez Telecom Italia et Lagardère, pense « Disney européen »

Président du directoire de Vivendi, maison mère de Canal+, d’Havas, d’Editis, de Prisma, de Gameloft ou encore de Dailymotion, Arnaud de Puyfontaine rêve avec son principal actionnaire Bolloré de faire un « Disney européen » du groupe multimédia – délesté depuis septembre de « l’arbre » Universal Music.

Arnaud de Puyfontaine (photo), président du directoire du groupe Vivendi depuis juin 2014, pourrait devenir aussi président du conseil de surveillance de Telecom Italia – dont le groupe français est le premier actionnaire (à 23,8 % du capital, part valorisée 3,1 milliards d’euros au 31 décembre 2020). C’est ce qu’a révélé l’agence Reuters le 5 novembre dernier, alors que Vivendi souhaite trouver un accord avec l’Etat italien – deuxième actionnaire de l’opérateur historique romain – pour procéder à des changements et à un redressement. Arnaud de Puyfontaine connaît bien « Tim » (sa dénomination depuis deux ans) puisqu’il en est membre du conseil d’administration depuis que Vivendi en est devenu l’actionnaire de référence en juin 2015. En plus, le Français a déjà été le président exécutif de Telecom Italia – nommé en avril 2017, tout en restant président du directoire de Vivendi – et en a aussi été provisoirement son administrateur délégué, autrement dit son patron. A l’époque, Arnaud de Puyfontaine avait dit dans une interview publiée le 29 juillet 2017 par le quotidien La Stampa que Vivendi ne se contenterait pas d’être le premier actionnaire de Tim mais qu’il comptait bien « développer de nouvelles initiatives pour être en tête dans la convergence entre télécommunications et contenus ».

Vincent Bolloré, un « Walt Disney » européen ?
Si Vivendi réussissait à placer Arnaud de Puyfontaine à la présidence de Tim, à la place de Salvatore Rossi, les jours de l’actuel administrateur délégué Luigi Gubitosi – au bilan contesté par l’actionnaire français – seraient comptés. Est-ce à dire que Vivendi pourrait faire un pas de plus dans sa nouvelle ambition de devenir le « Disney européen », après avoir échoué en 2016 dans le projet de « Netflix latin » (1) avec le groupe italien Mediaset, appartenant à Sylvio Berlusconi (Fininvest) ? « J’aime beaucoup un dessin (2) fait en 1957 par Walt Disney, que j’ai dans mon bureau, avec Mickey Mouse au milieu et sa vision qui a donné le succès de la Walt Disney Company. Comparaison n’est pas raison, mais, si l’on regarde les valeurs qui ont permis la construction de ce qui est aujourd’hui Disney, la vision de l’ensemble des équipes de Vivendi est de créer un “Disney européen”… pourquoi pas », a confié Arnaud de Puyfontaine, président du directoire du groupe Vivendi, le 12 octobre dernier dans le cadre du festival Médias-en-Seine (3).

« L’arbre » UMG cachait « la forêt » Vivendi
A 57 ans, le bras droit de la dynastie Bolloré depuis sept ans – nommé à ce poste le 24 juin 2014 – se sent pousser des ailes. Ce jour-là correspond à la mise en place de la nouvelle gouvernance de Vivendi avec comme président du conseil de surveillance et premier actionnaire Vincent Bolloré, lequel a passé la main il y a trois ans et demi à l’un de ses fils, Yannick Bolloré (photo ci-contre). Même s’il a échoué il y a cinq ans à créer avec Mediaset un « Netflix latin », Arnaud de Puyfontaine nourrit toujours avec le milliardaire breton l’ambition mondiale de rivaliser avec les Netflix, Amazon Prime Video autres Disney+ en se donnant comme objectif de créer un « Disney européen » – quitte à marcher aussi sur les plates-bandes de la Walt Disney Company justement. « Le projet stratégique à partir de 2014 a été de dire que nous sommes un groupe média avec l’ambition d’être un champion mondial porteur des valeurs d’une culture européenne et de pouvoir exister dans cette extraordinaire reconfiguration du secteur média », a rappelé Arnaud de Puyfontaine. Depuis mai dernier et après des années de batailles judiciaires autour du projet avorté de ce qui fut aussi appelé en 2016 « Euroflix », sur fond de rivalités capitalistiques (4) (*) (**), Vivendi a enterré la hache de guerre avec Mediaset dont il est le deuxième actionnaire (19,1 %), mais décidé à se désengager en cinq ans. Reste que Sylvio Berlusconi réclame depuis quatre ans à Vincent Bolloré 3 milliards d’euros de dommages et intérêts sur des accusations de « manipulation de marché » au capital de Mediaset et d’« entrave aux régulateurs » de la part du Breton et de son bras droit Arnaud de Puyfontaine (5). Mais selon Reuters, le parquet italien a demandé le 16 novembre dernier au juge l’abandon de ces poursuites.
Le groupe français « à fort ancrage européen et à ambition mondiale » fera donc cavalier seul, en espérant toujours donner la réplique à Netflix et aux autres plateformes audiovisuelles sur le Vieux Continent et au-delà. Sa filiale Canal+ est exposée en première ligne. Arnaud de Puyfontaine (« ADP ») en fut aussi président du conseil de surveillance jusqu’au passage de témoin à Vincent Bolloré en septembre 2015, ce dernier l’ayant ensuite transmis à Jean-Christophe Thiery en avril 2018. Face à Netflix ou Amazon Prime Video, « ADP » se veut enthousiaste : « La perspective de Canal+ est réjouissante car le groupe Canal associe à la fois les métiers de la distribution (de chaînes), de la création (StudioCanal) et de l’agrégation (de contenus) pour nos 22 millions d’abonnés [dans le monde, dont 9 millions sur l’Hexagone, là où Netflix en a 8,9 millions selon Digital TV Research, ndlr], avec un objectif de 30 millions d’abonnés à l’horizon 2025 que s’est fixé Maxime Saada [président du directoire de Canal+, ndlr] ». Et celui qui est toujours membre du conseil d’administration de Canal+ de nuancer cependant : « Le groupe est en pleine évolution et positionnement face à l’arrivée de l’OTT (6) et dans un environnement de concurrence révolutionné. A l’étranger, les résultats de Canal+ sont flamboyantes. En France, c’est plus complexe en raison justement de la complexité réglementaire dans laquelle il nous faut continuer à avancer et avec détermination », faisant notamment allusion aux négociations très tendues en cours sur la chronologie des médias en France (lire page suivante).
Mais Vivendi ne se résume pas au groupe de sa chaîne cryptée, pas plus qu’il n’était réduit à la valorisation boursière de son ex-filiale Universal Music Group (près de la moitié de son chiffre d’affaires en 2020) qui est désormais cotée à part à la Bourse d’Amsterdam. Le groupe de l’avenue de Friedland (où se situe le siège social de Vivendi, à quelques pas de l’Arc de Triomphe) n’a pas lâché pour autant sa pépite musicale. « Ce n’est pas un désengagement mais une évolution de notre engagement. Pardon, c’est peut-être un aspect sémantique mais c’est la réalité, s’est défendu Arnaud de Puyfontaine. L’idée était de séparer partiellement l’arbre [Universal Music] qui cachait la forêt [Vivendi] Nous gardons 10 % du capital et il s’avère que le premier actionnaire de Vivendi, le groupe Bolloré, est aussi de facto un actionnaire d’Universal Music [18 % du capital, ndlr] ». Aujourd’hui, le « Vivendi, acte II » (comme il l’a appelé) va pouvoir être valorisé pour lui-même : 12,5 milliards d’euros, contre 45,4 milliards d’euros pour Universal Music (au 19-11-21). « Canal+ est un groupe exceptionnel ; Havas est un acteur remarquable, … Nous avons depuis lors complété nos activités avec la presse magazine (Prisma Media), l’édition (Editis), les jeux vidéo (Gameloft) », a rappelé celui qui, par ailleurs, a fait son entrée fin juin au conseil d’administration du groupe Lagardère (Hachette Livre, Paris Match, Europe 1, JDD, …), dont Vivendi est le premier actionnaire (27% du capital, bientôt 45 %) et – à l’issue d’une OPA à venir – le propriétaire potentiel. Arnaud Lagardère a été évincé cette année de l’ancienne gouvernance par le fonds activiste Amber Capital, lequel a revendu cet été ses parts à Vivendi. « ADP » se rêverait-il à la tête d’un « Vivendi- Lagardère » ?

Convergence pour l’ours Paddington
Une chose est sûre : délesté d’Universal Music mais sous contrôle stratégique et opérationnel, Vivendi va pouvoir se concentrer sur ses trois métiers que sont l’édition, la publicité et les médias – avec les actifs de Lagardère en ligne de mire si l’Autorité de la concurrence donnait son feu vert. « Mais il s’agit aussi de créer dans l’ensemble de nos métiers des passerelles pour que nos marques et nos projets travaillent ensemble. Par exemple : Paddington [personnifié par le petit ours, dont les droits de propriété intellectuelle ont été acquis par StudioCanal en 2016] est exposé à la fois à travers Canal+ (Paddington 3 a été lancé en production et série de télévision), Editis (pour des livres) et bientôt chez Prisma », a-t-il indiqué à Média-en-Seine. @

Charles de Laubier

Les réactions au rapport Bergé « pour une nouvelle régulation de l’audiovisuel à l’ère numérique »

La présentation à l’Assemblée nationale le 4 octobre du rapport « pour une nouvelle régulation de l’audiovisuel à l’ère numérique » a suscité de nombreuses réactions de producteurs et d’auteurs. Les voici regroupées autour des principales propositions faites par la députée « macroniste » Aurore Bergé.

Aurore Bergé (photo), c’est un peu comme « la voix son
maître ». La réforme de l’audiovisuelle qu’elle préconise
en tant que rapporteur est l’exposé de ce que souhaite le présidentielle de la République – que l’ex-élue LR devenue députée LREM des Yvelines avait rejoint dès février 2017 lorsque Emmanuel Macron n’était encore que candidat (1). Ses quarante propositions préparent le terrain au projet de
loi sur la réforme de l’audiovisuel, texte qui sera présenté au printemps 2019.

SACD, UPC, SPI, Scam, Adami, Sirti, …
• Lutte contre le piratage : « La lutte contre le piratage est à juste titre placée comme priorité première, qui conditionne l’ensemble des autres », se félicite l’UPC. La SACD, elle, déclare que « les auteurs (…) sont en particulier en phase avec la logique (…) visant à renforcer la lutte contre le piratage tout en développant l’offre légale et en assurant un renforcement de la diffusion et de la visibilité des œuvres audiovisuelles et cinématographiques ». Et d’ajouter « à cet égard » que « la réforme de la chronologie des médias, comme l’assouplissement des conditions de diffusion des films de cinéma, sont des mesures urgentes ». De son côté, « le SPI approuve le fait que [la lutte contre le piratage] soit posé comme un préalable à toute réforme de fond ». La Scam est aussi « favorable (…) à un renforcement de la lutte contre le piratage ainsi que des pouvoirs de sanction et du champ de compétence de [l’Hadopi]». • Fusion envisagée de l’Hadopi et du CSA : La Scam « invite (…) à la prudence quant à la fusion envisagée de la Hadopi et du CSA et à la conduite – a minima- d’une étude d’impact ».
• Redevance audiovisuelle : La SACD estime que la proposition de « transformation de la redevance audiovisuelle en contribution universelle déconnectée de la possession d’un téléviseur [et payée par tous les foyers français, ndlr],comme l’ont fait de nombreux grands pays européens » va « dans le bon sens ». La Scam « salue » aussi « la proposition relative à l’universalisation de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) » et s’attend à sa « revalorisation ». Le SPI « salue », lui aussi, « la volonté affirmée par le rapport de réformer la CAP pour lui donner un caractère universel adapté à l’évolution des usages » mais il considère que « l’hypothèse de financements supplémentaires dégagés ne doit pas être fléchée vers une suppression de la publicité pour France 5 et Radio France mais vers un engagement renforcé à l’égard de la création ». • Rémunération des auteurs : « La volonté de garantir l’existence d’une rémunération proportionnelle des auteurs à l’ère numérique et d’assurer le développement de pratiques contractuelles équilibrées entre auteurs et producteurs sont des exigences indispensables », prévient la SACD qui a déjà passé des accords avec Netflix et YouTube mais pas avec Amazon ni Facebook. « L’invitation faite aux plateformes de conclure rapidement des accords avec les ayants droit afin de leur assurer une rémunération proportionnelle » est aussi accueillie favorablement par
la Scam. Et l’Adami : « Il convient désormais d’inscrire un principe de rémunération proportionnelle des comédiennes et comédiens au titre de l’exploitation de leur travail notamment dans l’univers numérique ». • Transparence des relations auteurs-producteurs : La Scam estime qu’« une plus grande transparence dans les relations auteurs·rices-producteurs·rices et une meilleure connaissance des données d’exploitation des œuvres est essentiel à l’ère de la multiplication des moyens de diffusion et compte tenu de la place prise par certains acteurs étrangers ». L’Adami, elle, déclare que « ce rapport [reconnaît les artistes] comme “les perdants de la nouvelle donne numérique”. C’est un geste fort. Il devra inspirer les décisions législatives à venir ». • Fiscalité et financement de la création : La Scam considère que « les propositions relatives à une meilleure convergence des dispositifs fiscaux servant au financement de la création afin de faire contribuer équitablement acteurs historiques et ‘’nouveaux services’’ semblent de très bon aloi ». La taxe prélevée sur
le chiffre d’affaires publicitaire des plateformes vidéo pourrait être augmentée et son assiette élargie. L’UPC « salue le rééquilibrage du partage de la valeur ». Pour sa part, le SPI estime que « ces objectifs (…) doivent répondre aux enjeux de l’avenir du secteur, dans un contexte de fragilisation des acteurs par l’entrée des plateformes et GAFAN, mais aussi de remise en cause des systèmes de financement de la création (…), sur la base de l’ensemble des recettes liées à l’exploitation des œuvres et à laquelle les nouveaux acteurs doivent participer ». • Indépendance de la production : « Le SPI salue la définition proposée pour une réelle et nécessaire indépendance de
la production, exigeant l’absence de liens capitalistiques entre diffuseur et producteur. Elle doit s’articuler avec un encadrement des étendues de droits cédés. Il en va de la diversité et de la liberté de la création ». L’UPC, elle, souligne que « la production cinématographique indépendante est un pivot de la diversité des œuvres et du dynamisme de la création à l’ère numérique et qu’il est crucial de la développer ». • La radio numérique terrestre (RNT) : Le Sirti considère que « la volonté d’accélérer le déploiement de la radio numérique terrestre (DAB+) pour assurer l’émergence d’une offre radiophonique renouvelée » est « encourageante », tout en rappelant que l’équipement des récepteurs radio d’une puce DAB+ sera obligatoire« avec le lancement en décembre prochain du DAB+ à Lyon et Strasbourg ». • Les quotas francophones : Pour le Sirti, sera bienvenu « l’adaptation du dispositif des quotas francophones aux nouvelles réalités numériques » et « une simplification législative ».

L’ARP appelle à la poursuite des débats
Les débats vont se poursuivre. Les cinéastes de l’ARP, qui constatent « avec satisfaction que de nombreuses propositions positives et modernes, adaptées aux nouveaux usages », invitent à poursuivre les « débats constructifs », notamment aux Rencontres cinématographiques de Dijon qui se tiendront du 7 au 9 novembre prochains. @

Charles de Laubier

Les auteurs audiovisuels exigent une rémunération équitable au niveau mondial, à l’ère du numérique

Alors que le projet de directive européenne sur le droit d’auteur pour le marché unique numérique est en cours d’examen, la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (Cisac) publie une étude juridique préconisant une rémunération équitable des scénaristes et réalisateurs.

C’est fut en plein Festival de Cannes, dont le tapis rouge a été renroulé le 19 mai après douze jours dédiés au 7e Art, que les scénaristes, les réalisateurs et tous les autres auteurs audiovisuels se sont rappelés au bon souvenir de la profession cinématographique pour demander à ne pas être les oubliés du partage de la valeur à l’heure de l’exploitation des films et séries sur les plateformes numériques.

Rémunération équitable et droit d’auteur
A l’appui de leur revendication : une étude juridique publiée le 14 mai et commanditée par la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (Cisac) et Writers & Directors Worldwide (W&DW). Cette dernière organisation, domiciliée au siège de la Cisac, ellemême basée à Neuilly-sur-Seine, est le fer de lance de « la juste rémunération de tous les auteurs et réalisateurs dans le domaine de l’audiovisuel à travers le monde ». Présidée par le réalisateur et scénariste argentin Horacio Maldonado (photo), W&DW mobilise depuis 2014 les créateurs audiovisuels, littéraires et dramatiques de tous les pays afin d’obtenir la recon-naissance de leurs droits à l’ère du numérique (1). « Les services Internet diffusent un plus grand nombre de contenus audiovisuels, vers un public plus large et à l’aide d’une multitude de dispositifs, mais la position de faiblesse des créateurs dans leurs négociations contractuelles les empêche souvent d’accéder aux revenus générés par ce marché numérique en pleine expansion », est-il déclaré dans le texte fondateur du 8 octobre 2014 et appelé « Manifeste de Mexico » (2). Les auteurs audiovisuels veulent que les gouvernements et parlementaires du monde adoptent une législation reconnaissant aux écrivains et réalisateurs un droit inaliénable à rémunération, lequel devra être obligatoirement négocié avec les utilisateurs de leurs œuvres et soumis à la gestion collective.
Les droits à rémunération existent depuis longtemps dans plusieurs pays européens, comme en Belgique, en France, en Italie, en Pologne et en Espagne. Il s’agit cette fois de l’étendre à toute l’Union européenne où nombreux seraient les scénaristes et réalisateurs victimes d’une
« traitement discriminatoire » (3) et, partant, au monde entier comme l’ont déjà fait le Chili (loi Ricardo Larrain en 2016), la Colombie (loi Pepe Sánchez en 2017) et bientôt le Brésil (en 2018 ?). Une déclaration de 126 scénaristes et réalisateurs européens et une pétition en ligne (4) signée par plus de 15.000 person-nes dans plus de 100 pays avaient été envoyées au Parlement européen en février dernier. Ses commissions de la Culture et de l’Industrie ont proposé d’introduire – pour l’exploitation des œuvres sur les plateformes audiovisuels et numériques – un droit incessible et inaliénable à rémunération pour les auteurs audiovisuels dans la future directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique. Des discussions sont en cours au sein de la commission des Affaires juridiques où un vote est, selon nos informations, prévu les 20 et 21 juin, tandis que le vote des eurodéputés en plénière aura lieu en juillet au plus tôt, sinon en septembre.
La Cisac, présidée par le compositeur de musique électronique et interprète français Jean-Michel Jarre, représente plus de 4 millions de créateurs de tous les répertoires artistiques dans le monde (musique, audiovisuel, spectacle vivant, littérature et arts visuels). Elle soutient avec W&DW la demande des scénaristes et réalisateurs d’inclure, dans la prochaine directive, une rémunération équitable pour l’exploitation de leurs œuvres par les plateformes de contenus à la demande. L’étude juridique de 105 pages (5) est soutenue par la Société des auteurs audiovisuels (SAA) qui milite pour une modification de la législation européenne. Elle part du constat que « les auteurs sont souvent amenés à céder leurs droits aux producteurs en raison de leur situation de faiblesse lors des phases de négociation ». Aussi, il est recommandé « la mise en place d’un cadre juridique international qui introduirait un droit à rémunération incessible et inaliénable pour les auteurs audiovisuels (…) sans empiéter sur l’exploitation commerciale par le producteur ».

Droit des producteurs versus gestion collective
Les producteurs, tant dans l’audiovisuel et le cinéma que dans la musique, sont, eux, vent debout dès lors que l’on tente de porter atteinte à leur droit exclusif de la propriété intellectuelle ou de le contourner. Droit des producteurs versus gestion collective des droits ? « Ma société de gestion collective doit pouvoir représenter mes droits et négocier ma rémunération avec ceux qui exploitent mes œuvres, y compris les plateformes de vidéo à la demande », a déclaré le 14 mai Julie Bertuccelli, réalisatrice et membre de la SAA. @

Charles de Laubier