Economie de l’attention et éducation à l’image : le rapport aux écrans est à la fois craint et désiré

Deux rapports se télescopent : celui des ministères de la Culture et de l’Education nationale sur « l’éducation à l’image » pour les jeunes, grands utilisateurs d’écrans, et celui de la direction du Trésor à Bercy sur « l’économie de l’attention » qui alerte sur la baisse du PIB à cause des écrans.

« L’économie de l’attention à l’ère du numérique » est le titre de la publication « Trésor-Eco », publiée en septembre 2025 par la direction du Trésor, au ministère de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Cette étude affirme que l’économie de l’attention pourrait faire perdre à terme à la France entre 2 et 3 points de PIB. De son côté, le rapport « Offrir à chaque élève une éducation au cinéma et à l’image de qualité », publié aussi en septembre par deux ministères (Culture et Education nationale), veut accroître la formation des jeunes à l’image, donc aux écrans. Contradictoire ?

Impact sur le produit intérieur brut
Le premier rapport a comme auteur Solal ChardonBoucaud (photo de gauche), adjoint au chef du bureau Numérique et activités tertiaires, à la direction générale du Trésor, et le second Edouard Geffray (photo de droite), conseiller d’Etat et ancien directeur général de l’enseignement scolaire. « L’économie de l’attention génèrent […] des externalités négatives importantes pour les utilisateurs et la société (par exemple perte de temps productif, impact sur les facultés cognitives ou la santé mentale). Celles-ci pourraient atteindre – selon un travail de recension de la littérature existante – entre 2 et 3 points de PIB à long terme pour la partie quantifiable de ces impacts », souligne Solal Chardon-Boucaud. Cet impact négatif des écrans, que la direction du Trésor a évalué à long terme et situé à l’horizon 2060 contre une perte de l’ordre 0,6 point de PIB à court terme, tient compte de trois facteurs que sont la détérioration des capacités cognitives, la perte de temps productif, et la dégradation de la santé mentale.
En creux, les effets négatifs futurs de l’économie de l’attention dépendent (suite)

Culture et médias, l’UE vise 8,5 milliards d’euros

En fait. Le 16 juillet, la Commission européenne a présenté son projet de budget pluriannuel 2028-2034 pour l’UE, à près de 2.000 milliards d’euros. Parmi les priorités : la création d’un programme « culture, audiovisuel et médias » appelé AgoraEU, de 8,5 milliards d’euros. Il remplacera Creative Europe/Media.

En clair. 8.582.000.000 euros. C’est le mondant de l’enveloppe financière proposée le 16 juillet par la Commission européenne sur la période 2028-2034 pour le futur programme AgoraEU. Il est destiné à « promouvoir des valeurs communes, notamment la démocratie, l’égalité et l’état de droit », et à « soutenir la diversité culturelle européenne, ses secteurs audiovisuel et créatif, la liberté des médias et la participation de la société civile ». Ce montant fait partie des près de 2.000 milliards d’euros du budget de l’Union européenne (1) – en baisse de – 4,25 % par rapport à l’actuel budget 2021-2027 – qu’a proposé le 16 juillet la Commission européenne (2), l’AgoraEU pesant seulement 0,43 % de ce total.
La proposition de règlement établissant le programme AgoraEU, abrogeant les règlements « Europe Active » de 2021 (culture, programme Media et journalisme) et « Cerv » de 2021 également (Citoyens, égalité, droits et valeurs), va être discutée, cet été au sein du Conseil de l’UE (les Etats membres). Puis les négociations avec le Parlement européen débuteront avant la fin de l’année. Le programmes AgoraEU (3) comprend trois (suite)

Chronologie des médias « 2025-2028 » : un équilibre délicat à la française, sous pression

Trois mois après son entrée en vigueur, le nouvel accord français sur la chronologie des médias revient sous le feu des contestations. Netflix et Amazon Prime Video ont confirmé en avril avoir saisi le Conseil d’Etat français pour contester l’arrêté du 6 février 2025 s’appliquant aussi aux plateformes.

Par Anne-Marie Pecoraro*, avocate associée, UGGC Avocats

L’arrêté du 6 février 2025 portant extension de l’accord sur la chronologie des médias daté du même jour (1) étend les règles à l’ensemble des services de diffusion, y compris aux plateformes vidéo non-signataires de cet accord trouvé en janvier dernier. Si les recours devant le Conseil d’Etat de respectivement Netflix et Amazon Prime Video – lesquels les ont chacun confirmé en avril – traduisent des tensions persistantes entre plateformes, professionnels et régulateurs, ils n’équivalent pas à une remise en cause du système.

Un accord reconduit, des recours ciblés
Ces deux contestations de la chronologie des médias devant la plus haute juridiction administrative française illustrent plutôt un bras de fer à l’intérieur d’un modèle globalement validé, mais dont les paramètres doivent, selon les requérants, évoluer à proportion de leurs investissements (2). Ce débat se distingue ainsi d’un rejet total du système, comme celui récemment exprimé aux Etats-Unis par son président Donald Trump à l’encontre des politiques culturelles locales. Signé en janvier 2025 et entré en vigueur le 13 février 2025 (3), sous l’égide du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et du ministère de la Culture, le nouvel accord interprofessionnel – valable trois ans, soit jusqu’au 9 février 2028 – confirme les fenêtres d’ouverture de diffusion post-salles : 4 mois pour la VOD, 6 mois pour les services payants signataires (Canal+, OCS), 9 mois pour Disney+ (signataire) en contrepartie d’un engagement de 115 millions d’euros sur trois ans, 15 mois pour Netflix, 17 mois pour Amazon, 22 mois pour les chaînes en clair, et 36 mois pour les services gratuits non-signataires (4). Le texte introduit également une fenêtre dite « période d’indisponibilité » renforcée entre des phases d’exploitation, afin de (suite)

Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a son nouveau président : ce qui attend Gaëtan Bruel

Un décret présidentiel du 5 février a officialisé la nomination d’un expert culturel, Gaëtan Bruel, à la présidence du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Il prend ses fonctions ce 17 février, pour trois ans, au moment où l’avenir du grand argentier du cinéma et de l’audiovisuel français est en jeu.

Le normalien de 37 ans Gaëtan Bruel (photo) prend ce lundi 17 février ses fonctions pour trois ans de président du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), après avoir été officialisé par décret présidentiel signé le 5 février. Soit… le même jour où le projet de loi de finances 2025 a été adopté par l’Assemblée nationale, dans la foulée du rejet de la motion de censure déposée par La France insoumise (LFI) contre le gouvernement Bayrou (1). Celui-ci avait engagé deux jours auparavant sa responsabilité en dégainant le « 49-3 » pour l’adoption de ce budget de l’année en cours, sur la base du texte que les sénateurs et députés ont approuvé le 31 janvier 2025 en commission mixte paritaire. Or ce texte controversé adopté à l’arrachée concerne aussi le CNC, dont le pactole financier intéresse depuis des années l’Etat (en l’occurrence Bercy), surtout en ces périodes de déficit budgétaire de la France en quête de rentrées d’argent. Justement, le CNC est la poule aux œufs d’or de « l’exception culturelle française » avec environ 770 millions d’euros de recettes annuelles – provenant de différentes taxes – et destinées à son « fonds de soutiens » pour le cinéma, l’audiovisuel et même le multimédia et le jeu vidéo. Ce pécule, que ne cesse de lorgner le ministère de l’Economie et des Finances, est reparti à la hausse après la crise sanitaire covid-19.

Déficit public : l’Etat prend 500 M € au CNC
Le budget 2025 table pour le CNC sur un « rendement prévisionnel total » de 768,5 millions d’euros cette année, auxquels s’ajouteront d’autres « cotisations (normale et supplémentaire) des entreprises cinématographiques », dont le montant est « non chiffrable » à ce stade. Or que prévoit la loi de finances 2025 telle qu’il a été promulguée au Journal Officiel du 15 février ? « Un prélèvement de 500 millions d’euros sur le fonds de roulement du Centre national du cinéma et de l’image animée […] », est décidé (2). Cette ponction exceptionnelle dans le trop plein de trésorerie du grand argentier du 7e Art français est (suite)

Le Pass Culture perd 30,7 millions d’euros en 2024

En fait. Le 7 décembre, la loi de finances de fin de gestion pour 2024 a été publiée au Journal Officiel. Elle annule 5,6 milliards d’euros de crédits pour contenir le déficit public à 6,1 % en 2024. Le ministère de la Culture voit, lui, 32,7 millions d’euros de crédits annulés, dont 30,7 millions d’euros du Pass Culture.

(Après la publication de cet article dans EM@, la Cour des comptes a publié le 17 décembre 2024 son « premier bilan du Pass Culture »)

En clair. Le ministère de la Culture n’a pas échappé à l’annulation de crédits de paiement dans le cadre de la loi de finance dite « de fin de gestion pour 2024 », laquelle a été publiée au Journal Officiel le 7 décembre. Or sur les 32,7 millions d’euros de crédits de paiement annulés pour cette année, 30,7 millions d’euros portent sur le poste appelé « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » correspondant au Pass Culture.
Cette application mobile, lancée en février 2019 dans certains départements puis généralisé en mai 2021, offre aux jeunes un crédit de 20 euros pour les 15 ans, 30 euros pour les 16 ans et 17 ans (cumulables), et 300 euros pour les 18 ans (non cumulable avec les sommes précédentes et à dépenser d’ici leurs 20 ans) pour leur permettre d’accéder à des lieux, biens et activités culturels, y compris en ligne : livre, musique, cinéma, théâtre, concert, patrimoine, arts et loisirs créatifs, etc (1)). Cela représente au total un « cadeau » de 380 euros par jeune (2), les achats numériques (ebooks, SVOD, jeux vidéo, …) étant plafonnés à 100 euros. (suite)