Rejet du projet d’accord Canal+/BeIn Sportspar l’Autorité de la concurrence : rendez-vous dans… cinq ans

L’Autorité de la concurrence a rejeté la demande du groupe Canal Plus de lever l’injonction imposée en 2012 qui l’empêche de distribuer en exclusivité des chaînes sportives premium. Imposer des mesures sur cinq ans à l’heure d’une économie numérique à l’évolution fulgurante est-elle pertinente ?

Rémy Fekete (photo), associé Jones Day, avec la collaboration de Christophe Chadaillac

Première devinette : quel groupe a présenté cinq films au dernier festival de Cannes ? (1) Deuxième devinette : quel groupe a passé la barre des 3 millions d’abonnés à l’occasion de la retransmission des matches de l’Euro 2016 ? (2) Et pour finir, question piège : le secteur de l’audiovisuel a-t-il considérablement évolué selon l’Autorité de la concurrence ?
(3) Quatre ans après avoir obtenu l’accord de l’Autorité de
la concurrence pour le rachat de TPS et CanalSatellite (4)
et les chaînes groupe Direct, le groupe Canal Plus est en perte de vitesse.

1 – A savoir les groupes intégrés autour de NBC Universal, Sony
Pictures, 20th Century Fox, Walt Disney, Warner Bros. et
Paramount/CBS et leurs filiales, qui représentent 80 % de la
production de films et séries américaines.
• 2 – Injonction 1 (a).
• 3 – Engagement 2.1 de la décision 14-DCC-50.
• 4 – Injonction 1 (b) de la décision 12-DCC-100.
• 5 – Injonction 1 (d).
• 6 – Injonction 7 (a).
• 7 – Vidéo à la demande à l’acte (VOD) et par abonnement(SVOD).
• 8 – Injonction 7 (c).
• 9 – Engagement 2.2.1 de la décision 14-DCC-50.
• 10 – Engagement 2.6.
• 11 – Engagement 2.4.
• 12 – Engagement 2.3.
• 13 – Injonction 9 (a) de la décision 12-DCC-100.
• 14 – Injonctions 3 (a) et (b).
• 15 – Injonction 5 (a).
• 16 – Injonction 6 (a).
• 17 – Injonction 10 de la décision 12-DCC-100 et engagement 4 de la décision 14-DCC-50.

Le spectre du cuivre continue de planer sur la fibre

En fait. Le 6 juillet se sont déroulées les 10es Assises du Très haut débit, organisées par l’agence Aromates, avec pour thème interrogatif cette année :
« Vers un marché unique du très haut débit ? ». Elles se sont tenues quelques jours après la 3e conférence annuelle du plan « France Très haut débit ».

En clair. Le réseau de cuivre a la vie dure, bien que l’on ne cesse de l’enterrer vivant pour mieux imposer la fibre optique. Et ce, avec l’objectif du chef de l’Etat François Hollande d’amener cette fibre jusqu’au domicile de tous les foyers français d’ici à 2022. Or, pour l’heure, la France a déployé 6 millions de prises raccordables en FTTH (Fiber-To-The-Home). Mais seulement 1,5 million d’entre elles ont fait l’objet d’un abonnement. La fibre optique n’a donc séduit que 26,5 % du total des foyers éligibles au tout-fibre. Autrement dit : 73,5 % sont donc… inutilisées, malgré des milliards investis ! Et encore, l’Arcep inclut dans les abonnés « FTTH » des abonnements FTTO (pour Office) de professionnels et/ou petites entreprises (1) (*) (**).
De plus, comme l’a relevé Patrick Chaize, président de l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (Avicca), en ouverture des 10es Assises du Très haut débit, les zones dites moins denses ont du mal à attirer les opérateurs télécoms. Et l’Avicca de déplorer : « Les chiffres montrent clairement un décrochage de présence des grands opérateurs [Orange, SFR, Bouygues Telecom, Free, ndlr], puisque le taux de mutualisation (…) est moitié moindre sur les RIP [Réseaux d’initiative publique, ndlr] que sur les réseaux privés (30 % contre 56 %) ». Résultat, à ce jour, il y a seulement 611.000 prises « RIP FTTH » dans ces zones moins denses. La France est donc menacée de fracture numérique « très haut débit », malgré 100 départements déployant de la fibre pour un total en cours de 12 milliards d’euros – dont 2,5 milliards provenant de l’Etat (2). Loin des 20 à 25 milliards d’euros nécessaires pour fibrer tout l’Hexagone… d’ici six ans. Résultat : la France est lanterne rouge du très haut débit en Europe, selon l’Idate. Heureusement, il y a le cuivre ! La France compte 22 millions d’abonnés haut débit xDSL – en ADSL lorsqu’ils ne sont pas déjà en VDSL2 pour 5,4 millions d’entre eux.
Ce plébiscite du cuivre par les Français n’est pas du goût de l’Arcep qui, propose d’augmenter le prix le gros de la boucle locale de cuivre, afin de favoriser le FTTH. Quant au groupe TDF, par la voix d’Arnaud Lucaussy, il souhaite que l’Arcep mette en oeuvre le statut de « zones fibrées » préconisé en février 2015 par Paul Champsaur (ex-président de l’Arcep), dans le but d’organiser « l’extinction du réseau de cuivre ». Réaliste ? @

Yves Gassot, Idate : « Face aux acteurs du Net, les opérateurs télécoms ne vont pas disparaître »

Alors que l’Idate – institut d’études sur les télécoms, l’Internet et l’audiovisuel – publie le 14 juin son DigiWorld Yearbook 2016, son directeur général Yves Gassot répond aux questions de Edition Multimédi@ sur les défis que doivent plus que jamais relever les opérateurs télécoms face aux acteurs du numérique.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Le marché mondial du numérique devrait, selon l’Idate, franchir les 4.000 milliards d’euros l’an prochain. Vos prévisions antérieures ne le prévoyaient-elles pas dès cette année ? En outre, pourquoi la valeur des TIC (1) a tendance à croître moins vite que le PIB ?
Yves Gassot :
En fait, nous révisons nos chiffres tous les ans avec deux types d’ajustement que sont la prise en compte des taux de change et la rectification des taux de croissance constatés au regard de nos anticipations. Par exemple, la chute de la croissance des revenus mobiles aux Etats-Unis a été plus prononcée qu’on ne l’avait anticipée. Par ailleurs, la croissance moins rapide en valeur des secteurs TIC au regard de celle du PIB est effectivement contre-intuitive. Pourtant la croissance de certains secteurs du numérique – les services Internet – est très rapide. Des économistes montrent que c’est dans les secteurs des TIC que les gains de productivité sont les
plus importants. Cela a pour conséquence de faire baisser les prix unitaires. En principe, cette baisse des prix s’accompagne d’un effet positif sur les volumes. Ce que l’on peut observer sur un marché comme celui des smartphones qui peut ainsi s’élargir aujourd’hui aux consommateurs des économies émergentes. Mais on peut aussi avoir des phénomènes de déflation liés à l’intensité de la concurrence, comme on l’observe en Europe dans les services télécoms. Enfin, il est probable que les cadres statistiques ont du mal à suivre la déformation des frontières des secteurs sous l’effet de la transformation numérique.
Reste une question fondamentale : pourquoi les gains de productivité dans nos économies, aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe, ont nettement décru depuis 2006, donc avant la crise des subprimes, comme si l’économie avait absorbé dans la décennie précédente les bénéfices de l’Internet ? Sans parler de la fin du cycle de transformation du numérique, il est possible qu’il y ait un palier en attendant que le puzzle de l’Internet des objets (IoT), du Big Data et de l’intelligence artificielle se mette en ordre.

Le peu d’abonnés à la fibre en France est tabou

En fait. Le 8 juillet, se sont tenues les 9e Assises du Très haut débit. Il a beaucoup été question de fibre optique qui doit constituer 80 % du très haut débit pour tous d’ici 2022. Mais la question du peu d’abonnés FTTH – 1 million – par rapport aux 4,3 millions de prises disponibles reste taboue.

En clair. « Le nombre d’abonnés à la fibre optique jusqu’à domicile ne cesse d’augmenter, ce qui est encourageant. Nous sommes sur une tendance de croissance des abonnements au FTTH [Fiber-To-The-Home, ndlr] irréversible. De plus, très peux de ces abonnés ne se désabonnent, car il y trouvent leur intérêt. Dès que nous aurons atteint un taux de transformation de 30 % contre 23 % aujourd’hui [entre le nombre de prises de fibre optique disponibles et le nombre d’abonnements],il y aura alors un effet d’entraînement », a expliqué Antoine Darodes, directeur de la Mission très haut débit,
à EM@, en marge des 9e Assises du Très haut débit. Devenu le 6 juillet directeur de
la nouvelle Agence du numérique, il s’est ainsi voulu rassurant en répondant à notre question sur le faible nombre d’abonnés FTTH en France par rapport aux prises pourtant disponibles. Le 16 juillet, le ministre Emmanuel Macron a d’ailleurs appelé les opérateurs à respecter leurs engagements. En effet, selon les chiffres de l’Arcep au 31 mars dernier (1), la barre du 1 million d’abonnés au FTTH vient à peine d’être franchies malgré plus de 4,3 millions de foyers desservis. Ce qui équivaut aux 23% de transformation évoqués par Antoine Darodes.

Fortune faite en vingt-cinq ans d’Iliad, Xavier Niel poursuit son odyssée à la conquête du monde

Alors que le groupe Iliad a tenu son assemblée générale le 20 mai, Xavier Niel – premier actionnaire à hauteur de 55 % du capital – s’enrichit encore un peu plus grâce aux performances de son groupe et à ses récentes acquisitions internationales. Le milliardaire autodidacte est aussi copropriétaire du Monde
et de L’Obs. Et après ?

Xavier NielIl y a près de vingt-cinq ans, Xavier Niel (photo) rachetait la société Fermic Multimédia, un éditeur de services de Minitel rose créé dans les années 1980, et la rebaptisait Iliad. Il y a quinze ans, il développait un accès à Internet gratuit : Free. Et c’est en novembre 2002 qu’il introduisait en France le concept de triple play – où le téléphonie, l’Internet et la télévision devenaient accessibles à partir d’un boîtier unique, la « box ». La Freebox était née.
Puis, il y a dix ans, Free se mettait à proposer – en partenariat avec Canal+ – la première offre de vidéo à la demande (VOD) en France. Free Mobile, lancé il y a plus de trois ans et atteignant aujourd’hui 15 % de parts de marché, est venu compléter les actifs de Xavier Niel, qui est resté depuis le début de l’odyssée d’Iliad l’actionnaire majoritaire – 54,7 % du capital et 69,19 % des droits de vote.