Services interactifs et publicités ciblées sur la TNT et en OTT : Amazon adhère à l’association HbbTV

Selon les informations de Edition Multimédi@, la firme de Jeff Bezos vient de devenir membre de l’association HbbTV qui promeut la norme des services interactifs et de la publicité ciblée pour, notamment, la télévision numérique terrestre (TNT). Cette adhésion surprise révèle l’intérêt d’Amazon pour cette technologie audiovisuelle hybride.

Le géant du e-commerce Amazon – également champion mondial de la diffusion audiovisuelle en OTT (Over-the-Top), c’est-à-dire en streaming sur Internet, avec Amazon Prime Video, Prime Video Channels, Fire TV et , aux Etats-Unis, IMDb TV – s’intéresse à la TNT, aux services interactifs associés et à l’arrivée de la publicité TV ciblée. Selon nos informations, son adhésion surprise à l’association HbbTV basée à Genève a été signée le 6 novembre dernier par Amazon à Seattle, où se situe le siège social mondial de la firme américaine (1) fondée par Jeff Bezos (photo). La HbbTV Association, d’origine franco-allemande, fixe et promeut depuis plus de dix ans maintenant les spécifications techniques du standard industriel ouvert : Hybrid Broadcast Broadband Television. Objectif : faciliter la création de services TV innovants associant la diffusion de la télévision sur la TNT (linéaire par voie hertzienne) et la réception de flux Internet (délinéarisés). Et ce, afin que les utilisateurs puissent avoir accès à des services interactifs, à la télévision de rattrapage (replay), à la vidéo à la demande (VOD), ou encore au contrôle du direct (timeshifting), sans oublier la publicité ciblées (targeted advertising) qu’ils peuvent recevoir. Mais, jusqu’à maintenant, le HbbTV n’a pas rencontré le succès espéré auprès des téléspectateurs – du moins en France faute de communication suffisante sur cette norme, les Italiens, les Allemands et les Espagnols y étant, eux, plus réceptifs.

De quoi redonner au HbbTV un second souffle
Sur l’Hexagone, d’après le dernier chiffre connu du CSA, le parc de téléviseurs compatibles HbbTV était l’an dernier d’environ 5 millions – mais deux à trois fois plus selon une source industrielle. L’intérêt porté au HbbTV par un géant mondial de poids comme Amazon pourrait redonner un second souffle à ce standard et, par là même, à la TNT que certains verraient bien disparaître au profit de la fibre optique et de la 5G. La consultation du CSA menée cette année sur « la modernisation de la plateforme TNT » (2) a, au contraire, démontré un regain d’intérêt pour la télévision hertzienne – surtout lorsqu’elle est a, au contraire, démontré un regain d’intérêt pour la télévision hertzienne – surtout lorsqu’elle est couplée aux réseaux IP. En France, d’après Médiamétrie (3), 53,5 % des foyers équipés en téléviseur(s) utilisent la TNT, laquelle est même l’unique mode de réception de la télévision pour près de 22 % d’entre eux. Contacté par Edition Multimédi@, le président de la HbbTV Association, Vincent Grivet (ancien dirigeant de TDF), n’a pas souhaité faire de commentaire sur l’adhésion d’Amazon. A la fois présent dans la diffusion et dans la production audiovisuelles, le géant du e-commerce – et premier rival de Netflix – donne encore plus de crédit au HbbTV.

Fire TV, Fire OS et Prime Video Channels, compatibles ?
Amazon montre qu’il veut maîtriser cette technologie pour accompagner son entrée dans la télévision – même s’il est peu probable que ses chaînes Prime Video – les Prime Video Channels (4) – puissent être un jour diffusées aussi par voie hertzienne. Le standard HbbTV n’étant pas réservé qu’à la TNT, il aurait une utilité pour les services de TV et de SVOD d’Amazon recherchant l’interactivité et la publicité ciblée. Actuellement, les abonnés « Prime » peuvent ajouter des abonnements individuels à des chaînes telles que, en France par exemple, OCS (Orange), Tfou Max (TF1), Filmo TV, StarzPlay, MGM ou encore Action Max. Le géant du Net pourrait rendre compatible HbbTV son décodeur multimédia Fire TV (concurrent d’Apple TV) et son Fire OS (système d’exploitation de téléviseurs).
Les éditeurs de télévision affectionnent tout particulièrement HbbTV car cette technologie leur permet de garder le contrôle de leur signal télévisuel, du petit écran et de la gestion de la publicité ciblée (adressée ou personnalisée) par rapport aux spots publicitaires classiques (hertziens et généralistes). Faire entrer Amazon dans l’association HbbTV, c’est un peu comme faire entrer le loup dans la bergerie. Les enjeux sont non seulement technologiques (services interactifs, multi-écrans, …) mais aussi publicitaires (avec exploitation des données). Publiées en début d’année, les spécifications de HbbTV-TA pour la publicité ciblée télévisuelle – TA pour targeted advertising (5) – ont été définies en collaboration avec le DVB (Digital Video Broadcasting), lequel fixe les normes de la télévision numérique. L’association genevoise, qui est hébergée à l’instar du consortium DVB par l’Union européenne de radiotélévision (UER), compte parmi ses membres des éditeurs de télévision tels que la BBC, ITV, ProSiebenSat.1, la RAI, RTI (Mediaset), RTL Group, Sky ou encore le français TDF qui diffuse la plupart des chaînes françaises. Salto, la plateforme de TV et de SVOD lancée le 20 octobre (6) par France Télévision, TF1 et M6, en est aussi membre. En France, les groupes de télévision de la TNT – TF1, M6, France Télévisions, Canal+, Altice Média, NRJ Group, Arte et l’Equipe – ont créé début avril l’Association technique des éditeurs de la TNT (ATET) qui accorde « la plus grande importance » au déploiement de la norme HbbTV, garante d’une interopérabilité des services interactifs et de la publicité adressée (7). Ce n’est pas la première fois qu’un GAFA rejoint la HbbTV Association, composée de près de quatre-vingts membres (8), lesquels s’acquittent de 8.000 euros par an : Google en est adhérent depuis deux ans (9), étant éditeur d’Android TV qu’utilisent certaines « box » comme la BBox Miami de Bouygues Telecom (10) ou plusieurs Smart TV chez Sony, TCL, Philipps ou encore Sharp. La filiale d’Alphabet est, toujours selon nos informations, très active dans le développement en cours de tests de publicités adressées en mode HbbTV sur les écrans. Les chaînes françaises fondaient de grands espoirs sur le projet de loi sur la réforme de l’audiovisuel pour obliger les fabricants de téléviseurs à les rendre compatibles HbbTV. Lors de l’examen du texte en février à l’Assemblée nationale, un amendement (11) avait été déposé par le député (LR) Jean-Jacques Gaultier pour imposer le HbbTV (et son extension publicitaire TA) en même temps que l’ultra haute définition (UHD). Mais, à la demande la rapporteure Aurore Bergé craignant «un risque de renchérissement du prix de ces appareils », l’amendement « UHD-HbbTV » a dû être retiré début mars (12). Quelques jours après, c’était tout le projet de loi sur « la communication audiovisuelle et la souveraineté culturelle à l’ère numérique », voulu par Emmanuel Macron, qui fut abandonné par le gouvernement en raison de l’état d’urgence sanitaire et du plan de relance économique devenu prioritaire. Selon un bon connaisseur de cette industrie, les chaînes de télévision françaises, via l’ATET, cherche encore « le bon véhicule législatif » pour obtenir cette obligation « HbbTV-TA ». L’Espagne a montré la voie en juin 2019 avec l’obligation de vendre les téléviseurs d’au moins 60cm (13) avec la norme HbbTV (à partir de la version 2.0.1). La Pologne a suivi au mois de novembre suivant (14). Le Royaume-Uni et l’Allemagne offrent un « player » unique d’accès à la TNT, respectivement Freeview Play et Freenet TV Connect, qui sont compatibles HbbTV. L’Italie en a fait son standard dès 2016.
Les fabricants de téléviseurs, eux, sont défavorables à une obligation et l’ont fait savoir par leur Alliance française des industries du numérique (Afnum). « Plus la TV sur IP se développe moins HbbTV a d’intérêt », a fait aussi remarquer cette organisation. Les partisans de ce standard arguent au contraire du fait qu’il s’agit un système d’exploitation ouvert et disponible pour les fabricants de téléviseurs qui, comme Panasonic, LG, TP Vision ou Hisense, n’auraient pas forcément les moyens de développer leur propre OS de Smart TV. Samsung s’y intéresse, sans le dire…

En plus de la TNT, le HbbTV vise l’OTT et le satellite
L’association genevoise espère aussi que HbbTV deviennent un standard structurant au-delà de la TNT, avec les spécifications « OpApp » pour les plateformes OTT et satellitaires : HD+ (SES) en Allemagne, M7 (Canal+) au Luxembourg et SVT Play (Sveriges Television) en Suède l’ont adopté. Quant aux opérateurs télécoms, ils voient aussi d’un mauvais oeil cette volonté d’imposer cette norme sur les téléviseurs, craignant que leurs « box » soient les prochaines à être obligées de l’implémenter. « Les réseaux IPTV, construits bien avant que la spécification HbbTV n’existe, utilisent d’autres normes pour fournir ces services interactifs », rappelle Orange qui édite sa plateforme « TV d’Orange ». Reste à savoir si la Commission européenne, dans un souci d’harmonisation, jouera les arbitres. @

Charles de Laubier

Fibre sans fil : avec la 5G fixe, la concurrence des « box » dans le très haut débit pourrait être relancée

La 4G fixe est une alternative marginale dans l’accès haut débit. La 5G fixe, elle, pourrait se substituer à plus grande échelle aux « box » fixes de la fibre à domicile. Le Fixed Wireless Access (FWA) n’aura alors plus rien à envier au Fiber-To-The-Home (FTTH). Et sera bien moins coûteux à déployer.

Si la fibre optique jusqu’à l’abonné n’a pas à craindre la concurrence de la 4G fixe dans certains territoires, il devrait en être tout autrement avec la future 5G fixe. Car l’avènement à partir de 2020 du très haut débit sans fil pourrait changer la donne dans les foyers, notamment sur le marché assez figé des « box » en France. La box 5G pourrait rebattre les cartes de l’accès à Internet, à l’IPTV (1) et à la VOD (2). Imaginez YouTube ou Netflix sur box « fibre sans fil » !

FWA 5G versus FTTH
Demain, substituer une box 5G à une box fixe sera possible – pour peu que la fibre optique soit déployée au niveau du backhaul, c’est-à-dire du « réseau d’amené » comme disent les Québécois pour désigner le réseau intermédiaire assurant l’émission et la réception très haut débit jusqu’à l’antenne mobile située au plus proche de l’abonné. Alors qu’aux Etats- Unis Verizon prévoit de la 5G fixe en mode FWA (Fixed Wireless Access) sur des zones non desservies par le FTTH (Fiber-To-The-Home) de son offre fixe Fios, l’Europe est aussi tentée par cette « fibre sans fil ». Les débits sur les bandes de fréquences millimétriques peuvent atteindre 300 Mbits/s, voire 700 Mbits/s, a indiqué Viktor Arvidsson (photo), directeur de la stratégie et des affaires réglementaires d’Ericsson, aux 13es Assises du Très haut débit du 9 juillet dernier. L’équipementier suédois vante plus que jamais auprès des opérateurs télécoms les mérites de la 5G fixe dans les banlieues et les faubourgs européens, leur promettant dans son « FWA Handbook » publié en juin dernier « un retour sur investissement dans un délai de 18 mois » (3).
En prenant en exemple une banlieue en Europe avec une densité de 1.000 foyers par kilomètre carré et partant de l’ambition de déployer la 5G fixe sur 30 % de ce marché-là, le coût de déploiement de la solution FWA est inférieur à 500 dollars par foyer connecté. Alors que le FTTH, lui, nécessiterait 20.000 dollars par km. Vodafone et Swisscom sont aux avant-postes de la 5G en Europe. Le groupement international d’industriels 3GPP (4), qui assure le développement technique pour des normes mobiles comme la 5G NR (New Radio), prépare le FWA 5G pour un déploiement massif au niveau mondial. En France, l’Arcep a prévu – dans son projet des modalités d’attribution des fréquences 5G (5) – que l’opérateur mobile « s’engage à fournir, à compter du 31 décembre 2023 et dans des zones qu’elle identifie et rend publiques (…), un service d’accès fixe à Internet sur son réseau mobile ». Orange a déjà annoncé le lancement dans l’Hexagone de son offre 5G « au printemps 2020 » et prévoit aussi de proposer de la 5G fixe « là où la fibre optique n’est pas disponible » – après avoir testé cet « Internet très haut débit sans fil » en Roumanie dès 2018. Pour l’heure, sur l’Hexagone, les box 4G sont peu nombreuses : probablement quelques milliers seulement parmi les 3 millions d’abonnements dont le débit offert se situe entre 30 Mbits/s et moins de 100 Mbits/s, d’après les chiffres de l’Arcep au 30 juin 2019. Ce segment englobe toutes connexions VDSL2, câble coaxial, THD radio (6) et aussi la 4G fixe. La progression de ce très haut débit «moyen » a été de 16 % sur un an, ce qui n’est pas négligeable dans la mesure où – en ayant atteint cette barre de 3 millions d’abonnés – il dépasse maintenant les 10 % du total des accès à Internet en France. Et cette croissance devrait se poursuivre, notamment en 4G fixe qui suppose la mise en place d’une « box 4G » installée au domicile des utilisateurs. D’autant que le «New Deal mobile », signé début 2018 entre le gouvernement et les opérateurs télécoms en matière de couverture mobile, prévoit des obligations en faveur de la 4G fixe. Cet accord est contraignant pour Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free Mobile, qui sont tenus – depuis le 1er janvier 2019 – de proposer des offres 4G fixes grand public dans les zones géographiques bien identifiées. « De plus, le gouvernement peut demander aux opérateurs d’ouvrir, dans les zones qu’ils couvrent déjà en très haut débit mobile et dans un délai de 4 mois, une offre 4G fixe, si l’ouverture de cette offre ne dégrade pas la qualité du service de 4G mobile. Enfin, Orange et SFR ont l’obligation de déployer chacun, à la demande du gouvernement, jusqu’à 500 nouveaux sites afin d’apporter de la 4G fixe ; les zones géographiques à couvrir seront identifiées par le gouvernement, après consultation des opérateurs concernés », indique l’Arcep.

Pas de 4G fixe chez Free
Les quatre opérateurs mobiles ont aussi l’obligation de mettre à jour, outre leurs offres 4G fixes, les zones identifiées où elles sont proposées et de les rendre publiques sur le site web du régulateur (7). Or, selon nos constatations, seul Free ne dispose toujours pas à ce jour d’offre d’accès fixe à Internet sur son réseau 4G – alors que ses trois concurrents respectent leurs obligations « 4G fixe ». @

Charles de Laubier

Gilles Pélisson : vers plus de convergence entre TF1 et Bouygues Telecom ?

En fait. Le 28 octobre, Gilles Pélisson a été désigné successeur – à partir de mi-février 2016 – de Nonce Paolini à la tête de TF1, lequel était PDG depuis juillet 2008. Mais cet ancien de Bouygues Telecom (2001-2005) ne dit pas s’il est chargé de trouver des synergies avec la filiale télécoms.

Gilles PélissonEn clair. Martin Bouygues confira-t-il à Gilles Pélisson (photo) une mission « convergence » similaire à celle dont il avait chargée Nonce Paolini en 2009 ? Le PDG du groupe Bouygues avait en effet demandé il y a six ans de « mener une réflexion approfondie sur la convergence (entre l’Internet, l’activité des médias et celle de la téléphonie fixe ou mobile) » et d’ »élaborer des stratégies et des propositions d’organisation pour réussir cette convergence ». Le patron de TF1, Nonce Paolini, avait même perçu pour cette « mission supplémentaire » 145.000 euros (1).
On connaît la suite : les synergies entre la chaîne de télévision et l’opérateur télécoms s’en tiennent au stricte minimum telles que la diffusion de TF1 sur la Bbox, la présence du portail MyTF1 sur cette même box, dont le service de VOD et de catch up TV.

Nonce Paolini ne croit pas à des « exclusivités » avec Bouygues Telecom
A part cela, pas grand chose. Nonce Paolini, qui a encore tout récemment – le 12 novembre dernier, devant l’Association des journalistes médias (AJM) – exprimé ses réserves sur l’idée de convergence télécoms-médias et d’exclusivités avec Bouygues Telecom, s’en est tenu à la « stratégie multi-supports » (IPTV, player TF1 sur mobile, MyTF1, MyTF1VOD et TV de rattrapage) qu’il avait esquissée dès octobre 2009 – la veille de l’éviction de son prédécesseur à l’époque, Axel Duroux (2) – lors d’un colloque NPA Conseil sur l’audiovisuel. Ce dernier ne croyait d’ailleurs ni à la diversification de TF1 sur Internet ni, à l’instar de Le Lay et Mougeotte, à la TNT. La « convergence » entre TF1 et Bouygues Telecom n’a donc pas été plus loin, se résumant à des relations classiques entre fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et chaîne de télévision, au même titre que M6, Canal+ ou encore Netflix. Continuer la lecture

Fortune faite en vingt-cinq ans d’Iliad, Xavier Niel poursuit son odyssée à la conquête du monde

Alors que le groupe Iliad a tenu son assemblée générale le 20 mai, Xavier Niel – premier actionnaire à hauteur de 55 % du capital – s’enrichit encore un peu plus grâce aux performances de son groupe et à ses récentes acquisitions internationales. Le milliardaire autodidacte est aussi copropriétaire du Monde
et de L’Obs. Et après ?

Xavier NielIl y a près de vingt-cinq ans, Xavier Niel (photo) rachetait la société Fermic Multimédia, un éditeur de services de Minitel rose créé dans les années 1980, et la rebaptisait Iliad. Il y a quinze ans, il développait un accès à Internet gratuit : Free. Et c’est en novembre 2002 qu’il introduisait en France le concept de triple play – où le téléphonie, l’Internet et la télévision devenaient accessibles à partir d’un boîtier unique, la « box ». La Freebox était née.
Puis, il y a dix ans, Free se mettait à proposer – en partenariat avec Canal+ – la première offre de vidéo à la demande (VOD) en France. Free Mobile, lancé il y a plus de trois ans et atteignant aujourd’hui 15 % de parts de marché, est venu compléter les actifs de Xavier Niel, qui est resté depuis le début de l’odyssée d’Iliad l’actionnaire majoritaire – 54,7 % du capital et 69,19 % des droits de vote.

Vers un patrimoine de 10 milliards d’euros
Free compte, au 31 mars, 16,5 millions d’abonnés, dont 10,5 millions dans le mobile
et plus de 5,9 millions dans le haut débit fixe. Aujourd’hui, son groupe pèse autant en Bourse que le groupe Bouygues (incluant les activités BTP, TF1 et son grand rival Bouygues Telecom) : soit plus de 12,5 milliards d’euros !
Sa valorisation boursière a même dépassé un temps celle de Bouygues après la publication, mi-mai, de bons résultats au premier trimestre et d’un objectif confirmé de croissance (1) de 10 % en 2015. L’action a été multipliée par 13 depuis son introduction en 2004. Bien qu’il soit rémunéré seulement 180.000 euros sans aucune partie variable, l’autodidacte milliardaire tire de cette part du lion au capital du groupe qu’il a fondé l’essentiel de sa fortune personnelle.
L’assemblée générale des actionnaires du groupe Iliad a décidé, le 20 mai dernier, de verser aux actionnaires du groupe Iliad a décidé, le 20 mai dernier, de verser aux actionnaires 0,39 euro par action, soit 22,9 millions d’euros après avoir approuvé les comptes de l’année 2014 : pour la première fois, le chiffre d’affaires a dépassé les 4 milliards d’euros (+ 11,2 % sur un an), tandis que le bénéfice net s’est amélioré à 278,4 millions (+ 4,9 %). Selon nos calculs, Xavier Niel devrait empocher en juin la coquette somme de 12,5 millions d’euros en tant que principal actionnaire (détenteur de 32 010 913 actions au 31 décembre 2014). Il est la neuvième fortune de France en 2014 avec un patrimoine de 8,5 milliards d’euros – en progression de 44,5 % en un an (2). Sa fortune personnelle pourrait atteindre les 10 milliards d’euros cette année. Si Free en constitue la grosse partie, Monaco Telecom – racheté l’an dernier à hauteur de 55 % du capital (3) pour 322 millions d’euros via sa holding personnelle NJJ Capital – est venu grossir les avoirs du milliardaire.

Business angel : start-up et médias
Mais c’était sans compter une autre acquisition intervenue en toute fin de l’an dernier : Orange Suisse, racheté en décembre 2,6 milliards d’euros – toujours par NJJ Capital – et rebaptisé Salt. Xavier Niel était même prêt à mettre 15 milliards de dollars sur la table – via cette fois son groupe Iliad – pour s’emparer de T-Mobile aux Etats- Unis auprès de Deutsche Telekom, mais cette tentative de prise de contrôle a échoué l’été dernier. Son appétit pour les télécoms à l’international s’est affirmé dès 2011, lorsqu’il lance avec Michaël Golan – alias Michaël Boukobza, ancien directeur général d’Iliad (jusqu’en 2007) – le 5e opérateur mobile en Israël : Golan Telecom.
Sur le marché français des télécoms en pleine consolidation, le patron de Free se verrait bien acquéreur de son rival Bouygues Telecom, mais ses relations exécrables avec Martin Bouygues n’ont pas facilité les discussions il y a un an – après que Vivendi ait préféré vendre SFR au groupe Altice-Numericable du Franco-Israëlien Patrick Drahi. Et le patron du groupe Bouygues, Martin Bouygues, a très vite fait savoir qu’il ne comptait pas se défaire de son activité télécoms (4). Ironie de l’histoire, Michaël Boukobza a la double nationalité franco-israélienne comme Patrick Drahi, aux côtés duquel il a travaillé pour ses débuts en Israël après avoir quitté la direction d’Iliad… Parallèlement, Xavier Niel investit dans des start-up Internet. En mars 2010, il a créé Kima Ventures, son propre fonds d’investissements via lequel il investit dans 50 à 100 start-up par an dans différents pays (à raison de 125.000 à 250.000 euros par dossier). En outre, il a annoncé en septembre 2013 la création du « plus grand incubateur de start-up au monde », baptisé « 1000 start-up @la Halle Freyssinet », qui ouvrira ses portes fin 2016 à Paris (5). Xavier Niel a obtenu le soutien total de la mairie de Paris grâce à Jean-Louis Missika qui fut administrateur d’Iliad à partir de 2004, puis vice-président de la maison mère de Free en janvier 2007, avant de démissionner en avril 2008 lorsqu’il devint conseiller de Paris et adjoint au Maire de Paris (6) – pour éviter tout conflit d’intérêt…
Quelque 200 millions d’euros y sont investis, dont 5 % à 10 % pris en charge par la Caisse des dépôts. « Moi, d’abord j’adore ce pays [la France]. Je pense que c’est le plus merveilleux pour créer une entreprise. C’est parce que j’ai investi dans des entreprises du monde entier que je le sais, pas parce que c’est là où j’ai réussi. Bien sûr, le système français n’est pas parfait », avait déclaré Xavier Niel le 22 octobre dernier (7), le jour où François Hollande a posé la première pierre de ce projet sans précédent. Par ailleurs, en mars 2013, le patron de Free a créé une école informatique baptisée 42 – qu’il a souhaitée pour former « en grand nombre » les informaticiens
dont les entreprises innovantes ont besoin. Gratuite et ouverte à tous (de 18 à 30 ans), la formation repose sur le concept du « peer-to-peer learning » qui est une sorte d’apprentissage collaboratif entre élèves.
Xavier Niel, qui a toujours été dans des relations de « Je t’aime, moi non plus » avec les médias, s’est par ailleurs personnellement investi dans la presse française en manque de capitaux. En novembre 2010, il est devenu coactionnaire du journal Le Monde avec Pierre Bergé et Matthieu Pigasse – via leur holding Le Monde Libre (LML) qui a pris le contrôle de la Société éditrice du Monde, dont Xavier Niel est un des membres du conseil de surveillance. Ensemble, les trois propriétaires du journal ont apporté 100 millions d’euros. Actuellement, le trio « BNP » – Bergé-Niel-Pigasse – est confronté à une crise avec la rédaction du quotidien qui a écarté leur candidat Jérôme Fenoglio – ex-rédacteur en chef de LeMonde.fr – pour devenir directeur du « Monde » (il n’a pas obtenu les 60 % des votants le 13 mai). Les actionnaires rencontrent à nouveau la rédaction le 27 mai prochain.
En fait, depuis leur arrivée à la tête du groupe Le Monde, la défiance s’est installée entre eux et la rédaction, non seulement sur la réorganisation entre le papier et le numérique mais aussi sur l’indépendance éditoriale de la rédaction (8). Il y a un an,
la directrice du Monde Natalie Nougayrède – qui avait succédée à Erik Izraelewicz – démissionnait pour être remplacée par Gilles van Kote en tant que directeur par intérim.

Le Monde et L’Obs « libres »
Outre le groupe Le Monde (Le Monde, Télérama, Courrier International, La Vie Catholique), la holding LML a aussi jeté son dévolu il y a un an sur le groupe Nouvel Observateur (L’Obs, Rue 89) en s’emparant de 65 % du capital pour 13,4 millions d’euros (son fondateur Claude Perdriel gardant 35 %). Le nouveau groupe de presse
« Le Monde Libre » ainsi constitué du Monde et de L’Obs aura son futur siège près de la Gare d’Austerlitz à Paris. Déménagements prévus au cours de l’été 2017. Xavier Niel n’est pas prêt de s’arrêter en si bon chemin. @

Charles de Laubier

La TV connectée, qui n’en finit pas d’émerger en Europe, a-t-elle vraiment un avenir ?

Selon l’Observatoire européen de l’audiovisuel (OEA), l’offre de Smart TV laisse à désirer. Non seulement les consommateurs des Vingt-huit ne mettent pas la connexion à Internet en tête de leurs critères de choix lors de l’achat, mais en plus ils préfèrent utiliser les autres terminaux pour cela.

Susanne Nikoltchev

Susanne Nikoltchev, directrice de l’OEA.

« Les Smart TV sont-elles réellement smart ? C’est une question qui reste jusqu’à maintenant sans réponse, dans la mesure où les consommateurs ne recherchent pas en premier lieu la connectivité Internet, lorsqu’il décident d’acheter un nouveau téléviseur, les trois principaux critères de choix étant plutôt la taille de l’écran, le prix et la qualité de l’image », constate l’Observatoire européen de l’audiovisuel (OEA) dans son étude sur les marchés audiovisuels à la demande dans les Vingt-huit.
Et l’organisme de service public européen, composé de 40 Etats membres et de l’Union européenne, représentée par
la Commission européenne, d’ajouter : « Les consommateurs n’accèdent même pas aux contenus sur leur Smart TV, leur préférant leurs tablettes, leurs box Internet ou leurs ordinateurs comme principaux moyens de consulter en ligne ces contenus ».

2014 : point de basculement des ventes
La télévision connectée est-elle mort-née ? L’OEA, basé à Strasbourg au sein du Conseil de l’Europe, se le demande, tant les usages de la Smart TV sont très en deçà de l’offre de téléviseurs connectés. Selon Screen Digest (IHS), c’est justement au cours de cette année que devrait être atteint le point de basculement où les ventes mondiales de Smart TV dépasseront les autres téléviseurs (plus de 50 % des téléviseurs écoulés en 2014 sont connectables, contre 35 % en 2013, en attendant un taux de 65 % en 2016). Si la croissance de 15 % par an en moyenne est au rendez-vous, ce n’est pas
le cas pour les téléspectateurs connectés !
« Même si les clients consomment beaucoup de contenus à la demande, ces derniers sont surtout payés aux fournisseurs d’accès à Internet via leurs box, ou aux entreprises de matériels tels qu’Apple, Roku et Tivo (et bientôt Amazon, voire peut-être Intel) », souligne le rapport. Et si les cycles de remplacement sont maintenant de sept ans, au lieu de plus de huit ans auparavant, ce n’est pas grâce aux téléviseurs connectés mais plutôt au fait que les consommateurs changent leur vieux téléviseurs cathodiques pour des écrans plats ! La taille et la haute définition (HD) arrivent en tête des critères de choix, suivies du prix qui reste déterminant. Autant dire que les fabricants (Sony, Samsung, LG, Philips, Sharp, …) ne sont pas sur la même longueur d’ondes que les consommateurs : les premiers pensent que la connexion à Internet est un service premium sur lequel ils comptent pour accélérer le renouvellement des téléviseurs,
alors que les consommateurs ne voient pas ce plus comme aussi important. Ce peut d’engouement expliquerait qu’Apple hésite encore à fabriquer ses iTV, se contentant d’offrir le boîtier « Apple TV », et que Google ou Amazon s’en tiennent à des « dongle » (clé à brancher sur l’écran de télévision pour se connecter à Internet de son smartphone ou sa tablette), avec respectivement Chromecast et Fire TV. Orange prépare un tel « dongle » (1). Ce qui ne va pas sans créer une certaine confusion auprès des consommateurs sur les notions de téléviseurs connectés. S’agit-il d’une
« Connected TV » via une box, une console de jeux ou un « dongle » ? Ou est-ce
une Smart TV, c’est-à-dire intégrant dans sa conception la connexion Internet ?
Quoi qu’il en soit, ce que veulent les télénautes, c’est de pouvoir naviguer librement
sur le Web à partir de leur TV connectée pour trouver les contenus – principalement vidéo – correspondant à leurs goûts. Cela tombe bien car la tendance va dans le sens des Smart TV « contrôlées par les consommateurs », contrairement aux Smarts TV
« controlées par le fabricant ».

Mais l’Observatoire européen de l’audiovisuel (OEA), qui recense plus de 3.000 services audiovisuels à la demande (SMAd) établis dans l’ensemble des Vingt-huit
(voir encadré ci-dessous), n’a pas trouvé de données récentes sur l’état du marché
de la Smart TV en Europe. « Les chiffres sont soit contradictoires, soit ne sont pas actualisés. (…) Trouver des chiffres sur la vidéo à la demande pour Smart TV fut impossible », pointe le rapport. Bref, entre les consommateurs qui restent quasi indifférents aux fonctionnalités Smart TV, la confusion sur ce qu’est le téléviseur connecté et l’absence de chiffres récents ou cohérents, ce marché émergent est mal parti. A cela se rajoute la fragmentation des plateformes de Smart TV qui, selon l’étude de l’OEA, constitue « un des obstacles majeurs encore à lever » malgré les initiatives des industriels de s’allier (2) pour promouvoir un standard de développement d’applications TV commun. @

FOCUS

La catch up TV domine les SMAd
Sur les 3.088 services de médias audiovisuels à la demande (SMAd) dans l’Union européenne, les services de télévision de rattrapage arrivent en tête (au nombre de
1 104), les chaînes diffusées Internet (711 répertoriées) et les services les services de VOD (409). Toutes catégories de SMAd confondues, le Royaume-Uni en compte 682, la France 434 et l’Allemagne 330. En outre, 223 services établis aux Etats-Unis ciblent un ou plusieurs pays européens. @