Fermé et accusé de monopole, Apple consolide son walled garden aux commissions abusives

Apple a délogé Samsung en 2023 de la première place mondiale des fabricants de smartphones. De quoi conforter la marque à la pomme dans son modèle économique verrouillé et contesté. En plus des taxes de 30 % (ou 15 %), une nouvelle à 27 % (ou 12 %) va se retrouver devant la justice. Aux Etats-Unis, bientôt en Europe ?

« La dernière fois qu’une entreprise qui n’était pas Samsung s’est retrouvée au sommet du marché mondial des smartphones, c’était en 2010 [avec Nokia en tête à l’époque, ndlr]. Et pour 2023, il y a maintenant Apple », a indiqué le cabinet d’études international IDC. « Le succès et la résilience continus d’Apple sont en grande partie imputables à la tendance croissante des smartphones haut de gamme, qui représentent maintenant plus de 20 % du marché mondial, alimentée par des offres de remplacement agressives et des plans de financement sans intérêts d’emprunt », souligne Nabila Popal, directrice de recherche chez IDC. Ainsi, le « malheur » de Samsung fait le « bonheur » d’Apple qui a crû sur un marché mondial des smartphones pourtant en déclin de – 3,2 % en 2023 par rapport à l’année précédente. Il s’agit même, constate IDC, du volume annuel le plus bas en une décennie, avec 1,17 milliard d’unités vendues l’an dernier.

N°1 mondial des smartphones pour la toute première fois
« Apple est le seul acteur dans le “Top 3” à afficher une croissance positive chaque année, […] malgré les défis réglementaires croissants et la concurrence renouvelée de Huawei en Chine, son plus grand marché », ajoute Nabila Popal. Cela dit, pas sûr que la firme de Cupertino (Californie) – pour la toute première fois numéro un mondial des smartphones depuis le lancement de l’iPhone en 2007 – se maintienne longtemps en haut du podium mondial, en raison de l’offensive du fabricant sud-coréen avec la commercialisation, depuis le 31 janvier, de ses nouveaux Galaxy S24 boostés à l’IA (S24, S24 + et S24 Ultra) annoncés des Etats-Unis le 17 janvier dernier. Le monde iOS fermé et verrouillé d’Apple – que Edition Multimédi@ avait surnommé en 2010 l’ « ”iPrison” dorée » – devra aussi composer avec l’ex-numéro deux mondial des smartphones, le chinois Huawei, lequel regagne du terrain malgré son ostracisation par l’administration américaine. Sans oublier l’avancée de quatre autres chinois : Continuer la lecture

Rachida Dati, la nouvelle ministre de la Culture sous le signe de la sobriété numérique… et budgétaire ?

Personne ne l’attendait à la Culture. Et ce n’est pas sans hésitations que Rachida Dati a accepté, le 11 janvier, d’entrer au gouvernement en obtenant ce portefeuille ministériel qu’elle ne souhaitait pas vraiment. Première communication de son ministère : « la sobriété numérique » pour la culture. Un signe.

Nomination le 11 janvier de Rachida Dati (photo), passation de pouvoir le 12 janvier entre Rima Abdul Malak et elle, et publication le 15 janvier de la toute première communication du ministère de la Culture sous l’ère de la nouvelle locataire de la rue de Valois sur… « la sobriété numérique » dans le secteur culturel. Cela commence bien ! Il va valoir se serrer la ceinture virtuelle pour se cultiver, et les professionnels de la culture sont désormais tenus de lever le pied sur le numérique. « La culture représente notamment 70 % de la bande passante utilisée sur Internet : vidéo ou musique en streaming, jeux vidéo en ligne, presse en ligne, etc. Le secteur culturel favorise par ailleurs l’introduction des innovations d’usage et de nouveaux équipements (comme le casque de réalité virtuelle) », est-il justifié dans le premier volet « sobriété numérique » de ce double communiqué « Transition écologique » du secteur culturel.

« Réduire l’empreinte carbone » culturelle
Hasard du calendrier des mises en ligne officielles sur le site web du ministère de la Culture (culture.gouv.fr), c’est donc le 15 janvier qu’est aussi publié le compte-rendu de la passation de pouvoir du 12 janvier entre Rima Abdul Malak et Rachida Dati, avec… la vidéo YouTube incrustée sur la page web ministérielle, complétées des discours respectifs de l’ancienne et de la nouvelle ministre de la Culture. « Le numérique représentait déjà 2,5 % de l’empreinte carbone française en 2020. Sans inflexion, elle pourrait tripler d’ici à 2050 », alerte le ministère de la Culture, alors même que Rachida Dati vient à peine de prendre possession de son maroquin ministériel. Audiovisuel, cinéma, musique, musées, presse, livres, arts visuels, danse, opéras, théâtres, spectacles vivants, autrement dit toutes les entreprises culturelles, sont appelées – en guise de changement d’ère… y compris de ministre – à « réduire l’empreinte carbone de [leurs] usages digitaux ». Pourtant, lors de Continuer la lecture

Musique : la taxe streaming de 1,2 % est enclenchée

En fait. Depuis le 1er janvier 2024, la taxe streaming – finalement fixé au taux de 1,2 % du chiffre d’affaires – est applicable aux plateformes de musique en ligne réalisant en France au moins 20 millions d’euros par an. Spotify, Deezer, Apple Music ou Amazon Music sont concernés, mais pas Qobuz.

En clair. Selon les constatations de Edition Multimédi@, la « taxe streaming », qui a finalement été fixée à 1,2 % du chiffre d’affaires hors taxe des plateformes réalisant au moins 20 millions d’euros par an en France, a été gravée dans le marbre de la loi de finances pour 2024 – datée du 29 décembre 2023 et promulguée au Journal Officiel du 30 décembre. C’est son article 53 qui introduit cette « taxe » de 1,2 % dans le code général des impôts. Elle est applicable depuis le 1er janvier et exigible « à l’achèvement de l’année civile ». Spotify, Deezer, Apple Music ou Amazon Music y sont assujettis. Mais pas Qobuz : « Nous ne sommes pas concernés par cette taxe streaming », nous indique Denis Thébaud (photo), président de Xandrie, son éditeur.

15 millions d’euros attendus pour cette année
Le rapport Bargeton (du nom de son auteur le sénateur Julien Bargeton appartenant à la majorité relative présidentielle) avait préconisé un taux de 1,75 % en avril dernier, alors que des discussions avaient évoqué une taxe à 1,5%. C’est finalement 1,2 % qui a été retenu et que la ministre de la Culture, alors encore Rima Abdul Malak (« RAM »), avec bien sûr l’aval d’Emmanuel Macron (1), a confirmé le 15 décembre. « Cette nouvelle contribution fiscale devrait rapporter 15 millions d’euros en 2024″. La filière musicale s’est fracturée sur cette taxe streaming : l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI) était pour mais pas le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), dont sont membres les majors Universal Music, Sony Music et Warner Music. Aucun consensus n’a pu être Continuer la lecture

La disparition prochaine de Vivendi signe l’échec de la stratégie de synergies d’Arnaud de Puyfontaine

C’est un échec pour Arnaud de Puyfontaine, bras droit de Vincent Bolloré et stratège des synergies au sein de Vivendi. La convergence entre les métiers d’édition, de publicité et de médias n’a pas porté ses fruits, ni au sein du conglomérat ni en Bourse. L’éclatement de ses activités met fin à l’aventure Vivendi.

Avec Vincent Bolloré, ce n’est pas « Veni, vidi, vici » (le « Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu » cher à Jules César), mais plutôt « Veni, vidi, vixi » qui, en paraphrasant Victor Hugo, pourrait devenir « Vivendi est venu, Vivendi a vu, Vivendi a vécu ». Après plus de quinze ans de valorisation boursière décevante, et malgré la scission en septembre 2021 d’Universal Music, qui était soi-disant « l’arbre qui cachait la forêt », le président du directoire de Vivendi (« la forêt »…), Arnaud de Puyfontaine (photo), a échoué à faire un groupe intégré de la maison mère de Canal+/StudioCanal, d’Editis (deuxième français de l’édition revendu en juin 2023 à Daniel Kretinsky pour pouvoir racheter le numéro un de l’édition Hachette), du groupe de presse Prisma Media et du publicitaire Havas. Dix ans après la prise de contrôle de Vivendi par Vincent Bolloré, ce dernier a décidé de façon radicale d’envisager le démembrement du groupe de l’avenue de Friedland (où est basé le siège social du conglomérat depuis l’époque de Jean-Marie Messier). Ni son fils Yannick Bolloré, président du conseil de surveillance de Vivendi ni Arnaud de Puyfontaine lui-même ne sont à l’origine de ce revirement stratégique.

Vivendi ne sera pas le « Disney européen » rêvé par Vincent Bolloré
Passée la surprise générale, les actionnaires en sauront plus sur ce projet de split lors de la présentation des résultats annuels 2023 prévue le 7 mars prochain. Pourtant, lors de la finalisation du « rapprochement » entre Vivendi et Lagardère le 21 novembre dernier – il y a à peine 55 jours ! –, le groupe de Vincent Bolloré se « réjoui[ssait] » encore : « Cette opération lui confère une toute nouvelle dimension en confortant ses positions d’acteur majeur de la culture, des médias et du divertissement, et en devenant un leader mondial de l’édition, du travel retail et des expériences ». Ce qui allait dans le sens de la stratégie de convergence des contenus que s’échinait à mettre en oeuvre Arnaud de Puyfontaine (« ADP ») depuis 2014 pour tenter de concrétiser le rêve de son principal actionnaire Bolloré de faire du conglomérat multimédia un « Disney européen ». Il y a un peu plus de deux ans, le bras droit de Bolloré faisait sien ce rêve synergique, après un premier échec retentissant de Vivendi en 2016 dans le projet avorté de « Netflix latin » envisagé un temps avec le groupe italien Mediaset, appartenant à Sylvio Berlusconi via sa Continuer la lecture

Abonnements payants de Facebook et Instagram en Europe : Meta se heurte aux exigences du RGPD

Pour Instagram ou Facebook sans publicités, il en coûte désormais aux Européens 9,99 euros par mois sur le Web et même 12,99 euros sur application mobile. C’est cher payé pour ne plus être ciblé dans sa vie privée. Et le consentement « libre » des utilisateurs exigé par le RGPD est-il respecté ?

(Cet article juridique a été publié dans EM@ n°312 du 18 décembre 2023. Le 11 janvier 2024, l’organisation Noyb a annoncé avoir déposé plainte contre Meta)

Par Vanessa Bouchara (photo), cabinet Bouchara Avocats

Cinq ans après l’entrée en vigueur du règlement général européen sur la protection des données (RGPD), l’entreprise américaine Meta Platforms a mis un place un système d’abonnement qui apparaît comme susceptible de rassurer les utilisateurs désireux d’échapper à la publicité, notamment ciblée. Pourtant, cet abonnement soulève un certain nombre d’interrogations sur la portée et l’effectivité de la protection des données personnelles en Europe. Pendant des années, Facebook affichait fièrement sur sa page d’accueil sa gratuité : « C’est gratuit (et ça le sera toujours) ». En 2019, la mention disparaissait dans le sillage des déclarations plus nuancées de son cofondateur Mark Zuckerberg qui, auditionné devant le Congrès américain, affirmait « qu’il y aurait toujours une version gratuite de Facebook ». Quatre ans plus tard, en novembre 2023, le groupe Meta propose, en parallèle d’une version gratuite, un abonnement payant pour ses services Instagram et Facebook, à 9,99 ou 12,99 euros, pour ses utilisateurs européens.

A la recherche d’une base légale adéquate
La mise en place de cet abonnement pourrait être une réponse aux résultats financiers décevants de Meta en 2022. En effet, le groupe de Menlo Park avait enregistré pour la première fois une baisse de son chiffre d’affaires (1). Or, il semblerait qu’il ne s’agisse pas d’une réponse strictement financière. En effet, il pourrait également s’agir de répondre au contexte normatif relatif aux géants du numérique, qui est en pleine ébullition à l’échelle européenne. Digital Markets Act (DMA), Digital Services Act (DSA), AI Act (AIA), futur Digital Networks Act (DNA), … En vigueur ou en discussion, ces nouveaux textes feraient presque oublier le RGPD, sa portée, et les sanctions infligées à ce titre à Meta, à hauteur d’environ 2,4 milliards d’euros à ce jour. La maison mère de Facebook et Instagram ne s’explique pas vraiment sur sa décision d’instaurer un abonnement, si ce n’est par un bandeau informatif à destination de ses utilisateurs européens, en évoquant un « changement de lois » le contraignant à proposer un Continuer la lecture