Plus personne ne parle de la société Trident Media Guard (TMG), 20 ans cette année, et pour cause

Spécialisée dans « la recherche de contenu et l’anti-piratage sur Internet », l’entreprise nantaise TMG – créée il y a 20 ans – avait défrayé la chronique après que les SACEM, SDRM, SCPP, SPPF et Alpa l’aient retenue en 2010 pour traquer les internautes « pirates » sur les réseaux peer-to-peer.

Cofondée en mars 2002 par Alain Guislain et Bastien Casalta sous le nom de Mediaguard, la société nantaise TMG – Trident Media Guard – compte depuis 2007 à son capital (1) et dans son conseil d’administration l’acteur-producteur Thierry Lhermitte. C’est elle qui fut choisie fin 2009 par quatre organisations des droits d’auteur de la musique et du cinéma (2) réunis en « consortium » : côté musique, la SACEM et sa SDRM, la SCPP et la SPPF ; côté audiovisuel, l’Alpa.

Des millions d’adresses IP identifiées
Ces organisations des ayants droits des industries de la musique et de l’audiovisuel piègent depuis lors les internautes en les amenant à télécharger sur les réseaux peer-to-peer des fichiers musicaux ou cinématographiques protégés par le droit d’auteur. Mais pas n’importe quel fichier. TMG, aujourd’hui présidé et dirigé par Alain Ghanimé (photo), s’infiltre en effet sur les réseaux peer-to-peer comme BitTorrent, eMule ou encore μTorrent pour y déposer des œuvres protégées (musiques ou films), mais leurs fichiers sont banalisés et surveillés à distance. Autrement dit, il s’agit de sorte de leurres ou d’appâts pour « flasher » les internautes pris en flagrant délit de piratage. C’est là que Trident Media Guard porte bien son nom : un trident – du latin tridens – est une fourche à trois pointes servant à harponner les poissons ! Une fois que l’un d’eux a « mordu », son adresse IP est transmise à l’Hadopi (désormais l’Arcom) dans le cadre du « traitement automatisé de données à caractère personnel » qui avait été officialisé le 7 mars 2010. Ce cadre permet à la commission de protection des droits (CPD) de collecter auprès de ces organismes représentant les ayants droit les pseudonymes et adresses IP – y compris le protocole peer-to-peer utilisé – de chaque abonné incriminé (3).
Bref, ce trident – attribut de nombreuses divinités marines… – évolue depuis une douzaine dans les eaux profondes du Net. Le pic du volume d’adresses IP « pirates » livrées à l’Hadopi par les ayants droit (SACEM/SDRM, SCPP, SPPF et Alpa) fut atteint en 2017 avec plus de 18,7 millions dont 15,6 millions adresses IP ont pu être identifiées. C’est d’ailleurs ce qui motive l’action en justice lancée en 2019 par La Quadrature du Net – avec la FFDN (4), la FDN (5) et Franciliens.net – pour demander l’abrogation du décret « Traitement automatisé de données à caractère personnel » (6). L’affaire suit son cours (7) devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Pour les autres adresses IP qui n’ont pu être identifiées, la raison en est qu’il y a un recours croissant aux VPN (8), mais aussi à la pratique du partage d’adresses IP. Même les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) recourent eux aussi au partage d’adresses IP entre plusieurs abonnés pour faire face à la pénurie des adresses IPv4 (9). Pour y remédier, l’Hadopi a obtenu qu’un décret pris fin 2021 – en vigueur depuis le 1er janvier 2022 – conserver et traiter le « port source » (« port associé ») que lui communiquent les ayants droit, au même titre que l’adresse IP, puis de le transmettre pour identification aux FAI (10).
Ainsi, alimentée par TMG, l’Hadopi a pu de 2010 à fin 2021 envoyer à des abonnés Internet plus de 13,3 millions d’emails d’avertissement (appelées « recommandations »), dont le deuxième envoi (soit 10 % de ce total) est doublé d’une lettre recommandée avec accusé de réception. Il leur est reproché des « téléchargements et mises à disposition illicites constatés à partir de leur connexion ». Et selon l’Hadopi, au moins sept personnes sur dix averties prennent des mesures pour éviter tout renouvellement d’actes de piratage (11). Concernant les autres, plus de 23.000 dossiers – toujours en cumulé sur plus de dix ans – ont fait l’objet d’un « constat de négligence caractérisée », envoyé par e-mail et courrier remis contre signature. Parmi eux, 8.476 dossiers ont été transmis à la justice (au parquet alias le procureur de la République) puis, selon les calculs de Edition Multimédi@, 3.148 suites judiciaires portées à la connaissance de l’Hadopi ont été engagées. Mais entre les relaxes, les classements sans suite, les rappels à la loi, les mesures alternatives aux poursuites et les régularisations sur demande du parquet, très peu de sanctions pénales sont in fine prononcées : quelques centaines tout au plus depuis douze ans.

Le P2P n’est pas mort ; il bouge encore
La pédagogie de l’Hadopi aurait largement triomphé sur le répressif. Si TMG continue à alimenter la réponse graduée en adresse IP, force est de constater que l’usage du peer-topeer s’est effondré au profit du streaming, du téléchargement direct et du live streaming. « Le nombre d’utilisateurs illicites des réseaux pair-à-pair est passé de 8,3 millions d’internautes par mois en 2009 à environ 3 millions par mois aujourd’hui, soit une baisse de plus de 60 % », s’est félicitée l’Hadopi dans son dernier rapport annuel. @

Charles de Laubier

Lecteur multimédia, Plex se mue en plateforme de streaming personnelle, fort de 15 ans d’existence

Le japonais Rakuten vient de rejoindre la longue liste des partenaires de contenu de l’application multimédia Plex de la société du même nom cofondée il y a quinze ans. Celle-ci veut « sauver le streaming du chaos ». De lecteur multimédia à plateforme de streaming, Plex bouscule TV et SVOD.

Plex aura quinze ans en fin d’année, le développeur Elan Feingold (photo de gauche), aujourd’hui directeur de la technologie, ayant été à l’origine de la création en décembre 2007 d’un lecteur multimédia personnel pour son Mac (Apple) à partir d’un logiciel open source appelé à l’époque XBMC – pour Xbox Media Center, lequel devint de son côté Kodi (1). Elan Feingold a eu la chance d’obtenir aussitôt pour son projet devenu Plex deux investisseurs qui avaient revendu leur entreprise à Cisco, Cayce Ullman et Scott Olechowski (photo de droite). Si le premier a quitté fin 2011 Plex, dont il fut cofondateur et directeur général, le second y est toujours présent en tant que directeur produit (2).

Dans la lignée des « media center »
Aujourd’hui, grâce au duo fondateur restant soutenu par six investisseurs (Intercap, Kleiner Perkin, Tribune Media, StartX, McClatchy et Knight Foundation), Plex est une application-plateforme permettant à des millions d’utilisateurs dans 180 pays, dont la France, de personna-liser leur utilisation du streaming dans une seule médiathèque multimédia. Et ce, quels que soient les terminaux et appareils qu’ils utilisent. Plex fonctionne aussi bien sur téléviseurs (Roku, Amazon Fire TV, Chromecast, Android TV, Apple TV, Samsung, …) que sur smartphones, consoles de jeu (PSP, Xbox, …) ou ordinateurs. Plex s’est imposé face à d’autres « media center » tels que Kodi, MediaPortal ou encore Emby (ex-Media Browser). « Pour les fans de films et de spectacles qui sont submergés par le chaos de l’univers fragmenté du streaming, Plex offre une expérience plus personnalisée et intuitive dans une application facile à utiliser, puissante et belle. Que vous soyez intéressé par la gestion de votre médiathèque personnelle ou à regarder gratuitement la télévision en direct ou à visionner des milliers de films gratuits en streaming, Plex est la maison pour tous vos divertissements », résume l’entreprise suisse.
Domiciliée dans le canton de Nidwald, cette holding chapeaute sa filiale californienne Plex basée à Los Gatos mais enregistrée fiscalement dans l’Etat du Delaware. C’est fin 2019 que Plex – jusqu’alors connu aux Etats-Unis pour son lecteur multimédia intuitif – s’est diversifié dans le streaming en proposant sur Plex.tv séries, films, documentaires et clips vidéo en accès libre mais avec de la publicité (3) : un pionnier de l’AVOD (Advertising Supported Video on Demand), marché que convoitent des géants comme Amazon Studios et Netflix (4). Le catalogue actuel de Plex est conséquent : 50.000 titres, des dizaines de programmes de télévision et une centaine de chaînes TV diffusées en live streaming. Et ce, grâce à une liste de « partenaires de contenu » digne d’un inventaire à la Prévert, parmi lesquels Metro Goldwyn Mayer (MGM, entre les mains d’Amazon), Warner Bros. Discovery, Paramount (Paramount Global, ex-ViacomCBS), Sony Pictures Television. Lionsgate, Sinclair Broadcast Group, A+E, AMC, Crackle Crown Media Family Networks ou encore Fremantle (RTL Group/M6). Pour la musique en streaming, Plex a intégré en novembre 2018 les contenus de Tidal, l’ex-plateforme « hi-fi » du rappeur Jay-Z, laquelle est contrôlée depuis mars 2021 par Square, la société fondée par Jack Dorsey (cofondateur et ancien patron de Twitter).
Dernier arrivé parmi cette trentaine de fournisseurs de contenus (5) : le japonais Rakuten, qui a fêté ses 25 ans cette année (6). Sa plateforme « Rakuten TV » a annoncé le 15 juin dernier un accord pour diffuser 91 chaînes, dont des chaînes thématiques cinéma, sur « la plateforme de divertissement » de Plex. Déjà disponibles via les téléviseurs connecté (Smart TV), sur le Web et les applications mobiles, elles seront aussi disponibles désormais en streaming via Plex en France, en Espagne, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Autriche, en Suisse, en Italie, aux Pays-Bas, en Suède, en Finlande et en Norvège. Le japonais sera aussi présent sur Plex avec sa propre chaîne gratuite « Rakuten Stories » financée par de la publicité, selon le mode FAST (Free Ad-supported Streaming TV). Le japonais y diffuse des contenus originaux et exclusifs.

Diffusion massive de Rakuten TV
Plex étoffe ainsi son offre télévisuelle qui compte plus de 250 chaînes accessibles gratuitement. « Rakuten TV est disponible dans 43 pays européens et regroupe plus de 110 millions de foyers qui se connectent via l’installation de l’application sur certaines Smart TV ou grâce à des télécommandes où figurent le bouton “Rakuten TV” », précise la filiale Rakuten TV Europe, basée à Barcelone (Espagne) et dirigée par le Français Cédric Dufour. Dans la ligné des « media center », Plex entend résoudre le casse-tête des internautes qui aspirent à plus de simplicité et de fluidité dans l’accès à tous leurs contenus multimédias. C’est le défi que devrait relever tous les fournisseurs de contenus. @

Charles de Laubier

Avec sa gamme Pixel de plus en plus étoffée, Google prend des airs de grand fabricant de smartphones

Près de six ans après avoir lancé ses premiers smartphones Pixel, Google va-t-il enfin s’imposer en 2022 comme un grand fabricant de ces téléphones intelligents ? La filiale d’Alphabet semble avancer à pas comptés, sans doute pour ne pas gêner ses clients « Android », Samsung et Xiaomi en tête.

« Pixel 6 est un énorme pas en avant pour la gamme Pixel, et il a été formidable de voir la réponse des utilisateurs. C’est le Pixel qui se vend le plus vite et nous sensibilisons les consommateurs à la marque. Nous faisons de bons progrès. Je suis emballé par les produits que nous avons à venir », s’était félicité Sundar Pichai, PDG d’Alphabet et de sa filiale Google. C’était le 26 avril dernier, lors de la présentation des résultats du premier trimestre 2022. Quinze jours après, lors de la conférence annuelle des développeurs Google I/O, il intervenait à nouveau pour vanter les atouts de la gamme Pixel qui s’étoffe.

Avec les prochains Pixel 7, le décollage ?
Plus de cinq ans et demi après avoir lancé ses premiers smartphones, en l’occurrence les modèles Pixel et Pixel X, Google est toujours loin d’apparaître dans le « Top 5 » des fabricants mondiaux de ces téléphones intelligents. La filiale d’Alphabet ne divulguant aucun chiffre de ventes de ces appareils, elle reste noyée dans la ligne « Autres », comme dans les classements des ventes de smartphones 2021 de Gartner (1) et de IDC (2). Mais avec les modèles Pixel 6 et Pixel 6 Pro lancés en octobre dernier, ses smartphones « les plus vendus à ce jour », Google semble vouloir accélérer sur ce marché hyperconcurrentiel, quitte à grignoter des parts de marché – si minimes soient-elles pour l’instant – à ses propres clients de son système d’exploitation pour mobile Android. A savoir : le sud-coréen Samsung, éternel numéro un mondial des smartphones (3), les chinois Xiaomi, Oppo et Vivo, et d’autres.
La conférence Google I/O des 11 et 12 mai derniers a été l’occasion de dévoiler le smartphone Pixel 6a qui sera lancé en pré-commande le 21 juillet prochain (le 28 juillet dans les rayons) à un tarif 30 % moins cher que son aîné, le Pixel 6, grâce à un compromis qualité-prix. Mais il est doté de la même puce maison – la Google Tensor dopée à l’intelligence artificielle – que l’on retrouve depuis l’an dernier sur les modèles haut de gamme Pixel 6 et Pixel 6 Pro. Jusqu’aux Pixel 5, la firme de Mountain View utilisait des puces de Qualcomm jugée moins performantes. Avec Tensor, les Pixel se font plus rapides et réactifs – notamment dans la reconnaissance vocale ou le traitement des images, photos et vidéos. Et ce, sans compromettre l’autonomie de la batterie. Autre point commun : le recours à une autre puce propre à Google, la puce de sécurité Titan M2, chargée de la gestion des tâches comme la protection par mot de passe, le cryptage et les transactions sécurisées dans les applications. « Et comme avec les autres appareils de la gamme, Pixel 6a sera parmi les premiers à recevoir la prochaine mise à jour Android 13 », a précisé le 11 mai Soniya Jobanputra (photo de gauche), directrice de la gestion de produit chez Google (4). De son côté, le même jour, le vice-président des appareils et services de Google, Rick Osterloh (photo de droite), a donné un avant-goût de ce que seront les Pixel 7 qu’il a annoncés pour « cet automne » : « Notre prochaine version de Google Tensor alimentera ces appareils destinés à ceux qui veulent la dernière technologie et les performances les plus rapides », a-t-il assuré.
Rick Osterloh inscrit les smartphones de Google dans l’écosystème Pixel qui, outre des écouteurs (Pixel Buds) et d’ordinateurs portables (Pixelbook, ex-Chromebook Pixel), va s’étoffer avec des montres intelligentes (Pixel Watch) à partir de l’automne prochain et des tablettes avec puce Tensor prévues en 2023 pour succéder aux tablettes Pixel Slate (anciennement Pixel C). « Nous construisons la gamme Pixel pour vous donner plus d’options selon les différents budgets et besoins. J’ai hâte que tout le monde voie par lui-même à quel point ces appareils et ces technologies peuvent être utiles, qu’il s’agisse des appareils portables, des téléphones et des tablettes, ou encore de la technologie audio et de la maison intelligente », a expliqué Rick Osterloh (5).

Google mise aussi sur la réparabilité
Google entend aussi jouer la carte de la réparabilité de ses smartphones, après s’être allié en avril dernier avec la société californienne iFixit. Des pièces de rechange d’origine Pixel commencent à être disponibles à l’achat sur Ifixit.com pour les modèles de Pixel 2 à Pixel 6 Pro (piles, écrans de rechange, caméras, kits de réparation avec tournevis et broches). Il en sera de même des futurs modèles Pixel 7. « Si vous ne voulez pas faire des réparations vous-même, nous travaillons déjà en partenariat avec des fournisseurs de réparation indépendants comme uBreakiFix », a signalé Ana Corrales, directrice du hardware grand public chez Google (6). La réparabilité sera étendue à d’autres appareils comme les Chromebook, sans parler du recyclage des matériaux composant tous les produits de Google, et des objectifs de neutralité carbone. @

Charles de Laubier

Comment Netflix cherche à rester le numéro un mondial, 15 ans après avoir pivoté dans la SVOD

Netflix a chuté au Nasdaq sous les 200 euros. Mais le groupe fondé par Reed Hastings, dont l’assemblée générale se tiendra le 2 juin, diversifie ses contenus – jusqu’aux productions hybrides « jeu mobile-série télé » – pour ne plus perdre d’abonnés ni licencier, et rester le n°1 mondial.

Pas de panique. Les Cassandres qui voudraient reléguer le numéro un mondial de la SVOD derrière ses concurrents risquent d’être contredits dans leurs sombres prévisions. Certes, Reed Hastings, le PDG fondateur de Netflix a décidé de licencier 150 personnes mais cela ne représente que 2 % (essentiellement aux Etats-Unis) des 11.000 salariés du groupe de Los Gatos. Certes, Netflix a perdu 200.000 abonnés au cours du premier trimestre 2022 mais cela ne représente que l’équivalent de… 0,09 % du parc actuel de ses 221,6 millions de clients dans le monde.

Le « N » rouge reste une cash-machine
Certes, le groupe prévoit encore une perte au second trimestre en cours, de 2 millions d’abonnés. Mais selon les prévisions de Digital TV Research, Netflix restera le grand gagnant de la SVOD en 2027. Alors, les investisseurs n’ont-ils pas surréagi en sanctionnant l’entreprise en Bourse, où son cours s’est effondré de 52,2 %, passant de 348,61 dollars le 19 avril dernier – quelque heures avant l’annonce des résultats du premier trimestre – à 166,37 dollars le 11 mai, son point le plus bas et équivalent au prix de septembre 2017 ?
Le marché de Wall Street, qui s’attendait jusqu’à quelque 5 millions d’abonnés en plus, a sans doute été trop sévère. D’autant que la marge de manœuvre de Netflix reste potentiellement grande si l’on considère que le groupe au « N » rouge dispose à fin mars 2022 d’une trésorerie disponible de 6 milliards de dollars, quand bien même il est endetté à hauteur de 8,6 milliards de dollars. Et Netflix est encore une cash-machine puisque son flux de trésorerie disponible (free cash-flow) pour faire tourner l’entreprise a été de 802 millions de dollars rien que pour les trois premiers mois de l’année. « Nous continuons de nous attendre à ce flux positif pour l’année 2022 et au-delà », avait tenu à rassurer le groupe dans sa lettre à ses actionnaires le 19 avril dernier à l’occasion de la présentation des résultats du premier trimestre. Rappelons que sur l’ensemble de 2021, le géant de la SVOD a réalisé 29,6 milliards de chiffre d’affaires, en hausse de 18,8 % par rapport à l’année précédent. Et ce, pour un bénéfice net de 5,1 milliards de dollars tout de même, en hausse de 85,3% sur un an. Qui dit mieux ? La diversification dans les contenus proposés par la plateforme au logo rouge a déjà commencé avec les jeux vidéo. Sa première incursion remonte à 2017 avec « Stranger Things » (jeu mobile développé par BonusXP et en appli sur iOS et Android) et à 2018 avec « Minecraft: Story Mode » (Telltale Games) utilisant cette fois une télécommande télé. Depuis six mois maintenant, sont proposés aux abonnés de la plateforme vidéo des jeux mobiles, comme l’exclusif « Relic Hunters: Rebels », développé par le studio brésilien Rogue Snail, ou encore « Hextech Mayhem: A League of Legends Story » sorti du studio Riot Forge (Riot Games). « Nous devons continuer à améliorer le service de base, qui propose des séries télé et des films, et maintenant des jeux vidéo que les gens aiment vraiment. C’est ce sur quoi nous mettons vraiment l’accent », a expliqué Theodore Sarandos (photo), co-PDG et directeur général des contenus de Netflix depuis 22 ans, et bras-droit de Reed Hastings.
Avec son cash disponible, le groupe compte bien continuer à se développer dans le jeu vidéo par croissance interne et des acquisitions, afin de développer ses propres titres de jeux comme cela est le cas dans les films et les séries. En septembre 2021, Netflix a racheté la société californienne Night School Studio. Et outre l’acquisition annoncée en novembre 2021 du spécialiste des effets spéciaux Scanline VFX (1), la firme de Los Gatos s’est emparée au premier trimestre 2022 du studio de jeux vidéo américain Boss Fight Entertainment (2), et compte finaliser son offre sur le finlandais Next Games (3) d’ici le second semestre. Mieux, Netflix veut joindre les deux bouts : produire des séries et des jeux autour d’un même titre. Ce sera le cas avec le premier projet « jeu mobile-série télé » autour de la licence « Exploding Kittens », à l’origine du jeu physique de roulette russe dans un jeu de cartes illustrées. Le jeu mobile vient de sortir (4) et la série animée est prévue pour 2023.

Plus de jeux vidéo que de sports
Theodore Sarandos a dit en avril qu’il croyait plus en la rentabilité des jeux vidéo sur Netflix qu’aux sports, même si la plateforme vidéo montre son intérêt en diffusant depuis 2018 la série « Drive to Survive » sur la Formule 1. Netflix s’intéresse aussi au tennis, au golf et aux documentaires sportifs. Mais le jeu vidéo reste prioritaire. « Nous renforçons nos capacités, franchement, plus rapidement que lorsque nous sommes entrés dans le cinéma », s’est félicité Reed Hastings. Il reste à Netflix à mieux éditorialiser sa plateforme vidéo avec des contenus plus attractifs, comme le fait si bien Disney+. @

Charles de Laubier

Edward Bouygues, successeur putatif de son père Martin, vendra-t-il Bouygues Telecom ?

Pour Edward (38 ans), fils aîné de Martin Bouygues (70 ans) et président de Bouygues Telecom depuis le 21 avril, l’assemblée générale du groupe Bouygues – réunie le 28 avril – n’a été que pure formalité. Etant de la « génération Y », Edward tient l’avenir de l’opérateur télécoms entre ses mains.

Alors que son père Matin Bouygues vient d’avoir 70 ans le 3 mai, Edward Bouygues, qui a eu 38 ans 14 avril dernier, prend du galon au sein du groupe Bouygues. L’assemblée générale des actionnaires du groupe Bouygues, qui s’est tenue au siège social de la filiale Bouygues Construction (site « Challenger » à Guyancourt dans les Yvelines), fut la première pour Edward Bouygues (photo) en tant que président de Bouygues Telecom, fonction qu’il occupe depuis le 21 avril. Toutes les résolutions ont été adoptées, notamment celle sur sa rémunération 2022 en tant que directeur général délégué de la maison mère : 1.680.000 euros maximum, dont une rémunération variable plafonnée à 180 % de la rémunération fixe qui est de 600.000 euros.

Edward brick-and-mortar et millennial
Le fils aîné de Martin Bouygues a succédé à Richard Viel à la présidence de l’opérateur télécoms, le 21 avril, jour de la réunion du conseil d’administration de Bouygues Telecom qui l’a nommé à ces responsabilités très exposées. Mais il continue d’exercer ses fonctions de directeur général délégué du groupe Bouygues, qu’il occupe depuis février 2021. La filiale télécoms n’est pas inconnue pour lui, l’ayant rejoint dès février 2014 comme responsable marketing, après avoir exercé pendant cinq ans des fonctions de conducteur de travaux et des fonctions commerciales chez Bouygues Construction. Le « millennial » Edward a ainsi une culture « brick-andmortar » (1) et digitale. Chez Bouygues Telecom, il est monté en grade en devenant en janvier 2019 membre du comité de direction générale, puis en février 2021 vice-président en charge du développement.
Depuis moins d’un mois (à l’heure où nous publions ces lignes), Edward Bouygues (« EB ») préside aux destinées du troisième opérateurs français, avec comme directeur général Benoît Torloting, à ce poste depuis 1er janvier 2022 (dans le cadre d’une dissociation des fonctions de président et de directeur général). EB est aussi en France président de Bouygues Telecom Flowers (2) et de Bouygues Telecom Initiatives (3), ainsi qu’en Belgique président du conseil d’administration de Bouygues Europe – lobby de toute la maison mère à Bruxelles. Le fils aîné succèdera-t-il à son père à la tête du conglomérat aux cinq métiers (Bouygues Construction, Bouygues Immobilier, Colas, TF1 et Bouygues Telecom) ? Outre ses fonctions de directeur général délégué du groupe Bouygues, en charge du développement télécoms, de la RSE (4) et de l’innovation, EB est surtout membre du conseil d’administration du groupe Bouygues et représentant permanent de la holding familiale SCDM – société contrôlée par Martin Bouygues, Olivier Bouygues (le frère de Martin) et leurs familles – laquelle détient 24,5 % du conglomérat industriel et médiatique (29,5% des droits de vote). Cela fait plus de six ans que Martin Bouygues prépare sa succession, ayant fait entrer début 2016 son fils aîné Edward et son neveu Cyril au conseil d’administration du groupe éponyme.
Mais le patriarche ne veut pas précipiter les choses, ayant luimême été propulsé un peu trop tôt à son goût à la tête de l’empire familial, à 37 ans en 1989 – son père Francis Bouygues se consacrant alors à la production cinématographique jusqu’à sa mort en 1993. A 38 ans, EB devra patienter, si tant est qu’il soit désigné l’héritier du groupe. Martin Bouygues, qui prévoyait de désigner son successeur d’ici avril 2018, prend finalement le temps. Après plus de 30 ans comme PDG du groupe (les fonctions de président et de directeur général étant alors intégrées), il est depuis le 17 février 2021 « seulement » président du conseil d’administration du groupe, dont la direction générale est confiée à Olivier Roussat – ancien PDG de Bouygues Telecom (2013 à 2018). Celui-ci est épaulé depuis par deux directeurs généraux délégués : Edward Bouygues et Pascal Grangé (tous les deux pour un mandat de trois ans, jusqu’en février 2024). Que va faire au juste Edward Bouygues du troisième opérateur télécoms ? C’est toute la question, à l’heure où Orange et SFR ne cessent de prôner le passage de quatre à trois opérateurs en France.

Marier « BouyguesTel » avec SFR ou Free ?
Free verrait bien Bouygues Telecom se marier avec SFR, alors que des rumeurs de discussions entre SFR et Free ont été démenti le 2 février dernier par Patrick Drahi, patron d’Altice, propriétaire de SFR, bien que ce dernier soit favorable à un « Big Three » (5). Pour Xavier Niel, président d’Iliad, il est encore trop tôt à son âge (54 ans) pour vendre Free qu’il a fondé il y a 23 ans (6). Quant à Martin Bouygues, il était nonvendeur en 2015 de sa filiale Bouygues Telecom (7), avant d’y être depuis 2018 favorable (8). Edward pourrait être celui qui soldera l’aventure de près de trente ans de son père dans les télécoms, à l’heure où les GAFAM mettent à mal le modèle économique des « telcos ». A moins que l’aîné de Martin ne lance Bouygues Telecom à l’international, au-delà de l’alliance Alaian (9) dans la 5G. @

Charles de Laubier