La BEI, la CDC et le groupe Axel Springer soutiennent toujours le moteur de recherche Qwant

La Banque européenne d’investissement (BEI) lui a accordé « un rééchelonnement raisonnable » de sa dette. La Caisse des Dépôts (CDC) et le groupe allemand Axel Springer sont toujours ses plus importants actionnaires. Ayant échappé à la banqueroute, Qwant pourra fêter ses dix ans en 2023.

« Face à la domination sans réel partage de Google, la concurrence européenne s’organise. C’est le cas de Qwant, moteur de recherche franco-allemand qui tente de percer en assurant à ses utilisateurs un respect total de leur vie privée et des contenus non violents pour les plus jeunes », peut-on encore lire sur le site web (1) de la Banque européenne d’investissement (BEI), le plus gros créancier de Qwant. Il y a sept ans, la start-up française bénéficiait d’un prêt de la BEI de 25 millions d’euros.

Sa situation financière reste fragile
L’annonce de ce prêt européen avait été faite en grande pompe lors de la grande conférence numérique franco-allemande qui avait eu lieu le 28 octobre 2015 à l’Elysée, en présence d’un certain Emmanuel Macron (2), alors ministre français de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique. L’eau a depuis coulé dans le Rhin et la société franco-allemande – vedette de la French Tech promue par celui qui est devenu en 2017 président de la République – a dû faire face cette année à deux échéances de remboursements de la BEI. Mais au lieu de devoir régler 5 millions d’euros en janvier et 10 millions d’euros en juin, l’entreprise a obtenu de la banque au Luxembourg « un rééchelonnement raisonnable de la dette », indique Raphaël Auphan (photo), directeur général de Qwant, à Edition Multimédi@.
Les nouvelles échéances sont confidentielles. Il nous précise que sur les 25 millions d’euros initialement annoncés en 2015, ce sont finalement 20 millions d’euros qui ont été tirés par l’entreprise auprès de la BEI. Qwant s’était endetté non seulement auprès de la BEI mais aussi en janvier 2017 auprès de la Caisse des dépôts (CDC) à hauteur de 15 millions d’euros. A cela s’ajoutaient 5 millions d’euros levés auprès du groupe de médias allemand Axel Springer, son actionnaire historique (3). Qwant doit en outre 3millions d’euros à l’Etat au titre du prêt garanti par celui-ci (PEG) accordé durant la crise sanitaire. « La dette de Qwant n’a pas diminué en 2021 », nous indique Raphaël Auphan, par rapport aux 39,3 millions d’euros d’endettement de 2020. Quant au prêt de 8 millions d’euros consenti en mai 2021 par le chinois Huawei sous forme d’obligations convertibles, « il s’agit d’une dette qui sera bientôt remboursée ». Et l’accord de « l’utilisation du moteur de recherche sur les smartphones Huawei arrive aussi à échéance ». L’an dernier, l’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 10,3 millions d’euros (4), pour une perte nette de 9,2 millions d’euros. Alors qu’en 2020 le déficit était de 12,8 millions pour un chiffre d’affaires de 7,5 millions d’euros (5). La situation financière reste fragile, mais Qwant peut compter sur le soutien de ses deux principaux actionnaires – Axel Springer et la CDC – qui ont réinjecté en 2020 de l’argent frais. Le premier était entré à hauteur de 18,4 % du capital de Qwant en 2014, via son fonds Axel Springer Digital Ventures, mais sa participation est moindre depuis l’entrée de la CDC.
Après l’ère de son PDG fondateur Eric Léandri (6), lequel a été contraint en janvier 2020 de passer les rênes de l’entreprise mal en point, Qwant a pris un nouveau départ début juillet 2021 avec une nouvelle direction : le tandem actuel composé de Corinne Lejbowicz, présidente, et Raphaël Auphan. « Nous sommes une tech de croissance et nous avons un plan de développement qui demandera de nouveaux moyens financiers », explique le directeur général. Qwant ne cesse d’innover. Il indique par exemple qu’« une offre spécifique de moteur de recherche, toujours gratuit, respectueux de la vie privée et sécurisé, sera proposée en 2023 aux entreprises ». Son offre « privacy » va s’étoffer. En plus de Qwant Search (moteur principal), Qwant Junior (dédié aux 6-12 ans), Qwant Maps (service de cartographie « sans laisser de traces »), Qwant VIPrivacy (extension de navigation anti-tracking publicitaire) et bientôt de Qwant pour les entreprises, d’autres produits sont en projet, dont un éventuel VPN (réseau privé virtuel). Depuis juin, le moteur de recherche permet de traduire ses textes dans 28 langues grâce à un partenariat avec la société allemande DeepL.

Développer son propre « master index »
Pour autant, Qwant reste encore dépendant de l’index Bing de Microsoft et de sa régie publicitaire Bing Ads. « Nous poursuivons le développement de notre propre master index, actuellement de 10 milliards de documents. Et sur certains segments comme l’actualité en France nous répondons à 100 % des requêtes », nous assure Raphaël Auphan. Le zéro-tracking séduit à ce jour 6 millions d’utilisateurs par mois, bien loin des 37,9 millions d’utilisateurs par mois pour le moteur de recherche Google en France. Peu importe puisque Qwant ne prétend plus devenir son « grand » rival en Europe, mais seulement une alternative « respectueuse de la vie privée ». Cela ne l’empêche pas de se réjouir lorsque la filiale d’Alphabet est mise à l’amende comme le 14 septembre (7). @

Charles de Laubier