Audience cross-média en vue : Médiamétrie veut une « communication claire et transparente »

Le 28 octobre, Marie Liutkus prend ses fonctions de directrice de la communication de Médiamétrie au moment où la mesure d’audience télé et vidéo devient un complexe Big Data. Un « comité crossmédia » – réunissant chaînes, plateformes et publicitaires – devrait se mettre en place début 2025.

Ça se complexifie pour l’institut de mesure d’audience Médiamétrie, qui fêtera ses 40 ans en 2025. C’est aussi l’an prochain que sera mis en place un « comité cross-média » pour tenter de trouver un consensus décisif entre les chaînes de télévision, les plateformes vidéo et les publicitaires qui y participeront. Il s’agira pour tous ces acteurs de se mettre d’accord autour d’outils de mesure d’audience télé (linéaire) et vidéo (délinéarisée), pour peu qu’il y ait convergence des méthodologies et définition commune du « contact », afin de pouvoir comparer des résultats acceptables et acceptés par tous.

Pub : faire converger télé et vidéo
D’ici là, Médiamétrie lancera dans quelques semaines la première mesure automatisée de la publicité télé linéaire et vidéo non linéaire sur les téléviseurs connectés. Près de 25 ans après avoir pris en compte la diffusion numérique et près de 40 ans après l’invention de l’Audimat, auquel a succédé Médiamat en 1989 (1), le système de mesure d’audience TV de Médiamétrie se « plateformise ». Le fameux Médiamat est en train d’intégrer la mesure de la publicité délinéarisée, celle qui apparaît en télévision de rattrapage (replay) ou en prévisualisation en ligne avant diffusion à l’antenne (preview). En plus des Smart TV (via Internet ou via les box), tous les écrans seront à terme concernés – à domicile ou en mobilité (2). C’est dans ce contexte que Marie Liutkus (photo de gauche) entre en fonction le 28 octobre en tant que directrice de la communication de Médiamétrie, dont elle intègre le comité exécutif.

Data Transfer Initiative, cofondée par Google, Apple et Meta, accélère

Depuis que le DMA et le Data Act, sur fond de RGPD, sont entrés en vigueur dans l’Union européenne, les grandes plateformes numériques s’organisent pour mettre en pratique la portabilité des données. Google, Apple et Meta accélèrent dans ce domaine via la Data Transfer Initiative (DTI).

Permettre aux utilisateurs de réaliser des transferts de données simples, rapides et sécurisés, directement entre les services. Telle est la promesse de l’organisation Data Transfer Initiative (DTI), basée à Washington et cofondée en 2018 par trois des GAFAM : Google, Meta et Apple. Ces travaux se sont accélérés avec l’entrée en vigueur le 1er janvier 2024 du Data Act (DA), le règlement européen sur « l’équité de l’accès aux données et de l’utilisation des données » (1), et le 7 mars 2024 du Digital Markets Act (DMA), le règlement sur les marchés numériques (2).

Transférabilité des photos, vidéos et musiques
Que dit le DMA au juste ? « Le contrôleur d’accès [gatekeepers] assure aux utilisateurs finaux et aux tiers autorisés par un utilisateur final, à leur demande et gratuitement, la portabilité effective des données fournies par l’utilisateur final ou générées par l’activité de l’utilisateur final dans le cadre de l’utilisation du service de plateforme essentiel concerné, y compris en fournissant gratuitement des outils facilitant l’exercice effectif de cette portabilité des données, et notamment en octroyant un accès continu et en temps réel à ces données ». Tandis que le DA, lui, consacre le « droit à la portabilité des données » vis-à-vis non seulement des GAFAM (et tout gatekeepers) mais aussi des fournisseurs de services de cloud. La portabilité des données est également prévue par le règlement général sur la protection des données (RGPD), applicable depuis le 25 mai 2018 (3).
Aussi, sous la pression de l’Union européenne, les travaux de la DTI s’intensifient, comme l’explique Chris Riley (photo), le directeur de cette organisation américaine : « Longtemps considérée comme une question de niche – qualifiée étiquetée comme “un droit obscur des personnes concernées” –, la portabilité des données a pris beaucoup plus d’importance ces dernières années, notamment dans le règlement sur les marchés numériques et celui sur les données. Son impact va au-delà même des contextes de la protection des données et de la concurrence, allant jusqu’à la sécurité en ligne et la gouvernance de l’IA ». Car, toujours dans les Vingt-sept, le règlement sur l’intelligence artificielle (AI Act) est à son tour entré en vigueur, depuis le 1er août 2024 (4). La DTI a donc engagé des travaux sur la portabilité de l’IA personnelle, avec la collaboration de la start-up californienne Inflection (5) qui crée une IA personnelle pour tout le monde, baptisée Pi. Le 18 juin dernier, la DTI a partagé – à l’attention du nouveau Parlement européen – sa vison sur la politique de l’UE pour « responsabiliser les gens par la portabilité des données » et à travers cinq priorités : « Mettre en œuvre les lois existantes de manière efficace ; établir la confiance entre les fournisseurs ; promouvoir la neutralité technologique ; investir dans la sensibilisation et l’engagement ; évaluer la transférabilité dans la pratique, et non sur le papier » (6).

A l’ère de l’IA et de la data, la gestion collective des droits d’auteur veut devenir plus « intelligente »

Le 26 juin, lors de l’AG de la SCPP, organisme de gestion collective des droits des producteurs de musique, a été adopté le projet d’une filiale commune avec l’Adami (artistes et interprètes). Objectif : faire « données communes », notamment face à l’IA. La SPPF veut aussi les rejoindre.

Voilà qui devrait aller dans le sens de la Cour des comptes : un mouvement de rapprochement en France entre les organismes de gestion collective (OGC) des droits d’auteur et des droits voisins. Cette mise en commun concerne d’abord leurs systèmes d’information pour mieux moderniser leur « Big Data » et se mettre en ordre de bataille face à la déferlante de l’intelligence artificielle. Les magistrats du palais de Cambon, présidés par Pierre Moscovici (photo), ne cesse de prôner un tel rapprochement dans le rapport annuel de la commission de contrôle des OGC.

Rationaliser en faisant « Big Data » commun
Lors de l’assemblée générale annuelle de la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), le 26 juin, une résolution validant la création d’une « filiale commune paritaire » avec l’Adami (Administration des droits des artistes et musiciens interprètes) a été adoptée. Le premier OGC collecte et répartit les droits d’auteur gérés collectivement pour le compte des producteurs de musiques enregistrées, dont les trois majors que sont Universal Music, Sony Music et Warner Music. Le second OGC collecte et répartit les droits d’auteurs pour le compte des artistes interprètes de la musique et de l’audiovisuel.
La SCPP est le bras armé financier du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) et compte plus de 4.500 producteurs de musique membres, tandis que l’Adami est au service de près de 100.000 artistes-interprètes. Improbable par le passé, ce rapprochement entre les deux organismes a été annoncé le 27 mai dernier (1) et va se concrétiser par « une mise en commun, à travers la création d’une filiale commune et paritaire, de leurs bases de données respectives et de leurs outils de répartition pour les droits à rémunération que sont la rémunération pour copie privée et la rémunération équitable ». Une étude de faisabilité est en train d’être menée pour savoir comment sera mise en œuvre opérationnelle cette répartition, et pour adopter des règles communes d’affectation « par phonogramme » – comprenez par musique enregistrée où le streaming domine désormais.

Dans un monde de plateformes de streaming et de podcasts, la radio voit son avenir s’éclater

Les 6 et 7 juin a eu lieu la quatrième édition de la Fête de la radio. Mais le cœur y est-il vraiment ? L’Arcom dévoilera son livre blanc sur l’avenir de la radio, lors des Assises qui lui sont consacrées le 18 juin. Le média plus que centenaire est en pleine réflexion existentielle face aux GAFAM.

Quatre mois après la Journée mondiale de la radio initiée par l’Unesco (ce fut le 13 février cette année), la quatrième édition de la Fête de la radio a eu lieu en France les 6 et 7 juin, événement lancé en 2021 à l’initiative de l’Arcom – via une association conventionnée (1) – avec le parrainage du ministère de la Culture. Ces deux journées permettent de mieux faire connaître le média radio et ses mutations, de la FM au DAB+, en passant par le streaming et les podcasts. Plus de 100 ans après sa naissance et près de 40 ans après la libéralisation de la communication audiovisuelle, la radio est toujours aussi populaire auprès d’un très large public.

La radio devenu un contenu comme un autre
Si son audience cumulée peut encore battre des records, le média radio n’en est pas moins en pleine fragmentation de cet auditoire qui se disperse en fonction des modes de diffusion : en analogique (FM), en numérique (DAB+) ou sur Internet (live streaming, replay, podcast, …). Cet éclatement radiophonique induit une multitude d’appareils de réception utilisés et des situations d’écoute désormais très différentes : chaque jour en France, au premier trimestre, la radio a totalisé 38,7 millions auditeurs en moyenne chaque jour, à raison de 2h26 quotidiennes par auditeur (toujours en moyenne), dont 77,3 % sur des supports dédiés à la radio tels que l’autoradio d’un véhicule, la chaîne hi-fi ou le poste de radio, et 22,7 % sur des supports numériques tels que les smartphones (5,9 millions d’auditeurs quotidiens), les enceintes connectées (1,5 million), les ordinateurs (1,4 million), téléviseurs (959.000) et les tablettes (539.000). D’après Médiamétrie sur la période de janvier à mars 2024, ce basculement de l’écoute de la radio sur ces supports numériques a engendré sur la même période un nouveau record, à 9,7 millions de personnes écoutant chaque jour la radio sur de ces appareils non dédiés à la radio (voir graphiques). Les Français sont davantage équipés en supports multimédias (97 %) qu’en supports dédiés à la radio (90 %), sachant que 99 % des foyers disposent d’au moins un support pour écouter la radio (qu’il soit dédié ou pas). Cette décorrélation progressive de ses récepteurs dédiés historiques (postes de radio, autoradios, radio-réveil, tuner de chaîne hi-fi) fait entrer le média radio dans le flux numérique des contenus en ligne. En se délinéarisant (en live, en différé ou en podcast), la radio perd un peu de sa spécificité. La radio devient un contenu comme un autre à l’ère de la plateformisation numérique. Les éditeurs de stations radio doivent investir dans plusieurs support (FM, DAB+, applications, sites web, podcasts) pour aller cherche l’auditeur là où se trouve. Si les grandes radios ont les reins solides pour faire face à ces coûts de multidiffusion, il n’en va pas de même pour les radios indépendantes et plus encore pour les radios associatives. Ces dernières sont pour 75 % d’entre elles présentes en DAB+ et ont été les premières à soutenir depuis 2014 cette technologie numérique, lancée d’abord à Paris, Marseille et Nice et couvrant à ce jour plus de 60 % de la population métropolitaine.

Les fréquences de la TNT en Europe iront aux télécoms après 2031, mais la France résiste

Les « fréquences en or » actuellement utilisées par la TNT ont l’assurance d’être affectées à l’audiovisuel jusqu’en 2031. Ensuite, la Conférence mondiale des radiocommunications de 2031 (CMR-31) pourrait les allouer à la 5G/6G. La France, elle, va (ré)attribuer des autorisations TNT en 2025.

C’est à la Conférence mondiale des radiocommunications de 2031 (CMR-31) que l’Union européenne sera fixée sur le sort qui sera réservé aux fréquences de la banque 470-694 Mhz dans la « Région 1 », regroupant l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique. Ces fréquences – dites historiquement UHF (1) – sont actuellement aux mains de l’audiovisuel, en l’occurrence de la télévision numérique terrestre (TNT), ou Digital Terrestrial Television (DTT) en anglais. Il est plus que probable qu’après 2031 elles tombent dans l’escarcelle des télécoms qui demandent plus de spectre pour les déploiements de la 5G, y compris la 5G Broadcast (2), et de la future 6G (3).

Europe : la bande UHF destinée aux télécoms
« Dans la “région 1”, à savoir l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique, il y a des pays comme la France qui utilisent massivement la bande UHF [470-694 Mhz, ndlr] pour la diffusion de la TNT, a expliqué Gilles Brégant (photo), directeur général de l’Agence nationale des fréquences (ANFR), lors d’un colloque sur l’avenir de la TNT le 14 novembre dernier à Paris. Mais beaucoup d’autres pays cette région n’ont plus de télévision hertzienne de façon significative, comme la Suisse, l’Allemagne, des pays du Golf [persique] ou encore des pays africains. Ces derniers veulent développer de la téléphonie mobile dans cette bande de fréquences, mais aussi des réseaux de sécurité ou des systèmes de défense » (4).
En France, l’Arcom a lancé le 28 février et jusqu’en mai l’appel aux candidatures pour l’attribution de quinze fréquences pour la diffusion de chaînes de la TNT nationale (5). Mais pourquoi attribuer en 2025 quinze fréquences de la TNT – via des autorisations sur 10 ans assorties de conventions – si ce mode de diffusion numérique par voie hertzienne est voué à être remis en question par les instances internationales de gestion du spectre ?