Cloud & AI Development Act : le futur règlement de la Commission européenne veut changer la donne

Pour que l’Union européenne devienne un « continent de l’IA », dans le cadre des objectifs de son Digital Decade à l’horizon 2030, le futur règlement sur « le développement de l’informatique en nuage et de l’IA » devra éviter de renforcer la position dominante du triumvirat Amazon-Microsoft-Google.

Alors qu’un triumvirat de l’informatique en nuage est en train de se renforcer dans l’Union européenne, constitué par les trois Big Tech américaines Amazon avec Amazon Web Services (AWS), Microsoft avec Microsoft Azur et Google avec Google Cloud, la Commission européenne s’apprête à proposer d’ici la fin de l’année 2025 un projet de règlement sur « le développement de l’informatique en nuage et de l’IA ». Ce Cloud & AI Development Act sera ensuite débattu au Parlement européen début 2026. Pour une entrée en application en 2027 ?

Triopole américain renforcé dans l’UE
Le temps long réglementaire est loin d’être celui du temps ultra-rapide des technologies. Lorsque le Cloud & AI Development Act (« CAIDA ») entrera en vigueur, d’ici deux ans, la position dominante des trois Big Tech américaines Amazon, Microsoft et Google dans le cloud aura sans aucun doute encore augmentée pour atteindre une part de marché – dans les infrastructures de cloud en Europe – plus importante qu’elle ne l’est déjà actuellement. Le triumvirat tend à devenir un triopole, qui échappe à toute régulation susceptible de favoriser la concurrence dans les Vingt-sept.
Pour l’heure, Amazon, Microsoft et Google viennent d’atteindre les 70 % de parts de marché dans les infrastructures de cloud dans l’Union européenne (UE). Tandis que la part de marché de leurs concurrents d’origine européenne – SAP, Deutsche Telekom, OVHcloud, Telecom Italia, ou encore Orange – se réduit à peau de chagrin, à savoir 15 % environ de part de marché en Europe, contre près de 30 % en 2017, d’après Synergy Research Group (voir graphique ci-dessous). « Pendant que les fournisseurs de cloud américains continuent d’investir des dizaines de milliards d’euros chaque trimestre dans des programmes d’investissement européens, cela représente une pente impossible à gravir pour toutes les entreprises qui souhaitent sérieusement contester leur leadership sur le marché », estime John Dinsdale (photo), analyste en chef de ce cabinet d’étude américain basé à Reno, dans le Nevada, aux Etats-Unis. Et cet ancien analyste en chef de chez Gartner d’ajouter : (suite)

Un « Cloud & AI Act » européen proposé fin 2025

En fait. Le 3 juillet, lors des 19e Assises du Très haut débit à Paris, la présidente de l’Arcep a appelé la Commission européenne à une régulation ex-ante du cloud et de l’IA « s’inspirant des succès de la régulation des télécoms en France ». Bruxelles prépare un « Cloud & AI Act » pour le 4e trimestre 2025.

En clair. La Commission européenne va proposer au quatrième trimestre 2025 un règlement sur « le développement de l’informatique en nuage et de l’IA ». Le Parlement européen, destinataire de cette proposition législative, pourrait débattre de ce texte dès le premier trimestre 2026.
Ce Cloud & AI Development Act (« CAIDA ») fait partie des priorités numériques de « la boussole pour la compétitivité » sur laquelle la Commission « von der Leyen II » s’est engagée en janvier 2025 (1). Ce projet est également consigné dans la lettre de mission adressée en septembre 2024 (2) à la vice-présidente exécutive de la Commission européenne, Henna Virkkunen. Pour mener ses travaux législatifs sur le futur CAIDA, la Commission européenne va s’appuyer sur les réponses à son appel à contributions qui s’est achevé le 3 juillet. « Le processus de construction [des centres de données] exige des capitaux importants, créant ainsi des barrières à l’entrée pour de nouveaux acteurs. […] Les problèmes recensés [difficultés d’accès aux ressources naturelles (énergie, eau, terres) et d’obtention des composants technologiques et des capitaux] ont (suite)

L’explosion des centres de données en Europe pose de sérieux problèmes environnementaux

Les centres de données explosent, atteignant près de 10.000 installations dans le monde. La France n’échappe pas à cette demande de data centers pour y faire tourner les intelligences artificielles et les services de cloud. Ces fermes informatiques présentent un risque réel pour l’environnement.

Ils s’appellent Amazon Data Services (AWS), Equinix, OVHcloud, Data4, Telehouse, Digital Realty, Atos, Scaleway, ou encore Microsoft Azure. Ce sont les opérateurs de centres de données, dont le marché français – à l’instar de ce qui se passe dans le monde – explose pour répondre à la forte demande de l’intelligence artificielle et des services de cloud. « On entend par centres de données les installations accueillant des équipements de stockage de données numériques », définit officiellement le code des postes et des communications électroniques (CPCE). Et « on entend par opérateur de centre de données toute personne assurant la mise à la disposition des tiers d’infrastructures et d’équipements hébergés dans des centres de données » (1).

L’Europe va tripler ses centres de données
Cette course frénétique aux data centers engagée partout dans le monde correspond à un marché total dont le chiffre d’affaires est estimé à 452,5 milliards de dollars en 2025, avec une croissance annuelle moyenne de 8,3 % prévue jusqu’en 2029, ce qui devrait générer 624 milliards de dollars cette année-là, d’après une étude de Brightlio (2). Et selon Statista, la France pèserait actuellement 2,7 % de ce marché mondial (3). Des entreprises pratiquant l’informatique en nuage (dans le cloud) aux éditeurs d’IA génératives (ChatGPT, Gemini, Mistral, …), en passant par les producteurs de contenus audiovisuels, la clientèle se bouscule aux portillons.
Se pratique soit la colocation lorsque plusieurs clients installent et gèrent dans des centres de données leur(s) propre(s) réseau(x), serveurs, équipements et services de stockage, soit le co-hébergement lorsque plusieurs clients ont accès à un ou plusieurs réseaux, serveurs et équipements de stockage fournis en tant que service par l’opérateur de centres de données. Et la montée en charge promet (suite)

Microsoft, 50 ans, domine toujours le marché mondial des ordinateurs personnels avec Windows

Tandis que « Micro-Soft » fête ses 50 ans – société cofondée par Bill Gates et Paul Allen en avril 1975 –, son logiciel Windows lancé au début des années 1980 domine largement depuis trois décennies le marché mondial des systèmes d’exploitation pour ordinateurs personnels. Avec des risques persistants d’abus anticoncurrentiels.

« En décembre 1975, avant de prendre l’avion pour aller fêter Noël à Seattle, j’ai réfléchi aux huit mois qui s’étaient écoulés depuis que nous avions fondé Micro-Soft. Nous avions considérablement progressé. Il était impressionnant de se dire que des milliers de gens utilisaient un logiciel que nous avions créé », raconte Bill Gates (photo) dans ses mémoires publiées en février 2025 et intitulées « Source Code. My Beginnings » (chez Knopf/Penguin Random House).
Elles sont traduites en français sous le titre « Code Source. Mes débuts » (chez Flammarion/Madrigall). Avril 1975 a ainsi marqué le top départ (1) de l’aventure informatique de Bill Gates et de son ami d’enfance Paul Allen, qui aboutira à la naissance de « la firme de Redmond », du nom de la ville américaine où Microsoft a son siège social depuis 1986, dans l’Etat de Washington, après que « MicroSoft » ait fait ses premiers pas à Albuquerque, dans l’Etat du NouveauMexique. C’est au début des années 1980 qu’une interface graphique, gestionnaire de fenêtres (windows manager), a été développée audessus du système d’exploitation MS-Dos, lequel avait été conçu par Microsoft à partir du 86-Dos (surnommé QDos, pour « Quick and Dirty Operating System »), codé, lui, par Tim Paterson, un programmeur travaillant à l’époque chez Seattle Computer Products (SCP) avant qu’il ne rejoigne Micro-Soft.

OS pour PC : 72 % de part de marché mondiale
De l’OS (2) et de l’interface graphique naît ainsi Windows, annoncé en novembre 1983 avant que sa toute première version ne soit lancée deux ans après – il y aura 40 ans cette année. Windows, dont la version 12 est attendue pour l’automne 2025 selon les rumeurs (3), domine plus que jamais le marché mondial des systèmes d’exploitation pour ordinateurs personnels (bureau et portables). Aujourd’hui, à mars 2025, sa part de marché globale est de 71,68 %, d’après StatCounter (4), laissant très loin derrière les OS X et macOS d’Apple à 15,7 %, ainsi que Linux à 3,98 % et ChromeOS de Google à 1,86 %. Microsoft ne divulgue pas le chiffre d’affaires réalisé avec Windows, dont une grande partie provient des licences achetées par les fabricants de PC (Lenovo, HP, Dell, Asus, …), lesquels y préinstallent le système d’exploitation pour les vendre dans le monde entier. Tout au plus connaît on la ligne comptable qui inclut Windows, à savoir (suite)

Transfert des données de l’UE vers les US : illégal ?

En fait. Le 18 mars était le dernier jour pour deux démocrates américains, Rebecca Kelly Slaughter et Alvaro Bedoya, jusqu’alors commissaires au sein de la Federal Trade Commisson (FTC), laquelle surveille – avec le PCLOB – le respect des données personnelles transférées d’Europe par les entreprises américaines.

En clair. Donald Trump a congédié Rebecca Kelly Slaughter (1) et Alvaro Bedoya (2), dont les mandats de commissaire à l’agence fédérale américaine – en charge notamment de la protection des données personnelles – se sont terminés le 18 mars dernier. Ces démissions forcées à caractère politique – les deux sont affiliés au Parti démocrate américain – ont été décidées par le locataire de la Maison-Blanche deux mois après que celui-ci ait limogé Sharon Bradford Franklin – elle aussi démocrate – de la présidence du Privacy and Civil Liberties Oversight Board (PCLOB), avec deux de ses membres démocrates, Edward Felten et Travis LeBlanc (3). Cette autre agence gouvernementale, censée elle aussi être indépendante, est chargée de veiller entre autres au respect de la vie privée.
Le point commun de ces limogeages prononcés par le 47e président des Etats-Unis est qu’ils ont un impact direct sur le Data Privacy Framework (DPF), cet accord transatlantique établissant le cadre réglementaire du transfert des données personnelles des Européens vers les Etats-Unis – notamment vers les Gafam et les géants du cloud américain que sont Amazon Web Services (AWS), Google Cloud et Microsoft Azure). Car la FTC et le PCLOB étaient (suite)