Téléfoot : le groupe sino-espagnol Mediapro espère signer aussi avec Canal+, Facebook et YouTube

En 2018, le groupe audiovisuel Mediapro remportait plus de 80 % des droits de diffusion 2020-2024 des championnats français de football de Ligue 1, moyennant 800 millions d’euros par an, ainsi que la Ligue 2. Sa chaîne Téléfoot vise 3,5 millions d’abonnés payants pour rentabiliser ses investissements.

Téléfoot, nom de la chaîne que le groupe espagnol à capitaux chinois Mediapro emprunte sous licence à TF1 (1), n’est pas encore diffusée par Canal+. « Les discussions restent au point mort », selon le directeur de la chaîne, Julien Bergeaud, cité le 9 septembre par l’AFP. En revanche, ce jour-là, un accord était annoncé avec Orange qui revendique à fin 2019 plus de 21,7 millions d’abonnés mobile et plus 11,6 abonnés haut débit fixe (2). Les quatre fournisseurs d’accès à Internet (FAI) français ont donc chacun signé.

Tous azimuts : FAI et OTT
En quelques semaines, le groupe catalan fondé par Jaume Roures (photo) a su trouver un terrain d’entente avec Orange (accord annoncé le 9 septembre), SFR (le 27 juillet), Bouygues Telecom (le 14 août) et Free (le 26 août). Téléfoot, chaîne éditée par la société Mediapro Sport France, basée à Boulogne-Billancourt, sera aussi distribuée par Netflix qui a aussi signé (le 30 juillet). Mediapro négocie en outre – même si « cela n’aboutira peut-être pas tout de suite » – avec le réseau social Facebook, avec lequel devaient être résolus « des problèmes techniques », et avec la plateforme vidéo YouTube. Jaume Roures (70 ans, francophone) doit encore convaincre Canal+. La chaîne cryptée française, filiale du groupe Vivendi (lui-même détenu par Bolloré), rechignant à payer trop cher pour diffuser ce nouvel entrant qui lui a « subtilisé » les droits de la Ligue 1 sur 2020-2024 pour 800 millions d’euros par an (sur un total de 1,15 milliard d’euros par an tous diffuseurs confondus), le tout payé à la Ligue de football professionnel (LFP), détentrice de tous ces droits (3). Alors que les deux diffuseurs historiques du foot étaient Canal+ et le qatari BeIn Sports. Et alors même que le groupe sino-espagnol ne possédait pas de chaîne de télévision en France !
Outre la Ligue 1 (80 % des matchs, dont les dix plus grandes affiches du Championnat de France de football et le match du dimanche soir), Mediapro détient aussi des droits sur la Ligue 2 (huit rencontres par journée), ainsi que certaines rencontres de la prochaine Ligue des Champions (saison 2020-2021, codiffusée avec SFR) et de la Ligue Europa. Il s’agit maintenant pour la chaîne Téléfoot de rentabiliser ces droits records. Le second diffuseur est BeIn Sports. Tandis que le groupe Iliad, maison mère de Free, avait, lui, obtenu un lot correspondant aux droits de diffusion d’extraits de la Ligue 1 en quasi-direct sur tous les matches et les droits magazines en VOD pour près de 50 millions d’euros par saison (4). Pour monétiser cette nouvelle chaîne du foot auprès d’abonnés, à raison de 25,90 euros par mois avec engagement de 12 mois ou 29,90 euros sans engagement (voire 14,90 euros par mois sans engagement sur mobile seulement), Mediapro se doit de diffuser ses programmes footballistiques le plus largement possible – non seulement auprès des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) mais aussi auprès des Over-the-Top (OTT). Pas d’exclusivité. La nouvelle chaîne du foot est par ailleurs accessible sur Internet via le site web telefootlachaine.fr, sur les smartphones via App Store pour iOS ou Google Play pour Android, sur les téléviseurs connectés Samsung (versions 2018 et postérieures) et sur les boîtiers Apple TV.
Mediapro avait annoncé le 18 août un accord avec la marque à la pomme, et promis qu’il en irait de même avec Android – l’écosystème de Google. Téléfoot est en outre accessible sur le site web rmcsport.tv, voire sur d’autres équipements audiovisuels offrant les applications Téléfoot ou RMC Sport, notamment sur smartphone ou tablette. « L’accès aux chaînes Téléfoot via l’application RMC Sport est disponible sur beaucoup plus de supports que n’en propose Téléfoot : ordinateurs, smartphones, tablettes, Smart TV Samsung mais aussi Philips, Sony, LG, HiSense, box Android (Nvidia Shield, Mi box), consoles XBox One et PS4 », fait remarquer le courtier en télécoms Ariase.
Créée ex nihilo, la chaîne Téléfoot a pu ainsi se lancer dès le 17 août avec un minimum de visibilité, soit quatre jours avant le redémarrage du Championnat de France de football – avec le match Bordeaux-Nantes. Elle doit cependant faire oublier l’écran noir apparu le 30 août en plein matches de Ligue 1 à cause d’une panne mondiale chez l’opérateur de réseaux américain CenturyLink…

Le covid menace le business plan
Mediapro a indiqué mi-août avoir déjà versé près de 175 millions d’euros à la LFP. Mais Téléfoot se lance au plus mauvais moment, dans un contexte de restrictions liées au covid-19 et en l’absence de public pour les matches joués à huis clos, lorsque les stades ne sont pas limités à une jauge limitée à 5.000 téléspectateurs. La chaîne compense l’absence totale ou partielle des supporteurs par des préenregistrées sonores d’ambiances de stades. @

Charles de Laubier

Piratage des contenus sportifs : vers de nouveaux moyens d’une lutte efficace après le déconfinement ?

Comme par magie, le piratage sur Internet des retransmissions sportives en direct a disparu avec l’annulation de la plupart des rencontres et des épreuves, en raison de la pandémie de covid-19. Mais avec la sortie progressive du confinement à partir du 11 mai, le live streaming sportif illicite reprendra.

Par Richard Willemant*, avocat associé, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

Selon une étude de l’Hadopi réalisée avec l’Ifop et publiée le 14 avril, 13 % des internautes interrogés regardaient encore fin mars des retransmissions sportives en direct durant le confinement – bien que beaucoup de rencontres ont été annulées depuis. Et tous biens culturels confondus, le piratage en ligne a légèrement diminué en un an pour représenter 21 % de leur consommation (1). En mai 2019, l’Hadopi publiait une autre étude avec l’Ifop où 45 % des consommateurs de contenus sportifs en live-streaming en France déclaraient s’être désabonnés d’une offre légale pour consommer le même contenu de manière illégale (2).

Faute d’avoir anticipé la concurrence, l’ancien monopole Canal+ fait entrer Netflix dans sa bergerie

Face à la montée de la concurrence mondiale et puissante des plateformes de streaming, l’ancien monopole de chaîne cryptée Canal+ n’a pas anticipé et a perdu deux ans avant de réagir. Résultat : pour endiguer sa perte d’abonnés en France, la filiale de télévision de Vivendi pactise avec Netflix.

La fin des monopoles a toujours exigé des entreprises qui vivaient de cette rente de situation des remises en causes profondes. Encore faut-il s’y prendre assez tôt et anticiper. Canal+ savait depuis 2011 que Netflix allait tôt ou tard débarquer en France. Et ce qui devait arriver arriva : la plateforme de SVOD tant redoutée est lancée avec tambours et trompettes sur le marché français le 14 septembre 2014, à partir de… 7,99 euros par mois. De quoi tailler des croupières au « monopole » Canal+ et ses 39,90 euros mensuels.

Surenchère des droits de diffusion sportive – foot en tête : quid du Net, des smartphones et des extraits ?

L’obtention d’exclusivités de diffusion sportive se paie au prix fort pour les chaînes de télé, comme l’illustre la surenchère des droits 2020-2024 de retransmission de la Ligue 1 pour un montant record de 1,15 milliard d’euros par saison. Mais les GAFAT et les OTT n’ont pas dit leur dernier mot.

Sur les cinq lots attribués à l’issue de l’appel à candidatures qu’a organisé la Ligue de football professionnel (LFP), présidée par Nathalie Boy de
la Tour (photo) et dirigée par Didier Quillot, un lot qualifié de « digital » portait sur « les droits de diffusion d’extraits en quasi-direct sur tous les matches et les droits magazines en vidéo à la demande ». C’est le groupe Iliad, maison-mère de Free, qui l’a remporté, signant ainsi son entrée pour la première fois dans le football français. Tous les autres lots portent sur la diffusion audiovisuelle et ont été attribués à l’espagnol Mediapro (1) (lots 1,2, 4) et au qatari BeIn Sports (lot 3).

Comment BeIn Media Group est devenu mondial, en commençant par la France

Lorsque le groupe audiovisuel qatari Al Jazeera Media Network part conquérir le monde il y a cinq ans, c’est d’abord en France qu’il lance la chaîne BeIn Sports. Et ce, avant même que BeIn Media Group ne soit créé en janvier 2014 et séparé d’Al Jazeera. Aujourd’hui, son image est écornée.

Le fondateur et actuel PDG de BeIn Media Group, Nasser Al-Khelaïfi (photo), est en outre président du PSG (Paris Saint-Germain Football Club), racheté en 2011 par Qatar Sports Investment (QSI), dont il est également président. QSI est le fonds « sportif » de l’émirat du Qatar et fait partie intégrante du fonds d’investissement souverain Qatar Investment Authority (QIA). Nasser Al-Khelaïfi a lancé il y
a cinq ans (en juin 2012) BeIn Sports France avant de conquérir le monde.