Surenchère des droits de diffusion sportive – foot en tête : quid du Net, des smartphones et des extraits ?

L’obtention d’exclusivités de diffusion sportive se paie au prix fort pour les chaînes de télé, comme l’illustre la surenchère des droits 2020-2024 de retransmission de la Ligue 1 pour un montant record de 1,15 milliard d’euros par saison. Mais les GAFAT et les OTT n’ont pas dit leur dernier mot.

Sur les cinq lots attribués à l’issue de l’appel à candidatures qu’a organisé la Ligue de football professionnel (LFP), présidée par Nathalie Boy de
la Tour (photo) et dirigée par Didier Quillot, un lot qualifié de « digital » portait sur « les droits de diffusion d’extraits en quasi-direct sur tous les matches et les droits magazines en vidéo à la demande ». C’est le groupe Iliad, maison-mère de Free, qui l’a remporté, signant ainsi son entrée pour la première fois dans le football français. Tous les autres lots portent sur la diffusion audiovisuelle et ont été attribués à l’espagnol Mediapro (1) (lots 1,2, 4) et au qatari BeIn Sports (lot 3).

« Sous-licences » versus monopoles
Ces droits audiovisuels record de la « Ligue 1 Conforama » pour les saisons 2020/2021 à 2023/2024, à savoir pour un montant de plus de 1,15 milliard d’euros par saison (en hausse de 59,7 %) sans préjuger des montants pour les deux lots non encore attribués (2), constituent en quelque sorte un oligopole sportif. A ceci près que, pour la première fois, la LFP permet des droits de « sous-licence » sur l’ensemble des lots. Par exemple, la chaîne cryptée Canal+ (Vivendi), qui n’a pas obtenu de lots mis aux enchères auxquelles elle a pleinement participé (3), pourra négocier des sous-licences – auprès de Mediapro principalement, le grand gagnant surprise de cet appel d’offres. De même, l’opérateur télécoms SFR (Altice), qui n’a pas participé à ces enchères mais qui mise sur son bouquet de chaînes RMC Sport, s’est dit lui aussi prêt à discuter sous-licences avec Mediapro. Les sous-licences de la LFP pourraient permettre à de nouveaux acteurs d’acquérir des droits de diffusion, comme par exemple des GAFAT (Google, Apple, Facebook, Amazon, Twitter, …) ou des services OTT (Overthe- Top) (4). Twitter et Yahoo n’ont-ils pas chacun investi dans le football aux Etats-Unis ? Didier Quillot n’a-t-il pas dit en décembre dernier avoir discuté avec Facebook et Amazon ? Le 7 juin 2018, la Premier League a d’ailleurs annoncé qu’Amazon allait retransmettre en direct des matches du Championnat d’Angleterre de football à partir de 2019 et pour trois ans. Snap retransmettra-t-il le live d’un partenaire média ? Et quid de Dailymotion (5) ou de L’Equipe.fr ? Pour sa part, Free a de quoi se réjouir
de son lot portant sur la diffusion d’extraits en quasi-direct sur tous les matches et les droits magazines en VOD. « Iliad proposera en quasi-direct sur ses plateformes fixe et mobile les buts, les plus beaux arrêts et les meilleurs moments de chaque match. (…) Grâce au lot 6, Iliad est la seule plateforme à ce jour à disposer de droits (quasi-directs) pour l’intégralité des matchs de la Ligue 1. Le prix de ces droits s’élève à moins de 50 millions d’euros par saison », a expliqué le 29 mai le groupe de Xavier Niel, qui dit vouloir développer « des services innovants et personnalisés répondant à l’évolution des usages numériques et permettant de s’adresser à un public élargi, notamment auprès des plus jeunes ». Mais, dans les faits, Iliad ne sera pas le seul à pouvoir diffuser des extraits de ces rencontres footballistiques. Car la bulle financière des droit TV du foot ne peut pas se traduire par un oligopole qui interdirait à d’autres médias, notamment numériques, de montrer des extraits des meilleurs moment des matches.
Et si des extraits ne sont pas diffusés ailleurs que sur les chaînes des détenteurs de droits, la frustration du public – en particulier de la jeune génération délinéarisée – pourrait aller jusqu’à alimenter le piratage et/ou le direct non autorisé sur les réseaux sociaux ou les plateformes de live video telles que Periscope et FB Live ou encore YouTube Live (6). Cela ne concerne pas seulement le football – championnats de France de football de la LFP (Ligue 1/Ligue 2 et Coupe de la Ligue), Mondial et Euro organisés respectivement par la FIFA et l’UEFA (dont les droits TF1 et M6 se partagent les droits de diffusion en France entre 2018 et 2022), etc. – mais aussi tous les événements sportifs d’intérêt national.

Le droit, non payant, à de brefs extraits
D’où l’importance de rappeler le droit de diffusion de « brefs extraits prélevés à titre gratuit parmi les images du ou des services cessionnaires
et librement choisis par le service non cessionnaire du droit d’exploitation qui les diffuse ». C’est ce que prévoit l’article L333-7 du code du sport modifié par la loi du 1er février 2012 sur le sport (7). Celle-ci fut suivie par la délibération du 15 janvier 2013 du CSA sur les « conditions de diffusion de brefs extraits de compétitions sportives et d’événements autres que sportifs d’un grand intérêt pour le public » (8). Mais cette décision d’il y a cinq ans se limite aux « services de télévision » et « à leurs services de médias audiovisuels à la demande ». C’est restrictif par rapport aux réseaux sociaux et autres plateformes numériques. @

Charles de Laubier

Le CSA autorise TDF à expérimenter la diffusion multimédia mobile (B2M) sur la TNT

Selon nos informations, le CSA a autorisé TDF et ses partenaires du consortium B2M à expérimenter durant deux mois la diffusion audiovisuelle en DVB-T/T2 d’un bouquet de services multimédias (télévision, VOD, Catch up, presse, …) via un réseau de type broadcast, comme celui de la TNT.

ArchosC’est une révolution technologique à laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a donné son feu vert lors de sa séance plénière du 9 avril dernier.
Un an après avoir enterré la télévision mobile personnelle (TMP), en retirant les autorisations à seize éditeurs de chaînes de télévision délivrées en 2010 faute de modèle économique pour financer le réseau hertzien (1), le régulateur vient en effet d’autoriser TDF à expérimenter durant deux mois un projet encore plus ambitieux : B2M (Broadcast Mobile Multimedia).

Réception sur des tablettes Archos
Il s’agit de diffuser en mode « push VOD » ou en « filecasting » sur Paris, par voie hertzienne à partir de la Tour Eiffel et sur des fréquences UHF de la TNT, un bouquet de services multimédias en direction des terminaux mobiles (smartphones, tablettes, …).
Les émissions à la norme DVB-T/T2 (2) de ces flux « live » ou « on demand » débuteront avant l’été.
Une cinquantaine de mobinautes pourraient participer à cette phase exploratoire pour recevoir sur leur mobile – en l’occurrence une tablette du fabricant français Archos, partenaire du projet – plusieurs services : chaînes de télévision, vidéo à la demande (VOD), télévision et radio de rattrapage (catch up et podcast) ou encore une sorte de kiosque avec player pour lire la presse. Bref, tous les contenus multimédias qui peuvent être diffusés en mode broadcast vers des mobiles seront potentiellement concernés par ce système d’agrégation de contenus. Même des livres numériques pourraient être proposés à terme dans le bouquet B2M. TDF entend réussir là où la TMP avait échoué, comme l’explique Vincent Grivet, directeur à la direction de la stratégie et de l’innovation de TDF, à Edition Multimédi@ : « Contrairement à la TMP, où un seul service (la diffusion de chaînes de télévision linéaires) n’a pas permis de justifier l’utilisation d’un réseau broadcast, B2M permet de mutualiser les coûts de l’infrastructure sur un flux de contenus très large ». Toute la différence est là : diffuser sur mobile non seulement de la télévision linéaire mais aussi des services multimédias non linéaires. Cette expérimentation va permettre à TDF, et à sa filiale Cognacq-Jay Image, de faire connaître la plate-forme auprès de l’ensemble des acteurs qui pourraient être intéressés à utiliser cette solution
de distribution peu coûteuse. L’investissement pour couvrir par exemple 30 % de la population française (soit les plus grandes villes de France) serait, selon Vincent Grivet,
« bien inférieur à 50 millions d’euros ». L’autorisation du CSA s’inscrit dans un projet en gestation depuis 2011 et financé par le gouvernement – via les Investissements d’avenir (ex-Grand emprunt) et son Fonds national pour la société numérique (FSN) – à hauteur
de 30 % du budget total de 3 millions d’euros qui sont nécessaires à la mise au point de
ce prototype. Outre Archos qui a remplacé dans ses tablettes utilisées pour le test la réception 3G par la réception DVB-T/T2, sont partenaires du consortium B2M : l’Institut Télécom, Airweb (qui développe notamment le player), Parrot avec sa division Dibcom (qui fournit le circuit électronique du récepteur DVB), Expway (le middleware qui gère le mode « push »), et Immanens (pour l’édition électronique de contenus presse et la conception de kiosques numérique).
Quant aux opérateurs mobile, ils pourraient percevoir B2M et son réseau broadcast point-à-multipoint sur mobile comme un solution complémentaire à leurs réseaux 3G/4G mis à rude épreuve par la diffusion massive en mode point-à-point des contenus audiovisuels. TDF compte bien leur proposer de soulager leurs réseaux 3G/4G menacés de saturation face à l’explosion annoncée des flux de données. « Nous prônons la mise au point d’une technologie hybride entre le monde du broadcast traditionnel DVB (3) et le eMBMS (4)
qui arrive sur la 4G LTE. Une telle norme réunirait le meilleur des deux mondes : une intégration facile dans les terminaux grâce au LTE et une diffusion sur des zones plus grandes grâce aux atouts du broadcast traditionnel », nous précise Vincent Grivet. Son partenaire Expway a d’ailleurs présenté au Mobile World Congress de février dernier sa solution eMBMS qui permet aux opérateurs 4G d’alléger de 20 % le trafic de données sur leur réseau LTE.

Vers un réseau mixte DVB-T/eMBMS
Mais le eMBMS seul suffira-t-il face à l’explosion des vidéos sur mobile ? Le mixte des normes DVB-T/eMBMS apparaît donc comme la solution pour du broadcast mobile en haute définition et sans temps de latence. Comme TDF (5), France Télécom (Orange Labs) croit à cette technologique hybride et participe pour cela au projet M3 (Mobile MultiMedia) lancé en 2010 avec l’Agence nationale de la recherche. Le CSA, lui, pousse dans ce sens (6). @

Charles de Laubier

Mobile et Catch up TV : le cinéma va prolonger jusqu’à fin 2013 ses accords avec Orange

Les organisations du cinéma français vont prolonger jusqu’à décembre 2013 les accords qu’elles ont avec Orange Cinéma Séries pour, d’une part, les abonnés mobiles et, d’autre part, la catch up TV. Les conclusions des négociations devraient intervenir avant le Festival de Cannes.

Par Charles de Laubier

Selon nos informations, les principales organisations du cinéma français – le Bloc (1), l’ARP (2) et le Blic (3) – vont prolonger jusqu’à fin 2013 deux accords avec Orange Cinéma Séries (OCS) sur respectivement les abonnés mobiles et la télévision de rattrapage. Signé le 10 novembre 2009 pour seulement deux ans (alors que les obligations d’investissement du bouquet de chaînes de cinéma d’Orange l’ont été pour cinq ans), ces deux accords sont arrivés à échéance à la fin de l’an dernier.

Mobinautes : « demi-abonnés »
Maintenant que la prise participation de Canal+ à hauteur de 33,33 % dans OCS est finalisée, ces négociations vont aboutir avant le Festival de Cannes (16-27 mai 2012). « Les accords sur les abonnés mobiles et la catch up TV vont être prolongés jusqu’à fin 2013, échéance qui correspond aussi à celle des engagements d’investissement pris il y a trois ans et sur cinq ans par France Télécom dans le cinéma français et européen », indique un représentant d’une organisation du cinéma à Edition Multimédi@. Pour les mobinautes abonnés au bouquet OCS (4), une annexe de l’accord de 2009 prévoit qu’ils sont considérés comme des « demi-abonnés » pour le calcul du minimum garanti. Les organisations du cinéma avaient consenti cet avantage à OCS sur seulement deux ans, en espérant par la suite les comptabiliser à plein régime. « Il faut prendre garde à ce qu’un abonné, aussi mobile soit-il, ne soit pas considéré comme un demi abonné regardant nos films d’un seul oeil », avait à ce propos ironisé l’ARP en 2009. Mais, finalement, cette « demie mesure » accordée pour les mobinautes sera donc prorogée de vingt mois. Orange continue donc de payer un minimum garanti moitié moins élevé que pour un abonné fixe triple play.

L’accord général des engagements d’investissement et de minimum garanti d’OCS dans le cinéma français prévoit en effet que France Télécom verse – pour chaque abonné fixe au bouquet de chaînes de cinéma d’OCS – un minimum garanti. A savoir : au moins 1,70 euros HT par mois (sur les 12 euros que paie l’abonné), porté à 1,90 euros au-delà de 1,5 million d’abonnés (5). Comme les chaînes de cinéma d’Orange sont loin d’avoir dépassé le demi million d’abonnés, au point de régresser autour de 400.000 aujourd’hui, c’est le tarif minimum (1,70 euros) qui s’applique encore. Quant à la télévision de rattrapage prévue à l’article 10 de l’accord et pour vingt-quatre mois, elle est aussi prolongée jusqu’à fin 2013. Une rémunération spécifique supplémentaire est prévue pour les ayants droits, lorsque les films sont mis à disposition à la demande (6). En plus du préachat d’un film, France Télécom verse donc un prix complémentaire correspondant à 7 % du prix des droits de TV payante, ce montant étant pondéré par le taux d’utilisation du service. Et si l’abonné veut aller audelà de trois visualisations, le taux s’échelonne de 8 % à 11 % s’il comptabilise de 4 à 7 visualisations. Reste à savoir si les signataires de ces deux accords verront au cours de ces vingt prochains mois le décollage véritable des chaînes d’OCS, auxquelles les abonnés d’Orange ne sont plus les seuls à pouvoir souscrire. Depuis que Canal+ – premier contributeur du cinéma français – est entré à hauteur de 33,33 % dans le capital d’OCS (7), les abonnés de CanalSat peuvent eux aussi souscrire aux chaînes d’Orange. Et il en ira de même des abonnés des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) avec lesquels France Télécom est en négociation, CanalSat gardant cependant la primeur… En attendant les fruits de l’élargissement de la diffusion, France Télécom perd beaucoup d’argent dans cette conquête cinématographique. Selon le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), les cinq chaînes du bouquet OCS et les deux chaînes d’Orange Sport ont accumulé entre 2008 et fin 2010 une perte de 419 millions d’euros.

Fin des 80 millions d’euros
Dans le cadre de sa convention avec le CSA, l’opérateur de télécoms s’est en tout cas engagé – jusqu’à fin décembre 2013 – à investir 22 % du chiffre d’affaires de son bouquet de cinéma dans le financement de films français (8). En revanche, l’engagement d’investissement minimum de 80 millions d’euros sur trois ans (9) est arrivé à échéance fin 2011 et sans qu’il y soit donné suite. @

Olivier Huart : « Face à la révolution numérique et la fin de l’analogique, TDF poursuit sa mue »

Radio numérique, télévision sur mobile, diffusion en streaming sur le Web, expérimentations de vidéo à la demande ou de télévision de rattrapage sur la TNT, … Le directeur général de TDF explique à Edition Multimédi@ sa stratégie face aux mutations technologiques.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Le 29 juin dernier, la mission confiée à David Kessler sur « l’avenir numérique de la radio » a été officiellement lancée. Depuis les rapports Tessier et Hamelin,
il n’y a pas eu consensus autour de la radio numérique terrestre (RNT). Que dit TDF ?
Olivier Huart (photo) :
TDF a réalisé en début d’année une
étude sur la RNT pour évaluer l’impact économique et technique (capacité des réseaux) d’un report de l’audience de la radio
« live » [en direct à l’antenne, ndlr] vers les réseaux mobiles 3G ou 4G. Conclusion : s’il n’y a pas de difficulté technique, le coût est significatif et évalué à 3,7 millions d’euros par an pour un grand réseau radiophonique. Nous pensons que la radio sur les réseaux 3G est complémentaire au mode broadcast [radiodiffusion de la RNT par un réseau hertzien dédié, ndlr], lequel conserve toute sa pertinence. Le coût des réseaux de RNT est deux fois moins élevé que celui d’un réseau analogique, ce qui présente un intérêt certain pour les radios. Aujourd’hui, nous nous appliquons à rendre ces réseaux encore
« plus économiques », c’est un des axes majeurs dont nous discuterons avec la mission Kessler. Quant aux normes DAB+ et DMB, elles sont issues de la même famille
Eureka 147 et sont compatibles. Pour un prestataire technique de diffusion, cela ne change rien (1).

EM@ : Votre filiale Mobmux a été choisie comme opérateur commun de multiplex pour la télévision mobile personnelle (TMP). Quelle technologie prévoyez-vous ?
O. V. :
L’accord préliminaire conclu entre TDF, via sa société Mobmux, et les 16 chaînes autorisées en TMP, le 8 juin dernier, va permettre demain d’enrichir l’offre de télévision
en mobilité. J’en suis convaincu et nous avons, depuis longtemps, la volonté d’offrir aux téléspectateurs une autre façon de consommer la télévision. Ce sera chose faite, au second semestre 2011, lorsque Virgin Mobile lancera son offre sur un réseau broadcast que nous allons déployer sur 2.500 communes, soit 50 % de la population française. L’enjeu est de taille, la TMP présentant l’avantage de résoudre les problèmes de
réception liés à la saturation du réseau mobile 3G. Concernant la norme, nous discutons actuellement avec l’américain Qualcomm au sujet de sa technologie MediaFLO et nous regardons aussi la norme chinoise CMMB. L’avantage non négligeable serait de déployer le réseau avec une technologie moins chère que le DVB-H.

EM@ : Votre filiale SmartJog, qui commercialise des services sous la marque
TV-Radio.com, est moins connue. Comment se développe cette activité ?
O. V. :
TDF gère une plateforme importante de streaming en France, grâce à SmartJog qui compte plusieurs centaines de clients TV et radio live, on-demand ou podcastée.
Le chiffre d’affaires est modeste à l’échelle du groupe mais l’activité enregistre une croissance très importante. Aujourd’hui, la proximité est très marquée entre la diffusion broadcast [télédiffusion ou radiodiffusion par un réseau hertzien dédié, ndlr] et la diffusion IP (streaming). C’est pourquoi, nous souhaitons nous positionner comme l’un des leaders européens sur l’activité de CDN (Content Delivery Network), exclusivement dédiée aux médias audiovisuels. Nous souhaitons ainsi accompagner la mutation des usages des téléspectateurs – gros consommateurs de terminaux connectés, smartphones, iPhones,… – et ainsi répondre aux besoins et aux attentes de nos clients TV et radio. Demain, nous irons plus loin en déployant une infrastructure de très haute qualité de service pour alimenter les réseaux IP de nos clients.

EM@ : Qu’attendez-vous de vos expérimentations de « push VOD » et de « catch
up TV » sur la télévision numérique terrestre (TNT), notamment avec TF1, France Télévisions, Arte et NRJ12 ?
O. V. :
L’expérimentation menée par TDF pour tester techniquement des contenus non linéaire – télévision de rattrapage et vidéo à la demande – via le signal de la TNT est terminée depuis quelques jours [seule une expérimentation à Rouen a été prolongée par le CSA, ndlr]. Les résultats techniques sont concluants : ces services pourraient voir le jour fin 2011, en fonction des ressources spectrales disponibles. Nous devrions avoir courant juillet une synthèse des retours d’expérience. N’oublions pas qu’une partie de la population française ne dispose pas du triple play [accès Internet-téléphone-télévision par ADSL, ndlr], soit par choix, soit par impossibilité technique. Ainsi, développer de nouveaux services sur la TNT est aujourd’hui une nécessité pour en conserver toute son attractivité.

EM@ : TDF est en situation de position dominante en France. L’Autorité de la concurrence, saisie en 2009 par la société Itas Tim pour concurrence déloyale
de TDF, poursuit son instruction au fond…
O. V. :
Tout d’abord l’Autorité de la concurrence a rendu le 9 mars dernier une décision dans laquelle elle rejette la demande de mesures d’urgence formulées par la société Itas Tim à l’encontre de TDF. Nous attendons avec sérénité les conclusions de l’instruction au fond. Cela dit, nous sommes présents sur des marchés de plus en plus concurrentiels. Ainsi, le marché de la diffusion hertzienne terrestre est un marché modeste et en décroissance avec le passage au tout numérique : de 400 millions d’euros en période de double diffusion analogique-numérique à environ 200 millions. Mais, en France, la concurrence est organisée site à site et la durée des contrats de diffusion n’est que de 5 ans (contre 15 ans en moyenne dans les autres pays européens). Cette structure de marché se traduit par l’existence d’une concurrence forte et des tarifs, qui sont parmi les plus bas d’Europe.

EM@ : Depuis février, vous dirigez TDF, société détenue par TPG (42 %), la CDC
(24 %), Axa (18 %) et le Fonds stratégique d’investissement (FSI). En quoi consiste « Cap numérique »?
O. V. :
L’enjeu principal est de pouvoir financer nos investissements dans les réseaux et dans les relais de croissance, notamment à l’international. Le groupe TDF a 4 milliards d’euros de dettes. Le premier milliard doit être remboursé en 2014, ce qui nous laisse quatre ans. Notre métier nécessite de lourds investissements dans les infrastructures,
il nous pousse à atteindre une masse critique significative le plus rapidement possible. Dans ce contexte, TDF a commencé à se transformer et va poursuivre sa mue.
Nous disposons pour cela de vrais atouts, faisant de TDF le « moteur » numérique des industries de la télévision, des télécoms et de la radio. La fin de l’analogique marque,
pour notre entreprise, un tournant que nous avons anticipé. Pour assurer son ancrage dans cette révolution numérique, notre groupe va donc aborder sa transformation.
C’est l’objectif du plan « Cap Numérique », lancé en juin dernier, il est destiné à réorganiser notre structure, mais aussi à réduire nos coûts et nos effectifs sous forme d’un plan de départs volontaires portant sur 350 emplois. Cette réorganisation contribuera à faire émerger de nouveaux métiers et à innover dans nos activités@

Viktor Arvidsson, Ericsson : « Les consommateurs doivent pouvoir accéder aux contenus légaux de leur choix »

Le directeur de la stratégie et des affaires réglementaires chez Ericsson France, filiale du numéro un mondial des réseaux mobiles, répond aux questions d’Edition Multimédi@ sur l’émergence d’un nouvel écosystème à l’heure de la convergence entre télécoms et audiovisuel.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Comment Ericsson perçoit-il
le souhait de l’industrie du cinéma français que les fabricants de terminaux interactifs puissent être obligés comme les fournisseurs d’accès à Internet d’investir dans des films? Viktor Arvidsson (photo) :
Il nous
semble que cette approche, qui consisterait à obliger les équipementiers télécoms à investir dans les contenus, n’est pas nécessairement la meilleure. A notre sens, les différents acteurs de l’écosystème contribuent conjointement au développement du marché. S’il n’y avait pas de vidéo à la demande, il y aurait moins de terminaux interactifs et inversement. Il faut donc être extrêmement prudent avant d’attribuer un succès – que l’on serait tenté de considérer comme un peu « parasitaire » – à un des acteurs d’un écosystème. Dans ce contexte, le réflexe qui consiste à « punir » les acteurs qui réussissent est plutôt contre-productif. Cette approche nous semble également assez inédite et l’on voit mal, par exemple, l’industrie de l’automobile financer les constructeurs d’autoroutes ! S’il y a des problèmes conjoncturels ou structurels dans une industrie, il faut les traiter en tant que tels. Il ne nous semble donc pas légitime et efficace de taxer ainsi les équipements télécoms.

EM@ : Si le trafic de données sur les réseaux mobiles d’Ericsson a dépassé en décembre 2009 le trafic voix en raison des smartphones et des clés 3G, les réseaux mobile sont-ils vraiment menacés de saturation ?
V. A. :
Les trafics sont en forte croissance, mais la capacité des réseaux est également amenée à croître fortement dans les années qui viennent. Cet accroissement de la capacité sera soutenu par les évolutions logicielles et les migrations des réseaux, notamment vers le LTE (Long Term Evolution). Il y aura évidemment des tensions et
des saturations ponctuelles. Mais, dans leur ensemble, les réseaux mobiles ne sont
pas menacés de saturation.

« Nous nous développons dans le domaine du multimédia, avec la conception d’applications nouvelles, comme l’IPTV (télévision via les réseaux ADSL, ndlr), la télévision sur mobile ou encore des applications Web. »

EM@ : Force est de constater que la Net Neutrality n’est pas la règle sur les réseaux mobiles : est-ce encore justifié ?
V. A. :
Le terme de « Net Neutrality » ne nous semble pas approprié et il faut plutôt parler d’ouverture d’Internet, dont nous sommes de fervents partisans. Il nous paraît crucial que les consommateurs puissent accéder aux contenus légaux de leur choix. Pour justement leur offrir cette liberté, il est nécessaire que les opérateurs mobiles puissent gérer le trafic sur leurs réseaux, tout comme une ville gère son trafic pour permettre à tous de se déplacer. Il y a déjà des opérateurs dans le monde qui différencient leurs offres d’accès à l’Internet mobile, comme c’est le cas par exemple pour AT&T qui a récemment annoncé une telle stratégie. De plus, nous avons en France une offre relativement riche dans le choix du fournisseur d’accès mobile et le consommateur pourra exercer sa liberté de choix s’il s’estime mal servi sur ce point.

EM@ : La création de valeur se déplace des infrastructures réseaux vers les services et le Web. Les « tuyaux » ne se banalisent-ils pas, tout en rapportant moins (en entraînant des suppressions d’emplois) que les contenus et services qui y sont proposés ?
V. A. :
Ces effets sont sans doute structurels, avec une migration de la valeur vers les couches plus hautes, et conjoncturels, avec une concurrence aujourd’hui exacerbée. Mais notre vision d’un monde, avec 50 milliards d’objets connectés à l’horizon 2020, comporte des opportunités significatives pour une société comme Ericsson. Et ce, dans
la conception, le déploiement et la gestion de ces systèmes de communication très riches et complexes à la fois. Les infrastructures réseaux ne deviendront pas de simples commodités peu ou pas rentables mais elles feront, au contraire, appel à de plus en plus d’expertise pour assurer la convergence des données et sa distribution efficace auprès des consommateurs.

EM@ : Ericsson est-il tenté de « monter » dans la chaîne de valeur, comme le font les fabricant de téléviseurs avec les « widgets » ?
V. A. :
Nous nous développons en effet dans le domaine du multimédia, avec la conception d’applications nouvelles, comme l’IPTV (télévision via les réseaux ADSL, ndlr), la télévision sur mobile ou encore des applications Web. Par exemple,
notre portail Lifestore pour réseaux sociaux (Flicker, Facebook, Twitter) compte aujourd’hui 30 installations dans le monde. L’ambition d’Ericsson est d’être un acteur capable de proposer une approche globale, de bout en bout, aux opérateurs mais également aux télédiffuseurs, ainsi qu’à certains secteurs industriels ayant de gros besoins en réseaux de télécommunications (énergie, transport, sécurité …). Nous avons acquis la société Tandberg (en 2007, ndlr) qui fournit des encodeurs vidéo, en particulier en France. En Suède par exemple, nous avons un contrat avec le groupe
de média TV4 sur la production de contenus vidéo.

EM@ : Ericsson a lancé en décembre 2009 « le tout premier réseau commercial 4G au monde ». Ce fut en Suède avec TeliaSonera. En France, qui sera en mesure de commercialiser le premier un réseau LTE? Et à quels débits « réels » descendants et montants ?
V. A. :
Aujourd’hui, il est sans doute trop tôt pour dire qui sera le premier à commercialiser le premier réseau LTE en France. En ce qui concerne les débits réels, ils dépendent de nombreux facteurs comme la largeur du spectre disponible, l’ingénierie, la densité d’utilisateurs au sein d’une cellule donnée,… Ce qui nous paraît important de retenir est que le LTE devrait permettre de gagner un facteur d’échelle en multipliant les débits actuels – de quelques centaines de Kbits/s à quelques Mbits/s sur le lien descendant – de l’ordre d’un facteur 10.

EM@ : Comment Ericsson est-il en outre impliqué en France dans le montage
de la télévision mobile personnelle (TMP) ? Et croyez-vous à la radio numérique terrestre (RNT) sur 3G/4G ?
V. A. :
Ericsson n’est pas directement impliqué dans la TMP. Nous nous concentrons dans ce domaine sur les réseaux de type 3G/4G permettant également de développer
des fonctionnalités de multicast ou de broadcast. Si le broadcast n’a pas été implémenté aujourd’hui sur la 3G (norme MBMS), c’est essentiellement parce que
le besoin n’était pas si criant que cela. La 4G (LTE) intégrera des fonctionnalités de broadcast et de multicast. Avec l’accroissement du trafic vidéo, les fonctionnalités de type broadcast sur les réseaux cellulaires se justifieront pleinement. Aujourd’hui, une grande partie du trafic vidéo sur les réseaux mobiles est de nature plus personnelle et interactive et ne rentrerait pas aisément dans le cadre d’une offre de TMP classique dans la bande UHF. Quant à la radio, elle est un média riche et vivant qui a sa place et aura une place importante avec l’évolution vers le numérique. Elle pourra être véhiculée de manière interactive et personnalisée sur les réseaux 3G/4G. @