Culture : la Convention de 2005 apprivoise Internet

En fait. Du 5 au 7 juin, au siège de l’Unesco à Paris, s’est tenue une nouvelle conférence autour de la Convention de 2005 sur « la protection et la promotion
de la diversité des expressions culturelles ». Il s’agit notamment d’adapter à l’ère numérique ce texte ratifié par 45 pays et l’Union européenne.

En clair. « Promouvoir la diversité des expressions culturelles à l’ère numérique ». L’Unesco, organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, poursuit depuis plus de six ans maintenant (1)) l’objectif d’étendre la Convention de 2005 à Internet. Cela passe par une feuille de route (2) et des directives dites opérationnelles (3) à mettre en oeuvre en 2020 et 2021. Il s’agit d’adapter les politiques publiques culturelles aux domaines du digital, au moment où des questions se posent sur la réforme de la régulation des médias, la concentration des contenus et des plateformes numériques, l’impact des algorithmes dans l’accès aux contenus culturels, ou encore sur l’intelligence artificielle pour la créativité.
« L’un des principaux défis consiste à renforcer la production nationale afin de parvenir à un équilibre entre les contenus locaux, régionaux et internationaux », pointe l’Unesco, actuellement dirigée par la Française Audrey Azoulay (4). Autrement dit, comment éviter que les GAFAN ne remportent la bataille des contenus dans le monde et n’uniformise la culture. D’autant que les Etats-Unis, patrie des géants du Net, ne sont pas signataires de la Convention de 2005 ! Par ailleurs, les Américains exigent d’inclure les services audiovisuels et culturels dans les accords de libre-échange qu’ils signent, alors que des pays comme la France au sein de l’Union européenne le refusent catégoriquement pour préserver une certaine « exception culturelle » (5). La Convention de l’Unesco doit en outre réaffirmer le principe de neutralité technologique et le droit souverain des Etats de formuler, d’adopter et de mettre en oeuvre « des politiques et mesures en matière de protection et de promotion de la diversité des expressions culturelles dans l’environnement numérique ». En creux, il faut éviter, d’après l’Unesco, que les pouvoirs publics ne perdent justement le pouvoir de financement et d’influence dont ils jouissent dans le monde créatif au profit de grands acteurs privés et globaux. Quant au Fonds international pour la diversité culturelle (FIDC), institué par la Convention de 2005, il finance des projets dans plus de 54 pays en développement – notamment dans le cinéma, l’audiovisuel et l’art numérique – mais son budget (7,5 millions de dollars investis depuis 2010), est très limité : seuls 2% des projets soumis sont financés. @

La loi Hadopi – dont fut rapporteur l’actuel ministre de la Culture, Franck Riester – fête ses dix ans

Cela fait une décennie que la loi Hadopi du 12 juin 2009 a été promulguée – mais sans son volet pénal, censuré par le Conseil constitutionnel, qui sera rectifié et promulgué quatre mois plus tard. Franck Riester en fut le rapporteur à l’Assemblée nationale. Jamais une loi et une autorité n’auront été autant encensées que maudites.

Alors que le conseiller d’Etat Jean-Yves Ollier doit rendre au ministre de la Culture Franck Riester (photo), qui l’a missionné, son rapport de réflexion sur « l’organisation de la régulation » – fusion Hadopi-CSA ? – dans la perspective de la future loi sur l’audiovisuel, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) fête ses dix ans. Car il y a en effet une décennie que la loi du 12 juin 2009 « favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet » a porté cette autorité publique sur les fonts baptismaux. Cette loi, dite « Création et Internet » – ou loi « Hadopi » – a donc modifié le code de la propriété intellectuelle (CPI) pour remplacer l’ARMT (1) par l’actuelle Hadopi. Car, face à la montée du piratage sur Internet boosté par les réseaux de partage décentralisés peer-to-peer, le président de la République de l’époque – Nicolas Sarkozy – rêvait d’instaurer des radars automatiques sur Internet en s’inspirant des radars routiers qu’il avait lui-même décidé lorsqu’il était ministre l’Intérieur. Autant ces derniers, installés au nom de la sécurité routière, n’ont jamais fait l’objet d’aucun débat parlementaire (2), autant le dispositif d’infraction dans la lutte contre le piratage sur Internet a âprement été discuté au Parlement.

Après Netflix, Disney est désigné comme le nouvel épouvantail du cinéma et de l’audiovisuel français

La veille de l’ouverture du 72e Festival de Cannes, le président de la République
a reçu à l’Elysée les industries culturelles pour lesquelles est créé un fonds
« Bpifrance » de 225 millions d’euros. Emmanuel Macron les a surtout exhortés
à « s’organiser collectivement » face à Netflix mais aussi Disney.

Il n’y a pas que Netflix qui fait trembler « l’exception culturelle » chère au cinéma et à l’audiovisuel français, lesquels ne s’estiment plus protégés par la ligne Maginot réglementaire nationale devenue obsolète face ces acteurs globaux. The Walt Disney Compagny est aussi perçue comme une menace pour le 7e Art et le PAF (1) de l’Hexagone. Netflix et Disney ont été les deux épouvantails américains les plus évoqués lors du déjeuner culturel de l’Elysée le 13 mai dernier.

Eric Woerth le dit : « La taxe GAFA sera provisoire »

En fait. Le 14 mai, Eric Woerth – ancien ministre et actuel président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire à l’Assemblée nationale, ainsi que député (LR) de l’Oise – avait « carte blanche »
au 29e colloque NPA-Le Figaro. Il a expliqué que la future « taxe GAFA » était
« provisoire ».

En clair. « La France a mis en place un dispositif – transitoire – assez brutal, assez rustique, et arrivant un peu tardivement. C’est une taxation sur le chiffre d’affaires. Bon, cela n’est pas formidable. Mais c’était une bonne idée de le faire, mais c’est une idée provisoire. Il faut que l’on aille beaucoup plus loin sur ce sujet », a prévenu Eric Woerth, lors du colloque NPA-Le Figaro. Le président de la commission des finances à l’Assemblée nationale intervenait une semaine avant que le Sénat n’adopte à son tour le 22 mai le projet de loi (1) visant à créer « une taxe sur les services numériques » de 3% sur le chiffre d’affaires réalisé en France.
Eric Woerth a insisté sur le fait que la taxe GAFA n’a pas vocation à perdurer. « C’est bien que la France puisse montrer un chemin, sans doute provisoire mais nécessaire ». Il a raconté avoir reçu à Paris le sous-secrétaire américain au Trésor responsable des négociations internationales, Heath Tarbert, qui a demandé au gouvernement et aux parlementaires de « retirer ce texte ». Fin de non-recevoir : « Il faut bien que les entreprises américaines paient un peu de fiscalité : il n’y a rien de nouveau sous le soleil ! Il ne faut pas que cela soit une fiscalité uniquement négociée. Depuis quand négocie-t-on la fiscalité ? ». L’ancien ministre du Budget de Sarkozy a en outre précisé que cette taxe ne toucherait pas uniquement les GAFA et la numérisation de l’économie, mais aussi le e-commerce de proximité dont les effets les plus visibles pour la population : la désertification des centres-villes (2). « Là-dessus, l’inégalité fiscale est très forte ; elle est souvent fondée sur le foncier. On voit qu’Amazon dispose de grands entrepôts, mais a une fiscalité low cost», pointe-t-il.
Alors que l’Europe est contrainte par sa règle de l’unanimité en matière fiscale, l’issue se trouve du côté de l’OCDE (3). Mais, prévient Eric Woerth, « l’OCDE souhaite l’abandon des règles fiscales traditionnelles au profit de la règle du pays de consommation, car c’est la consommation qui fait la valeur ajoutée ». Or la France, grand pays de production, est un petit pays de consommation à l’échelle du monde. Selon lui, elle ne peut donc pas prendre acte de cela. « C’est un risque tout à fait majeur pour nos finances publiques », met-il en garde. Pour l’heure, la « taxe GAFA » pourrait rapporter 400 millions d’euros en 2019 et 650 millions en 2020. @

Frédérique Bredin arrive en juin au bout de son mandat de présidente du CNC, mais se projette déjà en 2022

Emmanuel Macron aurait bien voulu la nommer en janvier dernier présidente du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), mais Frédérique Bredin – dont le deuxième mandat à la tête du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) s’achève fin juin – lui aurait signifié qu’elle préférait en briguer un troisième.

La présidence du CNC n’est pas à prendre, bien que très convoitée. Frédérique Bredin (photo) a déjà fait savoir qu’elle comptait rempiler pour un troisième mandat de trois ans – jusqu’en juillet 2022. Alors que le 72e Festival de Cannes s’est achevé le 25 mai au bout de douze jours sous les projecteurs, avec en parallèle le Marché du Film qui a fêté cette année ses 60 ans, l’inspectrice générale des finances ne donne aucun signe de fin de règne.
Sur « la plage du CNC », celle du Gray d’Albion à Cannes où le grand argentier du cinéma français a organisé événements et rencontres durant cette grand-messe du 7e Art sur la Croisette, sa présidente s’est bien gardée d’évoquer son sort. « La reconduction de Frédérique Bredin à la présidence du CNC semble plausible », nous confie un professionnel du cinéma français alors présent à Cannes. Mais il faudra attendre courant juin l’arbitrage du président de la République – lequel nomme les président(e)s de cet établissement public administratif sur proposition du ministre de
la Culture (sa tutelle) – pour que son troisième mandat de trois ans soit confirmé. Nommée en juillet 2013 par François Hollande, qui l’avait renouvelée dans ses fonctions fin juin 2016, Frédérique Bredin (62 ans) devrait être reconduite d’ici fin
juin. Parce que féminine, la quinzième présidence du CNC le vaudrait bien ?