Médias sociaux : l’Unesco tiendra sa première Conférence mondiale des régulateurs en juin 2024

L’agence de l’ONU pour l’éducation, la science et la culture organisera mi-2024 sa toute première Conférence mondiale des régulateurs. Au moment où les plateformes numériques en Europe font la chasse aux « contenus illicites », l’Unesco veut des garde-fous pour la liberté d’expression.

Audrey Azoulay (photo), directrice générale de l’Unesco, l’a annoncé le 6 novembre dernier : l’agence des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture organisera mi-2024 – en juin, selon les informations de Edition Multimédi@ – sa toute première Conférence mondiale des régulateurs, en vue de mettre en œuvre les mesures préconisées pour « mettre fin à ce fléau » qu’est « l’intensification de la désinformation et des discours de haine en ligne » sur les médias sociaux. Ce prochain rendez-vous concernera non seulement les gouvernements et les autorités de régulation, mais aussi la société civile et les plateformes numériques.

Préserver la liberté d’expression
« Il y a une exigence cardinale qui a guidé nos travaux : celle de préserver toujours la liberté d’expression et tous les autres droits humains. Contraindre ou brider la parole serait une terrible solution. Des médias et des outils d’information libres, de qualité et indépendants, constituent la meilleure réponse sur le long terme à la désinformation », a mis en garde Audrey Azoulay.
L’Unesco, qui revendique son rôle « pour la promotion et la protection de la liberté d’expression et de l’accès à l’information », a présenté à Paris – où est basé son siège social – les « Principes pour la gouvernance des plateformes numériques », détaillés dans un document d’une soixantaine de pages (1). Ils sont le fruit d’une consultation multipartite engagée en septembre 2022 et au cours de trois consultations ouvertes qui ont eu lieu respectivement entre décembre 2022 et janvier 2023, entre février et mars 2023 et entre avril et juin 2023, soit au total 1.540 contributions provenant de 134 pays et ayant généré plus de 10.000 commentaires. « Préserver la liberté d’expression et le droit d’accès à l’information, tout en luttant contre la désinformation, les discours de haine et les théories du complot, nécessite une approche multipartite », justifie l’Unesco, qui a aussi tenu compte des conclusions de sa conférence mondiale de février 2023 consacrée à la régulation des plateformes numériques (2). La protection de la liberté d’expression dans le monde est la première préoccupation de l’Unesco, alors que dans les vingt-sept Etats membres de l’Union européenne (UE) les très grandes plateformes en ligne et très grands moteurs de recherche en ligne – au nombre de dix-neuf (3) – doivent se conformer depuis le 25 août au règlement sur les services numériques qui leur impose de lutter contre les « contenus illicites » (fausses informations, discours haineux, messages à caractère terroriste, …). Selon certaines organisations, ce Digital Services Act (DSA) – applicable à toutes les plateformes numériques à partir du 17 février 2024 – présentent une menace pour la liberté d’expression des Européens (4) – notamment en cas de censure abusive, voire d’interprétation contestée de la part du commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton (5).
Si l’Unesco ne mentionne pas dans son document les avancées de l’UE dans ce domaine, elle n’en met pas moins en garde les Etats du monde entier contre les atteintes à la liberté d’expression et aux droits humains. « Les Principes [pour la gouvernance des plateformes numériques] commencent par décrire l’environnement propice nécessaire pour sauvegarder la liberté d’expression, l’accès à l’information et d’autres droits humains, tout en garantissant un environnement ouvert, sûr et sécurisé pour les utilisateurs et les non-utilisateurs des plateformes numériques », explique l’Unesco dans son document. Sont ainsi définies les responsabilités des différentes parties prenantes, et ce n’est pas un hasard si celles-ci commencent par « les devoirs des Etats de respecter, protéger et appliquer les droits humains » :
Les Etats doivent respecter et promouvoir les droits humains, y compris le droit à la liberté d’expression et le droit d’accès à l’information. Les restrictions à la liberté d’expression ne sont admissibles que dans les conditions prévues aux articles 19 et 20 du PIDCP [Pacte international relatif aux droits civils et politiques (6), adopté par les Nations Unies en 1966 et entré en vigueur en 1976, ndlr].

Les Etats ne doivent ni censurer…
Les Etats ont des obligations positives de protéger les droits humains contre les ingérences injustifiées des acteurs privés, y compris les plateformes numériques, car ils ont la responsabilité de créer un environnement réglementaire qui facilite le respect des droits humains par les plateformes numériques et de donner des orientations aux plateformes numériques sur leurs responsabilités.
Les Etats sont tenus d’être pleinement transparents et responsables quant aux exigences qu’ils imposent aux plateformes numériques pour assurer la sécurité et la prévisibilité juridiques, qui sont des conditions préalables essentielles à l’Etat de droit. Plus précisément, les Etats doivent notamment : garantir les droits des utilisateurs des plateformes numériques à la liberté d’expression, à l’accès à l’information, à l’égalité et à la non-discrimination, et protéger les droits à la vie privée, à la protection des données, d’association et de participation publique des utilisateurs ; veiller à ce que toute restriction imposée aux plateformes respecte systématiquement le seuil élevé fixé pour les restrictions à la liberté d’expression, sur la base de l’application des Articles 19 et 20 du PIDCP.

…ni couper le réseau Internet
Les Etats doivent s’abstenir, notamment
: d’imposer des mesures qui empêchent ou perturbent l’accès général à la diffusion de l’information, en ligne et hors ligne, y compris les coupures d’Internet ; d’imposer une obligation générale de surveillance ou, pour les plateformes numériques, l’obligation générale de prendre des mesures proactives en relation avec les contenus considérés comme illégaux dans une juridiction spécifique ou avec les contenus qui peuvent être restreints de manière admissible en vertu des normes et de la législation internationales en matière de droits humains.
L’année 2024, au cours de laquelle se tiendra la première Conférence mondiale des régulateurs organisée par l’Unesco, sera d’autant plus décisive pour la régulation des plateformes numérique que 2 milliards de personnes sur la planète seront appelées à voter lors d’une cinquantaine d’élections dans plusieurs pays. Or, selon une étude réalisée l’été dernier par l’institut Ipsos pour l’agence « éducation, science et culture » de l’ONU, 87 % des personnes interrogées (sur un total de 8.000 dans 16 pays où se dérouleront une élection en 2024) craignent que la propagation de fausses informations en ligne ait un impact majeur sur les élections dans leur pays, et autant (87 % également) en appelle à une meilleure régulation des médias sociaux.
Les Facebook, YouTube, TikTok et autres Snapchat sont devenus dans de nombreux pays « la première source d’information des citoyens, en même temps que le principal vecteur de désinformation et de manipulation », relève la directrice générale de l’Unesco. La prochaine année électorale débutera avec les élections parlementaires au Bengladesh en janvier 2024, suivies par l’élection présidentielle au Sénégal en février 2024 et bien d’autres rendez-vous électoraux dans d’autres pays (El Salvador, Indonésie, Inde, Afrique du Sud, République dominicaine, Belgique, Mexique, Croatie, Autriche, Roumanie, Ghana), et se terminera avec l’élection présidentielle en Algérie en décembre 2024, précédée de l’élection présidentielle aux Etats-Unis en novembre 2024. « La régulation des réseaux sociaux constitue d’abord un enjeu démocratique. Bien sûr, la libération de la parole et de la participation démocratique par le numérique a représenté d’immenses progrès à certains égards, a expliqué Audrey Azoulay. Mais ces réseaux sociaux ont aussi accéléré et amplifié, parfois délibérément et à une échelle quasi-industrielle, la diffusion de fausses informations, voire de discours de haine et de théories complotistes – et ceux-ci tendent à se renforcer mutuellement ». Tout en appelant à la « modération » des contenus illicites sur Internet, elle appelle aussi à la « modération » de la régulation pour préserver la liberté d’expression. « Je voudrais souligner une exigence essentielle, qui a servi de boussole pour nous : la préservation de la liberté d’expression et de tous les autres droits de l’homme. Limiter ou restreindre la parole serait une fausse solution – une solution terrible, en fait – pour un problème très réel », a prévenu la directrice générale de l’Unesco, dont le second mandat s’achèvera en novembre 2025.
Les gouvernements et les autorités de régulation auront-ils la main lourde dans la chasse aux fake news ? C’est à craindre, alors que les pouvoirs publics (gouvernements et régulateurs justement) sont considérés – par le plus grand nombre de personnes interrogées dans le monde par Ipsos pour l’Unesco (29 %) – « comme les principaux responsables de l’identification et de la lutte contre la désinformation en ligne ». Et ce, devant les internautes eux-mêmes (23 %), les nouveaux médias (20 %), les médias sociaux (19 %), les organisations internationales (5 %) et les politiciens (4 %). En outre, à l’affirmation selon laquelle « les organisations internationales comme les Nations unies ou l’Unesco ont un rôle majeur à jouer dans la lutte contre la désinformation et les “fake news” », 75 % des sondés disent « Oui » (7).

La recommandation sur l’IA a deux ans
L’Unesco, dont le mandat confié par l’ONU est aussi de défendre et de promouvoir la liberté d’expression, l’indépendance et le pluralisme des médias (régulation globale des médias comme la radio ou la télévision), s’affirme de plus en plus dans la régulation d’Internet et l’éthique des nouvelles technologies. Elle a ainsi émis une recommandation sur l’éthique de l’intelligence artificielle, adoptée en novembre 2021 par les 193 Etats membres, pour fixer un cadre humaniste aux développements de cette innovation qui a depuis explosée avec les IA génératives (8). Tandis que la Convention de l’Unesco de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (9) intègre de plus en plus de directives opérationnelles élargies au numérique. @

Charles de Laubier

Tuned Global tire les ficelles du streaming musical

En fait. Le 11 novembre, Virginie Chelles, vice-présidente et directrice marketing communication de Tuned Global, a confirmé à Edition Multimédi@ que le spécialiste australien des applications de streaming musical en marque blanche, ou via API, poursuit son déploiement en Europe, y compris en France.

En clair. Ils ont leur propre application de streaming : Coca Cola, Delta Airlines, Pizza Hut, Lululemon, Samsung et même Universal Music, Warner Music et Sony Music. Sans avoir les inconvénients et les coûts des Spotify, Deezer et autres Apple Music, lesquels doivent négocier directement auprès des multiples producteurs de musique et labels. Se sont aussi lancées facilement les « applis » de streaming musical Tieme Music et Waw Musik, conçues en France pour l’Afrique, respectivement au Ghana et en Côte d’Ivoire.
En Allemagne, Sony Music propose son appli audio Hörspiel Player pour raconter des histoires. Au Royaume-Uni, trois services de musique en ligne ont vu le jour sans difficultés : Reactional Music pour développeurs de jeux vidéo, MediMusic pour soigner avec de la musique, et Pure Energy pour faire des exercices sportifs en musique. Autre exemple : au Danemark, l’opérateur télécoms Tusass (1) va à son tour lancer son propre service de musique en streaming. Quel est le point commun entre ces différents services ? Tous sont clients de Tuned Global, fournisseur australien de solutions clé-en-main, pour entreprises et organisations, de streaming de musique, d’audio voire de vidéo. Pour lancer son propre « Spotify », une société peut ainsi se procurer auprès de Tuned Global un service de streaming en marque blanche, ou les API (2) et les flux de métadonnées (3)) nécessaires à son développement.
Bien que le nouveau service à la demande n’aura pas l’autorisation des maisons de disques pour être disponible dans le monde entier, il pourra néanmoins accéder à un catalogue de plus de 100 millions de titres (4). « Nos clients accèdent à ces catalogues à condition d’avoir signé des accords de licences avec ces labels, et nous pouvons les aider dans cette démarche », nous précise Virginie Chelles. Le fournisseur australien, basé à Melbourne et cofondé en 2010 par son actuel directeur général Con Raso, s’est déployé à San Francisco, Londres et maintenant à Paris. « Nous sommes présents en France depuis janvier 2023, à la suite de ma relocalisation et après avoir travaillé en Australie pour Tuned Global depuis 2014 », indique Virginie Chelles. Par ailleurs, en mars dernier, l’australien a racheté la société suédoise Pacemaker, un de ses clients ayant développé pour DJ une appli de mixage fonctionnant à l’IA. Tuned Global investit aussi le Web3 : NFT et métavers. @

Un an après avoir lancé ChatGPT, aux airs de « Google-killer », OpenAI prépare un « smartphone-killer »

La start-up californienne OpenAI, cofondée par son actuel DG Sam Altman et devenue licorne valorisée presque 100 milliards de dollars, défraie la chronique depuis le lancement de ChatGPT il y a un an. Après avoir déstabilisé Google, elle veut lancer un petit terminal « smartphone-killer » boosté à l’IA.

(Vendredi 17 novembre 2023 au soir, heure de Paris, soit peu après le bouclage du n°310 de Edition Multimédi@ faisant sa Une sur OpenAI et Sam Altman, nous apprenions le limogeage surprise de ce dernier par son conseil d’administration. Vingt-quatre heure après, OpenAI revenait sur sa décision… Après avoir hésité à rejoindre Microsoft prêt à l’embaucher, Sam Altman a finalement trouvé le 22 novembre un accord avec OpenAI – avec le soutien du bailleur de fonds Microsoft – pour finalement y retourner !)

Google et Apple pourraient bien être les prochaines victimes collatérales d’OpenAI. Car la licorne à l’origine de l’IA générative ChatGPT, lancée il y a un an presque jour pour jour, accélère son offensive technologique. D’une part, elle a organisé le 6 novembre sa toute première conférence des développeurs, OpenAI DevDay, où ont notamment été lancés un « GPT-4 Turbo » et des interfaces de programmation (API) pour créer des agents conversationnels personnalisés intégrables dans des applications ou pour développer son propre « ChatGPT » autonome sans codage (1).
En mettant le turbo, OpenAI veut faire une super-IA tout-en-un capable de générer par elle-même aussi bien du texte et des images, mais aussi de l’audio et de la vidéo. Le 9 novembre, un programme open source baptisé « OpenAI Data Partnerships » (2) a même été lancé pour exploiter tous azimuts des données publiques et privées afin de former encore plus largement les IA génératives. Ce qui positionne la future plateforme IA intégrée d’OpenAI comme un potentiel « Google-killer ». D’autre part, son PDG cofondateur Sam Altman (photo) avait confirmé dès fin septembre être en « discussions avancées » avec l’ancien designer de l’iPhone chez Apple, l’Américano-britannique Jony Ive, et le PDG fondateur du conglomérat Softbank, le Japonais Masayoshi Son, autour d’un projet de lancement d’un terminal à intelligence artificielle susceptible de remplacer à terme les smartphones (3).

Un trio de rêve : OpenAI-Softbank-LoveFrom
Parallèlement, mais sans lien a priori avec ce projet d’appareil, Sam Altman a dit le 13 novembre au Financial Time qu’il demandait à Microsoft des fonds supplémentaires, en plus des 10 milliards de dollars déjà accordés sur plusieurs années par ce dernier, afin de rendre l’IA encore plus intelligente – vers le futur ChatGPT-5 et au-delà (4). Il faudra en tout cas attendre de nombreux mois avant que ne voit le jour le terminal IA grand public rêvé par OpenAI, LoveFrom (société de design créée en 2019 par Jony Ive (5) qui a recruté d’anciens collègues d’Apple comme Marc Newson) et Softbank, dont la filiale britannique ARM pourrait produire les puces. Mais les trois entrepreneurs ont sûrement dû suspendre leur brainstorming, le temps de suivre le lancement d’un petit terminal boosté à l’IA conversationnelle et sans écran (à épingler ou à magnétiser sur un vêtement ou un sac), baptisé Ai Pin. Présenté le 9 novembre et en précommande depuis le 16 novembre aux Etats-Unis, sa disponibilité est prévue début 2024 – sans encore de date pour l’Europe.

Avec son « Ai Pin », Humane montre la voie
Son concepteur : la start-up californienne Humane, cofondée en 2017 par deux anciens dirigeants d’Apple (l’exdirecteur design Imran Chaudhri et l’ex-directrice logiciel Bethany Bongiorno), mari et femme dans la vie. Respectivement président et directrice générale, ils se sont entourés de dizaines d’anciens employés de la marque à la pomme spécialistes de design, d’écran ou encore de cloud – tous placés sous la houlette de Patrick Gates ancien directeur ingénierie d’Apple et actuel Chief Technology Officer (CTO) de Huname. Et parmi sa dizaine d’investisseurs, auprès desquels Humane a levé à ce jour 230 millions de dollars, il y a… Sam Altman, sans que l’on sache combien le patron d’OpenAI a mis de sa poche aux côtés de Kindred Ventures, SK Networks, LG Technology Ventures, Microsoft, Volvo Cars Tech Fund, Tiger Global ou encore Qualcomm Ventures. Et comme le monde est décidément petit : la licorne OpenAI et les start-up LoveFrom et Humane, avec lesquelles elle croit en une sorte de « smartphone-killer », sont toutes les trois basées à San Francisco, en Californie.
De la taille d’une petite boîte d’allumettes, Ai Pin de Humane répond au doigt et à la voix grâce à respectivement son micro et son pavé tactile intuitif. En faisant des gestes ou en interagissant via l’écran à encre laser projeté sur sa paume, l’épingle IA peut être utilisée aisément au quotidien et lors des déplacements. Son prix – moitié moins élevé qu’un iPhone – est de 699 dollars (6) auquel s’ajoute un abonnement de 24 dollars par mois comprenant : un numéro de téléphone portable dédié au Ai Pin – grâce à une carte eSIM intégrée – et un nombre illimité de conversations, de SMS et de data, avec un stockage dans le cloud.
Le 9 novembre, Humane a annoncé aussi être un opérateur mobile virtuel (MVNO) aux Etats-Unis et en partenariat exclusif avec T-Mobile US – le troisième plus grand opérateur télécoms américain, derrière AT&T et Verizon. D’après ses spécifications (7), le petit bijou de technologie de Humane prend des photos à 13 mégapixels (4.208 x 3.120 px) et des vidéos (dont la résolution n’est en revanche pas encore indiquée). Mais comment sans écran savoir si le sujet est bien cadré ? L’IA (AI-Powered Photographer) et la projection laser sur la main du photographe pourraient faire l’affaire. Côté musique, la plateforme de streaming Tidal (d’origine norvégienne et ex-plateforme musicale du rappeur Jay-Z) est accessible et optimisée à l’IA. Sam Altman ne manquera sûrement pas de s’inspirer de l’Ai Pin pour son futur « OpenAI device », qui a l’ambition d’être à l’IA ce que l’iPhone fut à l’écran tactile – ce qui pourrait être… une vraie épine dans le pied d’Apple. Le multimilliardaire Masayoshi Son, 69e fortune mondiale (8), serait prêt à investir 1 milliard de dollars – sans doute via l’un de ses deux Vision Funds (9) – dans une joint-venture avec le patron de ChatGPT (OpenAI) et le designer Jony Ive (LoveFrom), d’après le Financial Times (10).
A l’instar de Humane qui a pris de l’avance avec son Ai Pin, le trio Altman-Son-Ive vise aussi à ne plus être dépendant des écrans et à accroître l’interaction entre l’homme et l’IA. Une fois l’appareil IA conçu, la licence OpenAI deviendrat-elle aussi un MVNO ? Pour peu que le « device » d’OpenAI ait lui aussi son eSIM intégrée. Il se trouve que le géant japonais Softbank de Masayoshi Son est aussi actionnaire minoritaire de T-Mobile US (3,3 % du capital après avoir fusionné Sprint avec T-Mobile US) et, en Europe, de Deutsche Telekom (4,5 %) : cela pourrait aider par la suite… « Google-killer », « Apple-killer », « smartphone-killer », … Cette nouvelle génération d’AI wearables (dispositifs portables basés sur l’intelligence artificielle) pourrait faire des ravages si le grand public décidait de se les approprier. Le moteur de recherche classique de Google, dont la toute première mise en ligne de la version bêta date d’il y a un quart de siècle, a déjà été court-circuité par les Assistant (Google), Alexa (Amazon) et autres Siri (Apple). Avec les IA génératives et la commande vocale assistée par l’IA, sa position dominante va être sérieusement contestée. Pour tenter d’assurer ses arrières la filiale d’Alphabet est prise d’agitations : non seulement Google pousse son IA générative Bard, mais a aussi investi 300 millions de dollars pour prendre 10 % du capital d’Anthropic (11), un rival d’OpenAI.

Sam Altman, le futur « Steve Jobs » ?
Depuis le succès planétaire de son iPhone et de son système d’exploitation iOS, lancés il y a plus de quinze ans par Steve Jobs, Apple n’a pas vraiment innové depuis avec un nouvel appareil disruptif. Comme si le PDG de la firme de Cupertino depuis fin août 2011, Tim Cook, s’était endormi sur les lauriers de Steve Jobs décédé début octobre de la même année. Les nombreux transfuges d’Apple partis chez Humane ou chez LoveFrom en disent long : la marque à la pomme ne fait plus rêver. Avec son épingle Ai Pin et son système d’exploitation Cosmos (« AIby-design »), Humane prend des airs d’« Apple-killer » voire d’« iOS-killer ». A moins que le trio Altman-Son-Ive ne donne le coup de grâce au « capitaine » Cook. @

Charles de Laubier

Mark Zuckerberg prend de l’avance dans la création d’un métavers intelligent d’envergure mondiale

Le patron fondateur de Meta Platforms (ex-groupe Facebook) a étonné tout son monde en accordant fin septembre – au chercheur du MIT Lex Fridman situé à distance – une interview dans le métavers avec des avatars photoréalistes. A coût de milliards de dollars, il avance vers un métavers intelligent.

Meta Platforms ne parle pas explicitement de « métavers intelligent », mais ses investissements dans à la fois les mondes virtuels immersifs et l’intelligence artificielle en montrent la voie. La conférence Meta Connect des 27 et 28 septembre derniers a été un rendez-vous international axé sur « l’IA et les réalités virtuelle, mixte et augmentée » (1). Pour « repousser les limites de la réalité », Mark Zuckerberg (son avatar photoréaliste ci-contre) a payé de sa personne afin de donner vie à la « réalité mixte » – désignation qu’il préfère au terme réducteur « métavers ».

RL : 7,7 Mds de $ engloutis en six mois
L’ambition de « Zuck », surnom du PDG fondateur de Facebook, – rebaptisé Meta Platforms il y aura deux ans le 21 octobre prochain – est de « construire l’avenir de la connexion humaine ». Rien de moins. Depuis l’accueil plus que mitigé de son métavers Horizon Worlds (2) et la suppression de milliers d’emplois qui s’en est suivie, la maison mère de Facebook, Messenger, Instagram et WhatsApp reste une cash machine (3) et continue de dépenser des milliards de dollars via sa division Reality Labs (ex-FRL), laquelle réunit : réalité virtuelle (VR), réalité augmentée (AR), casques Meta Quest (4), visio-écrans Meta Portal et wearables, comme les lunettes connectées Ray-Ban du fabricant franco-italien EssilorLuxottica. Résultat : Reality Labs (RL) affiche plus de 7,7 milliards de dollars de pertes opérationnelles au 30 juin 2023, contre 5,7 milliards de dollars de pertes un an auparavant. Rien que sur l’année 2022, RL affichait une perte opérationnelle de plus de 15,8 milliards de dollars, contre 12,4 milliards de dollars de pertes l’année précédente.
Si, durant sa keynote du 27 septembre au Meta Connect, Mark Zuckerberg n’a pas prononcé le terme « metaverse », lui préférant « mixed reality », le groupe Meta Platforms, lui, n’en fait pas un tabou : « Nous faisons des investissements importants dans nos efforts de métavers, y compris dans le développement d’appareils de réalité virtuelle et augmentée, de logiciels pour les plateformes sociales, d’interfaces neuronales et d’autres technologies de base pour le métavers », indique le rapport financier semestriel du 27 juillet dernier (résultats au 30 juin). Et de prévenir que Reality Labs va continuer à creuser ses pertes opérationnelles, inscrivant ses efforts d’investissement sur le long terme. « Notre segment RL a réduit notre bénéfice d’exploitation global de 2022 d’environ 13,72 milliards de dollars, et nous nous attendons à ce que nos pertes d’exploitation RLcontinuent d’augmenter en 2023 et au-delà, prévient le même rapport. Nous nous attendons à ce que ce soit une initiative complexe, évolutive et à long terme, et notre capacité à soutenir nos efforts de métavers dépend de la génération de profits suffisants dans d’autres domaines de notre entreprise ». Meta pousse donc les feux dans les avatars, les chatbots (assistants conversationnels) et les stickers (images personnalisées) alimentés par des IA, de grands modèles de langage (LLM) et du machine learning (ML). Et l’interview accordée au chercheur du MIT Lex Fridman, situé à des kilomètres de distance mais avec leurs deux avatars très réalistes face-à-face (5), en a bluffé plus d’un.
Lors de cet échange retranscrit par le chercheur (6), Zuck a néanmoins prononcé plusieurs le mot « metaverse » : « La chose que vous pouvez faire dans le metaverse, qui est différente de ce que vous pouvez faire sur un téléphone, est de faire des choses où vous êtes physiquement ensemble et de participer à des choses ensemble. Et nous pourrions jouer à des jeux ». Et même si vous n’êtes pas disponible physiquement pour interagir via votre avatar photoréaliste, l’IA peut prendre le relais, comme l’a expliqué l’avatar de Zuck : « Si vous pouviez avoir une version avatar de vous-même dans le métavers et avec laquelle les gens peuvent interagir, vous pourriez définir ce genre de version d’IA où les gens savent qu’ils interagissent avec une IA, que ce n’est pas la version physique de vous (…). Une grande partie de la thèse derrière tout le métavers, c’est de donner aux gens la capacité de se sentir comme si vous étiez présent avec quelqu’un ».

Des chatbots et stickers animés par des IA
Le 27 septembre, la firme de Menlo Park (Californie) a annoncé le lancement – sur WhatsApp, Instagram et Messenger, bientôt sur les lunettes Ray-Ban Meta et les casques Quest 3 – de chatbots et de stickers rendus intelligents grâce à l’IA – Meta AI en version bêta. Des dizaines d’autres IA sont aussi activées, notamment celles conçues « avec des traits de personnalité uniques (…) interprétées par des figures culturelles et des personnalités influentes comme Snoop Dogg, Tom Brady, Kendall Jenner ou Naomi Osaka ». D’autres AI seront à la disposition d’entreprises, de créateurs et de développeurs, lesquels pourront utiliser l’AI Studio mis à disposition du grand public. @

Charles de Laubier

Cybermenaces : bombe électronique à retardement

En fait. Le 14 octobre se terminent à Monaco les 23e Assises de la cybersécurité qui se sont tenues sur quatre jours. Les cyber-risques n’augurent rien de bon, tant les cyberattaques n’ont jamais été aussi redoutables avec le renfort de l’intelligence artificielle et maintenant de l’informatique quantique.

En clair. Sauve qui peut. Les responsables de la sécurité des systèmes d’information (RSSI) des entreprises et administrations, et leurs dirigeants, ont du souci à se faire. Jamais les cybermenaces et les cyberattaques n’ont été aussi fortes et nombreuses dans le monde. Internet devient le premier théâtre des opérations de la criminalité, de la guerre et de l’ingérence étrangère, tant économique que géopolitique. Cybersécurité et cyberdéfense n’y suffiront pas.
Aux 23es Assises de la cybersécurité (1), à Monaco, les quelque 5.000 visiteurs – Chief Information Security Officer (Ciso) en tête – auraient préféré ne pas verser dans le catastrophisme ni dans les théories du cybercomplot. Hélas, les prévisions sont plus que jamais alarmistes. Steve Morgan, fondateur de la société d’études américaine Cybersecurity Ventures, le confirme à Edition Multimédi@ : « Depuis trois ans, nos prévisions n’ont pas changé. Les coûts mondiaux des dommages liés à la cybercriminalité augmentent de 15 % par an et atteindront 10.500 milliards de dollars en 2025, contre 8.000 milliards de dollars en 2023. C’était 3.000 milliards de dollars en 2015 » (2). Rien que pour 2023, selon nos calculs, le cybercrime mondial pèse financièrement plus de deux fois et demie le PIB de la France, et plus de mille fois le PIB de la Principauté de Monaco où se tiennent chaque année ces Assises de la cybersécurité ! « Cadence des attaques, émergence des innovations [IA, quantique, deepfake, …, ndlr], rotations dans les équipes, profils des attaquants, environnement social et géopolitique, … : le RSSI est sous pression », a confirmé en session plénière (3) Sabrine Guihéneuf, présidente d’honneur 2023 de ces assises internationales, par ailleurs directrice de la cybersécurité et de la gouvernance IT du groupe français URW (4). Certains, comme chez l’électronicien Thales, s’attendent à « l’Apocalypse quantique ». D’autres, comme chez l’hypermarchant Carrefour, craignent les IA génératives dans le retail et le e-commerce. L’équipementier télécoms américain Cisco s’attend, lui, au pire durant les JO de 2024 à Paris.
Se cyberdéfendre à armes égales contre les hackers du monde entier (cryptage et vol de données, rançongiciel, Dos/DDoS (5), hameçonnage, authentification frauduleuse, deepfake, etc.), supposent aux victimes potentielles de recourir elles aussi à l’IA et à la cryptographie quantique voire post-quantique. @