Imposition : l’Europe veut taxer l’économie numérique sans attendre le consensus international

Alors que l’OCDE et le G20, lequel se réunit en avril en Argentine, se donnent jusqu’à 2020 pour trouver un consensus international sur la fiscalité du numérique dans le monde, la Commission européenne veut accélérer le mouvement en proposant de taxer les GAFA sans attendre au sein des Vingt-huit.

La Commission européenne a proposé le 21 mars dernier de nouvelles règles pour garantir que
les activités des entreprises numériques soient imposées dans l’Union européenne (UE) d’une manière « équitable et propice à la croissance ». Elle part du contact que les règles d’imposition des sociétés en vigueur au niveau mondial existent depuis plus de cent ans et ne sont plus adaptées à l’essor de l’économie numérique. Ces règles fiscales ont été conçues pour des entreprises physiques traditionnelles et impliquent qu’une société doit être physiquement présente dans un pays pour y être imposée. C’est là que le bât blesse.

« Roaming audiovisuel » sans surcoût en Europe

En fait. Depuis le 1er avril, les Européens peuvent accéder – où qu’ils soient dans l’Union européenne (UE) – aux services de contenu en ligne auxquels ils sont abonnés dans leur pays. Au moins 29 millions d’entre eux, soit 5,7 % des consommateurs de l’UE, vont bénéficier de cette portabilité transfrontière.

En clair. C’est la deuxième plus grande avancée concrète de la mise en place du marché unique numérique en Europe, depuis la fin des tarifs d’itinérance mobile à l’été 2017. Après ce « roaming mobile » sans frais à travers l’Union européenne (UE), voici le « roaming audiovisuel » sans géoblocage entre les Vingt-huit. Cette avancée s’inscrit aussi dans la volonté réitérée de Bruxelles de « casser les silos dans le droit d’auteur » (1) (*) (**) (***) (****). Ainsi, depuis 1er avril, les Européens peuvent désormais utiliser partout dans l’UE les abonnements numériques qu’ils ont souscrits dans leur pays d’origine afin de profiter de leurs films, séries télévisées, compétitions sportives, jeux vidéo ou encore de leurs livres numériques préférés.
Du moins « temporairement », comme l’ont exigé les industries culturelles dans le règlement « Portabilité transfrontalière » (2), dont est issu ce « roaming audiovisuel » sans frais. « Au moins 29 millions de personnes, soit 5,7 % des consommateurs de l’UE, pourraient utiliser la portabilité transfrontière, et ce nombre pourrait atteindre
72 millions d’ici à 2020 », indique la Commission européenne. Ces nouvelles règles s’appliquent aux services payants des diffuseurs privés et publics, les fournisseurs de contenu gratuit pouvant eux aussi les appliquer. Netflix et Amazon seront les premières plateformes vidéo à profiter de cette brèche dans le géoblocage des contenus audiovisuels en Europe. Google aussi saura en tirer parti pour sa filiale YouTube, laquelle déploie un service par abonnement – YouTube Red.
La plateforme française Molotov, qui veut proposer en Europe sont bouquet de chaînes, y voit l’opportunité de voir la télévision par-delà les frontières. La musique n’est pas en reste avec Spotify, Deezer ou Qobuz qui pourront être écoutés dans les pays voisins, sans parler des autres industries culturelles telles que les jeux vidéo et le livre numérique. « Les nouvelles règles n’empêchent pas les fournisseurs de services de proposer des options supplémentaires à leurs utilisateurs lorsque ceux-ci sont dans un autre pays, par exemple l’accès au contenu disponible dans le pays en question », précise Bruxelles. Un effet indirect du règlement « Portabilité transfrontalière » pourrait être de donner un coup de frein en Europe à l’usage de VPN (Virtual Private Network) anti-blocages ou aux serveurs dits proxy ou unblockers. @

Régulation en Europe : qu’a fait et où va le Berec après une année de présidence française ?

Sébastien Soriano, président de l’Arcep, a-t-il marqué de son empreinte l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (Berec) lorsqu’il fut à sa tête en 2017 ? L’« Internet ouvert » a été central dans son action. Mais cette institution doit avoir les moyens de ses missions.

Par Katia Duhamel, experte en droit et régulation des TIC, K. Duhamel Consulting

En 2017, Sébastien Soriano, le président de l’Arcep, a pris la présidence du Berec (1), l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (Orece, en français) après avoir occupé la fonction de vice-président en 2016, sous la présidence de l’Allemand Wilhelm Eschweiler (BnetzA). Sébastien Soriano en est redevenu le vice-président en 2018 – la durée du mandat de président du Berec étant en effet d’un an, et ce mandat étant entouré par deux années de vice-présidence (une année précédant le mandat, et une année suivant le mandat). On peut ainsi se demander si la présence française de cette institution a modifié son poids et ses résultats dans le paysage numérique européen.

Doublement empêtré en Italie, Vivendi espère un dénouement rapide pour lancer son « Netflix latin »

Président du directoire de Vivendi et président de Telecom Italia, dont Vivendi est le premier actionnaire, Arnaud de Puyfontaine cherche à sortir de deux conflits en Italie pour lancer « un géant latin des contenus » autour d’une alliance « Canal+Tim » et concurrencer ainsi Netflix et Amazon Video.

La présence du groupe français Vivendi dans le capital de Telecom Italia (Tim), dont il est le premier actionnaire à hauteur de 24 %, tourne à l’imbroglio politico-industriel. C’est même devenu une affaire d’Etat en Italie, où le gouvernement a ouvert une procédure contre l’opérateur télécoms historique italien Tim et indirectement contre son premier actionnaire le groupe français Vivendi, lequel est accusé de ne pas avoir notifié aux autorités italiennes qu’il en détenait le contrôle de fait.
Pour le gouvernement italien, cette omission est d’autant plus fâcheuse et contestable qu’il considère Tim et son réseau – qu’il exige d’être mis dans une entité séparée – comme un actif stratégique, et que l’Etat italien estime avoir été floué en dépit de ses pouvoirs spéciaux (golden power). Reste à savoir quel sera le montant de l’amende dont va écoper Vivendi. Bref, difficile de démêler l’écheveau de
ce conflit et Arnaud de Puyfontaine (photo), à la fois président du directoire de Vivendi et président de Telecom Italia, n’est pas au bout de ses peines.

Objets connectés, vie privée et données personnelles : une équation difficile pour protéger l’utilisateur

Malgré un vaste arsenal juridique limitant les impacts négatifs des objets connectés, les risques d’intrusions demeurent pour les utilisateurs de ces appareils – du compteur électrique à la montre connectée, en passant par la
« mesure de soi ». Recueillir leur consentement est un préalable.

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

Selon une étude menée par Gartner, 20 milliards d’objets connectés seraient en circulation en 2020 (1). Qu’il s’agisse du domaine de la santé, du bien-être, du sport, de la domotique ou encore du loisir, l’attrait des utilisateurs pour les objets connectés est caractérisé. Paradoxalement, bien qu’avertis, ces derniers ne mesurent pas toujours les risques qui pèsent sur leur vie privée et leurs données personnelles. Ces deux notions – vie privée et données personnelles – ne sont pas synonymes, bien qu’intrinsèquement liées (2).

* Ancien bâtonnier du Barreau de Paris, et auteure de « Cyberdroit », dont
la 7e édition (2018-2019) paraîtra en novembre 2017 aux éditions Dalloz.