La Commission européenne dément la rumeur d’un report de la directive sur le droit d’auteur

Alors que le mandat de la « Commission Juncker » prendra fin en 2019, une rumeur circule au sein des industries culturelles, selon laquelle la réforme du droit d’auteur sur le marché unique numérique serait renvoyée à la prochaine équipe. « Sans fondement », nous assure-t-on.

« La rumeur est sans fondement, mais l’heure tourne. La modernisation du droit d’auteur reste une des priorités – dans les accords tripartites – à finaliser cette année. Nous attendons tant du Parlement européen que du Conseil de l’Union européenne pour avancer sur ce dossier prioritaire, tandis qu’ils peuvent entièrement compter sur la Commission européenne pour aider
à faciliter les négociations prochaines », nous a répondu Nathalie Vandystadt, porteparole à la fois de la commissaire Mariya Gabriel, en charge de l’Economie et de la Société numériques, et du commissaire Tibor Navracsics, à l’Education, la Culture, à la Jeunesse et au Sport.

« Casser les silos dans le droit d’auteur »
La Commission européenne répondait ainsi à une question de Edition Multimédi@
sur une rumeur persistante selon laquelle la réforme du droit d’auteur via la nouvelle directive « Copyright » en cours de discussion ne serait pas adoptée avant la fin du mandat prévu le 31 octobre 2019 de l’actuelle équipe du président Jean-Claude Juncker (photo), lequel a déjà fait savoir il y a un an maintenant qu’il ne briguera pas l’an prochain un second mandat. Le temps presse d’autant plus que les activités des institutions européennes vont ralentir, voire se figer, à l’approche des prochaines élections européennes de fin mai 2019 pour désigner les prochains eurodéputés.
« Il y a les élections européennes qui se rapprochent et un président de la Commission européenne qui ne va pas rempiler. Donc, le bruit qui courent à Bruxelles est que le Parlement européen ne va pas se prononcer sur le nouveau texte “Droit d’auteur” d’ici les prochaines élections. Il y a eu des débats au sein des commissions du Parlement européen, mais les eurodéputés ne vont pas voter au cours de cette législature-là.
Il faudra attendre la prochaine Commission européenne. Cela reporte d’environ d’un
an », a confié mi-janvier le dirigeant de l’une des plus grandes sociétés françaises de perception et de répartition des droits (SPRD). Le projet de directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique (1), proposé en septembre 2016 par la
« Commission Juncker », est l’un des textes les plus sensibles de la législature en cours. Il fait l’objet de lobbyings intenses et incessants au sein du Parlement européen (2) de la part des industries culturelles, d’une part (musique, cinéma, audiovisuel, livre, …), et des plateformes numériques, d’autre part (au premier rang desquels les GAFA). « Comme la culture est importante en Europe, le rapport de force avec les GAFA – très puissants à Bruxelles – est assez équilibré cependant », tente-t-on de se rassurer dans le monde de la création. Les industries culturelles veulent des mesures pour remédier au « transfert de valeur » (value gap) dont elles se disent victimes, et pour responsabiliser les plateformes numériques (YouTube, Dailymotion, Vimeo, …) dans la lutte contre le piratage sur Internet (3) en changeant leur statut.
Quoi qu’il en soit, la Commission européenne assure que le projet de directive
« Copyright » ne peut faire les frais des prochaines échéances européennes, tout comme le projet de règlement européen s’inspirant de la directive « SatCab » de 1993 pour la diffusion numérique transfrontalière des services audiovisuels en ligne (4). De même, le projet de directive « SMA » sur les services de médias audiovisuels (VOD, SVOD, OTT Video, TV Replay, …) pourrait aussi piétiner (5). Seule avancée pour l’instant : le règlement « Anti-géoblocage » assurant la portabilité des contenus en Europe – hormis le droit d’auteur des ebooks, de la musique ou des jeux en ligne –
a été adopté par les eurodéputés le 6 février dernier (6) (*).
Depuis l’installation de l’actuelle Commission européenne en novembre 2014, les ayants droits sont vent debout contre toute réforme touchant les oeuvres et après avoir été échaudés par la détermination du président Juncker de « casser les silos (…) dans le droit d’auteur » (7). Ce dernier avait réitéré cet objectif controversé dans la lettre de mission remise le 16 mai 2017 à la Bulgare Mariya Gabriel qu’il a désignée commissaire à l’Economie et à la Société numériques (8).

Trilogue : objectifs réaffirmés pour 2018
Or, ironie de l’histoire, c’est justement la Bulgarie qui a pris le 1er janvier 2018 et pour six mois la présidence de l’Union européenne. Les industries culturelles ont déjà adressé à cette dernière une lettre de doléances datée du 30 janvier (9). En tout cas, la réforme du droit d’auteur pour le marché unique numérique a été réaffirmée comme une des priorités de Jean-Claude Juncker – « et, si possible, avant les élections de 2019 », indique la déclaration commune pour 2018-2019 entre la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’UE (10). @

Charles de Laubier