Elections européennes : le numérique au programme

En fait. Le dimanche 9 juin, les Français élisent leurs 81 députés européens (dès le 8 juin pour certains territoires ultra-marins et Français de l’étranger). Il n’y a pas moins de 38 listes pour ces élections européennes. Edition Multimédi@ a sélectionné quelques mesures-phare pour le numérique, dont l’IA.

En clair. Nous nous sommes concentrés sur le « Top 5 » des listes arrivant en tête des sondages (1), en allant de la cinquième position à la première (2).
« Europe écologie » (Marie Toussaint) : « Lancer un Digital Green and Social Deal qui place les technologies numériques au service de la réalisation d’une vie décente pour tous·tes dans les limites de la planète » ; « Passer une nouvelle étape dans la réglementation des cryptomonnaies » ; « Encadrer les consommations des datacenters sur le sol européen » ; « Briser le monopole des GAFAM en Europe en garantissant l’interopérabilité des services numériques » ; « Taxer les GAFAM ».
« La France insoumise » (Manon Aubry) : « Réglementer les IA » ; « Garantir un euro numérique 100 % public » ; « Reprendre le contrôle sur les multinationales du numérique » ; « Inscrire la neutralité du Net dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne » ; « Renforcer la réglementation sur l’IA, en interdisant les identifications biométriques et les technologies répressives » ; « Encadrer l’usage de l’IA dans les secteurs culturels et créatifs notamment par la transparence des algorithmes » ; « Réguler les “coffres à butin” (loot box) en jeux d’argent ».

La censure de TikTok en Nouvelle-Calédonie par son Haut-commissaire de la République semble illégale

Annoncée par le Premier ministre le 15 mai 2024, la décision sans précédent de bloquer TikTok en Nouvelle-Calédonie est attaquée en justice par deux organisations et des Néo-Calédoniens. Le 21 mai, la haute juridiction administrative a donné 24h au gouvernement pour se justifier.

Louis Le Franc (photo de gauche) est le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie. En tant que représentant de l’Etat français de cette collectivité sui generis (ni département d’outre-mer ni territoire d’outre-mer) située en Océanie, et à ce titre délégué du gouvernement représentant le Premier ministre Gabriel Attal (photo de droite)et chacun des ministres français, ce « préfet hors-classe » (le grade le plus élevé) a la charge des intérêts nationaux et assure la direction des services de l’Etat sur le territoire. Il est en outre préfet de la zone de défense de Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna (1).

La liberté d’expression, victime collatérale
C’est à lui qu’est revenue la responsabilité de mettre à exécution l’interdiction de TikTok dans l’archipel secoué quelques jours à partir du 13 mai par des émeutes et des violences, lesquelles sont en lien avec une réforme constitutionnelle visant à élargir le corps électoral, projet contesté par les indépendantistes. Le censure du réseau social du chinois ByteDance (2) a été annoncée le 15 mai par le Premier ministre Gabriel Attal, le haut-commissaire Louis Le Franc ayant de son côté « instauré un couvre-feu et interdit TikTok ». Ce blocage, bien que la décision concernant le réseau social n’avait pas encore été formalisée par un texte – est effectif uniquement sur les smartphones (dixit le cabinet du Premier ministre), mis en œuvre par l’Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie (OPT-NC). C’est d’autant plus facile que cet établissement public gère lui-même l’unique opérateur mobile de l’archipel, Mobilis.

IA génératives, contrefaçons, exceptions au droit d’auteur et opt out : où se situent les limites ?

Adopté par les eurodéputés le 13 mars 2024, l’AI Act – approuvé par les Etats membres en décembre 2023 – va être définitivement voté en plénière par le Parlement européen. Mais des questions demeurent, notamment sur les limites du droit d’auteur face aux intelligences artificielles génératives.

Par Vanessa Bouchara, avocate associée, et Claire Benassar, avocate collaboratrice, Bouchara & Avocats.

Si l’utilisation des intelligences artificielles (1) est désormais largement répandue, ces techniques et technologies capables de simuler l’intelligence humaine restent au cœur de nombreux questionnements – tant éthiques que juridiques. Alors même que le projet de règlement européen visant à encadrer l’usage et la commercialisation des intelligences artificielles au sein de l’Union européenne, dit AI Act (2), a été adopté en première lecture le 13 mars 2024 par le Parlement européen (3), c’est l’intelligence artificielle générative – IAg, AIG ou GenAI – qui est aujourd’hui sujette à controverse.

Droit d’auteur et procès en contrefaçon
A l’origine du débat les concernant, il importe de rappeler que les systèmes d’IAg ont pour particularité de générer du contenu (textes, images, vidéos, musiques, graphiques, etc.) sur la base, d’une part, des informations directement renseignées dans l’outil par son utilisateur, et, d’autre part et surtout, des données absorbées en amont par l’outil pour enrichir et entraîner son système. Les systèmes d’intelligence artificielle générative sont ainsi accusés d’être à l’origine d’actes de contrefaçon, et pour cause : l’ensemble des données entrantes dont ils se nourrissent peuvent potentiellement être protégées par des droits de propriété intellectuelle. Où se situe donc la limite entre l’utilisation licite de ces données et la caractérisation d’un acte de contrefaçon ? Si, par principe, la reproduction de telles données est interdite, le droit européen semble désormais entrouvrir la possibilité d’utiliser celles-ci dans le seul cadre de l’apprentissage de l’IAg.

Europe : Nextory diversifie la lecture en streaming

En fait. Le 25 avril, la plateforme suédoise de lecture en streaming Nextory (ex-Youboox en France) a annoncé un nouvel accord avec la filiale française du groupe d’édition américain HarperCollins. Le catalogues de titres francophones s’étoffe, que ce soit en ebooks ou en audiobooks.

En clair. Après la Suède, la Finlande, l’Allemagne, les PaysBas et l’Espagne, voici que le groupe américain d’édition HarperCollins Publishers (filiale du groupe News Corp) – revendiquant la deuxième place mondiale des éditeurs de livres grand public – vient de mettre encore plus de livres numériques et de livres audio francophones sur la plateforme suédoise Nextory (ex-Youboox en France).
Il n’est pas le premier. De grands groupes français de l’édition, tels que Hachette, Editis, Média-Participations ou encore Madrigall (Gallimard, Flammarion et Casterman), se sont déjà lancés dans la lecture en streaming avec Nextory. Au total, la plateforme suédoise créée en 2015 à Stockholm compte à ce jour quelque 1.500 éditeurs francophones (400.000 titres), auxquels se joint maintenant HarperCollins France. Le catalogue européen proposé ainsi en streaming – à partir de 9,99 euros par mois – est riche de 1 million de titres disponibles « en illimité » (1), où l’on trouve aussi bien des livres numériques que des livres audio, mais aussi des BD et des journaux en ligne. Nextory, qui entend « remettre en question ce que signifie “lire un livre” » (2), a absorbé en octobre 2021 la start-up française Youboox fondée dix ans plus tôt par Hélène Mérillon (3), aujourd’hui PDG de Nextory France et chargée des contenus au niveau du groupe suédois. Elle fut aux avant-postes lorsque la question de la conformité de la lecture en streaming en accès illimité par abonnement a été posée en France au regard de la loi du 26 mai 2011 sur le prix du livre numérique.

La lourde responsabilité de la « Cnil » irlandaise

En fait. Le 23 avril, la présidente de la Cnil a annoncé sur Franceinfo qu’elle va « saisir de façon officielle la “Cnil” irlandaise [la DPC] sur les conditions de collecte et d’exploitation des données sur cette application TikTok Lite ». Ou comment son homologue de Dublin est devenue centrale en Europe.

En clair. Cela va faire six ans, le 25 mai prochain, que la Data Protection Commission (DPC) – la « Cnil » irlandaise – est devenue la cheffe de file attitrée dans l’Union européenne (UE) pour veiller au respect du règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD) par les principaux géants du Net. C’est en effet le 25 mai 2018 que ce dernier est entré en vigueur dans les Vingt-sept (1).
Et pour cause : les Gafam (Google/YouTube, Apple, Meta/Facebook, Amazon et Microsoft/LinkedIn) ainsi que TikTok, Twitter, eBay, Airbnb, PayPal ou encore Netflix ont choisi d’installer leur siège européen en Irlande, la plupart dans la capitale irlandaise Dublin (2). Car ce petit pays membre de l’UE est l’un des mieux disant au monde en matière de fiscalité, tant en termes d’impôt sur les sociétés (12,5 % sur les bénéfices et même seulement 6,25 % sur les revenus des brevets) que de crédit d’impôt recherche et développement (R&D) pouvant aller jusqu’à 37,5 %. Résultat, faute d’harmonisation fiscale en Europe : les Big Tech, notamment américaines, se bousculent au portillon irlandais. En conséquence, depuis l’entrée en vigueur du RGPD, la Data Protection Commission (DPC) est devenue la « Cnil » européenne la plus sollicitée en matière de protection des données personnelles et de la vie privée.