Discours de la présidente von der Leyen sur l’état de l’UE : l’IA a éclipsé le métavers européen

Lors de son discours sur l’état de l’Union européenne, prononcé le 13 septembre, Ursula von der Leyen – présidente de la Commission européenne – s’est focalisée sur l’intelligence artificielle. Mais pas un mot sur la stratégie du métavers européen, dont les défis sont pourtant nombreux.

Ursula von der Leyen (photo) a fait l’impasse sur les mondes virtuels. La présidente de la Commission européenne, dont le mandat commencé en décembre 2019 se terminera en novembre 2024, n’a pas eu un mot sur le métavers européen dans son discours du 13 septembre (1) à Strasbourg sur l’état de l’Union européenne (UE). Ni dans sa lettre d’intention datée du même jour et envoyée de Bruxelles à la présidente du Parlement européen (2) et au président du Conseil de l’UE (3), pour leur faire part de ses « principales priorités pour 2024 » (4).

Mondes virtuels : principes directeurs fin 2023
Pourtant, les défis des mondes virtuels sont tout aussi importants que ceux des intelligences artificielles. Est-ce à dire que « la nouvelle stratégie sur le Web 4.0 et les mondes virtuels » – présentée à Strasbourg le 11 juillet dernier n’est plus prioritaire d’ici les élections du Parlement européen de juin 2024 ? Ursula von der Leyen semble avoir tourné la page du « métavers européen », renvoyant la mise en œuvre à la Commission européenne 2024-2029.
« Les mondes virtuels changeront la façon de vivre en société et leur avènement s’accompagnera de possibilités et de risques qui doivent être pris en compte », avaient pourtant prévenu cet été pas moins de trois commissaires européens – Margrethe Vestager, Dubravka Suica et Thierry Breton – en dévoilant cette nouvelle stratégie et son calendrier. Ainsi, d’ici fin 2023, la Commission européenne va promouvoir des « principes directeurs pour les mondes virtuels », identifiés par un panel de 150 citoyens européens sélectionnés de façon aléatoire (5) et réunis entre les mois de février et d’avril derniers. Il en était ressorti 23 recommandations (6) qui ont inspiré la stratégie « Mondes virtuels », parmi lesquelles : « formation harmonisée pour le travail dans les mondes virtuels » ; « soutien financier au développement des mondes virtuels » ; « forums participatifs pour des avancées, des réglementations et des normes communes » ; « police pour agir et protéger dans les mondes virtuels » ; « accessibilité pour tous – personne n’est laissé de côté » ; « labels/certificats européens pour les applications des mondes virtuels », etc. Ces recommandations s’articulent autour de huit valeurs et principes applicables aux métavers : liberté de choix, durabilité, approche centrée sur l’humain, santé, éducation, sûreté et sécurité, transparence et intégration. La Commission européenne veut ainsi faire des mondes virtuels en Europe « un environnement numérique ouvert, sécurisé, digne de confiance, équitable et inclusif » (7). Elle veut aussi rendre disponibles au premier trimestre de 2024 des « orientations à l’intention du grand public » grâce à une « boîte à outils pour les citoyens » afin de les orienter. Il s’agit pour l’Europe de ne pas manquer la marche du siècle vers le Web3, où le marché mondial des mondes virtuels devrait exploser à plus de 800 milliards d’euros d’ici à 2030, contre 27 milliards d’euros en 2022. Et d’ici 2025 (soit dans moins de deux ans), les Vingt-sept pourraient totaliser 860.000 nouveaux emplois dans le secteur de la réalité étendue (virtuelle et augmentée). La Commission européenne va créer avec les Etats membres « un réservoir de talents » pour le développement des compétences, qui sera financé par les programmes Digital Europe (9). Du côté de l’écosystème industriel du Web 4.0, et dans le but d’éviter la fragmentation de ma chaîne de valeur des mondes virtuels, il est prévu de faire appel à un autre programme européen, Horizon Europe (10), pour que débute en 2025 « un partenariat candidat sur les mondes virtuels, afin de promouvoir l’excellence dans la recherche et d’élaborer une feuille de route industrielle et technologique pour les mondes virtuels ».
La Commission européenne a en outre promis d’aider les créateurs et les entreprises de médias de l’UE « à tester de nouveaux outils de création, à rapprocher les développeurs et les utilisateurs industriels, et à travailler avec les Etats membres à la mise au point de bacs à sable réglementaires pour le Web 4.0 et les mondes virtuels ». Les mondes virtuels concerneront autant les particuliers que les professionnels.

Meta Platforms y croit plus que l’Europe
Parmi les projets pan-européens sur les rails : DestinE (Destination Earth), qui vise à créer un jumeau numérique de la Terre pour simuler et visualiser au plus près l’évolution du climat, et CitiVerse, qui sera un environnement urbain immersif pour la planification et la gestion urbaines. Pour l’heure, le groupe américain Meta Platforms (ex-Facebook) essuie les plâtres (11) mais il a pris de l’avance en investissant des milliards dans son métavers perfectible Horizon Worlds (12). Apple mise de son côté sur son casque de réalité virtuelle et augmentée Vision Pro, disponible début 2024. Bien d’autres métavers se développent, comme pour les spectacles et concerts chez Vrroom (13) en France, pays où le chef de l’Etat rêve d’un « métavers européen » (14). @

Charles de Laubier

Passer de 4 à 3 trois opérateurs en rachetant SFR ?

En fait. Le 6 septembre, Patrick Drahi a évoqué pour la première fois l’éventualité de vendre tout ou partie du deuxième opérateur télécoms français – après l’avoir exclu les 7 et 8 août. Cette réflexion a été confirmée le 7 aux élus de SFR. De là à passer de quatre à trois opérateurs comme en rêve le marché…

En clair. Passer de quatre à trois opérateurs télécoms en France, Patrick Drahi y est favorable depuis longtemps : « Je pense que ce serait mieux pour le marché français que deux opérateurs français se rapprochent pour être plus forts », avait-il plaidé lors de son audition au Sénat le 2 février 2022 devant la commission d’enquête sur la concentration dans les médias en France (1). C’était il y a une vingtaine de mois, à un moment où circulaient des rumeurs de discussions entre SFR et Free, ce que le président fondateur du groupe Altice, maison mère d’Altice France détenant SFR, avait alors démenti : « Il n’y a aucune stratégie de rapprochement. J’ai tout essayé, du point de vue de la consolidation du marché français des télécoms. (…) Mais je suis assez persévérant, dans la vie et je ne suis pas pressé ».
Pour Patrick Drahi, le passage à trois opérateurs télécoms aura lieu « tôt ou tard » car « il vaut mieux pour le marché français que deux opérateurs français se rapprochent, un jour, pour former un nouvel ensemble plus fort, plutôt que de voir l’un des quatre opérateurs français passer dans des mains étrangères ». Après avoir changé d’avis sur le sort de sa filiale SFR au sein de son groupe Altice surendetté (jusqu’à 60 milliards) et enlisé dans une affaire de corruption et de fraude fiscale (2), Patrick Drahi songe à la vendre. Devant des investisseurs à Londres le 6 septembre, il a évoqué la vente de tout ou partie du deuxième opérateur télécom français. « Est-ce que le retrait de France est une option ? (…) Oui », a-t-il dit.
Et d’après Le Monde du 7 septembre, la banque d’affaires Lazard épaulée par BNP Paribas a été mandatée pour « la tour Eiffel » – dixit Drahi en parlant de SFR (3). Pourtant, elle a des pieds d’argile : Altice France accuse une dette de 23,8 milliards d’euros au 30 juin ; le réseau de fibre n’est plus intégré à SFR mais dans XpFibre (ex-SFR FTTH) depuis 2021 ; 1.226 antennes de SFR ont été cédées cet été à l’américain Phoenix Tower ; les 92 data centers en France pourraient être vendus à Morgan Stanley (4) ; SFR a perdu 235.000 abonnés depuis le début de l’année… Alors, Bouygues Telecom – que Martin Bouygues n’exclut plus de vendre (5) – pourrait-il racheter SFR ? Ou Free – que Xavier Niel ne veut pas vendre (6) – serait-il tenté ? Mais, ni l’Autorité de la concurrence ni la Commission européenne ne sont favorables à un « triopole ». @

Droits d’auteur : musiciens et artistes peuvent s’affranchir des sociétés de gestion collective

Les Sacem, Sabam, Gema et autres SACD – sociétés de gestion collective des droits d’auteur et/ou des droits voisins des créateurs – ne sont plus des passages obligés pour les artistes en Europe à l’ère du streaming. Des « entités de gestion indépendantes » comme Bridger peuvent les concurrencer.

La directive européenne du 26 février 2014 concernant la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins dans la musique – censée être transposée par les Vingt-sept depuis six ans (1) – a ouvert ce marché européen toujours dominé par la Sacem (France), la Gema (Allemagne), la Sabam (Belgique), la Sgae (Espagne) ou encore la Siae (Italie). Elle a créé un statut d’« entité de gestion indépendante », ou IME (2) en anglais, dont l’activité principale est de gérer le droit d’auteur ou les droits voisins du droit d’auteur pour le compte de titulaires.

IME : Soundreef, MPLC, Bridger, …
Ces entités à but lucratif sont « indépendantes » dans le sens où elles ne sont détenues ni contrôlées par des titulaires de droits, contrairement aux sociétés de gestions collective. Mais qu’elles soient « indépendantes » ou « collectives », ces organisations sont toutes – conformément à la directive européenne de 2014 – soumises à des obligations en matière de gestion et de transparence, notamment sur les aspects financiers de l’exploitation des droits. Plusieurs sociétés ont obtenu ce sésame IME en Europe pour « disrupter » ce marché du copyright management telles que Soundreef en Italie, Motion Picture Licensing Company (MPLC) en Grande-Bretagne ou encore Bridger en France.
Cette dernière est une filiale du groupe belge Audiovalley fondé en 2003 par Alexandre Saboundjian (photo de gauche). Une autre de ses filiales, Jamendo (3), avait aussi obtenu en février ce statut d’IME au Luxembourg (4). « Ces deux filiales ont le statut IME aujourd’hui, mais seule la société Bridger est appelée à le porter à l’avenir », indique à Edition Multimédi@ Jocelyn Seilles (photo de droite), fondateur et directeur général de Bridger. Cette nouvelle IME a été lancée officiellement le 13 avril dernier. « Ouverte aux auteurs-compositeurs du monde entier, Bridger collecte et répartit les droits d’auteur générés par le streaming des œuvres musicales. Elle s’adresse aux auteurs-compositeurs indépendants qui ne sont pas affiliés à une société de gestion collective, ainsi qu’aux auteurs-compositeurs qui souhaitent bénéficier d’un service 100 % digital en complément de leur affiliation à une société de gestion collective », explique la nouvelle société Bridger. Edition Multimédi@ a voulu savoir si des compositeurs, des artistes interprètes, des scénaristes ou des réalisateurs – soit des auteurs dans la musique, dans l’audiovisuel et/ou dans le cinéma – pouvaient s’affranchir des sociétés de gestion collective comme la Sacem (5) ou la SACD (6), ou d’autres en Europe et parfois en situation de « monopole légal » localement, pour ne s’en remettre qu’à des IME. La réponse est oui, mais : «Un musicien peut tout à fait quitter la Sacem et n’être qu’avec Bridger pour la collecte de ses droits d’auteur. Toutefois en faisant cela, il se priverait de ses droits radio et télé que Bridger ne collecte pas encore. C’est pourquoi, il est peut-être plus intéressant pour un auteur-compositeur de rejoindre Bridger uniquement sur la partie digitale. Cela dépend de chaque projet musical. Si un artiste génère 100 % de ses droits sur les plateformes de streaming, alors il vaut mieux pour lui qu’il rejoigne Bridger », nous a expliqué un porte-parole de la filiale d’Audiovalley. Bridger collecte les droits issus du digital (streaming mais aussi téléchargement) et nous indique qu’elle prévoit d’intégrer une partie de ceux de l’audiovisuel : « Dans le futur, nous collecterons les droits des auteurs et compositeurs des musiques utilisées/synchronisées dans des productions audiovisuelles (de tous types) au titre de leur mise à disposition publique par les plateformes digitales, mais nous ne revendiquerons pas les droits d’auteur des réalisateurs, scénaristes, etc. de ces mêmes productions ». Pour les droits liés à la radio et à la télévision, il est prévu de conclure des accords de réciprocité et de représentation avec les sociétés de gestion collective. Mais cela se fera en fonction des besoins exprimés par les membres de Bridger qui sont plutôt orientés streaming.
Les nouveaux entrants IME sur ce marché mondial très lucratif de la collecte et de la gestion des droits d’auteur et droits voisins s’appuient sur les métadonnées (metadata) qui permettent d’identifier en ligne chaque morceau de musique et qui composent le registre des oeuvres musicales (7).

Streaming : 600 M€ mal et pas reversés
La blockchain et les NFT vont accélérer dans musique la redistribution des cartes et des rémunérations (8). Ces technologies du Web3 mettent un terme à la fameuse « boîte noire » constituée par les royalties que les plateformes de streaming (Spotify, Deezer, Qobuz, …) n’ont pas pu reverser à leurs auteurs faute d’avoir été identifiés : selon, l’association britannique de musiciens indépendants Ivors Academy (9), au moins 600 millions d’euros de redevances « ne sont pas attribuées ou mal attribuées ». @

Charles de Laubier

Box : les « services associés » que les chaînes font désormais payer aux opérateurs télécoms

En vantant les « services à valeur ajoutée » tels que le replay, le start-over, le cast, le second écran ou encore l’ultra-haute définition (4K), les chaînes de télévision ont trouvé le moyen de faire payer les opérateurs télécoms qui souhaitent reprendre sur leurs « box » ces « services associés » ou « services complémentaires ».

SFR, Bouygues Telecom, Orange et Free doivent désormais mettre la main au portefeuille s’ils veulent que leurs abonnés bénéficient des servies à valeur ajoutée proposés par les chaînes de télévision. TF1 estime, par la voix de son PDG Gilles Pélisson (photo), avoir « contribué à faire bouger les lignes en France dans l’univers de la télévision en clair ». La filiale audiovisuelle de Bouygues a signé dès novembre 2017 puis en 2018 un accord de distribution avec respectivement Altice (SFR), après des mois de différends avec ce dernier (interruption de MyTF1), et Bouygues Telecom (société soeur de TF1).

« TF1 Premium » a montré la voie dès 2017
Fin 2018, ce fut au tour du diffuseur Canal+ de signer avec TF1 – clôturant divers contentieux entre les deux groupes. L’offre « TF1 Premium » inclut les cinq chaînes en clair TF1, TMC, TFX, TF1 Séries Films et LCI, dont les coûts de transport sont dans ce cas pris en charge par le groupe TF1, ainsi que le service MyTF1. Pour M6, les accords de distribution des chaînes et de leurs services associés ont tous été renouvelés en 2018 auprès de Altice (SFR), Bouygues Telecom, Free, Canal+ et Orange, avec « l’obtention de la part des distributeurs d’un partage de la valeur liée à la présence de M6, W9 et 6ter dans leurs offres de télévision ». Dernier bras de fer en date : le groupe Altice a finalement enterré la hache de guerre le 10 septembre avec Free pour trouver un terrain d’entente pour ne lui faire payer que les fameux « services associés » de ses chaînes (BFMTV, RMC Découverte et RMC Story).
Quelques jours auparavant, Altice s’était mis d’accord sur les mêmes bases avec Orange : pas de rémunération pour les chaînes linéaires, mais rétribution pour les services à valeur ajoutée. La décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) datée du 31 juillet 2019 et parue le 2 août dernier au Journal Officiel a eu le mérite de remettre les pendules à l’heure (voir encadré page suivante). Par ailleurs, les chaînes peuvent proposer des services d’« interactivité » où le téléspectateur a la possibilité de jouer ou de voter lors des émissions diffusées sur l’antenne de la chaîne (comme le propose TF1). « Le chiffre d’affaires perçu est comptabilisé au réel en brut en fonction des appels reçus et les commissions facturées par les opérateurs téléphoniques sont enregistrées en charges, le groupe ayant la maîtrise de la programmation des créneaux “interactivité” », indique TF1 dans son dernier rapport annuel. De son côté, M6 ouvre la voie à des négociations avec les FAI pour développer des solutions de « publicités adressées », c’està- dire des publicités télévisées géolocalisées et plus ciblées. Quant aux chaînes thématiques, elles font l’objet d’une rémunération par les opérateurs du câble et du satellite qui les diffusent, calculée sur la base d’un prix par abonné ou sous la forme d’un forfait annuel facturé à un opérateur.

• Replay enrichi ou étendu. La télévision de rattrapage est probablement le service associé des chaînes le plus utilisé par les abonnés des « box ». Appelé aussi Catch up TV, le replay est apparu il y a plus de dix ans. Ce service audiovisuel permet de regarder un programme en différé, après sa diffusion à l’antenne (diffusion linéaire), soit parce que l’utilisateur l’a manqué, soit il veut tout simplement le revoir. Les chaînes ont obtenu il y a quelques années le droit de diffuser en replay des programmes audiovisuels, jusqu’à sept jours après leur diffusion à l’antenne et sans surcoût ni royalties. Au-delà de ces sept jours, les producteurs audiovisuels négocient des droits supplémentaires pour étendre le replay à trente jours par exemple, ou plus. C’est le « replay enrichi » que proposent les chaînes, à l’instar de « TF1 Premium », aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) pour leur « box ».

• Start-over. C’est le retour en arrière sans pour autant avoir enregistré le programme, lorsque par exemple le téléspectateur et/ou l’internaute a manqué le début de ce programme ou d’une émission en cours. C’est France Télévisions qui avait été le premier à lancer ce type de service en juillet 2012, avec « Salto » qui était alors une fonctionnalité développée par TDF pour la TV connectée. Relancer un programme en cours de diffusion linéaire, soit parce qu’on a manqué le début, soit pour revoir à nouveau le début. Sur la SFR box, par exemple, ce service s’appelle « Restart ». Chez Bouygues Telecom, il s’agit de l’offre « Lire du début » lancé en mai 2019. Canal+ a la fonction « Revoir ».

• Cast. Il s’agit de la possibilité de diffuser les programmes audiovisuels sur l’écran de TV à partir d’un smartphone ou d’une tablette. C’est par exemple prévu dans l’accord signé au printemps 2018 entre M6 et Free concernant la distribution – leurs services non linéaires et fonctionnalités associés – les chaînes M6, W9, 6ter, Paris Première, Téva et M6 Music. L’abonné peut ainsi « caster » ses chaînes préférées vers sa box afin de les visionner sur son téléviseur, comme il peut d’ailleurs le faire pour d’autres de ses contenus. La box fait office de mediacenter. Cette fonctionnalité est permise par le standard DLNA (de la Digital Living Network Alliance).

• 2e écran, ou multi-écrans. Cela consiste à rendre disponible les services – chaînes et services associés – sur des écrans mobiles, smartphones ou tablettes. Cette offre commence par le « second écran ». A noter que, d’après Médiamétrie, le nombre d’écrans par foyer en France est actuellement de 5,9 écrans. Chez Bouygues Telecom, par exemple, il y a l’option payant dite « Multi-TV » qui permet d’avoir un deuxième décodeur TV Bbox pour le brancher sur une seconde télévision. Mais l’on ne peut bénéficier que d’un seul décodeur TV supplémentaire par ligne. En tout cas, les chaînes veulent garder le contrôle de ce multi-tasking avec le « 2e écran » pour que la mesure d’audience de la chaîne ne soit perturbée.

4K. L’ultra-haute définition (UHD) est un atout supplémentaire à faire valoir de la part des chaînes aux FAI pour une bien meilleure qualité d’image. L’ultra-HD en mode 4K est, en théorie, du 4.000 pixels, soit 3.840 x 2.160. Le rendu des images atteint un niveau de détail quatre fois supérieur à celui de la « Full HD ». Les « box » supportant la 4K sont dotées de puissantes puces et sont compatibles avec la norme de compression HEVC (H.265) pour un codage des flux optimisé. La connectique HDMI est particulièrement adaptée à la 4K. Par exemple, Free a lancé sa Freebox mini 4K en 2015, puis en 2018 la Freebox Delta et la Freebox One compatibles 4K. Le nombre chaîne en 4K reste encore très limité. Bouygues Telecom en propose par exemple deux et uniquement avec la fibre : Festival 4K et Ultra Nature.

• nPVR. C’est le magnétoscope numérique personnel dit « nPVR » pour Network Personal Video Recorder. Pour les chaînes qui autorisent cette fonction d’enregistrement sur le disque dur de la box ou, de plus en plus, dans le cloud, il s’agit d’un service à valeur ajoutée à monétiser auprès des FAI. Cette fonction est par exemple proposée dans le cadre de l’accord entre M6 et Free. Par exemple, les « box » de SFR ne sont plus dotées de disques durs depuis le printemps dernier. Pour la filiale d’Altice, tout se passe dans le Cloud TV qui permet aux abonnés de regarder leurs enregistrements sur n’importe quel terminal connecté à Internet. Depuis le 1er août 2018, les services de magnétoscope numérique sont assujettis à la taxe « copie privée » payée par le consommateur.

• Avant-premières. L’idée est de donner aux abonnés du FAI des programmes de la chaîne en avant-première, avant leurs diffusions à l’antenne. L’accord entre M6 et Free le prévoit. Autre exemple : le service « TF1 Premium » propose des épisodes de fictions en avant-première. Le nouvel accord entre Altice (BFMTV, RMC Découverte et RMC Story) et Iliad (Free) comprend aussi la livraison de programmes en avant-première.

• Nouvelle chaîne. Il s’agit là de créer une sorte de « nouvelle chaîne », avec une période d’exclusivité éventuelle, reprenant les programmes de la chaîne en question avec un décalage d’une heure. Ce fut le cas pour SFR qui a bénéficié d’une exclusivité de distribution pendant six mois en 2018 de la nouvelle chaîne « TF1+1 ».

• Lecture automatique. La fonctionnalité de lecture automatique sur certains services replay de chaînes consiste, sur le même modèle que Netflix, à démarrer automatiquement – après quelques secondes de compte à rebours – la lecture de l’épisode suivant dans la série que l’utilisateur regarde. C’est un confort lorsqu’il regarde plusieurs épisodes à la suite, voire en cas de… binge-watching ! @

Charles de Laubier

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Ce que dit au juste le CSA sur les « services associés »
Dans sa décision du 31 juillet 2019 sur le différend opposant les sociétés BFM TV, RMC Découverte et Diversité TV (groupe NextRadioTV/Altice) à la société Free (groupe Iliad), le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a donné plusieurs indications à propos des « services associés » des chaînes de télévision. Le régulateur considère que « les chaînes et leurs services associés contribuent significativement à la qualité et la diversité des programmes », mais qu’un fournisseur d’accès à Internet (FAI) « dispose d’une totale liberté contractuelle quant à la reprise de services associés, et le CSA ne dispose d’aucun pouvoir pour la contraindre à acheter de tels services ». Reste à démontrer que la reprise de leurs services associés — à commencer par la télévision à la demande (VOD et replay) — créerait pour les chaînes de télévision « une véritable valeur ajoutée, justifiant la rémunération qu’elles sollicitent ».
Dans sa décision publiée au Journal Officiel du 2 août dernier (1), le CSA estime qu’« aucune disposition, notamment issue de la loi du 30 septembre 1986, n’oblige [un FAI] à mettre à la disposition du public, par un réseau n’utilisant pas des fréquences assignées par [le régulateur], les services linéaires et les services associés des [chaînes de télévision] ». A l’issue de sa délibération et après différentes considérations au sujet du différend « NextRadioTV/Free », le CSA conclut : « Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de procéder aux mesures d’instruction demandées, que les sociétés BFM TV, RMC Découverte et Diversité TV ne sont pas fondées à demander au [régulateur] qu’il enjoigne à la société Free d’accepter leur offre commerciale et de conclure de bonne foi le contrat qui lui a été proposé ou de leur adresser une offre de contrat pour la distribution des chaînes et de leurs services associés ». Dont acte. @

Données personnelles, RGPD et fichiers pénaux : l’ensemble de loi de 1978 est à réécrire

Quarante ans après sa version initiale, la loi « Informatique et Libertés » de 1978 va subir un lifting historique pour transposer le « Paquet européen » sur la protection des données qui entre en vigueur le 25 mai 2018. Mais il y a un risque d’insécurité juridique et un manque de lisibilité.

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

Le projet de loi sur la protection des données personnelles (1) vise à permettre l’application du « paquet européen de protection des données » composé, d’une part, du règlement européen pour la protection des données (RGPD) et d’autre part, de la directive applicable aux fichiers de la sphère pénale, tous deux applicables à compter de mai 2018. En faisant l’analyse du projet de loi, on relève des différences significatives de terminologie entre les deux textes.

Pouvoirs de la Cnil et marges des Etats
Ces différences se retrouvent dans plusieurs articles de la loi
« Informatique et Libertés » du 6 janvier 1978 pourraient donner lieu à des interprétations et des difficultés de compréhension de certaines notions, qui seront sources d’insécurité juridique. A cela s’ajoutent les critiques de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et du Conseil d’Etat qui pointent le « manque de lisibilité » du texte (voir encadré page suivante). Le titre Ier du projet de loi, qui traite des dispositions communes au RGPD et à la directive européenne « Fichiers pénaux », définit les missions, les pouvoirs et les modalités de contrôle de la Cnil. On peut ainsi relever que l’Autorité de contrôle pourra « présenter des observations devant toute juridiction à l’occasion d’un litige relatif à l’application du règlement et de la loi du 6 janvier 1978 ».
Cette disposition interroge dans la mesure où seul le juge est le garant de l’interprétation du droit applicable aux données à caractère personnel.
La Cnil ne peut se voir ouvrir ce droit. Par ailleurs, à quel titre la Cnil interviendrait-elle dans le cadre d’une procédure civile ou d’une procédure pénale ? Les débats parlementaires auraient dû apporter des réponses sur ce point. Le projet de loi ouvre également la possibilité pour la Cnil de prononcer des sanctions dans un ordre de gradation plus pédagogique et mieux compréhensible par les responsables de traitement des données. Elle pourra, en outre, labelliser les objets connectés. Enfin, le titre Ier du projet de loi reprend le principe de l’interdiction de traitement de données dites
« sensibles » sauf en cas de traitement nécessaires à la recherche publique après autorisation de la Cnil et élargit le champ de ces données : interdiction de traiter des données génétiques, biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique, données concernant l’orientation sexuelle d’une personne.
S’agissant du titre II du projet de loi « RGPD », on relève que, en cas de divergences de législations entre Etats membres de l’Union européenne (UE) liées aux marges de manœuvre laissées à ces derniers sur plusieurs points, la loi nationale s’applique dès lors que la personne réside en France, y compris lorsque le responsable de traitement n’est pas établi en France. Faisant application de ces marges de manœuvres, le projet de loi limite la portée des obligations et des droits des personnes concernées (droit à l’information droit d’accès, droit de rectification, droit à l’effacement, droit à la portabilité, droit d’opposition, etc.), lorsqu’une telle limitation respecte l’essence des libertés et droits fondamentaux et qu’elle constitue une mesure nécessaire et proportionnée dans une société démocratique pour garantir certains objectifs (sécurité nationale, défense nationale, sécurité publique, prévention et la détection d’infractions pénales, protection de l’indépendance de la justice et des procédures judiciaires, objectifs importants d’intérêt public général de l’UE ou d’un Etat membre,…). Le projet de loi prévoit également, afin de renforcer l’obligation de sécurité, que les responsables de traitement seront tenus par une obligation de chiffrement de bout en bout où seules les personnes autorisées à accéder aux données auront la clef de déchiffrement.

Traitements « pénaux » : conditions strictes
Et ce, alors que par ailleurs le Conseil constitutionnel a rendu le 30 mars 2018 une décision où les Sages jugent conforme à la Constitution française l’article 434-15-2 du code pénal qui punit de trois ans de prison et de 270.000 euros d’amende « le fait, pour quiconque ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie susceptible d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, de refuser de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ». En sus, le projet de loi renforce la protection des données de santé afin qu’elles ne puissent être utilisées pour fixer les prix des assurances ou à des fins de choix thérapeutiques et médicaux et la sélection des risques.
Quant au titre III du projet de loi « RGPD », il concerne plus spécifiquement les dispositions portant transposition de la directive « Fichiers pénaux ». On retiendra dans ce cadre que l’ensemble des règles applicables aux traitements de données à caractère personnel en matière pénale – prévues par cette directive européenne – sont regroupées aux articles 70-1 à 70-27 (nouveaux) de la loi « Informatique et Libertés » du 6 janvier 1978. Le projet de loi français prévoit que le traitement des données sensibles à des fins pénales n’est possible que s’il répond à des conditions strictement définies : la nécessité absolue d’un traitement de données, l’existence de garanties appropriées pour les droits et libertés de la personne concernée, l’autorisation du traitement par un acte législatif ou réglementaire, la protection des intérêts vitaux d’une personne physique. De plus, le traitement des données sensibles à des fins pénales doit porter sur des données manifestement rendues publiques par la personne concernée (2).

Exactitude des données et profilage interdit
En outre, le projet de loi « RGPD » prévoit que les données à caractère personnel figurant dans les traitements en matière pénale mis en oeuvre par les autorités compétentes devront, « dans la mesure du possible », distinguer celles qui sont fondées sur des faits de celles qui reposent sur des appréciations personnelles – principe de l’exactitude des données (3). Les interdictions relatives aux décisions individuelles automatisées (4) sont applicables aux traitements de données personnelles en matière pénale – interdiction du profilage, par exemple (5). Il convient également de relever que le gouvernement a retenu des restrictions aux droits des personnes dans le cadre de ces traitements particuliers. Ces restrictions s’appliquent notamment pour éviter de gêner les enquêtes ou procédures judiciaires ou nuire à la prévention ou à la détection d’infractions pénales et à l’exécution de sanctions pénales ; protéger la sécurité publique ou la sécurité nationale ; ou encore garantir les droits et libertés d’autrui (6). Ces restrictions pourront consister à retarder ou limiter la fourniture des informations supplémentaires susceptibles d’être transmises à la personne concernée ou de ne pas les fournir, à limiter en totalité ou en partie le droit d’accès (le responsable du traitement devra consigner les motifs de fait ou de droit fondant da décision et les mettre à disposition de la Cnil) ou à ne pas informer la personne concernée de son refus de rectifier ou d’effacer les données la concernant ou le limiter le traitement. La personne concernée par ces traitements devrait toujours avoir la possibilité d’exercer ses droits par l’intermédiaire de la Cnil. C’est à cette dernière qu’il reviendra d’informer la personne concernée de son droit d’exercer un recours (7).
On notera que l’article 20 du projet de loi est une demande d’habilitation du gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance, afin de procéder à une réécriture de l’ensemble de la loi du 6 janvier 1978, en vue notamment de mettre en cohérence l’ensemble de la législation applicable à la protection des données à caractère personnel. Cette ordonnance devra être adoptée dans un délai de six mois suivant la promulgation de la loi relative à la protection des données personnelles. Ce texte arrive péniblement et non sans mal en fin de processus législatif, le Sénat et l’Assemblée nationale n’étant pas parvenus à un accord – la commission mixte paritaire a échoué à trouver un consensus (8). Les sénateurs ont maintenu leur projet de loi qu’ils ont voté le 19 avril dernier à l’unanimité. Mais les députés auront le dernier mot le 14 mai prochain. @

Ancien bâtonnier du Barreau de Paris, et auteure de « Cyberdroit »,
dont la 7e édition (2018-2019) est parue aux éditions Dalloz.

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Ce qu’en disent la Cnil et le Conseil d’Etat : « Manque de lisibilité »
Si le texte constitue « un progrès majeur pour la protection des données personnelles des citoyens et la sécurité juridique des acteurs économiques », il soulève plusieurs critiques de la part de la Commission national de l’informatique et des libertés (Cnil), qui, dans son avis du 30 novembre 2017 (9), regrette que certaines « propositions n’aient pas été retenues, tendant notamment à l’ajout de garanties supplémentaires lors de l’utilisation de traitements algorithmiques débouchant sur l’adoption de décisions administratives » ou encore « à l’adaptation de ses procédures pour lui permettre de faire face à l’augmentation d’activité liée au nouveau cadre européen ».
Plus généralement, l’Autorité de contrôle déplore « le risque important de manque de lisibilité » des nouvelles dispositions du fait, notamment, du choix du projet de loi, consistant à n’opérer que les modifications « a minima » nécessaires à la mise en oeuvre du règlement et de la directive européens, et à renvoyer la réécriture d’ensemble de la loi du 6 janvier 1978 à une ordonnance ultérieure. La Cnil appelle dès lors à l’adoption la plus rapide possible de cette ordonnance. Quant au Conseil d’Etat, dans son avis du 7 décembre 2017 (10), i l n’apporte pas de nouveaux éléments par rapport à l’avis de la Cnil. La Haute juridiction souligne cependant que les choix légistiques aboutissent à « un résultat très insatisfaisant en termes de lisibilité du droit positif ». @