Nintendo fait son entrée le 1er octobre dans l’indice Nikkei de la Bourse de Tokyo, grâce à la Switch

La firme de Kyoto – renommée mondialement grâce à Mario, Pokémon ou Animal Crossing, mais aussi à sa console de jeux vidéo Switch (95 % de ses revenus) – trouve la consécration en intégrant l’indice boursier Nikkei. Shuntaro Furukawa est à la manette de « Big N » depuis plus de trois ans et lance le 8 octobre la Switch Oled.

Le 1er octobre 2021 marque pour Nintendo – dont les origines remontent à 1889 mais qui porte son nom actuel depuis 70 ans – une consécration : la firme cotée à la Bourse de Tokyo et géant mondial des jeux vidéo fait son entrée dans l’indice Nikkei (1), lequel calcule les performances boursières de 225 grandes entreprises japonaises tous secteurs confondus. Avec sa notoriété universelle et une capitalisation boursière de plus de 50 milliards d’euros (6,4 milliards de yens au 1er octobre), « Big N » ne pouvait pas ne pas devenir l’une des icônes emblématiques du célèbre indice (2).
C’est chose faite, bien que la « maison mère » de Mario ou de Pokémon n’ait pas attenu cette distinction du Nihon Keizai Shinbun (nom du quotidien économique nippon qui publie le Nikkei) pour assurer son rayonnement mondial. Nintendo a fait ses premiers pas en Bourse en 1962 à Osaka et à Kyoto (ville où se situe son siège social depuis le début), avant d’être coté à Tokyo à partir de 1983. A ce jour, la firme de Kyoto a vendu partout dans le monde plus de 5,1 milliards de jeux vidéo et quelque 800 millions d’appareils – dont les fameuses consoles portables Switch. Que de chemin parcouru entre la petite entreprise de cartes à jouer fondée par Fusajiro Yamauchi et la multinationale de jeux vidéo présidée depuis plus trois ans par Shuntaro Furukawa (photo). L’action évolue à des niveaux proches de son plus haut historique.

A plus de 5 ans, la Switch en fin de vie ?
Entré au milieu des années 1990 dans cette fascinante kabushiki gaisha (comprenez société par actions japonaise), Shuntaro Furukawa est passé par la case « Switch » avant de succéder à Tatsumi Kimishima en juin 2018 à la présidence. Le quadragénaire – il aura 50 ans le 10 janvier prochain – est pas peu fier de sa poule aux œufs d’or. « En mars de cette année, la Switch est entrée dans sa cinquième année depuis son lancement [succédant à la Wii U, ndlr]. Cependant, contrairement à la cinquième année des cycles de vie de nos systèmes de jeu précédents, celle-ci a (encore) actuellement une très forte dynamique. En tenant compte de ces deux points, nous avons établi nos prévisions de ventes de matériel à 25,5 millions d’unités pour le présent exercice [avril 2021- mars 2022, contre 28,8 millions un an auparavant, ndlr] », a-t-il pronostiqué en mai dernier lors d’une présentation des résultats financiers du groupe (dont l’année fiscale se termine le 31 mars).

8 octobre : Switch Oled, mais pas 4K
Les sorties des jeux « Animal Crossing: New Horizons » (mars 2020) puis un an après de « Monster Hunter Rise » (mars 2021), auxquelles avait précédé celle de « Ring Fit Adventure » (octobre 2019), ont contribué à maintenir l’attrait d’un public fan. D’autres nouveaux titres à venir tenteront de prolonger cette dynamique sans précédent. Il faut dire que les périodes de confinement et de couvre-feux depuis le début de la pandémie du covid-19 ont largement profité aux jeux vidéo. Malgré la baisse inéluctable des ventes de sa console qui est arrivée en fin de cycle (- 22 % rien que sur le trimestre avril-juin 2021), Big N a vendu plus de 84,5 millions d’exemplaires de la Switch depuis sa sortie mondiale en mars 2017, dont 21,5 millions en Europe – second marché pour Big N après « les Amériques » (3). Le japonais a même vendu plus de consoles en 2020 que son compatriote Sony avec sa PlayStation et son rival américain Microsoft avec sa Xbox. La barre des 100 millions de Switch pourrait être franchie avec l’aide du nouveau modèle tant attendu, disponible à partir du 8 octobre : cette sortie mondiale de la Switch Oled – à l’écran plus grand et au meilleur rendu des couleurs grâce justement à la technologie Oled, d’origine française (4) – est un cap décisif pour la firme de Kyoto, dont 95 % de son chiffre d’affaires dépendent de l’écosystème de sa console.
La rentabilité de Nintendo, qui emploie au total plus de 6.500 personnes, en dépend aussi, sans doute trop : lors de la dernière année fiscale (achevée le 31 mars dernier), le groupe de « Super Mario » a dégagé un bénéfice net record supérieur à 480,3 milliards de yens (soit 3,7 milliards d’euros) : un bond de 86 % sur un an. Mais pour l’année 2021-2022 en cours, il s’attend à un sérieux recul de près de 30 % de ce résultat net, à 340 milliards de yens (2,6 milliards d’euros). La fin de cycle conjuguée à la pénurie mondiale de puces – ces semi-conducteurs indispensables à la production de la plupart des produits high-tech – aura un impact certains, tout comme la concurrence des jeux mobiles sur smartphone au détriment des consoles. En termes de chiffre d’affaires, en hausse cette fois de près de 35 % lors du même exercice, il s’établit à 1.758,9milliards de yens (13,4milliards d’euros), dont la quasi-totalité (les 95 % des ventes cités plus haut représentant 1.666 milliards de yens) sont issus de la plateforme Switch et de ses jeux vidéo dédiés (en croissance sur un an de 36,7 %). Le reste des revenus provient essentiellement des recettes sur mobile et des redevances de propriété intellectuelle (licences Pokémon en tête), ainsi que des cartes à jouer (l’activité historique devenue embryonnaire). Ces résultats se sont avérés bien au-dessus des prévisions avancées par Shuntaro Furukawa lui-même. La Switch résiste mieux à la mobilité que chez ses adversaires car sa console est hybride, utilisable dans un salon ou une chambre sur un écran TV à l’aide d’un dock, mais aussi comme appareil portable en dehors de la maison ou dans les transports en commun. Les exclusivités de ses blockbusters, tels que Mario, Pokémon ou encore Zelda, rendent la gamme au logo rouge incontournable.
Avec sa Switch Oled enfin disponible, après des mois de spéculations autour d’une « Switch Pro », Nintendo fait un pas vers l’ère de la neuvième génération où l’on a déjà vu en novembre 2020 Sony lancer sa Playstation 5 et Microsoft sa Xbox Series X. Alors que la place dominante de Big N est de plus en plus contestée par ses rivaux, sa nouvelle console à l’écran plus grand (7 pouces, presque 18 cm), au prix conseillé de 350 dollars ou euros (au lieu de 299 pour la première Switch en 2017), veut jouer les gros bras avec un doublement de sa capacité mémoire – à 64 Go – par rapport à la génération précédente. Mais de nombreux fans regrettent, outre la non-augmentation de la puissance de calcul, que Big N ait adopté l’Oled mais pas la 4K – l’utrahaute définition – comme l’ont fait Sony et Microsoft. La firme de Kyoto a même démenti, par un tweet du 30 septembre (5), les affirmations de Bloomberg sur des développements 4K. Shuntaro Furukawa a-t-il préféré attendre que les orages (pandémie et pénurie de puces) passent, quitte à prendre le risque que les ventes de l’« Oled » soient décevantes ? Ce nouveau modèle semble une transition, tant les ventes de ces derniers mois s’essoufflent, en particulier pour le modèle portable, la Switch Lite, lancée en septembre 2019 et à un prix pourtant plus abordable (199 euros). Les rumeurs d’une « Switch Pro » enfin 4K, grâce à la technologie DLSS (6) de Nvidia (dont la Switch Oled continue d’utiliser la puce Tegra), peuvent continuer de courir.

La Switch va battre la Wii, pas la DS
Certains fans espèrent quand même le modèle 4K en 2022, année probable de la suite du blockbuster « Zelda Breath of the Wild » (BotW) que son producteur, Hidemaro Fujibayashi, a en effet annoncée – lors de la grand-messe du jeu vidéo E3 2021 – pour l’an prochain. Une chose est sûre : tous modèles confondus et depuis son lancement, la Switch est en passe de battre les ventes de la Wii (101,6 millions vendues depuis 2007). Mais les statistiques fournies par Big N montrent que la DS (depuis 2005) et la Game Boy (depuis 1998) resteront encore longtemps les consoles les plus vendues de l’histoire de Nintendo, avec respectivement 154 millions et 118,6 millions d’unités écoulées. @

Charles de Laubier

Fort du succès mondial de « League of Legends » depuis plus de dix ans, Riot Games met les bouchées doubles

C’est la consécration pour le Français Nicolas Laurent, alias Nicolo : recruté il y a dix ans par l’un des deux cofondateurs de Riot Games, Brandon Beck, il dirige ce grand éditeur américain de jeux vidéo en ligne depuis deux ans et demi. Jusqu’alors monoproduit avec « LoL », Riot Games se diversifie et fait l’acquisition de Hypixel Studios.

Après avoir fait durant dix ans de « League of Legends » (LoL) son unique jeu vidéo à succès, d’ »arène de bataille en ligne multijoueur » (1), sur ordinateur, l’éditeur américain Riot Games honore enfin le « s » de son nom. Le 30 avril, il a lancé « Legends of Runeterra » (LoR), un jeu en ligne de « cartes à collectionner » (2), qui était en version bêta ouverte (3), depuis fin janvier sous Windows seulement. Cinq autres jeux vidéo en ligne – respectivement de tir (« Valorant »), de stratégie d’équipes (« Teamfight Tactics »), de combat (« Projet L »), de bataille pour mobile et consoles («Wild Rift »), de gestion e-sport (« TBA ») – sortiront au cours de cette année 2020 sur ordinateurs, smartphones et consoles. Chacun d’eux est développé, à l’instar de « LoL », pour durer plus d’une décennie en tant que blockbuster online. De plus, la firme de Los Angeles que dirige depuis plus de deux ans et demi le Français Nicolas Laurent, alias Nicolo (photo), s’est lancée dans le développement d’une série d’animation baptisée « Arcane » et attendue d’ici la fin de l’année. « Riot construit également le monde de Runeterra [celui rendu célèbre par LoL, ndlr] à travers des projets multimédias sur la musique, des bandes dessinées, des jeux de société et la prochaine série animée Arcane », promet l’éditeur américain, filiale du chinois Tencent depuis 2011.

« LoL » a généré 1,5 milliard de dollars en 2019
Selon le cabinet d’études SuperData (groupe Nielsen), « League of Legends » a rapporté l’an dernier à Riot Games pas moins de 1,5 milliard de dollars – soit une hausse supérieure à 6 % sur un an. Ce qui place encore « LoL » – dix ans après son lancement – en quatrième position du marché mondial du free-to-play (à options payantes), derrières le trio de tête : « Fortnite » d’Epic Games (1,8 milliard), « Dungeon Fighter Online » de Nexon (1,6 milliard), « Honour of Kings » de Tencent (1.6 milliard). « Alors que “Fortnite” a moins de joueurs que “League of Legends”, les joueurs de “Fortnite”sur PC sont plus de deux fois plus susceptibles de dépenser de l’argent sur le contenu ingame [achats à l’intérieur du jeu, ndlr] que le public de “League of Legends” », relève SuperData qui chiffre à 87,1 milliards de dollars le total des revenus mondiaux du free-to-play l’an dernier (4), en hausse de 6%. Avec sa puissante maison mère chinoise Tencent (le « T » de BATX détenant aussi 40 % de Epic Games à l’origine de « Fortnite », 84 % du finlandais Supercell, 5 % d’Activision Blizzard ou encore 5 % du français Ubisoft), « Riot » est désormais décidé à chasser… en meute à partir de 2020 sur le marché mondial des jeux vidéo on line en plein boom.

« LoR », « Valorant » et rachat de « Hytale »
Avec son jeu de carte en ligne « LoR », annoncé le 15 octobre 2019 à l’occasion de l’événement du dixième anniversaire de « League of Legends », Riot Games compte séduire les quelque 100 millions de joueurs de « LoL » et rivaliser ainsi avec le pionnier dans cette catégorie, « Hearthstone » d’Activision Blizzard. Plus que jamais au centre de l’arène des géants du gaming, l’éditeur cofondé en 2006 par Brandon Beck (alias Ryze) et Marc Merrill (alias Tryndamere), actuels coprésidents, se sent pousser des ailes. Avec « Valorant », son jeu de tir « à la première personne » (5) dont la version bêta fermée fait depuis le 7 avril un véritable carton sur Twitch (la plateforme de jeux en ligne d’Amazon), Riot Games lance ainsi un autre défi à Activision Blizzard (« Overwatch »), mais aussi à Valve (« Counter Strike »). Avant son lancement prévu l’été prochain pour ordinateurs et consoles, « Valorant » s’annonce comme le prochain blockbuster de Riot Games, tant a été élevée l’audience des chaînes permettant de suivre en live streaming les quelques happy few gamers ayant eu la chance d’obtenir les clés d’accès à la version pré-commerciale – avec un pic de plus de 1,7 million de spectateurs simultanés (6).
Riot Games vient en outre d’ajouter une corde à son arc en annonçant, le 16 avril dernier, l’acquisition de l’éditeur de jeux vidéo Hypixel Studios – un partenaire que l’éditeur de « LoL » conseille depuis près de deux ans. Mais le montant de l’opération n’a pas été dévoilé : 750 millions de dollars, comme l’avait évoqué le poisson d’avril (7) de l’an dernier ? D’origine canadienne et s’implantant aussi en Irlande du Nord à Londonderry (Derry), la société Hypixel Studios est en train de développer « Hytale », un jeu de construction par cubes de type « bac à sable » (8) concurrent de « Minecraft » du studio suédois Mojang – lequel fut racheté en 2014 par Microsoft pour 2,5 milliards de dollars. Les créateurs de « Hytale » (9) se sont inspirés de ce dernier après avoir créé il y a sept ans Hypixel, devenu l’un des plus populaires serveurs de « Minecraft » justement. Le lancement de « Hytale » auprès du grand public est prévu pour 2021, mais la version bêta a déjà enregistré plus de 2,5 millions d’inscriptions et plus de 56 millions de vues pour son trailer sur YouTube (10). Riot Games, qui compte aujourd’hui plus de 2.500 employés surnommés « Rioters » dans plus de vingt bureaux à travers le monde, renforce sa dimension internationale, tout en devenant ainsi éditeur multi-jeux. Nicolas Laurent, CEO de Riot Games, est en fait l’artisan historique du succès planétaire de « League of Legends ». Il a commencé sa carrière professionnelle en 2003 dans une filiale d’Orange, GOA (lancée par France Télécom), qui éditait un portail Internet francophone du même nom dédié aux jeux en réseau, free-to-play et multijoueurs, avant de disparaître il y a dix ans. C’est là qu’il a fait ses premières armes commerciales durant six ans. Nicolo confira plus tard qu’il consacra beaucoup de temps à jouer à « La Quatrième Prophétie » ou T4C (11), un jeu de rôle en ligne massivement multijoueur (dit Mmorpg) – médiéval-fantastique – développé il y a vingt ans par la société canadienne Vircom Interactive (également disparue). Orange/GOA en avait la licence d’exploitation pour la France jusqu’en 2002. Grâce à GOA, et après deux ans et demi à Paris, il a commencé à évoluer à l’international : six mois à Séoul (Corée du Sud) et trois ans à Dublin (Irlande).
Après GOA, Nicolas Laurent devient partenaire marketing et commercial de Riot Games en novembre 2009, tout juste un mois après la sortie de la phase bêta de « League of Legends ». Au bout de deux ans au service de « LoL », c’est Brandon Beck qui a proposé en 2011 à Nicolo d’intégrer Riot Games pour l’aider à diffuser LoL aux gamers du monde entier. Durant sept ans, le « Frenchie » assurera le développement international de l’éditeur de légende en s’installant d’abord à Los Angeles (où se situe son siège social) puis à Hong Kong (où il a installé le premier studio de développement international de Riot Games). « En dehors de nos fantastiques associés dans le Sud-Est asiatique et Taïwan (avec Garena) ainsi qu’en Chine (Tencent), j’avais réalisé que la meilleure façon d’offrir une réelle expérience de Riot Games était d’éditer “League of Legends” directement sur la plupart des marchés. Aussi, j’y suis allé sur un mode de frénésie internationale et j’ai commencé d’installer la présence de l’entreprise partout dans le monde ! Nous y sommes allés avec serveurs dédiés, marketing, e-sports, localisation, communauté, sites web, bureaux, équipes dédiées, etc. », raconte Nicolas Laurent sur son compte LinkedIn. Edition Multimedi@ n’a pas réussi à entrer en contact avec lui.

Nicolo, le « Frenchie » business-gamer
Tombé quand il était petit dans les jeux vidéo des années 1980, sur consoles Nintendo ou Sega puis sur ordinateurs, Nicolo n’a cependant jamais voulu être un artiste, ni même un créateur de jeux vidéo et encore moins un programmeur informatique. Son dada à lui, ce fut le business depuis sa formation à l’Essec mais en se faisant plaisir. C’est réussi. @

Charles de Laubier